Les évêques de France résistent au Vatican sur la messe en latin |
6 novembre 2006 - Henri Tincq - Le Monde - lemonde.fr |
Les évêques de France résistent au Vatican sur la messe en latin Une mini-crise a éclaté entre l'épiscopat français et le Vatican à propos de la réintégration de prêtres schismatiques et d'un projet prêté à Benoît XVI de "libéraliser" la messe en latin pour apaiser les catholiques traditionalistes. Réunis en assemblée à Lourdes (Hautes-Pyrénées) jusqu'au 9 novembre, les évêques ont exprimé leur crainte que, par ces concessions à l'aile intégriste de l'Eglise, le Vatican ne revienne sur les acquis du concile Vatican II (1962-1965). Dès l'ouverture des débats, samedi 4 novembre, le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux et président de la Conférence des évêques de France - qui a rendu visite au pape le 26 octobre -, a affirmé que la décision de Benoît XVI d'étendre le droit pour les prêtres de célébrer la messe en latin n'a pas encore été arrêtée : "Le motu proprio (décision personnelle, sans consultation) du pape, qui a été annoncé, n'a pas été signé. Son projet va faire l'objet de consultations diverses. Nous pouvons donc faire part, dès maintenant, de nos craintes et de nos souhaits." Pour Mgr Ricard, il n'y aura donc pas de libéralisation immédiate, ni arbitraire, de l'ancien rite de la messe en latin. A l'entendre, le projet du pape ne s'inscrit pas dans une volonté de remettre en cause la réforme liturgique du concile Vatican II (1962-1965) qui avait introduit la messe "moderne" (en langue locale) et qui, en France, avait été un champ de bataille entre traditionalistes et modernistes. ÉMOTION DU CLERGÉ FRANÇAIS "Les livres liturgiques, rédigés et promulgués à la suite du concile Vatican II, sont la forme ordinaire du rite romain", souligne Mgr Ricard. Le scénario envisagé au Vatican consiste à faire de la messe en latin - aujourd'hui soumise à l'autorisation de l'évêque diocésain - un rite "extraordinaire", de plein droit et universel. D'où l'émotion du clergé français : le droit élargi à la messe en latin va devenir une source de confusion pour les fidèles et de pression pour les intégristes. Le pape cherche une solution au schisme ouvert par la consécration illégale, en 1988 à Ecône (Suisse), de quatre évêques par Mgr Lefebvre, évêque rebelle du concile, excommuniés depuis. "Le pape sait que plus les années passent, plus les relations se distendent et les positions se durcissent, explique Mgr Ricard. Benoît XVI souhaite faire son possible pour que la main soit tendue et qu'un accueil soit manifesté, au moins à ceux qui sont de bonne volonté et qui manifestent un profond désir de communion." L'inquiétude des évêques français a été aggravée par la création, à Bordeaux, d'un Institut autonome, accueillant une dizaine de prêtres intégristes. Cette fondation a été approuvée par le pape, sans consultation de l'épiscopat français qui, depuis longtemps, est victime de campagnes agressives menées par ces prêtres, notamment l'abbé Laguérie, ancien curé de Saint-Nicolas du Chardonnet, à Paris. Sur ce point aussi, Mgr Ricard, à Lourdes, s'est fait rassurant. "Non, l'Eglise ne change pas de cap. Contrairement aux intentions que certains lui prêtent, le pape n'entend pas revenir sur le cap que le concile Vatican II a donné à l'Eglise", a-t-il dit, avant de rappeler que Benoît XVI s'était engagé, dès son élection, à faire de Vatican II la "boussole" du catholicisme. Henri Tincq |