SOURCE - Paix Liturgique - lettre n°648 - 12 juin 2018
Société composite à traction chinoise, Singapour est un écrin d'ordre, de richesse et de puissance au centre des nouveaux équilibres géopolitiques du monde, comme l'illustre l'improbable rencontre entre les présidents nord-coréen et états-unien qui s'y tient actuellement. Farouchement attaché au caractère multiethnique et à la diversité religieuse de l'île, le gouvernement local contrôle étroitement tout ce qui pourrait menacer l'équilibre existant et, de fait, chaque groupe religieux participe avec zèle à la promotion d'initiatives vantant les inévitables « dialogue », « tolérance » et « liberté religieuse ». L'Église catholique n'échappe pas à la règle même si, comme ailleurs, sa volonté affichée de dialoguer ad extra ne se retrouve pas ad intra. Ainsi, depuis notre lettre 478, du 26 février 2015, seul un des quatre prêtres qui célébraient la forme extraordinaire dans l'archidiocèse continue-t-il de le faire. Malgré cela, la communauté Summorum Pontificum locale continue de témoigner d'une grande motivation et d'une forte cohésion. Nous avons passé le week-end de Pentecôte à ses côtés, profitant de notre séjour pour rendre également visite au prieuré de la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX) sur l'île. Un peu excentré, mais bientôt desservi par une nouvelle ligne de métro, ce prieuré est aussi le siège du district d'Asie de la FSSPX.
Société composite à traction chinoise, Singapour est un écrin d'ordre, de richesse et de puissance au centre des nouveaux équilibres géopolitiques du monde, comme l'illustre l'improbable rencontre entre les présidents nord-coréen et états-unien qui s'y tient actuellement. Farouchement attaché au caractère multiethnique et à la diversité religieuse de l'île, le gouvernement local contrôle étroitement tout ce qui pourrait menacer l'équilibre existant et, de fait, chaque groupe religieux participe avec zèle à la promotion d'initiatives vantant les inévitables « dialogue », « tolérance » et « liberté religieuse ». L'Église catholique n'échappe pas à la règle même si, comme ailleurs, sa volonté affichée de dialoguer ad extra ne se retrouve pas ad intra. Ainsi, depuis notre lettre 478, du 26 février 2015, seul un des quatre prêtres qui célébraient la forme extraordinaire dans l'archidiocèse continue-t-il de le faire. Malgré cela, la communauté Summorum Pontificum locale continue de témoigner d'une grande motivation et d'une forte cohésion. Nous avons passé le week-end de Pentecôte à ses côtés, profitant de notre séjour pour rendre également visite au prieuré de la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX) sur l'île. Un peu excentré, mais bientôt desservi par une nouvelle ligne de métro, ce prieuré est aussi le siège du district d'Asie de la FSSPX.
I – Du côté de la FSSPX
En l'absence de l'abbé Stehlin, supérieur de district depuis 2014 après 20 ans d'apostolat en Europe de l'Est, c'est l'abbé Demornex, récemment arrivé d'Afrique, qui nous a présenté la riche activité de la Fraternité dans cette région qui comprend la moitié de la population du globe ! Plus de 3 milliards d'âmes, mais seulement une minorité de catholiques et une Église encore largement dépendante des congrégations missionnaires pour accomplir son œuvre d'évangélisation.
La FSSPX compte dix-huit prêtres au service de son disctrict d'Asie. Installés dans quatre pays (Inde, Sri Lanka, Philippines et Singapour), ils en desservent cinq autres régulièrement (Japon, Corée du Sud, Hing-Kong, Malaisie et Indonésie) pour un total de 42 lieux de messe. Le travail à accomplir au service des âmes est considérable mais parfaitement en ligne avec l'esprit missionnaire insufflé par Mgr Lefebvre à la FSSPX (*).
Situé dans une maison dont quasiment toute la superficie utile est occupée par la chapelle, le prieuré de Singapour dépare par sa modeste dans une ville dont la plupart des bâtiments semblent sortir d'un magazine d'architecture ultramoderne. Nonobstant l'inconfort du bâtiment, Singapour est vite apparu l'endroit idoine pour organiser les activités de la Fraternité en Asie : le pays est sûr et bien desservi ; on y parle anglais ; tous les peuples d'Asie s'y croisent et les Philippines, principal pays catholique de la région, sont toutes proches.
Trois prêtres résident officiellement au prieuré de Singapour, dont le supérieur de district et son assistant, mais il est rare de les y rencontrer simultanément tant ils voyagent pour soutenir leurs différents apostolats.
Chaque dimanche, le prieuré accueille environ 150 fidèles (deux messes) avant que le célébrant ne s'empresse de gagner un autre lieu d'apostolat, par exemple Kuala Lumpur, la capitale malaise (1h d'avion ou 5h de bus). L'assemblée est à l'image de la population de la ville : bigarrée aussi bien ethniquement que socialement. Dans un tel contexte, et même si prêches et instructions se font en anglais, la langue latine apparaît comme le ciment évident d'une même foi exprimée d'une seule voix.
(*) Il arrive aussi que les bons rapports qui existent dans certains cas avec la hiérarchie ecclésiastique locale (rappelons que dans les années 80, un évêque philippin, Mgr Lazo, avait rejoint les rangs de la Fraternité, prenant acte des dégâts provoqués par l'ecclésiologie post-conciliaire) favorisent cet apostolat.
