SOURCE - Maubert - Acampado - juin 2018
Par « dialogue», nous n’entendons pas ici la conversation, ou la discussion, mais une entente et des échanges entre personnes dont la pensée est divergente, moyennant des con cessions doctrinales.
Par « dialogue», nous n’entendons pas ici la conversation, ou la discussion, mais une entente et des échanges entre personnes dont la pensée est divergente, moyennant des con cessions doctrinales.
On peut dire que les maîtres en la matière, au 20ème
siècle, ont été les communistes. Malgré les atrocités qu’ils
ont pu commettre, ils ont réussi par cette arme à séduire
une multitude de chrétiens qui avaient pourtant été témoins
de leurs exactions.
Le père Dufay a fait une analyse détaillée du mécanisme
du dialogue entre communistes et catholiques, en
Chine. On est frappé de constater la quasi identité des
méthodes communistes avec celles employées par la
Rome moderniste à l’égard des communautés traditionnelles.
Après avoir résumé l’explication du père Dufay,
nous ferons le parallèle avec le dialogue entre Rome et
ces communautés.
Dialogue entre communistes et catholiques en Chine
Principe général
Tout d’abord, le principe général est que tout ce qui
émane des communistes est à interpréter dans le sens
marxiste. Quand ils parlent de « patriotisme », c’est en
fonction des principes marxistes, dans un but marxiste,
donc matérialiste.
Faire glisser les catholiques sur le terrain politique
Pour attirer les chrétiens à adhérer à leurs mouvements
et embarquer l’Église dans la Révolution, ils commencent
par l’accuser d’être complice de l’impérialisme.
Ils cherchent ainsi à l’attirer sur le terrain politique, transformant
la religion en une question poli tique. Ainsi, le
problème est faussé à la base. Les catholiques sont invités
à militer « en tant que catholiques ». Dès lors, l’autorité
civile revendique le droit et le devoir de contrôler la politique
du groupe religieux, procédant aux épurations nécessaires.
Tout opposant sera non plus un défenseur de
la foi, mais un réfractaire politique. Dès lors, le gouvernement
fait combattre les catholiques fidèles par les progressistes
; ils sèment la méfiance vis-à-vis des premiers,
soulèvent les seconds contre eux. Comme le terrain est
profane, il n’est plus question de martyre, aussi la volonté
de résistance disparaît.
Des formules ambiguës
La séduction du dialogue vient des formules ambiguës
employées par les communistes : ceux-ci se présentent
comme d’ardents défenseurs du patriotisme. Le
patriotisme n’est-il pas un impératif du christianisme ?
Entendre les communistes devenus patriotes, n’est-ce pas
déjà une victoire du catholicisme ?
Les propositions avancées par les communistes ont toujours une interprétation catholique possible. De plus, ils disent vouloir cette interprétation. Mais ensuite, dans leur propre conduite, ils utilisent leur sens et leurs principes à eux. Ils savent pertinemment que, de part et d’autre, les mots n’ont pas le même sens. Toute leur politique de séduction et de main tendue est basée sur cette con - naissance. La Révolution est d’abord une praxis ; les mots sont un simple outil. Sa méthode étant la dialectique, elle utilise une pro position mal comprise comme un bélier contre la « vérité-cible ». Ici, en l’occurrence, elle va opposer « le patriotisme » et le Vatican.
Les propositions avancées par les communistes ont toujours une interprétation catholique possible. De plus, ils disent vouloir cette interprétation. Mais ensuite, dans leur propre conduite, ils utilisent leur sens et leurs principes à eux. Ils savent pertinemment que, de part et d’autre, les mots n’ont pas le même sens. Toute leur politique de séduction et de main tendue est basée sur cette con - naissance. La Révolution est d’abord une praxis ; les mots sont un simple outil. Sa méthode étant la dialectique, elle utilise une pro position mal comprise comme un bélier contre la « vérité-cible ». Ici, en l’occurrence, elle va opposer « le patriotisme » et le Vatican.
