Jean Madiran a-t-il eu des disciples? Le mot l’aurait peut-être fait rire, parce que, s’il était un maître, il laissait une grande liberté à ceux qui se mettaient à son écoute ou à son école. La force et la vérité des maîtres authentiques sont qu’ils ne cherchent pas à engendrer des perroquets, mais d’éveiller, de révéler des esprits qui œuvreront dans leur sillage sans les répéter point à point. Rémi Fontaine, essayiste et journaliste, qui fut longtemps une des chevilles ouvrières de Présent, est assurément un de ces héritiers libres et lucides de Jean Madiran. L’essai qu’il lui consacre, cinq ans après sa mort (déjà!), n’est pas, comme le dit très bien Dom Louis-Marie dans sa préface, «un simple résumé de la pensée du maître, mais une œuvre personnelle, à son école.»
La discrétion et la modestie de Rémi Fontaine sont bien connues. Il ne m’en voudra pas de raconter la petite histoire suivante. Il avait sollicité des éditeurs lors de la préparation de cet essai. Deux éditeurs catholiques bien connus avaient dit leur intérêt pour l’ouvrage. Le premier, dont je ne citerai pas le nom par charité, a renoncé à éditer le livre parce qu’il était préfacé par Dom Louis-Marie, Père Abbé de Sainte-Madeleine du Barroux. Le second, dont je tairai aussi le nom par charité, a renoncé à éditer le livre parce qu’il contenait une postface d’un auteur qui ne lui agrée plus.
Dieu merci, Rémi Fontaine a trouvé un troisième éditeur, plus libre et moins rancunier que les précédents.
Je publie ci-dessous la postface que Rémi Fontaine m’a fait l’honneur de me demander pour son essai si intéressant et si neuf.
Y.C
JEAN MADIRAN OU LA PRIMAUTÉ DE LA FOI
La Révolution française n’a pas commencé en 1789. Si la Révolution politique a bien commencé le 17 juin 1789 lorsqu’une majorité de députés du tiers-état aux États Généraux s’est parée du titre d’Assemblée nationale (sous-entendue souveraine et constituante), la révolution intellectuelle – celle des Lumières – avait commencé plusieurs décennies auparavant.
La crise de l’Église n’a pas commencé avec le concile Vatican II [1962-1965]. Elle est antérieure. En France les prémisses peuvent en être observées à partir de 1944-1945, quand l’Église a commencé à douter d’elle-même, quand les prêtres ont commencé à s’interroger sur leur identité et leur mission.
Cette crise fut, dès les années 1950, une crise d’identité du prêtre autant qu’une crise intellectuelle ou doctrinale. Le P. Louis Bouyer, qui fut un des grands théologiens du XXe siècle, en discernait les signes dans un ouvrage paru en 1958, à l’époque même où mourait Pie XII. Le P. Bouyer voulait lancer «un cri d’inquiétude, sinon un cri d’alarme». Il décrivait cette crise comme une «incertitude des esprits dans une époque bouleversée, avec une espèce de démagogie intellectuelle qui précipite à baptiser toutes les modes de l’esprit, à peine sont-elles dessinées. [Louis Bouyer, Humain ou chrétien?, Desclée De Brouwer, 1958, p. 7.]»
Jean Madiran, contre-révolutionnaire dans la crise de civilisation et défenseur de la Tradition catholique dans la crise de l’Église, n’est pas né, armé de pied en cap, contre-révolutionnaire et traditionaliste («intégriste» disaient, stupidement, ses adversaires). S’il a commencé à lire Maurras à l’âge de 15 ans, il commence à lire saint Thomas d’Aquin à 19 ans. C’est à 24 ans, lorsqu’il devient professeur de philosophie à Maslacq qu’il découvre, grâce à André Charlier, le chant grégorien à l’École des Roches et la vie bénédictine par les séjours que Charlier faisait effectuer aux grands élèves et à leurs professeurs au monastère de Madiran. Ce n’est que dans les années 1950 que le trentenaire, qui n’est plus professeur, entre en profondeur, grâce à Marcel Clément, dans l’enseignement de Pie XII et plus particulièrement prend la mesure de l’importance et de la valeur de la Doctrine sociale de l’Église.