II – Du côté de Summorum Pontificum
En dépit de la perte des trois prêtres qui entouraient l'abbé Tay en 2015, la communauté Summorum Pontificum de Singapour – « Extraordinary Form Community Singapore » – se maintient autour de 200 membres. La belle église Saint-Joseph, héritage des missions portugaises, étant en travaux, c'est l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, située à deux pas et dotée d'une excellente acoustique, qui accueille actuellement la célébration dominicale de la liturgie traditionnelle dans l'archidiocèse.
L'horaire de la célébration, auparavant à 15h, est désormais à 18h, un horaire moins étrange mais guère plus favorable pour les familles avec de jeunes enfants. Le service liturgique est aussi précis qu'efficace, les servants de messe – une quinzaine le dimanche de la Pentecôte – étant pour la plupart des étudiants ou de jeunes travailleurs se retrouvant en semaine pour les messes que célèbre l'abbé Tay dans la chapelle qu'il a aménagée dans le presbytère où il loge. La messe dominicale est chantée par un chœur grégorien dont les directeurs ont suivi des cours à Solesmes et, en fermant les yeux, on se croirait facilement en France d'autant plus que l'assemblée répond volontiers.
Aumônier d'une maison de retraite après avoir été pendant longtemps curé de paroisse, l'abbé Tay y célèbre chaque jour la forme ordinaire pour les pensionnaires : exclusivement ad orientem et en usant le canon romain en latin. Deux fois par semaine, il célèbre en outre la forme extraordinaire pour le groupe Summorum Pontificum dans la chapelle de son presbytère – une petite pièce arrangée avec soin et dévotion, dotée d'un bel autel de bois de style hollandais sculpté par un artisan local. Chaque messe est suivie d'une rencontre avec les fidèles pour une catéchèse, la préparation de la messe dominicale ou un commentaire de l'actualité de la vie de l'Église.
C'est en 2008 que l'abbé Tay a renoué avec la messe traditionnelle, à la demande du groupe de jeunes à l'origine du groupe Summorum Pontificum de l'île. « Pour moi, Summorum Pontificum est tombé du Ciel. Je n'avais jamais pensé célébrer un jour la liturgie traditionnelle même si c'est la liturgie de ma jeunesse, avec laquelle j'ai grandi et que j'ai toujours chérie. » De fait, l'abbé Tay n'a pas eu de mal à apprendre, soutenu par un prêtre de la Fraternité Saint-Pierre originaire de Singapour, l'abbé Duncan Wong.
Célébrer la forme extraordinaire a aidé l'abbé Tay « à prendre pleinement conscience que la messe n'est pas mon œuvre mais un mystère sacré dont la dimension transcendante, invisible à notre regard humain, est plus réelle que tout ce que nous pouvons voir et toucher ». C'est aussi cela qui l'a encouragé à célébrer le plus souvent possible la forme ordinaire tourné vers le Seigneur.
Aujourd'hui, l'abbé Tay est convaincu que le potentiel de la forme extraordinaire à Singapour dépasse le cadre de la communauté dont il a la charge : « Si la messe était offerte en d'autres églises et à un horaire plus favorable, je sais que de nombreux autres fidèles y assisteraient volontiers. »
III – Les réflexions de Paix Liturgique
1) 350 fidèles sur les 350 000 catholiques que compte Singapour, c'est évidemment bien peu même si le nombre des pratiquants est bien inférieur (nous n'avons pas trouvé de chiffres fiables sur le taux de pratique dans l'île). Sauf que, comme le souligne l'abbé Tay, l'offre en matière de liturgie traditionnelle est limitée à une seule messe dominicale sur les 170 que compte l'archidiocèse. Quant à la FSSPX, elle est limitée par l'exiguïté de ses locaux et leur relatif isolement. Reste que la jeunesse des fidèles et la disparité de leurs origines, miroir de la société singapourienne, sont à la fois frappantes et conformes avec ce que l'on rencontre autour du monde où il est évident que la liturgie latine et grégorienne fédère les peuples et les générations.
2) La messe et ce qui va avec. Cette formule que nous utilisons souvent – la paternité en revient à Mgr Brouwet – et qui rappelle le lien indissoluble entre lex orandi et lex credendi, convient parfaitement à ce qui rassemble aussi bien les fidèles de la FSSPX que ceux du groupe Summorum Pontificum. Rien d'étonnant du côté de la Fraternité qui a toujours accordé à l'instruction de ses fidèles une grande place mais cela est aussi manifeste autour de l'abbé Tay. Il se peut d'ailleurs que dans une société aussi lisse que la société singapourienne – et l'Église locale se garde bien de troubler le calme insulaire – la vigueur des prêches de l'abbé Tay explique, plus que son orientation liturgique (dans tous les sens du terme !), l'ostracisme dont il est l'objet de la part de certains de ses confrères alors qu'il est l'un des doyens du clergé diocésain.
3) Depuis sa naissance, la communauté Summorum Pontificum de Singapour a déjà offert plusieurs vocations à l'Église, en particulier religieuses (franciscains et franciscaines de l'Immaculée, carmes déchaux). Quelques jeunes sont aussi partis au séminaire anglophone de la Fraternité Saint-Pierre, aux États-Unis. Même si toutes ces vocations n'ont pas été confirmées, les expériences vécues enrichissent la communauté, renforcent ses nombreuses attaches internationales et lui donnent, en dépit de son isolement, une vision toujours plus ample de l'Église. Quant à celles qui ont été confirmées, elles la soutiennent par leurs prières fidèles auxquelles se joignent désormais les nôtres.