Les concessions
Une fois les chrétiens attirés dans le guet-apens,
commencent les concessions et compromis. Dans un cercle, quelqu’un lance une
accusation contre tel évêque, jugé antipatriote. Au
début, cela trouble les catholiques ; mais ceux-ci se
voient obligés d’emboîter le pas, ayant admis le principe
du patriotisme. Ainsi, ils posent des actes contre leur
conscience ; et vite ils tombent dans la déchéance morale.
Le communisme fait crouler l’Église sous la corruption
des consciences, dont on ne se relève pas. C’est pire
qu’une apostasie, c’est une répétition d’actes contre la foi,
les idées se brouillent complètement.
Dès lors, la résistance devient impossible.
Dès lors, la résistance devient impossible.
Tous n’ouvrent pas les yeux au même moment ; ainsi
le bloc catholique se divise et se désagrège, morceau par
morceau.
Conclusion : dès le début, refuser le dialogue, et préférer le martyre
Par conséquent, il faut refuser le dia logue, lequel est
déloyal, et à armes inégales. Les sourires des marxistes
sont infiniment plus dangereux que leurs armes. Chaque
fois que les communistes sentent une résistance chez les
chrétiens, ils jettent du lest. Cela signifie que pour eux la
rupture du dialogue est indésirable ; celui-ci est essentiel
à leur but. Que faire ? Peut-on continuer le dialogue ?
Non, car par ce manège, les communistes en traînent les
catholiques dans leur dialectique matérialiste : c’est donc
la foi qui est en jeu. Il faut, pour la sauver, accepter la
persécution et le martyre. Mais ainsi, faisant des martyrs,
le communisme prépare sa propre défaite. « Ayez courage,
j’ai vaincu le monde », dit le Roi des martyrs.
Dialogue entre la Rome conciliaire et les traditionalistes
Principe général
Si nous appliquons tout cela à notre situation, le premier
principe est que ce qui vient des modernistes est à
interpréter en un sens moderniste. Nous l’avons vu, entre
autres, au sujet de l’expression du « concile vu à la lumière
de la Tradition ». Leur but est d’entraîner tout le monde
dans la dynamique révolutionnaire de Vatican II, c’est-à-dire
l’évolution des dogmes, et finalement l’œcuménisme,
base de la « nouvelle évangélisation », et à terme, l’unité
du genre humain dans la diversité des croyances, chacune
étant égale et libre.
Faire glisser les traditionalistes du plan doctrinal au plan disciplinaire
Pour attirer les traditionalistes dans ce mouvement,
ils commencent par des accusations : « vous êtes des dissidents,
coupés de Rome. » Ou bien, ils font des propositions
alléchantes : les possibilités d’un plus grand
rayonnement apostolique ; enfin, rien de plus efficace
que des cadeaux : le Motu proprio de 2007, la levée d’excommunications
(2009), la juridiction pour les confessions,
la délégation épiscopale pour nos mariages.
Il pourrait nous être opposé que le pape Benoît XVI,
lorsqu’il a reconnu que la messe traditionnelle n’avait jamais
été interdite et a déclaré que les prêtres du monde
entier pouvaient la célébrer, n’a tout de même pas fait là
une concession de détail. Certes, nous saluons le courage
certain qu’il lui a fallu puisque ces paroles ont suscité la
mauvaise humeur d’à peu près tout l’épiscopat. Mais la
vérité demande de souligner que Benoît XVI, dans l’acte
même où il lâche ces fortes con cessions, les reprend en
même temps en souhaitant la fécondation réciproque des
deux messes. Il ouvre en réalité un processus dialectique
en vue de parvenir à une réforme de la réforme, consensus
où chacun est invité à faire des concessions.
