SOURCE - Mgr Jean-Michel di Falco Leandri - Diocèse de Gap - 15 février 2010
Lorsque j’ouvre une enveloppe qui m’est personnellement adressée, je regarde la signature au bas de la lettre. Si elle est anonyme, je la mets directement au panier. A quoi bon accorder de l’attention à de lâches rédacteurs ? Ils prétendent souvent s’exprimer au nom de Jésus-Christ et pour l’unité de l’Eglise en pratiquant l’insulte ou la menace et en distillant la haine.
Fait rarissime, j’ai lu jusqu’au bout la lettre anonyme dont vous pouvez prendre connaissance ci-dessous. J’ai voulu cette fois-ci répondre même si je doute que cela serve à quelque chose : il n’y a pas de pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre ! Ne pouvant m’adresser directement aux auteurs qui profitent du mardi gras et de la période du carnaval pour se parer de masques, je ne puis faire qu’une réponse publique.
Que me reproche t-on ? Je cite les termes de la lettre. « La prise en charge par le diocèse d’un intégriste a surpris et mécontenté beaucoup de monde. » De qui s’agit-il en fait ? D’un prêtre qui célèbre la messe pour la communauté Saint Pie V. Celui-ci travaille aux archives diocésaines à mi-temps. Il participe aux réunions du Conseil presbytéral, du doyenné de Gap, il est toujours présent aux rassemblements diocésains. Il concélèbre chaque fois que l’occasion se présente. Je lui ai confié la charge de la communauté Saint Pie V dans le cadre de l’application du « Motu Proprio » tel que le Pape l’a demandé. Depuis, cette communauté qui vivait en marge du diocèse, participe à la vie pastorale sans se sentir ni rejetée, ni jugée, ni injustement traitée « d’intégriste ». Les responsables ont accepté que la communauté Saint Pie V, sans être paroisse, ait le même statut que les paroisses du diocèse sur le plan financier. Elle participe ainsi, de fait, financièrement à la vie du diocèse. J’ajoute que ce prêtre et les responsables de la communauté Saint Pie V entretiennent des relations loyales avec l’évêque, le vicaire général et les prêtres du doyenné de Gap. Qui y a-t-il d’anormal à prendre en charge ce prêtre au même titre que les autres prêtres du diocèse ? Anormal, serait-ce la réponse que des baptisés aurait à donner à la dernière prière du Christ : « Père, qu’ils soient un comme toi et moi, nous sommes un » ! Cette prière du Christ est la prière de tout évêque. C’est une prière audacieuse et risquée. Elle engage une charge de tous les jours. De quel droit, mettrions-nous hors de la communion, des baptisés qui, certes avec une sensibilité liturgique propre, sont en pleine communion avec l’Eglise ?
Je cite encore : « Dans le débat des critiques ont été formulées contre vous. (Le contraire m’aurait étonné. J’ai dans ce domaine une grande expérience !) Les plus jeunes les ont résumées comme ceci : c’est par ambition qu’il fayote avec Benoit XVI ! Ce qui a entrainé que lui-même soit fortement mis en cause, ce qui n’avait pas encore été fait entre nous. » Si mettre en application ce qu’a demandé Benoit XVI dans le « Motu Proprio » c’est « fayoter », alors nous sommes plus d’une centaine d’évêques en France à « fayoter ». Quand tout le monde fayote il y a peu de chance de tirer bénéfice de son fayotage ! Quelle naïveté, quelle méconnaissance de l’Eglise révèlent de tels propos. Croient-ils sérieusement que Benoit XVI est informé de ce qui se passe dans notre petit diocèse de montagne ?
Si les rédacteurs de cette lettre anonyme se donnent la peine de lire mes déclarations suite aux évènements qui ont marqué la vie de l’Eglise l’année dernière (voir le blog du diocèse), ils constateront que mon ambition, si ambition il y avait, est plutôt compromise. L’ambition bâillonne la liberté et je tiens à la mienne. Qu’ils aillent voir sur Internet comment j’ai été traité. Je ne parlerai pas de la distribution dans le diocèse de tracts injurieux et calomnieux me concernant. Cela pour avoir dit, lors d’une interview à la radio, pendant le voyage du Pape à Lourdes, que les évêques feraient ce qu’ils jugeraient nécessaire pour l’application du « Motu Proprio » dans leur diocèse mais qu’ils refusaient l’instrumentalisation de la messe en latin comme étendard emblématique d’une idéologie dans laquelle un chrétien ne peut se retrouver.
