SOURCE - Abbé Patrick Troadec, fsspx - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs du séminaire St-Curé-d'Ars n° 70 - 2 février 2010
La vie au séminaire Saint-Curé-d'Ars
Ils sont heureux !
Il y a quelques années, un notaire de la région est passé au Séminaire récupérer la clef d’une maison avoisinante. Il était environ 13 heures. Je me trouvais dans le cloître intérieur près du réfectoire. Les séminaristes et les frères sortaient justement du réfectoire pour se rendre en récréation. Je remets au notaire la clef en mains propres et il me regarde avec un visage perplexe. Je le rassure en lui disant que c’est bien la clef qu’il était venu chercher. « Non, ce n’est pas cela », me dit-il. Puis, me montrant les séminaristes et les frères, il ajoute : « Ils sont heureux ! » Il avait dû se faire une telle idée de la vie au Séminaire de Flavigny qu’il était tout surpris de voir des séminaristes rayonnant de paix et de joie. « Comment, devait-il se dire en lui-même, ces jeunes peuvent-ils être heureux sans posséder tout ce que le monde recherche : les biens matériels, les jouissances terrestres, etc. ? »
J’ai eu des expériences analogues, notamment au cours de pèlerinages, avec des chauffeurs de car qui conduisaient des séminaristes sur la route de Chartres à Paris ou à la Salette. Eux aussi étaient tout surpris devant le visage épanoui des séminaristes et leur bonne humeur. Des collègues de travail leur avaient souhaité bon courage lorsqu’ils avaient appris qu’ils devaient conduire des séminaristes traditionalistes. Aussi s’attendaient-ils au pire. C’est pourquoi le contraste entre leur appréhension du départ et la réalité n’en était que plus marquant.
De fait, les séminaristes fidèles à leur vocation sont vraiment heureux. Monseigneur LEFEBVRE le disait déjà il y a trente ans : « Le séminaire doit être un petit paradis. Oh ! ajoutait- il, avec un petit peu de purgatoire ! » Et aujourd’hui, je peux en témoigner, la vie au Séminaire de Flavigny est vraiment un havre de paix et de véritable joie spirituelle pour les séminaristes et les frères généreux, fidèles à leur vocation.
L’unique nécessaire
Les gens du monde, surtout ceux qui vivent loin de la religion, ont du mal à comprendre ce bonheur parce qu’ils s’arrêtent aux renoncements que s’imposent les jeunes qui, embrassant la vocation sacerdotale ou religieuse, entrent au séminaire. Il est vrai que ces jeunes gens renoncent à une carrière professionnelle parfois brillante, ils renoncent aux joies légitimes du mariage, mais le moteur de leur engagement n’est pas avant tout le renoncement. Ils ne cherchent pas à se renoncer pour se renoncer. Ils cherchent avant tout à vivre dans une grande intimité avec Notre-Seigneur, avec le désir de le faire connaître un jour aux âmes auprès desquelles ils seront envoyés.
Souvenez-vous de la parole de Notre-Seigneur à Marthe : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses alors qu’il n’est besoin que d’une seule. C’est Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée » (Lc 10, 42).
Contrairement à ce qui pourrait paraître extérieurement, au regard de personnes ignorant les lois de la vie intérieure, le séminaire n’est pas une prison, mais une école de véritable sagesse. On y exclut tous les soins du monde pour se concentrer sur l’unique nécessaire, qui seul peut nous procurer une paix profonde et durable.
L’Église forme le Corps Mystique de Notre-Seigneur. Dans ce corps, chaque personne est appelée à remplir une mission particulière, analogue à celle que remplit chaque organe de notre corps. Un corps humain est parfait lorsque l’oeil discerne bien les objets, l’ouïe les sons, lorsque l’estomac répond à sa fonction, ainsi que les poumons et le coeur. De même, la perfection du Corps de l’Église, c’est que tous les membres exercent constamment l’action qui leur est particulièrement destinée. Et ce qui est vrai de l’Église est vrai aussi du séminaire. Au séminaire, prêtres, frères et séminaristes occupent chacun une fonction particulière, et de la fidélité de chacun à sa mission propre résultent l’unité et l’harmonie de l’ensemble.