Si l’on voulait pousser plus loin l’introspection historique, il faudrait être attentif au moment où Jean Arfel abandonne le pseudonyme de Jean-Louis Lagor (dont il signa ses premiers livres) pour celui de Jean Madiran (en souvenir du monastère qu’il fréquentait comme jeune professeur). Il y a eu là une sorte de rupture avec une première vie et l’engagement dans un combat pour l’Église et pour la civilisation qui ne cessera plus, jusqu’au dernier souffle.
Madiran, à son tour, à Itinéraires (qu’il fonde en 1956), à Présent (dont il est un des fondateurs en 1981-1982), par d’autres canaux encore, formera de jeunes esprits, aura des disciples. Je ne tenterai pas d’en dresser ici la liste, et il faudrait déjà s’entendre sur ce qu’est un disciple. Répéter ce que d’autres ont mieux dit avant vous, n’est pas être disciple, c’est du psittacisme.
Rémi Fontaine, avec ce livre sur Madiran, ne fait pas du psittacisme. Son livre est bien plus qu’un «hommage». C’est une réflexion continuée dans le sillage. Son premier chapitre «Comme un scout…» pourra surprendre. Madiran scout? Oui, et il a gardé toute sa vie ce sens aigu du service de Dieu, de l’Église et de la Patrie auquel le scout s’engage lors de sa promesse. Jean Madiran m’a raconté un jour quel souvenir extraordinaire il avait gardé des cérémonies auxquelles il avait participé, comme scout, lors de la venue du cardinal Pacelli (le futur Pie XII) comme légat lors des fêtes de Lourdes en 1935. Le jeune Arfel avait 15 ans.
Rémi Fontaine a été le premier, en France, à introduire le concept de «sain et légitime communautarisme» et à montrer qu’il pouvait être non pas une alternative à l’actuelle dissociété ou un rempart contre la désagrégation, mais un moyen de maintenir des foyers, des «oasis» comme le dira ensuite Benoît XVI dans Lumière du monde. Cela rejoint la réalité de ce que furent les monastères bénédictins aux temps barbares et à d’autres époques troublées: des refuges de la foi et de la pensée, qui surent non seulement garder mais transmettre à nouveau. Rémi Fontaine excelle aussi dans l’art de l’analogie, il sait identifier les ressemblances et les correspondances, pour mieux faire comprendre et dégager la vérité des choses et des situations. Dans ses analyses de la situation contemporaine de l’Église, on pourra trouver exagérée telle ou telle formulation. Il y a bien une lettre de Vatican II (les textes promulgués, les seuls qui comptent), mais y a-t-il un esprit de Vatican II? Il y autant d’interprétations de Vatican II qu’il y a de commentateurs, plus ou moins autorisés. C’est bien pour cela que la seule bonne herméneutique du concile est celle que donne l’Église elle-même en son plus haut Magistère.
Mgr Noyer, aujourd’hui évêque émérite d’Amiens, parlait en 2010, dans une longue conférence, du concile Vatican II comme un «feu»: «Si je parle du ”feu du concile” c’est pour évoquer ’enthousiasme, la chaleur, la lumière et la chaleur de l’expérience partagée au premier chef par les évêques, devenus acteurs de premier plan, dans l’histoire de l’Église et du monde. Mais le feu, c’est aussi les modifications, les remises en cause, les débandades parfois très douloureuses du paysage ecclésial et politique qui obligent les évêques à endosser le rôle de pompiers de l’incendie qu’ils avaient eux-mêmes allumé.»
Le «concile» a servi de prétexte ou de légitimation à toutes les remises en cause, à toutes les destructions. Mais ce n’est pas la lettre du concile qui les autorisait.
Le ravage dans le domaine liturgique a été peut-être le plus visible et reste le plus durable. Jean Madiran, dans les éditions successives de La messe, état de la question (livre qu’il regrettait qu’il soit si mal lu), ni dans son Histoire inachevée de la messe interdite, ni dans aucun de ses écrits, n’a nié «l’orthodoxie du texte latin authentique de la messe de Paul VI». Il a été, en revanche, parmi les premiers à contester l’orthodoxie du fameux article 7 de l’Institutio generalis, article qui, du reste, sera rapidement corrigé par Rome.
