SOURCE - Abbé Yves le Roux, fsspx - Séminaire Saint-Thomas d'Aquin (USA) - 8 juin 2018
En peu de mots Notre Seigneur Jésus-Christ révèle aux hommes la nature intime de Dieu et notre adoption divine : «Mon Père et votre Père».
Pour autant, cette vocation ne saurait conduire l’homme à s’affranchir des lois qui contraignent sa nature et veillent à son fragile équilibre. C’est ainsi qu’il doit respecter et se soumettre à la loi de l’Incarnation, dans laquelle Dieu s’est fait homme sans rien perdre de sa dignité, pour que l’homme puisse participer à Sa vie intime, sans toutefois s’affranchir de ses propres limites.
Ce rappel de la condition humaine est essentiel car depuis la chute originelle, l’homme est constamment attiré par l’excès. Or, si l’infini de Dieu Lui permet de ne rien mesurer pour lui-même, l’homme, créature finie, ne peut s’inscrire dans la démesure, sans dévier de sa nature.
Cette déviance s’observe particulièrement dans les périodes de crise, quand les repères s’estompent les uns après les autres et que les fondations vacillent. Peu à peu aveuglé et désorienté par le tourbillon des erreurs environnantes, l’homme est conduit à juger et à ne se déterminer qu’en fonction des effets de la crise. Or, celle-ci n’étant que la négation et la destruction de l’ordre, elle ne peut constituer la base d’un jugement droit : il faut pour cela revenir à l’ordre. Et ce retour devient plus impérieux encore quand la crise n’ébranle pas seulement un individu, mais remet en cause les fondements mêmes d’une société.
L’histoire de l’Eglise montre que tous les ordres religieux sont nés d’une crise. Mais la crise ne saurait constituer l’ADN de la vie des consacrés : elle n’est que l’occasion providentielle de leur éclosion. L’essence de l’ordre est évidemment d’une toute autre nature. Ainsi, pas plus que l’ordre de saint Dominique ne se définit par sa lutte contre l’hérésie cathare, la Fraternité Saint-Pie X ne saurait être réduite à sa lutte essentielle et nécessaire contre les erreurs du temps présent. Si la crise devenait par malheur la seule raison de son existence, la Fraternité Saint-Pie X disparaîtrait à court terme, sans avoir œuvré à l’établissement du Règne du Christ par la sainteté des prêtres. Car telle est bien l’essence de la vie de cette Fraternité Sacerdotale : l'immolation de ses prêtres à la gloire de Dieu le Père sur l’autel de la sainte messe. Regnavit a ligno Deus, Dieu règne par la Croix comme nous le rappelle le Vexilla Regis.
Aussi, plus la crise de l’Eglise s’intensifie, plus ses fondements doctrinaux sont ébranlés, plus Satan espère que l’homme soit fasciné par ces mouvements sans précédents et perde ses repères, plus la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X doit demeurer fidèle à sa vocation particulière reçue de son fondateur Mgr Lefebvre : veiller à la sainteté du prêtre, homme de la messe et donc du calvaire. Et prétendre que la Fraternité Saint-Pie X, née de la crise progressiste, doit se déterminer en fonction de l’évolution de cette dernière serait une lourde et funeste erreur.
Or, si l’on observe le vent de panique qui a pu saisir ces derniers mois certains d’entre nous, une tentation de démesure semblerait vouloir s’installer à la veille du nouveau chapitre électif de notre Société religieuse. Chacun donne son avis, échafaude ses plans, pronostique, critique à tout-va, crie haro sur le baudet : ne serait-il pas temps de revenir à un peu de raison ?
Cette démesure porte la signature démoniaque de l’esprit égalitaire issu de la Révolution où chacun s’érige en autorité souveraine. Cette crise de l’autorité n’est en fait que le refus farouche de toute paternité et particulièrement de la Paternité divine. Elle est aussi celle du refus de l’enracinement nécessaire de l’homme, être dépendant et soumis par nature.
Il est nécessaire de ne pas se laisser entraîner par cette démesure et de conserver le cap dans cette tempête. Il suffit de regarder la réalité en face : à une époque où l’Eglise et le monde traversent une crise profonde et durable, notre jeune Société religieuse n’a pas encore fêté ses cinquante ans. Ce qui, pour un ordre religieux, correspond à l’âge de l’adolescence ; âge fragile entre tous où la croissance s’opère parfois de manière un peu désordonnée et génère de réels déséquilibres. Il ne faut donc pas s’étonner de certaines dysharmonies mais y apporter remède. Et, au risque de se répéter, il n’y a pas d’autre remède que se ressourcer à l’esprit qui a présidé à la fondation de l’œuvre.
Lorsque la crise essaie de nous entraîner dans son tourbillon, il faut en effet s’en sortir par le haut en recourant aux principes et tout particulièrement en respectant la règle suprême de la paternité, clef de voûte de toute société. C’est en vivant en fils, en s’enracinant dans la paternité divine que nous travaillerons, prêtres et fidèles, chacun à notre place, à la fidélité de la Fraternité Saint-Pie X à sa vocation.
Aussi prions pour les prêtres afin qu’ils tiennent leur place, vivant d’obéissance sans s’arroger des pouvoirs qui ne leur appartiennent pas, particulièrement celui de juger à tout crin. Qu’ils développent au contraire une vie sacerdotale intense faite de fidélité à leur vie de prière, de renoncement et de dévouement auprès des âmes.
Espérons que les fidèles fortifient de leur côté leur vie de prière et qu’ils n’omettent pas de réciter une prière quotidienne à l’intention de notre prochain Chapitre. Qu’ils écoutent le message de Notre-Dame à Fatima sur la nécessaire pratique de la pénitence par la fidélité au devoir d’état. Qu’ils développent également un esprit de dévouement envers leurs prêtres et leurs paroisses.
Un Chapitre électif dans une société religieuse est un moment important qui ne peut être traité comme un tiercé sur lequel les paris sont ouverts. Cet événement est solennel pour une société religieuse car il est un moment particulier de grâce au cours duquel la fidélité aux statuts doit être renouvelée. Il doit permettre une plus grande union des membres sous la dépendance hiérarchique. C’est un temps où l’armée se reprend et se remet en ordre de bataille pour affronter les combats qui l’attendent.
Demandons dès maintenant la grâce d’éviter la démesure, les invectives, les procès d’intention et la formation de partis ou de clans pour revenir tout simplement à la fidélité à la règle.
Il s’agit de prendre résolument parti pour que le Règne social du Christ s’établisse par le Règne sacerdotal du Christ.
Nous confions à votre bienveillance ordinaire et particulièrement à vos prières, notre Fraternité que nous aimons d’un cœur filial afin qu’Elle soit toute dédiée au service de la royauté du Christ dans l’Eglise, dans le monde et dans les familles et que son Fondateur, notre Père dans la foi, notre vénéré Mgr Lefebvre, la garde.
In Christo sacerdote et Maria.
Abbé Yves le Roux