Les fiançailles avec le Bon Dieu
Ce qui facilite la fidélité de chacun des membres du séminaire, c’est tout d’abord l’élan donné par l’Esprit-Saint aux séminaristes et aux frères dans la ligne de leur oui initial. La première année de séminaire est comparable à la période des fiançailles. C’est une période de fraîcheur et d’enthousiasme que l’apprentissage de cette nouvelle vie où le Bon Dieu se donne généreusement à l’âme qui a tout quitté pour le suivre. Par ailleurs, le fait d’être entouré de jeunes animés du même idéal facilite l’élan de chacun vers le bien. Autant, dans le monde et spécialement dans les grandes villes, il y a aujourd’hui des incitations constantes au mal, autant, dans un séminaire, il y a de constantes invitations à la pratique des vertus.
Ce qui favorise au séminaire cet élan vers le bien, c’est le silence qui y règne. Il est vrai qu’au début de l’année, il n’est pas toujours facile à certains séminaristes de prendre cette habitude du silence. Mais, peu à peu, ils s’aperçoivent eux-mêmes des bienfaits qui en découlent.
Le silence en effet permet de joindre les avantages de la vie commune à ceux de la vie solitaire. Le silence est favorable aussi bien à l’étude qu’à la piété, qui sont les deux points fondamentaux d’un séminaire pour réaliser le prêtre à la fois pieux et savant, répondant à la maxime favorite de Claude POULLART DES PLACES : « Un clerc pieux sans science a un zèle aveugle ; un clerc savant sans piété est exposé à devenir hérétique et rebelle à l’Église ». Cette maxime, formulée au temps du jansénisme, est l’écho de celle de saint Bernard : « Uniquement briller [par la science], c’est vain ; simplement réchauffer [par la piété], c’est peu ; chauffer et briller [par la piété et la science], c’est la perfection ».
La prière et l’étude
Comme le disait le Père LE FLOCH, supérieur du Séminaire français de Rome au temps où Monseigneur LEFEBVRE y était séminariste :
« Cette fusion de la science et de la piété est l’idée maîtresse qui doit planer sur tous les détails de la formation des séminaristes pour la féconder, l’animer et donner le branle à toute l’activité ; idée haute et généreuse, évidente et simple, vivifiante et suggestive, engendrant la conviction pratique que, pour relever les âmes, la famille et la société, pour y faire entrer la force d’enseignement de la vérité catholique, il faut que du prêtre, comme d’un foyer sacré de lumière et de chaleur, s’échappe le rayonnement d’une solide doctrine romaine et d’une piété ardente, fondée sur cette doctrine »
. Les séminaristes vivent dans le silence pour s’adonner à l’étude et à la prière. En première année, les études sont surtout orientées vers la vie intérieure. Il s’agit pour les séminaristes, comme cela est mentionné dans le règlement du Séminaire, « d’apprendre les principes de la vie intérieure, de la vie en présence de Dieu et en union à Dieu, les fondements du combat spirituel, l’âme de tout apostolat, etc. » ; et les séminaristes « s’appliquent à mettre ces principes en action dans leur vie personnelle ».
Le village médiéval de Flavigny, la propriété elle-même qu’est la Maison Lacordaire, restaurée durant ces vingt dernières années, favorisent le recueillement et l’élévation de l’âme des séminaristes et des frères vers Dieu.
A ce cadre extérieur s’ajoute la vie liturgique qui occupe une grande place au Séminaire. Nous vivons au rythme de la liturgie. L’alternance de périodes pénitentielles et de périodes festives permet le développement de la gratia sanans, la grâce qui guérit, et de la gratia elevans, la grâce qui élève. Pécheurs, nous avons besoin d’éteindre le foyer du péché qui demeure en nous même après le baptême, mais nous avons également le privilège inouï de vivre dès à présent de la vie divine qui fera notre bonheur au Ciel.
Notre-Seigneur est notre modèle, notre Maître et notre compagnon de route tout au long de notre pèlerinage sur terre, et les séminaristes apprennent à vivre en sa compagnie durant les longs moments qu’ils passent quotidiennement à l’église et dans le silence de leur cellule.
De 6 heures du matin à 22 heures, les séminaristes ont un programme bien rempli par des activités où rien n’est laissé à la fantaisie ni à l’arbitraire, sans pour autant exclure des moments de détente. Toute la journée est centrée sur la messe. C’est elle qui est le soleil de la journée du prêtre, c’est elle qui est déjà au centre de la vie du séminariste. Précédée de la prière de Prime et de l’oraison, elle met entre les mains des séminaristes et des frères toutes les grâces qui leur seront nécessaires pour vivre saintement.