Dans sa Réclamation au Saint Père (1974), il avait demandé que Rome rende aux catholiques la messe traditionnelle, le catéchisme intégral et une version authentique des Écritures. On peut dire que sa réclamation a été progressivement mais largement entendue. Pour la messe: par l’indult de 1984, par le motu proprio de 1988 et par celui de 2007.
Mais Jean Madiran n’était pas un extrémiste ou un obtus. Il savait bien que la messe traditionnelle ne reviendrait pas partout et elle seule. Que le Novus ordo, malgré ses faiblesses, resterait, en France et dans toute l’Église, la forme «ordinaire» du rite romain (selon l’expression qu’emploiera Benoît XVI). En 1999, dans une lettre, inédite, à Dom Gérard, Jean Madiran reconnaissait avoir peut-être injustement méprisé la foi de l’Église telle qu’elle s’exprime dans la pauvre liturgie célébrée dans nombre de paroisses ordinaires: «nous avons été inattentifs peut-être (et peut-être hélas quelque peu méprisants), nous avons manqué de tendresse prévenante pour cette foi de l’Église présente dans ces paroisses décimées, ballottées, illusionnées, matraquées, diminuées, et que nous retrouvons toujours, béatement heureuses ou lucidement malheureuses de leur messe mal fichue, mais finalement fidèles.»
Jean Madiran sera encore lu par les générations futures parce qu’il était animé d’une flamme particulière. Cette flamme, ses ennemis ou ceux qui ne l’aimaient pas, n’ont pas perçu qu’elle avait un double éclat.
Il y avait d’abord l’acribie exceptionnelle de Jean Madiran, qui était en premier lieu une lecture attentive, puis l’art de repérer les contradictions, les formules alambiquées, les faux-fuyants. Sur ce point-là, il était en plein accord avec son exact contemporain Émile Poulat [1920-2014] pour qui le choix des mots et le sens des mots sont la clef de compréhension de la plupart des questions. Cette acribie de Madiran pouvait l’entraîner à des polémiques qu’il menait loin.
Mais ses adversaires, ou ceux qui ne l’aimaient pas, n’ont pas vu qu’il y avait en corollaire, chez Jean Madiran – et c’était le cœur de ses écrits et de son engagement –, un sens aigu de la piété ou ce qu’il appelait «l’esprit filial». Le Décalogue («Tu honoreras ton père et ta mère») s’accorde ici avec la loi naturelle exprimée par Maurras («Tout homme est un héritier»).
Comme nationaliste, Madiran avait un respect filial pour tout ce que la France a fait de meilleur, mais en tant que catholique il savait que sans la foi chrétienne la civilisation ne peut que déchoir, s’écrouler. Jean Madiran – Frère JeanBaptiste dans l’oblature bénédictine –, lui qui, sans le clamer à tout vent, se confessait tous les premiers samedis du mois, savait que le Ciel est la Patrie ultime du chrétien, pèlerin sur cette terre.
La crise de l’Église n’a pas commencé avec le concile Vatican II [1962-1965]. Elle est antérieure. En France les prémisses peuvent en être observées à partir de 1944-1945, quand l’Église a commencé à douter d’elle-même, quand les prêtres ont commencé à s’interroger sur leur identité et leur mission.
Cette crise fut, dès les années 1950, une crise d’identité du prêtre autant qu’une crise intellectuelle ou doctrinale. Le P. Louis Bouyer, qui fut un des grands théologiens du XXe siècle, en discernait les signes dans un ouvrage paru en 1958, à l’époque même où mourait Pie XII. Le P. Bouyer voulait lancer «un cri d’inquiétude, sinon un cri d’alarme». Il décrivait cette crise comme une «incertitude des esprits dans une époque bouleversée, avec une espèce de démagogie intellectuelle qui précipite à baptiser toutes les modes de l’esprit, à peine sont-elles dessinées. [Louis Bouyer, Humain ou chrétien?, Desclée De Brouwer, 1958, p. 7.]»
