Et «Notre-Dame de Bourguillon» vous
connaissez? Nous l’avons tous un peu oubliée peut-être, alors que c’est
elle qui a béni les tout premiers pas de la Fraternité.
Commençons par un peu d’histoire. Nous sommes en Suisse et
peu après la fondation de la ville de Fribourg en 1157, les bourgeois érigèrent
sur la colline une maison pour y accueillir les lépreux que l'on ne pouvait guérir
à l'époque. En 1438, un pèlerinage organisé par les autorités demandait la
guérison du duc Frédéric IV d'Autriche. L'illustre lépreux fut guéri. Depuis
lors, la madone située dans la chapelle de l'hôpital attira irrésistiblement
les pèlerins. Mais le miracle le plus important fut sans doute la conservation
et la consolidation de la foi catholique dans le canton de Fribourg. Dès la
Réforme et sous l’impulsion de saint Pierre Canisius, on fit et refit le voyage
pour demander à Marie la conservation de la foi. Le gouvernement lui-même
ordonna que tous les hommes de Fribourg fassent ensemble un pèlerinage pour
demander la fidélité à la foi catholique. Par un regain de ferveur mariale, la
chapelle fut dédiée en 1655 à Notre-Dame du Scapulaire ; elle devint siège
d’une des nombreuses confréries de Notre-Dame du Mont Carmel, le 18 juillet
1655. La chapelle a été dédiée constamment à la Mère de Dieu sous des vocables
qui se sont additionnés au cours des siècles : Marie, gardienne de la Foi, dés
1523 ; Notre-Dame du Scapulaire du Mont Carmel, en 1655. Notre-Dame de Bourguillon
a été couronnée par Mgr Besson, évêque du diocèse le 7 octobre 1923.
Quel rapport avec la Fraternité, me diront ceux qui ont
oublié que la Fraternité est née à Fribourg, avant de venir s’installer à
Ecône ?
En effet, en 1969, Mgr Lefebvre avait été accueilli les bras
ouverts à l'évêché de Fribourg par son ami Mgr Charrière : « Monseigneur,
faites votre séminaire dans mon diocèse, pas de problème, faites venir vos
séminaristes, choisissez une maison. ».
Et les premiers séminaristes arrivent à Fribourg le 13
octobre 1969. Ils s’installent dans deux appartements loués route de Marly. Ils
sont neuf, parmi lesquels deux seulement persévéreront: Paul Aulagnier et
Bernard Tissier de Mallerais. Lisons quelques-uns de leurs souvenirs : « Et
aussitôt première visite, première sortie de dimanche, Notre-Dame de
Bourguillon, le pèlerinage marial fribourgeois à Notre-Dame de Bourguillon
gardienne de la Foi, où c'est comme une consécration de notre séminaire à la
sainte Vierge, gardienne de la Foi, celle qui avait protégé Fribourg des
Bernois et des protestants, qui avait sauvé l'Eglise catholique à Fribourg.
Alors là, nous allons nous donner à la sainte Vierge, pour garder la Foi.
Lundi 20 octobre: messe à la chapelle Notre-Dame de
Bourguillon.
Samedi 21 février 1970 : C’est la cérémonie
d’ordination, la première en date pour le séminaire Saint-Pie X, qui a lieu
dans le sanctuaire marial de Bourguillon, sous la protection de «Marie,
gardienne de la foi». Monseigneur donne la tonsure à Paul Aulagnier et
confère le sous-diaconat à Pierre Picque.
Dimanche 8 novembre : [Dès la réception du décret
d’érection de la Fraternité des Apôtres de Jésus et de Marie, ou selon son
titre public, Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, reçu le 7 novembre 1970] nous
décidons unanimement d’aller à Bourguillon remercier la Très Saint Vierge
«Gardienne de la foi» en son sanctuaire Fribourgeois.»
Depuis, les séminaristes aiment aller en pèlerinage à
Bourguillon, remercier et implorer «Marie gardienne de la foi» afin
qu’elle veille sur cette œuvre née sous son regard et qui est un peu la sienne.
