9 juin 2014

[Abbé Régis de Cacqueray, fsspx] Sermon de clôture du pèlerinage de Chartres à Paris - 2014

SOURCE - Abbé Régis de Cacqueray, fsspx - 9 juin 2014

Sermon dédié plus spécialement à nos convertis

Permettez-moi de dédier à nos convertis le dernier sermon que j’aurai l’occasion de prononcer dans mes fonctions de Supérieur du district de France à l’occasion de ce magnifique pèlerinage.

Nos convertis, c’est cette phalange d’hommes et de femmes de tous les âges, de tous les milieux et de toutes les religions qui, par des chemins mystérieux et toujours très émouvants, parviennent un jour dans l’une de nos chapelles et se préparent au jour béni où l’eau baptismale coulera sur leur front. Mais pourquoi une telle dédicace ? C’est ce que je voudrais vous expliquer à travers trois considérations. La première est que la sanctification et le cheminement des âmes vers le Ciel ne se font jamais dans l’intemporalité ni dans les nuées, mais toujours dans les circonstances bien particulières qui sont celles d’une époque déterminée. La deuxième considération consiste à préciser les circonstances dans lesquelles les âmes ont aujourd’hui à progresser. La troisième est le signe d’espérance qui nous arrive d’une population très éloignée de nos milieux, mais qui décèle peu à peu que le catholicisme officiel, promu par la Rome actuelle, n’est pas en réalité le vrai catholicisme. Cette population se met à rechercher avec un intérêt croissant le vrai visage du catholicisme. Certains sont déjà arrivés jusqu’à nous et nous sentons un frémissement prometteur de tous ceux qui pourraient encore les rejoindre, surtout si nous devenons nous-mêmes des âmes remplies de Foi, d’Espérance et de Charité.
I. Notre vie chrétienne s’accomplit dans une époque déterminée
Les Français du XIIIe siècle, qui vivaient sous le règne du roi saint Louis et partaient à la croisade à la suite de leur souverain, ne se sanctifiaient pas dans les mêmes conditions que les Français du XXIe siècle, qui vivent dans une patrie renégate de ses racines chrétiennes et dans laquelle le catholicisme s’efface à vue d’œil. Mais ce qu’ont en commun les Français du XIIIe siècle et ceux du XXIe siècle, ceux de toutes les époques d’ailleurs, c’est de ne pouvoir se sanctifier et se sauver que s’ils vivent avec passion dans le creuset des événements qui sont ceux de leur époque, sans chercher à y échapper : en effet, ils ont un rôle déterminant à y tenir. Les Français du XIIIe siècle n’avaient pas plus le droit d’ignorer l’appel de leur roi à la croisade, invitation qui leur signifiait quelle était la volonté de Dieu pour eux, que nous autres, catholiques d’aujourd’hui, ne pouvons faire abstraction du contexte politique et religieux dans lequel nous nous trouvons, aussi terrible qu’il soit.

De même, au siècle suivant, sainte Catherine de Sienne souffrira de l’exil scandaleux des papes en Avignon, puis, sur le soir de sa vie, du grand schisme d’Occident. Mais elle ne cessera de prier et d’offrir sa vie d’immolation pour le retour des papes d’Avignon à Rome, et elle se dressera ensuite contre le début du grand schisme. Elle n’hésitera pas à écrire aux papes successifs des lettres courageuses pour leur représenter leur devoir. Loin donc de se sanctifier hors du contexte de son époque, c’est au contraire profondément immergée elle aussi au cœur de son temps qu’elle est devenue sainte, en faisant face à sa mission jusqu’au bout. Et que dire de la pucelle d’Orléans, notre sainte Jeanne d’Arc dont l’épopée constitue le fleuron de l’histoire de notre pays ?
II. Évaluation de la vie des catholiques dans la situation politique et religieuse du XXIe siècle
Nous devons donc comprendre, à notre tour, que nous ne pouvons espérer nous sanctifier et cheminer vers le Ciel que dans ces circonstances concrètes qui sont celles de notre temps, celles dans lesquelles le Bon Dieu nous a appelés à vivre. Quelles sont-elles ?

Sur le plan politique, nous vivons sous le joug d’une dictature dont les chefs, s’ils ne sont pas eux-mêmes membres des loges maçonniques, en suivent les consignes. L’existence de cette dictature de la France maçonnique nous est révélée en particulier par la volonté d’un petit nombre d’initiés, ou de leurs marionnettes aux commandes, d’imposer aux Français des lois immondes qui défient la loi naturelle. Comme les empereurs romains, ils se prennent pour des dieux, ceux qui estiment pouvoir changer jusqu’à la nature humaine et ne craignent pas de justifier leurs délires moraux par la prétendue découverte d’un troisième genre ! Nous faisons donc ce premier constat : nous autres catholiques du XXIe siècle devons être et rester catholiques, et vivre notre Foi, sous un pouvoir tyrannique, dans une France devenue apostate et renégate. L’antichristianisme d’État multiplie ses vexations et ses discriminations et nous estimons possible que sonne l’heure des persécutions.