Quant aux autres concessions mention nées, c’est le
Saint-Siège qui est gagnant, car il apparaît comme un bon
prince, faisant miséricorde ; notre refus de faire des
concessions apparaîtra comme d’autant plus odieux ;
ainsi, une pression psychologique est exercée sur nous
pour faire cesser le combat. Et ces avancées laissent entendre
publiquement que les choses s’arrangent, alors
qu’en réalité, le problème de fond, qui est doctrinal, demeure
entier.
Les catholiques de la Tradition sont invités à venir «en tant que fidèles de la Tradition » ; on veut embarquer la Tradition « en tant que telle » dans la Révolution ; il faut qu’ils gardent leur « charisme propre ». Par ce jeu, la lumière de la Tradition n’est plus celle qui doit éclairer tout homme ; elle est une opinion parmi tant d’autres.
Ainsi, le processus de ralliement met en premier des
questions pratiques, et entre parenthèses le problème
doctrinal. C’est à ce niveau que s’opère le glissement. On
ne nie certes pas la doctrine, mais on insiste sur la régularisation.
Et à force de parler principale ment de cela, on
finit par penser que nous sommes dans l’irrégularité.
Tout est envisagé de ce point de vue. De la même façon
que les communistes faisaient de la religion une question
politique, ainsi les autorités romaines font de l’adhésion
au concile une question d’obéissance. De cette façon, le
motif du martyre - la foi - est supprimé. Toute réclamation contre les erreurs conciliaires ou contre les scandales
œcuméniques sera taxée de désobéissance ou de péché
contre l’unité. Ainsi, il n’y a plus de martyrs, et peu à peu
la résistance disparaît.
La réduction au silence, ou oubli du bien commun de l’église
On voit par là que, par le fait même de la reconnaissance
canonique, on se réduit au silence. Mgr Lefebvre
le disait d’ailleurs à propos de Dom Gérard : « Ce n’est
pas vrai qu’ils n’ont rien lâché ; ils ont lâché la possibilité
de contrer Rome. Ils ne peuvent plus rien dire. Ils doivent
se taire. »
Ce point est fondamental, car, par là, on voit que,
même si l’on n’exige de nous aucune déclaration doctrinale
sur Vatican II, déjà on cesse de le critiquer, et, dans
les faits, on entre dans la machine révolutionnaire : celle-ci,
en effet, admet en son sein tout le monde avec ses
opinions, mais à condition d’admettre comme défendables
celles du voisin. Ainsi, dans les faits, en se taisant,
on admet l’idéologie conciliaire comme acceptable ; dès
lors, c’est une reconnaissance implicite de Vatican II.
Puis, on ne tarde pas à relativiser les questions doctrinales,
et à ad mettre explicitement les erreurs modernes.
Ceci nous permet de donner une précision importante
: la question du bien commun. Par notre combat
doctrinal et notre opposition publique aux erreurs conciliaires,
nous défendons le bien commun de l’Église. En
nous taisant, nous serions admis dans l’Église officielle
avec des avantages certains, mais ce faisant, nous mettrions
notre bien particulier au-dessus du bien commun.
Tel est le piège des libéraux : faire de l’absolu [la vérité,
la Tradition] quelque chose de relatif. En effet, à ce moment,
la vérité, la Tradition est considérée comme un
bien pour certaines personnes attardées (nous), donc un
bien relatif, mais en aucun cas un bien nécessaire pour
tous, un absolu.
Au contraire, notre attitude est une attitude de membres
de l’Église. Le membre est la partie d’un tout ; la
partie est pour le tout. Ce que nous voulons, c’est le bien
de l’Église, le bien commun, à savoir, que Rome retrouve
sa Tradition. Certes, quelques-uns peuvent penser que
par une reconnaissance canonique on pourrait faire davantage
retentir la voix de la Tradition ; les intentions
sont sincères, mais nous avons vu que c’est une illusion.
La petite chèvre de monsieur Seguin croyait qu’elle vaincrait
le loup, mais la terrible réalité s’est imposée à elle.
Ce qui compte, c’est la réalité objective. Il faut y réfléchir,
car le bien commun, ici, est une question de salut
éternel.