Nos statuts sont clairs sur ce point : [la Fraternité] « est aussi
sous l'égide de Marie, Mère du Prêtre par excellence et par Lui Mère de tous
les prêtres en qui Elle forme son Fils. »
Il serait superflu d’insister encore sur l’âme très mariale
de Mgr Lefebvre. Sans parler de sa déclaration datée du 21 janvier, c’est le 2
février qu’il a choisi pour la réception de la soutane, le 8 décembre pour les
engagements dans la Fraternité… sans omettre ce 25 mars qui vit son âme
s’endormir dans le cœur de l’Immaculée. Nous nous souvenons aussi de sa douce
habitude de ne jamais prêcher sans évoquer la Vierge Marie. Ceux qui l’ont
connu au séminaire se souviennent de ses conférences spirituelles sur le Père
de Montfort et sur l’amour de la Sagesse éternelle. Ils gardent aussi en
mémoire l’image de Monseigneur agenouillé au pied de la Vierge le soir après le
chant des complies, pour confier la nuit du séminaire à sa protection. J’entends
encore ce cliquetis que faisait le chapelet spiritain de son frère René qu’il
avait repris en main dans ses derniers mois pour prier le chapelet avec la
communauté du séminaire. Et je ne peux oublier le si beau sermon qu’il donna au
séminaire pour la fête de la Pentecôte, le 14 mai 1989. Cette fête de la
Pentecôte était chère à son cœur de Spiritain, et je crois qu’il avait une
grâce particulière pour nous parler en cette fête. Il n’est pas possible de
tout citer mais nous pouvons en extraire quelques passages trop beaux pour être
oubliés.
« Marie fut déjà remplie du Saint-Esprit bien avant les
apôtres, bien avant la Pentecôte. Le seul fait que l'Ange Gabriel lorsqu’il
vint pour lui annoncer la grande nouvelle de sa maternité divine, lui dit: Ave
Maria, gratia plena : Salut Marie, pleine de grâce. Oui, elle est pleine de
grâce, c'est-à-dire pleine du Saint-Esprit, remplie déjà du Saint-Esprit.
Et l'Ange ajoute : Spiritus Sanctus superveniat in te : L'Esprit
Saint va venir en vous et par la vertu de l'Esprit Saint vous serez Mère de
Jésus.
La très Sainte Vierge Marie a eu sa Pentecôte, avant le jour
de la Pentecôte. Et elle aussi a parlé. Et coepit loqui. Elle a parlé. A peine
avait-elle reçu le Saint-Esprit et ainsi devenue la Mère de Jésus, elle s'en
fut visiter Élisabeth sa cousine. Et c'est par son intermédiaire que
Jean-Baptiste lui aussi, a reçu l'Esprit Saint et sa cousine Élisabeth par
l'intermédiaire de Jean-Baptiste.
Ainsi la Vierge Marie répandait déjà la grâce du Saint-Esprit
à ceux qu'elle approchait. Et alors elle parla; elle parla et elle nous a
laissé ces paroles vibrantes du Magnificat. Oui, c'est l'Évangile de Marie, son
Magnificat.
Dans les quatre premiers versets de son Magnificat, Marie
remplie de l'Esprit Saint, chante la gloire du Bon Dieu. Pendant ces quatre
premiers versets, elle rend grâce à Dieu de ce qu'elle a reçu l'Esprit Saint et
de ce qu'elle est devenue la Mère de Jésus. […]
Et puis pendant les versets qui suivent, on peut dire les
quatre versets qui suivent, Marie, en définitive, nous donne déjà, à l'avance,
ce que Notre Seigneur va décrire dans son Sermon sur la montagne, les
Béatitudes, en particulier. […]
Et puis, dans les deux derniers versets, la Vierge Marie
prophétise en quelque sorte:
Suscepit Israël puerum suum….. […] Et Marie aperçoit déjà la
fondation de l'Eglise à laquelle précisément elle va participer d'une manière
efficace à la Pentecôte en donnant par son canal, l'Esprit Saint aux apôtres.