Si le dimanche est pour les prêtres chargés d’une paroisse la journée où ils sont souvent le plus occupés par leur ministère, le dimanche au Séminaire est au contraire la journée la plus calme de toutes. En dehors de la dernière répétition grégorienne, les séminaristes peuvent à loisir vaquer à la prière tout au long de la matinée. Ils ont à coeur de se pénétrer des textes liturgiques et de vivre dans une plus grande intimité avec Notre-Seigneur.
Les fêtes sont aussi très marquées. Les messes de deuxième classe sont chantées et celles de première classe sont encadrées par les premières et deuxièmes Vêpres. Mais, sans conteste, ce sont les fêtes de Noël et de Pâques qui sont célébrées avec le plus de solennité. Elles sont d’autant plus appréciées qu’elles ont été précédées par des efforts particuliers durant l’Avent et le Carême.
Un autre événement inoubliable, c’est la prise de soutane pour les séminaristes et la prise d’habit pour les frères. A ce moment-là, ils quittent à tout jamais le vêtement civil pour embrasser l’habit religieux ou sacerdotal. C’est une étape très importante qui concrétise leur engagement au service de Notre-Seigneur et de son Église. La présence de leur famille et de leurs amis donne encore plus de solennité à la cérémonie et à la fête qui l’entoure.
L’importance de l’environnement
Je remercie à titre particulier les parents des séminaristes et les prêtres des écoles pour la formation qu’ils ont donnée aux jeunes qu’ils nous confient. En effet, nous avons bien conscience du Répétition grégorienne travail accompli en amont durant tant d’années. Si nous avons la grâce de voir de si beaux fruits de vertu dès la première année de séminaire chez plusieurs séminaristes, cela vient du travail de la grâce opéré en eux bien souvent dès leur plus jeune âge.
L’augmentation du nombre de frères ces dix dernières années a également facilité de beaucoup le travail des prêtres du Séminaire. La transmission des différentes charges et des coutumes du Séminaire se fait en effet aujourd’hui par l’intermédiaire de nos frères. En dehors des quatre frères profès qui sont maintenant affectés en permanence au Séminaire, les aspirants frères qui y reçoivent leur formation y restent trois ans, tandis que les séminaristes n’y demeurent qu’une seule année avant de gagner Écône. L’exemple édifiant des frères est un précieux stimulant pour les séminaristes. Monseigneur LEFEBVRE était religieux et souhaitait donner à ses prêtres un esprit religieux. Cette transmission se fait naturellement par l’exemple vivant de frères zélés, aussi discrets qu’efficaces dans leurs charges.
Pour aider les séminaristes à donner le meilleur d’eux-mêmes et à grandir spirituellement, je suis aidé au Séminaire par quatre confrères : Monsieur l’abbé LAURENÇON, Monsieur l’abbé CALLIER, Monsieur l’abbé GODARD et Monsieur l’abbé JOLY. Ils donnent respectivement les cours d’Écriture Sainte, de patrologie, de liturgie et des actes du Magistère, le cours de spiritualité étant dispensé par moi-même. Les cours de latin et de chant grégorien sont assurés par des frères. Chacun avec son charisme propre contribue à l’édification des séminaristes.
Une vie merveilleuse
Comme l’indique le règlement, « cette année de spiritualité doit être pour les séminaristes une année de lumière spirituelle, qui opère en eux une profonde conversion et orientation vers Dieu. […] Cette année consciencieusement accomplie doit avoir une influence considérable sur toute la vie du futur prêtre ».
Voilà en quelques mots la vie du Séminaire. Même si cette description est bien imparfaite et incomplète, elle vous donne un aperçu de ce que vivent les séminaristes à Flavigny. Je suis de plus en plus convaincu que bien des jeunes se donneraient à Dieu s’ils connaissaient la beauté d’une vie sacerdotale ou religieuse. Notre-Seigneur ne nous a pas fait une vaine promesse lorsqu’il a promis le centuple dès ici-bas à ceux qui se consacreraient à son service. C’est le premier pas qui coûte. Aussi mon plus grand souhait est-il que cette grâce sublime de la vocation soit accueillie avec empressement par tous ceux que Dieu appelle à son service.
Je vous remercie, chers amis et bienfaiteurs, pour vos prières. Soyez assurés en retour des miennes et de celles de mes confrères à toutes vos intentions.