Si l’on considère maintenant le domaine religieux, nous aurions bien aimé, dans cette situation politique éprouvante, recevoir de Rome un réconfort et des encouragements équivalents à ceux que saint Pie X prodiguait aux catholiques français au moment des persécutions qu’ils subirent, au début du XXe siècle, de la part d’un État déjà violemment antireligieux. Cependant – et c’est là pour nous un motif supplémentaire de souffrance – les catholiques qui cherchent à rester fidèles à leur Foi intangible ne sont plus soutenus depuis longtemps par Rome ni par leurs évêques, et la chose devient toujours plus manifeste.

Non seulement ils ne sont plus soutenus par Rome ni par les évêques, mais ils sont tancés et méprisés. Ils sont sévèrement repris s’ils veulent demeurer attachés à la Foi de toujours. La hiérarchie de l’Église attend d’eux qu’ils acceptent enfin de se plier à leur tour à son aggiornamento, véritable révolution dans l’Eglise que seule la mauvaise foi ou la volonté volontariste de faire la politique de l’autruche permet encore de nier.

La vérité est que la Rome du concile Vatican II, qui a refusé de condamner le communisme, qui a épousé la philosophie des droits de l’homme, qui a réclamé que les États encore catholiques dans le monde ne le soient plus, qui s’est dépossédée de son pouvoir magistériel au profit des gouvernements modernes en les rendant juges du bien et du mal, cette Rome du concile est la grande responsable de la perte de la Foi sur la terre.

Jusqu’où se poursuivra la descente aux enfers de cette hiérarchie aveuglée ? Lorsqu’on en arrive à voir le successeur de Pierre, le pape régnant, concélébrer la messe, le 6 mai dernier, avec un prêtre dont les mœurs sont notoirement inverties, un militant pro-LGBT bien connu comme tel en Italie, nous disons notre stupéfaction, notre écoeurement et le brisement de notre âme en face d’une telle folie. Le vicaire de Jésus-Christ sur la terre baiser la main d’un sodomite ! Nous avions eu Monseigneur Gaillot en France et nous avons maintenant le pape François à Rome. Mais cette religion conciliaire n’est pas la nôtre. Nous repensons au message de La Salette qui nous dit que Rome deviendra le siège de l’antéchrist. Nous ne voulons pas dire par là que ce pape est l’antéchrist mais certainement qu’il est un antichrist car il scandalise incroyablement l’Église.

Le gouvernement religieux des princes actuels de l’Église nous fait penser à celui du Sanhédrin. Le pape et les évêques se trouvent investis de l’autorité religieuse comme les membres du Sanhédrin l’étaient. Mais l’emploi qu’ils font de leur autorité s’oppose diamétralement à ce pour quoi elle leur a été conférée par Dieu. Les membres du Sanhédrin étaient ceux qui auraient dû officiellement reconnaître la messianité et la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ mais ils ont été, en réalité, ceux qui L’ont condamné à mort. Les pontifes actuels de l’Église renouvellent cette condamnation à mort en foulant aux pieds l’exemple, la doctrine et la morale que Notre-Seigneur nous a laissés. Ils œuvrent à l’intérieur de l’Église pour l’édification d’une véritable contre-Église qui ressemble à s’y méprendre à la franc-maçonnerie.

Si nous ne sommes certainement pas les seuls prêtres et les seuls fidèles horrifiés par les paroles et les agissements de la Rome actuelle, nous nous voyons aussi obligés de constater que nous autres de la Fraternité saint Pie X sommes à peu près les seuls de toute l’Église, pour le moment, à exprimer d’une façon publique notre désapprobation, notre condamnation de ces spectacles indignes.

Pourquoi ? Non pas que nous soyons plus courageux que les autres. Mais c’est la position dans laquelle se trouve notre Fraternité, position que nous n’avons pas choisie, qui nous donne la nécessaire liberté de parler comme nous le devons. Les prêtres qui se trouvent canoniquement liés par les instituts divers auxquels ils appartiennent se trouvent, ipso facto, sous la férule des évêques et des congrégations romaines. Malheur à eux s’il leur prenait l’envie de réprouver les agissements de leurs supérieurs. L’actuel massacre de la congrégation des Franciscains de l’Immaculée nous montre la violence prête à s’abattre sur quiconque s’essaie à un retour vrai vers la Tradition.

Nous n’avons pas choisi cette situation canoniquement irrégulière mais nous sommes bien obligés de constater qu’elle constitue aujourd’hui la seule qui soit envisageable et réaliste pour remplir notre grave devoir de parler lorsque le monde ecclésiastique se trouve tout entier muselé.

Comme l’a déjà fait Monseigneur Fellay, nous remercions donc la sainte Providence qu’aucun accord ne se soit fait avec la Rome conciliaire. C’est ce qui nous a permis de condamner comme nous le devions les canonisations de Jean XXIII et de Jean Paul II. L’aurions-nous pu si nous avions signé une reconnaissance canonique ? Nous voyons au contraire que tous ceux qui ont accepté de Rome une telle reconnaissance sont condamnés à un terrible silence. C’est très impressionnant de penser à ces sociétés religieuses assez nombreuses où nous savons, par bien des confidences, que ces canonisations posent de graves problèmes de conscience aux prêtres et aux fidèles sans qu’ils n’en puissent rien dire de crainte des représailles qui en résulteraient.