Marie prévoit déjà cela. C'est l'Israël nouveau. C'est l'Israël du Nouveau
Testament. C'est le Sang de Jésus du Nouveau Testament. : Novi et æterni
testament ! Hic est enim Calix Sanguinis mei, novi et æterni testamenti : Voici
le Sang de la Nouvelle Alliance. Marie voit tout cela; elle voit la fondation
de l'Eglise. Et non seulement Marie nous décrira ainsi son Évangile, dans son Magnificat,
mais elle le réalisera. […]
Et puis, elle participera à la fondation de l'Eglise. Elle
aura ce souci de l'Eglise, elle, qui est remplie de l'Esprit de Vérité et de
sainteté, veut que les apôtres soient remplis de cet Esprit de Vérité et de
sainteté. […]
Alors, je conclus par quelques applications pour le temps
que nous vivons aujourd'hui.
On nous dit, et l'on nous répète […]: Là où est le pape, là
est l'Eglise. […] Mais, ne pourrait-on pas dire avec une vérité encore plus
profonde et plus exacte : Là où est Marie, là est l'Eglise. Car c'est par Marie
que les apôtres ont été faits fondateurs de l'Eglise. Et Marie ne se trompe
pas. Et Marie est infaillible. Marie ne peut pas professer l'erreur; Marie ne
peut pas pécher. Elle est sainte; elle est parfaite; elle est la lumière de
Vérité. Et c'est cela qu'elle a communiqué aux apôtres. […] Lorsqu’il y a eu
cette réunion à Assise, des catholiques fidèles ont voulu que Notre-Dame de
Fatima vienne à Assise. Il y a eu un cortège fait par des fidèles italiens
venant avec la statue de la Vierge Marie. Ils ont été refoulés. On ne voulait
pas de la Vierge Marie à Assise. […] La
Vierge Marie n’est pas œcuménique, la Vierge Marie ne connaît que Jésus, Jésus
et l’esprit de Jésus, l’Esprit de Vérité et l’Esprit de sainteté, ce qui est le
fondement de l'Eglise, ce qu'est l'Eglise elle-même. […]Marie est mère de
l’Église Catholique […] Marie est mère de l’unique Église catholique. […] Il
faut être clairs, fermes et décidés et ne pas hésiter. Nous voulons être avec
la Vierge Marie. Nous voulons être à la Pentecôte, avec les apôtres, avec la
Vierge Marie dans l’Esprit de Vérité et dans l’Esprit de sainteté, qui est
l'esprit de l'Eglise. Et nous ne voulons pas en changer. […] Et la Vierge Marie
nous y aidera. Parce que la Vierge Marie est allergique à l'erreur, allergique
au péché. Elle ne peut pas sentir l'erreur. Elle est la Vérité. Elle est contre
l'hérésie. Elle est contre ce qui s'oppose à la Vérité, par nature. Elle est
contre tout ce qui s'oppose à la sainteté, contre tout péché, quel qu’il soit,
même le moindre péché véniel, le moindre péché de négligence, elle est
allergique, parce qu'elle demeure sainte; elle veut demeurer dans la Vérité.
Demandons-lui qu'elle nous communique cette allergie. Le
Père Garrigou-Lagrange la nomme Notre-Dame de l'horreur. Qu'est-ce qu’il veut
dire par là ? Il dit Notre-Dame de l'horreur, oui, parce que la Vierge Marie a
horreur de l'erreur et horreur du péché. C'est dans sa nature. Elle ne peut pas
sentir l'erreur; elle ne peut pas sentir le péché. Parce que l'erreur et le péché,
c'est le démon. C'est lui qui a introduit cela dans le monde. Alors elle est
allergique au démon. Vous savez bien qu'elle a été créée pour écraser la tête
du serpent, pour réduire à néant Satan et tous les suppôts de Satan.
Alors, unissons-nous à la Vierge Marie. Demeurons bien unis
à elle et elle nous préservera et de l'erreur et du péché et elle nous
maintiendra dans la Vérité et la sainteté.»
«Notre-Dame de Bourguillon, Gardienne de la foi, priez
pour nous!»