Abbé Patrick TROADEC, Directeur,
le 2 février 2010, en la fête de la Présentation de l’Enfant-Jésus au Temple
La vie au séminaire Saint-Curé-d'Ars
Ils sont heureux !
Il y a quelques années, un notaire de la région est passé au Séminaire récupérer la clef d’une maison avoisinante. Il était environ 13 heures. Je me trouvais dans le cloître intérieur près du réfectoire. Les séminaristes et les frères sortaient justement du réfectoire pour se rendre en récréation. Je remets au notaire la clef en mains propres et il me regarde avec un visage perplexe. Je le rassure en lui disant que c’est bien la clef qu’il était venu chercher. « Non, ce n’est pas cela », me dit-il. Puis, me montrant les séminaristes et les frères, il ajoute : « Ils sont heureux ! » Il avait dû se faire une telle idée de la vie au Séminaire de Flavigny qu’il était tout surpris de voir des séminaristes rayonnant de paix et de joie. « Comment, devait-il se dire en lui-même, ces jeunes peuvent-ils être heureux sans posséder tout ce que le monde recherche : les biens matériels, les jouissances terrestres, etc. ? »
J’ai eu des expériences analogues, notamment au cours de pèlerinages, avec des chauffeurs de car qui conduisaient des séminaristes sur la route de Chartres à Paris ou à la Salette. Eux aussi étaient tout surpris devant le visage épanoui des séminaristes et leur bonne humeur. Des collègues de travail leur avaient souhaité bon courage lorsqu’ils avaient appris qu’ils devaient conduire des séminaristes traditionalistes. Aussi s’attendaient-ils au pire. C’est pourquoi le contraste entre leur appréhension du départ et la réalité n’en était que plus marquant.
De fait, les séminaristes fidèles à leur vocation sont vraiment heureux. Monseigneur LEFEBVRE le disait déjà il y a trente ans : « Le séminaire doit être un petit paradis. Oh ! ajoutait- il, avec un petit peu de purgatoire ! » Et aujourd’hui, je peux en témoigner, la vie au Séminaire de Flavigny est vraiment un havre de paix et de véritable joie spirituelle pour les séminaristes et les frères généreux, fidèles à leur vocation.
L’unique nécessaire
Les gens du monde, surtout ceux qui vivent loin de la religion, ont du mal à comprendre ce bonheur parce qu’ils s’arrêtent aux renoncements que s’imposent les jeunes qui, embrassant la vocation sacerdotale ou religieuse, entrent au séminaire. Il est vrai que ces jeunes gens renoncent à une carrière professionnelle parfois brillante, ils renoncent aux joies légitimes du mariage, mais le moteur de leur engagement n’est pas avant tout le renoncement. Ils ne cherchent pas à se renoncer pour se renoncer. Ils cherchent avant tout à vivre dans une grande intimité avec Notre-Seigneur, avec le désir de le faire connaître un jour aux âmes auprès desquelles ils seront envoyés.
Souvenez-vous de la parole de Notre-Seigneur à Marthe : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses alors qu’il n’est besoin que d’une seule. C’est Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée » (Lc 10, 42).
Contrairement à ce qui pourrait paraître extérieurement, au regard de personnes ignorant les lois de la vie intérieure, le séminaire n’est pas une prison, mais une école de véritable sagesse. On y exclut tous les soins du monde pour se concentrer sur l’unique nécessaire, qui seul peut nous procurer une paix profonde et durable.
L’Église forme le Corps Mystique de Notre-Seigneur. Dans ce corps, chaque personne est appelée à remplir une mission particulière, analogue à celle que remplit chaque organe de notre corps. Un corps humain est parfait lorsque l’oeil discerne bien les objets, l’ouïe les sons, lorsque l’estomac répond à sa fonction, ainsi que les poumons et le coeur. De même, la perfection du Corps de l’Église, c’est que tous les membres exercent constamment l’action qui leur est particulièrement destinée. Et ce qui est vrai de l’Église est vrai aussi du séminaire. Au séminaire, prêtres, frères et séminaristes occupent chacun une fonction particulière, et de la fidélité de chacun à sa mission propre résultent l’unité et l’harmonie de l’ensemble.