Ce qui me rassure c’est que je suis un sinistre intégriste pour les uns et un dangereux progressiste pour d’autres.
Je cite encore : « Il nous a paru loyal (loyal en étant anonymes ? Où est la loyauté quand elle renonce au courage ?) de vous avertir car cela bouillonne à plusieurs endroits dans le diocèse. » Si cela bouillonne dans le diocèse, ma porte est grande ouverte pour une rencontre. Mais j’aimerais que cela bouillonne pour d’autres choses que des mesquineries signes d’une attristante étroitesse d’esprit. Que ça bouillonne donc pour la mise en œuvre des orientations synodales, pour les vocations, pour la catéchèse, pour l’animation pastorale des petites communautés les plus isolées, pour accompagner les prêtres dans un ministère chaque jour plus difficile ! Que ça bouillonne pour se montrer accueillant et attentif pour celles et ceux que la vie malmène, celles et ceux qui ont trop souvent le sentiment que l’Eglise les rejette et les condamne, ceux qui sont blessés dans leur corps et dans leur cœur. Sans juger, en aimant tout simplement.
Lorsque les rédacteurs de la lettre écrivent : « A plusieurs nous nous sommes concertés. Si pourvu qu’ils fassent amende honorable, nous souhaitons tous que les séparatistes rejoignent notre église… » Mais pour qui se prennent-ils ? Qu’ils rendent vivantes et accueillantes les communautés auxquelles ils appartiennent pour donner envie de les rejoindre. A lire cette lettre, qui pourrait être celle d’une secte, j’avoue que si je n’étais pas évêque, avec le devoir d’être accueillant pour tous, je n’aurais aucune désir de les rejoindre.
Enfin, quant au prêtre dont les propos sont cités, je ne retiendrai que la dernière phrase : « Heureusement qu’il y a Jésus-Christ ! » Oui, heureusement il y a Jésus-Christ. Après avoir réduit en « cendres » nos mesquineries, puissions-nous nous inspirer toujours davantage de son exemple. Voilà une bonne résolution pour l’entrée en Carême, non ?
Gap, le 15 février 2010
+ Jean-Michel di FALCO LEANDRI
Evêque de Gap et d'Embrun
Lorsque j’ouvre une enveloppe qui m’est personnellement adressée, je regarde la signature au bas de la lettre. Si elle est anonyme, je la mets directement au panier. A quoi bon accorder de l’attention à de lâches rédacteurs ? Ils prétendent souvent s’exprimer au nom de Jésus-Christ et pour l’unité de l’Eglise en pratiquant l’insulte ou la menace et en distillant la haine.
Fait rarissime, j’ai lu jusqu’au bout la lettre anonyme dont vous pouvez prendre connaissance ci-dessous. J’ai voulu cette fois-ci répondre même si je doute que cela serve à quelque chose : il n’y a pas de pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre ! Ne pouvant m’adresser directement aux auteurs qui profitent du mardi gras et de la période du carnaval pour se parer de masques, je ne puis faire qu’une réponse publique.
Que me reproche t-on ? Je cite les termes de la lettre. « La prise en charge par le diocèse d’un intégriste a surpris et mécontenté beaucoup de monde. » De qui s’agit-il en fait ? D’un prêtre qui célèbre la messe pour la communauté Saint Pie V. Celui-ci travaille aux archives diocésaines à mi-temps. Il participe aux réunions du Conseil presbytéral, du doyenné de Gap, il est toujours présent aux rassemblements diocésains. Il concélèbre chaque fois que l’occasion se présente. Je lui ai confié la charge de la communauté Saint Pie V dans le cadre de l’application du « Motu Proprio » tel que le Pape l’a demandé. Depuis, cette communauté qui vivait en marge du diocèse, participe à la vie pastorale sans se sentir ni rejetée, ni jugée, ni injustement traitée « d’intégriste ». Les responsables ont accepté que la communauté Saint Pie V, sans être paroisse, ait le même statut que les paroisses du diocèse sur le plan financier. Elle participe ainsi, de fait, financièrement à la vie du diocèse. J’ajoute que ce prêtre et les responsables de la communauté Saint Pie V entretiennent des relations loyales avec l’évêque, le vicaire général et les prêtres du doyenné de Gap. Qui y a-t-il d’anormal à prendre en charge ce prêtre au même titre que les autres prêtres du diocèse ? Anormal, serait-ce la réponse que des baptisés aurait à donner à la dernière prière du Christ : « Père, qu’ils soient un comme toi et moi, nous sommes un » ! Cette prière du Christ est la prière de tout évêque. C’est une prière audacieuse et risquée. Elle engage une charge de tous les jours. De quel droit, mettrions-nous hors de la communion, des baptisés qui, certes avec une sensibilité liturgique propre, sont en pleine communion avec l’Eglise ?