Jean Madiran, contre-révolutionnaire dans la crise de civilisation et défenseur de la Tradition catholique dans la crise de l’Église, n’est pas né, armé de pied en cap, contre-révolutionnaire et traditionaliste («intégriste» disaient, stupidement, ses adversaires). S’il a commencé à lire Maurras à l’âge de 15 ans, il commence à lire saint Thomas d’Aquin à 19 ans. C’est à 24 ans, lorsqu’il devient professeur de philosophie à Maslacq qu’il découvre, grâce à André Charlier, le chant grégorien à l’École des Roches et la vie bénédictine par les séjours que Charlier faisait effectuer aux grands élèves et à leurs professeurs au monastère de Madiran. Ce n’est que dans les années 1950 que le trentenaire, qui n’est plus professeur, entre en profondeur, grâce à Marcel Clément, dans l’enseignement de Pie XII et plus particulièrement prend la mesure de l’importance et de la valeur de la Doctrine sociale de l’Église.
Si l’on voulait pousser plus loin l’introspection historique, il faudrait être attentif au moment où Jean Arfel abandonne le pseudonyme de Jean-Louis Lagor (dont il signa ses premiers livres) pour celui de Jean Madiran (en souvenir du monastère qu’il fréquentait comme jeune professeur). Il y a eu là une sorte de rupture avec une première vie et l’engagement dans un combat pour l’Église et pour la civilisation qui ne cessera plus, jusqu’au dernier souffle.
Madiran, à son tour, à Itinéraires (qu’il fonde en 1956), à Présent (dont il est un des fondateurs en 1981-1982), par d’autres canaux encore, formera de jeunes esprits, aura des disciples. Je ne tenterai pas d’en dresser ici la liste, et il faudrait déjà s’entendre sur ce qu’est un disciple. Répéter ce que d’autres ont mieux dit avant vous, n’est pas être disciple, c’est du psittacisme.
Rémi Fontaine, avec ce livre sur Madiran, ne fait pas du psittacisme. Son livre est bien plus qu’un «hommage». C’est une réflexion continuée dans le sillage. Son premier chapitre «Comme un scout…» pourra surprendre. Madiran scout? Oui, et il a gardé toute sa vie ce sens aigu du service de Dieu, de l’Église et de la Patrie auquel le scout s’engage lors de sa promesse. Jean Madiran m’a raconté un jour quel souvenir extraordinaire il avait gardé des cérémonies auxquelles il avait participé, comme scout, lors de la venue du cardinal Pacelli (le futur Pie XII) comme légat lors des fêtes de Lourdes en 1935. Le jeune Arfel avait 15 ans.
Rémi Fontaine a été le premier, en France, à introduire le concept de «sain et légitime communautarisme» et à montrer qu’il pouvait être non pas une alternative à l’actuelle dissociété ou un rempart contre la désagrégation, mais un moyen de maintenir des foyers, des «oasis» comme le dira ensuite Benoît XVI dans Lumière du monde. Cela rejoint la réalité de ce que furent les monastères bénédictins aux temps barbares et à d’autres époques troublées: des refuges de la foi et de la pensée, qui surent non seulement garder mais transmettre à nouveau. Rémi Fontaine excelle aussi dans l’art de l’analogie, il sait identifier les ressemblances et les correspondances, pour mieux faire comprendre et dégager la vérité des choses et des situations. Dans ses analyses de la situation contemporaine de l’Église, on pourra trouver exagérée telle ou telle formulation. Il y a bien une lettre de Vatican II (les textes promulgués, les seuls qui comptent), mais y a-t-il un esprit de Vatican II? Il y autant d’interprétations de Vatican II qu’il y a de commentateurs, plus ou moins autorisés. C’est bien pour cela que la seule bonne herméneutique du concile est celle que donne l’Église elle-même en son plus haut Magistère.
Mgr Noyer, aujourd’hui évêque émérite d’Amiens, parlait en 2010, dans une longue conférence, du concile Vatican II comme un «feu»: «Si je parle du ”feu du concile” c’est pour évoquer ’enthousiasme, la chaleur, la lumière et la chaleur de l’expérience partagée au premier chef par les évêques, devenus acteurs de premier plan, dans l’histoire de l’Église et du monde. Mais le feu, c’est aussi les modifications, les remises en cause, les débandades parfois très douloureuses du paysage ecclésial et politique qui obligent les évêques à endosser le rôle de pompiers de l’incendie qu’ils avaient eux-mêmes allumé.»