Les fiançailles avec le Bon Dieu
Ce qui facilite la fidélité de chacun des membres du séminaire, c’est tout d’abord l’élan donné par l’Esprit-Saint aux séminaristes et aux frères dans la ligne de leur oui initial. La première année de séminaire est comparable à la période des fiançailles. C’est une période de fraîcheur et d’enthousiasme que l’apprentissage de cette nouvelle vie où le Bon Dieu se donne généreusement à l’âme qui a tout quitté pour le suivre. Par ailleurs, le fait d’être entouré de jeunes animés du même idéal facilite l’élan de chacun vers le bien. Autant, dans le monde et spécialement dans les grandes villes, il y a aujourd’hui des incitations constantes au mal, autant, dans un séminaire, il y a de constantes invitations à la pratique des vertus.
Ce qui favorise au séminaire cet élan vers le bien, c’est le silence qui y règne. Il est vrai qu’au début de l’année, il n’est pas toujours facile à certains séminaristes de prendre cette habitude du silence. Mais, peu à peu, ils s’aperçoivent eux-mêmes des bienfaits qui en découlent.
Le silence en effet permet de joindre les avantages de la vie commune à ceux de la vie solitaire. Le silence est favorable aussi bien à l’étude qu’à la piété, qui sont les deux points fondamentaux d’un séminaire pour réaliser le prêtre à la fois pieux et savant, répondant à la maxime favorite de Claude POULLART DES PLACES : « Un clerc pieux sans science a un zèle aveugle ; un clerc savant sans piété est exposé à devenir hérétique et rebelle à l’Église ». Cette maxime, formulée au temps du jansénisme, est l’écho de celle de saint Bernard : « Uniquement briller [par la science], c’est vain ; simplement réchauffer [par la piété], c’est peu ; chauffer et briller [par la piété et la science], c’est la perfection ».
La prière et l’étude
Comme le disait le Père LE FLOCH, supérieur du Séminaire français de Rome au temps où Monseigneur LEFEBVRE y était séminariste :
« Cette fusion de la science et de la piété est l’idée maîtresse qui doit planer sur tous les détails de la formation des séminaristes pour la féconder, l’animer et donner le branle à toute l’activité ; idée haute et généreuse, évidente et simple, vivifiante et suggestive, engendrant la conviction pratique que, pour relever les âmes, la famille et la société, pour y faire entrer la force d’enseignement de la vérité catholique, il faut que du prêtre, comme d’un foyer sacré de lumière et de chaleur, s’échappe le rayonnement d’une solide doctrine romaine et d’une piété ardente, fondée sur cette doctrine »
. Les séminaristes vivent dans le silence pour s’adonner à l’étude et à la prière. En première année, les études sont surtout orientées vers la vie intérieure. Il s’agit pour les séminaristes, comme cela est mentionné dans le règlement du Séminaire, « d’apprendre les principes de la vie intérieure, de la vie en présence de Dieu et en union à Dieu, les fondements du combat spirituel, l’âme de tout apostolat, etc. » ; et les séminaristes « s’appliquent à mettre ces principes en action dans leur vie personnelle ».
Le village médiéval de Flavigny, la propriété elle-même qu’est la Maison Lacordaire, restaurée durant ces vingt dernières années, favorisent le recueillement et l’élévation de l’âme des séminaristes et des frères vers Dieu.
A ce cadre extérieur s’ajoute la vie liturgique qui occupe une grande place au Séminaire. Nous vivons au rythme de la liturgie. L’alternance de périodes pénitentielles et de périodes festives permet le développement de la gratia sanans, la grâce qui guérit, et de la gratia elevans, la grâce qui élève. Pécheurs, nous avons besoin d’éteindre le foyer du péché qui demeure en nous même après le baptême, mais nous avons également le privilège inouï de vivre dès à présent de la vie divine qui fera notre bonheur au Ciel.
Notre-Seigneur est notre modèle, notre Maître et notre compagnon de route tout au long de notre pèlerinage sur terre, et les séminaristes apprennent à vivre en sa compagnie durant les longs moments qu’ils passent quotidiennement à l’église et dans le silence de leur cellule.
De 6 heures du matin à 22 heures, les séminaristes ont un programme bien rempli par des activités où rien n’est laissé à la fantaisie ni à l’arbitraire, sans pour autant exclure des moments de détente. Toute la journée est centrée sur la messe. C’est elle qui est le soleil de la journée du prêtre, c’est elle qui est déjà au centre de la vie du séminariste. Précédée de la prière de Prime et de l’oraison, elle met entre les mains des séminaristes et des frères toutes les grâces qui leur seront nécessaires pour vivre saintement.