Je cite encore : « Dans le débat des critiques ont été formulées contre vous. (Le contraire m’aurait étonné. J’ai dans ce domaine une grande expérience !) Les plus jeunes les ont résumées comme ceci : c’est par ambition qu’il fayote avec Benoit XVI ! Ce qui a entrainé que lui-même soit fortement mis en cause, ce qui n’avait pas encore été fait entre nous. » Si mettre en application ce qu’a demandé Benoit XVI dans le « Motu Proprio » c’est « fayoter », alors nous sommes plus d’une centaine d’évêques en France à « fayoter ». Quand tout le monde fayote il y a peu de chance de tirer bénéfice de son fayotage ! Quelle naïveté, quelle méconnaissance de l’Eglise révèlent de tels propos. Croient-ils sérieusement que Benoit XVI est informé de ce qui se passe dans notre petit diocèse de montagne ?
Si les rédacteurs de cette lettre anonyme se donnent la peine de lire mes déclarations suite aux évènements qui ont marqué la vie de l’Eglise l’année dernière (voir le blog du diocèse), ils constateront que mon ambition, si ambition il y avait, est plutôt compromise. L’ambition bâillonne la liberté et je tiens à la mienne. Qu’ils aillent voir sur Internet comment j’ai été traité. Je ne parlerai pas de la distribution dans le diocèse de tracts injurieux et calomnieux me concernant. Cela pour avoir dit, lors d’une interview à la radio, pendant le voyage du Pape à Lourdes, que les évêques feraient ce qu’ils jugeraient nécessaire pour l’application du « Motu Proprio » dans leur diocèse mais qu’ils refusaient l’instrumentalisation de la messe en latin comme étendard emblématique d’une idéologie dans laquelle un chrétien ne peut se retrouver.
Ce qui me rassure c’est que je suis un sinistre intégriste pour les uns et un dangereux progressiste pour d’autres.
Je cite encore : « Il nous a paru loyal (loyal en étant anonymes ? Où est la loyauté quand elle renonce au courage ?) de vous avertir car cela bouillonne à plusieurs endroits dans le diocèse. » Si cela bouillonne dans le diocèse, ma porte est grande ouverte pour une rencontre. Mais j’aimerais que cela bouillonne pour d’autres choses que des mesquineries signes d’une attristante étroitesse d’esprit. Que ça bouillonne donc pour la mise en œuvre des orientations synodales, pour les vocations, pour la catéchèse, pour l’animation pastorale des petites communautés les plus isolées, pour accompagner les prêtres dans un ministère chaque jour plus difficile ! Que ça bouillonne pour se montrer accueillant et attentif pour celles et ceux que la vie malmène, celles et ceux qui ont trop souvent le sentiment que l’Eglise les rejette et les condamne, ceux qui sont blessés dans leur corps et dans leur cœur. Sans juger, en aimant tout simplement.
Lorsque les rédacteurs de la lettre écrivent : « A plusieurs nous nous sommes concertés. Si pourvu qu’ils fassent amende honorable, nous souhaitons tous que les séparatistes rejoignent notre église… » Mais pour qui se prennent-ils ? Qu’ils rendent vivantes et accueillantes les communautés auxquelles ils appartiennent pour donner envie de les rejoindre. A lire cette lettre, qui pourrait être celle d’une secte, j’avoue que si je n’étais pas évêque, avec le devoir d’être accueillant pour tous, je n’aurais aucune désir de les rejoindre.
Enfin, quant au prêtre dont les propos sont cités, je ne retiendrai que la dernière phrase : « Heureusement qu’il y a Jésus-Christ ! » Oui, heureusement il y a Jésus-Christ. Après avoir réduit en « cendres » nos mesquineries, puissions-nous nous inspirer toujours davantage de son exemple. Voilà une bonne résolution pour l’entrée en Carême, non ?
Gap, le 15 février 2010
+ Jean-Michel di FALCO LEANDRI
Evêque de Gap et d'Embrun