Le «concile» a servi de prétexte ou de légitimation à toutes les remises en cause, à toutes les destructions. Mais ce n’est pas la lettre du concile qui les autorisait.
Le ravage dans le domaine liturgique a été peut-être le plus visible et reste le plus durable. Jean Madiran, dans les éditions successives de La messe, état de la question (livre qu’il regrettait qu’il soit si mal lu), ni dans son Histoire inachevée de la messe interdite, ni dans aucun de ses écrits, n’a nié «l’orthodoxie du texte latin authentique de la messe de Paul VI». Il a été, en revanche, parmi les premiers à contester l’orthodoxie du fameux article 7 de l’Institutio generalis, article qui, du reste, sera rapidement corrigé par Rome.
Dans sa Réclamation au Saint Père (1974), il avait demandé que Rome rende aux catholiques la messe traditionnelle, le catéchisme intégral et une version authentique des Écritures. On peut dire que sa réclamation a été progressivement mais largement entendue. Pour la messe: par l’indult de 1984, par le motu proprio de 1988 et par celui de 2007.
Mais Jean Madiran n’était pas un extrémiste ou un obtus. Il savait bien que la messe traditionnelle ne reviendrait pas partout et elle seule. Que le Novus ordo, malgré ses faiblesses, resterait, en France et dans toute l’Église, la forme «ordinaire» du rite romain (selon l’expression qu’emploiera Benoît XVI). En 1999, dans une lettre, inédite, à Dom Gérard, Jean Madiran reconnaissait avoir peut-être injustement méprisé la foi de l’Église telle qu’elle s’exprime dans la pauvre liturgie célébrée dans nombre de paroisses ordinaires: «nous avons été inattentifs peut-être (et peut-être hélas quelque peu méprisants), nous avons manqué de tendresse prévenante pour cette foi de l’Église présente dans ces paroisses décimées, ballottées, illusionnées, matraquées, diminuées, et que nous retrouvons toujours, béatement heureuses ou lucidement malheureuses de leur messe mal fichue, mais finalement fidèles.»
Jean Madiran sera encore lu par les générations futures parce qu’il était animé d’une flamme particulière. Cette flamme, ses ennemis ou ceux qui ne l’aimaient pas, n’ont pas perçu qu’elle avait un double éclat.
Il y avait d’abord l’acribie exceptionnelle de Jean Madiran, qui était en premier lieu une lecture attentive, puis l’art de repérer les contradictions, les formules alambiquées, les faux-fuyants. Sur ce point-là, il était en plein accord avec son exact contemporain Émile Poulat [1920-2014] pour qui le choix des mots et le sens des mots sont la clef de compréhension de la plupart des questions. Cette acribie de Madiran pouvait l’entraîner à des polémiques qu’il menait loin.
Mais ses adversaires, ou ceux qui ne l’aimaient pas, n’ont pas vu qu’il y avait en corollaire, chez Jean Madiran – et c’était le cœur de ses écrits et de son engagement –, un sens aigu de la piété ou ce qu’il appelait «l’esprit filial». Le Décalogue («Tu honoreras ton père et ta mère») s’accorde ici avec la loi naturelle exprimée par Maurras («Tout homme est un héritier»).
Comme nationaliste, Madiran avait un respect filial pour tout ce que la France a fait de meilleur, mais en tant que catholique il savait que sans la foi chrétienne la civilisation ne peut que déchoir, s’écrouler. Jean Madiran – Frère JeanBaptiste dans l’oblature bénédictine –, lui qui, sans le clamer à tout vent, se confessait tous les premiers samedis du mois, savait que le Ciel est la Patrie ultime du chrétien, pèlerin sur cette terre.
Yves Chiron
Rémi Fontaine, Itinéraires de Chrétienté avec Jean Madiran, 154 pages, 18 €.
En librairie ou directement auprès de l’éditeur: Presses de la Délivrance 3, rue de l’Arrivée 75015 Paris au prix de 18€ + 4,17 € de frais de port ou sur le site www.les4verites.