Si le dimanche est pour les prêtres chargés d’une paroisse la journée où ils sont souvent le plus occupés par leur ministère, le dimanche au Séminaire est au contraire la journée la plus calme de toutes. En dehors de la dernière répétition grégorienne, les séminaristes peuvent à loisir vaquer à la prière tout au long de la matinée. Ils ont à coeur de se pénétrer des textes liturgiques et de vivre dans une plus grande intimité avec Notre-Seigneur.
Les fêtes sont aussi très marquées. Les messes de deuxième classe sont chantées et celles de première classe sont encadrées par les premières et deuxièmes Vêpres. Mais, sans conteste, ce sont les fêtes de Noël et de Pâques qui sont célébrées avec le plus de solennité. Elles sont d’autant plus appréciées qu’elles ont été précédées par des efforts particuliers durant l’Avent et le Carême.
Un autre événement inoubliable, c’est la prise de soutane pour les séminaristes et la prise d’habit pour les frères. A ce moment-là, ils quittent à tout jamais le vêtement civil pour embrasser l’habit religieux ou sacerdotal. C’est une étape très importante qui concrétise leur engagement au service de Notre-Seigneur et de son Église. La présence de leur famille et de leurs amis donne encore plus de solennité à la cérémonie et à la fête qui l’entoure.
L’importance de l’environnement
Je remercie à titre particulier les parents des séminaristes et les prêtres des écoles pour la formation qu’ils ont donnée aux jeunes qu’ils nous confient. En effet, nous avons bien conscience du Répétition grégorienne travail accompli en amont durant tant d’années. Si nous avons la grâce de voir de si beaux fruits de vertu dès la première année de séminaire chez plusieurs séminaristes, cela vient du travail de la grâce opéré en eux bien souvent dès leur plus jeune âge.
L’augmentation du nombre de frères ces dix dernières années a également facilité de beaucoup le travail des prêtres du Séminaire. La transmission des différentes charges et des coutumes du Séminaire se fait en effet aujourd’hui par l’intermédiaire de nos frères. En dehors des quatre frères profès qui sont maintenant affectés en permanence au Séminaire, les aspirants frères qui y reçoivent leur formation y restent trois ans, tandis que les séminaristes n’y demeurent qu’une seule année avant de gagner Écône. L’exemple édifiant des frères est un précieux stimulant pour les séminaristes. Monseigneur LEFEBVRE était religieux et souhaitait donner à ses prêtres un esprit religieux. Cette transmission se fait naturellement par l’exemple vivant de frères zélés, aussi discrets qu’efficaces dans leurs charges.
Pour aider les séminaristes à donner le meilleur d’eux-mêmes et à grandir spirituellement, je suis aidé au Séminaire par quatre confrères : Monsieur l’abbé LAURENÇON, Monsieur l’abbé CALLIER, Monsieur l’abbé GODARD et Monsieur l’abbé JOLY. Ils donnent respectivement les cours d’Écriture Sainte, de patrologie, de liturgie et des actes du Magistère, le cours de spiritualité étant dispensé par moi-même. Les cours de latin et de chant grégorien sont assurés par des frères. Chacun avec son charisme propre contribue à l’édification des séminaristes.
Une vie merveilleuse
Comme l’indique le règlement, « cette année de spiritualité doit être pour les séminaristes une année de lumière spirituelle, qui opère en eux une profonde conversion et orientation vers Dieu. […] Cette année consciencieusement accomplie doit avoir une influence considérable sur toute la vie du futur prêtre ».
Voilà en quelques mots la vie du Séminaire. Même si cette description est bien imparfaite et incomplète, elle vous donne un aperçu de ce que vivent les séminaristes à Flavigny. Je suis de plus en plus convaincu que bien des jeunes se donneraient à Dieu s’ils connaissaient la beauté d’une vie sacerdotale ou religieuse. Notre-Seigneur ne nous a pas fait une vaine promesse lorsqu’il a promis le centuple dès ici-bas à ceux qui se consacreraient à son service. C’est le premier pas qui coûte. Aussi mon plus grand souhait est-il que cette grâce sublime de la vocation soit accueillie avec empressement par tous ceux que Dieu appelle à son service.
Je vous remercie, chers amis et bienfaiteurs, pour vos prières. Soyez assurés en retour des miennes et de celles de mes confrères à toutes vos intentions.
Abbé Patrick TROADEC, Directeur,
le 2 février 2010, en la fête de la Présentation de l’Enfant-Jésus au Temple