La « réforme de la réforme » a-t-elle commencé ? |
Abbé Claude Barthe - (2006-11-23) - leforumcatholique.org |
La décision du cardinal Arinze, préfet de la Congrégation pour le Culte divin, dont les médias ont rendu compte la semaine dernière, a une portée considérable. Le cardinal, dans une lettre du 17 octobre, demande aux présidents des conférences épiscopales concernées de rectifier une traduction défectueuse dans... les paroles de consécration de la messe. Alors que le texte latin, parfaitement semblable en cela au missel traditionnel, dit que le Sang consacré est celui répandu pro vobis et pro multis, il faudra désormais cesser de traduire pro multis : « pour tous », comme le font les anglophones, les germanophones, les hispaniques, les Italiens, mais traduire au contraire : « pour beaucoup ». La traduction officielle française, pour le coup, plus correcte (ou moins incorrecte), « pour la multitude », n’est pas concernée. Mais pas de cocorico sur le mode « chez nous il n’y a plus d’abus » ! L’Église de France aura bientôt à rectifier nombre d’énormités (la scandaleuse traduction de l’orate fratres, notamment). Comme l’explique le cardinal, le « pour tous » des traductions donnait, en effet, l'impression que tous les hommes sont sauvés, indépendamment de leur rapport avec le Christ et avec les sacrements de son Église. La traduction « pour beaucoup », désormais exigée, exprime au contraire plus exactement que le sacrifice du Christ renouvelé par le sacrifice de la messe rend le salut disponible à tous, sans qu’il s’ensuive que tous les hommes soient automatiquement sauvés. Bref, l'enfer existe (hélas !) toujours. Cette décision a été prise en définitive par le pape après deux ans de discussions parfois très tendues en raison de l’enjeu psychologique considérable qu’elle représente, spécialement aux États-Unis : le texte latin du missel de Paul VI n’est certes nullement incriminé, mais il va apparaître aux fidèles qu’on retouche la réforme liturgique, et cela dans le texte même de la consécration. Les consultations menées par les dicastères concernés ont été nombreuses – et parfois très habiles, en direction des traditionalistes – de sorte que le terrain a été dûment préparé. Tout cela montre surtout que la libéralisation annoncée de la messe tridentine fait partie d’un projet beaucoup plus vaste qui, s’il arrivait à prendre forme, viserait à remodeler le nouveau missel. |