Cette chape de plomb pourra-t-elle demeurer indéfiniment ? Nous espérons bien que non. Nous croyons que le sens catholique d’un certain nombre de prêtres et de fidèles finira là aussi, à force d’excès, par prendre le dessus et par arriver à un « non possumus ». Ceux qui ne veulent pas être de la religion des liquidateurs des dogmes et de la morale ne peuvent pas passer sur tout, à moins de perdre la Foi eux-mêmes. Et, s’ils réagissent publiquement, ils se trouvent déjà en harmonie avec la Fraternité.

Vraiment, nous remercions du plus profond de notre cœur notre Fondateur, Monseigneur Lefebvre, d’avoir fondé cette Fraternité comme un radeau de sauvetage pour les catholiques de notre temps. C’est vraiment lui qui a pratiquement permis la subsistance de tout ce qui demeure encore catholique aujourd’hui.
III. Les catholiques de souche et les bataillons de convertis
Nous devons accomplir nos devoirs quotidiens de catholiques et de Français, sans jamais mollir. Nous devons demeurer fidèles à notre Foi, quoi qu’il doive advenir. Nous devons continuer à servir Dieu au milieu de cette incroyable « conjuration antichrétienne » telle qu’elle a été dénoncée, par exemple, par Monseigneur Delassus. Il est vrai que depuis la rédaction de cet excellent livre loué par le pape saint Pie X, la situation qui s’y trouve décrite a été encore aggravée par la complicité des évêques, des cardinaux et des papes.

Pourtant, il s’agit toujours pour nous de constituer une petite armée de catholiques attachés à leur Foi et résolus, dans les circonstances où ils se trouvent, à étendre le règne du Christ Roi autant qu’ils le pourront. Cette petite armée ne doit pas se décourager au motif de l’inégalité des forces en présence ou de son petit nombre. Elle ne doit pas commencer à douter de la vérité de ce qu’elle défend. Elle ne doit pas mettre sa confiance dans des alliances douteuses et sulfureuses mais en Dieu seul. Elle doit être une petite armée prudente et audacieuse, joyeuse et fervente, toujours honorée de servir pour la plus grande cause qui soit : celle du règne de Dieu.

L’histoire sainte et l’histoire de notre pays ne sont-elles pas suffisamment remplies de témoignages et d’exemples convaincants pour nous montrer que Dieu se rit du nombre de ses ennemis ? Il ne veut pas que les soldats de sa droite mettent leur confiance dans leur nombre, dans l’argent, dans leurs armes, mais en Lui seul. Dieu veut certes qu’ils combattent, et avec fougue, mais Il ne veut pas que les hommes aient le ridicule de s’attribuer à eux-mêmes la victoire. « Les hommes d’armes combattent et Dieu donne la victoire », avait bien compris sainte Jeanne d’Arc. Volontairement, Dieu fait souvent les armées chrétiennes petites et inférieures en nombre pour qu’il soit plus évident aux yeux de tous que Lui et Lui seul remporte les victoires. L’histoire des peuples montre à l’évidence que l’influence du nombre est très secondaire dans les grandes évolutions qui se produisent.

Ayons le désir d’être ou de devenir davantage ces hommes, ces femmes et ces enfants de la droite de Dieu. Puisque les hommes, les femmes et les jeunes enfants eux-mêmes sont confirmés et que la confirmation fait indistinctement d’eux tous des soldats, remarquons que l’armée de Notre-Seigneur Jésus-Christ est une armée mixte où l’on enrôle à parité les femmes et les hommes. Ces derniers sont même parfois dépassés en bravoure et en générosité chrétienne par leurs enfants, comme nous le voyons sur ces routes de Chartres à Paris où ils ont marché si vaillamment.

Mais concrètement, que signifie notre bataille ? Saint Louis appelait les hommes à la croisade. Voilà au moins qui était concret. Et nous, que devons-nous faire ? Comment remplir notre rôle ? Que voulez-vous que nous fassions exactement ? Que ne faisons-nous pas que, selon vous, nous pourrions faire ? Qui sont nos chefs ? Quelles sont nos armes ? Quelle est la mission et quel est l’ordre de route ? Quels sont nos objectifs ? Ne craignez-vous pas, si vous vous contentez de nous appeler à une bataille un peu vague, mal définie, que votre appel ne soit guère entendu ?

Oui, vous avez raison. Il faut être concret. Le but de cette bataille est condensé dans la devise du pape saint Pie X. Il est « d’instaurer et de restaurer toutes choses en Jésus-Christ ». Les chefs de cette bataille sont, dans le domaine religieux, la hiérarchie de suppléance de la Fraternité sacerdotale saint Pie X. Les armes de cette bataille, qui est d’abord religieuse, sont la sainte messe, le chapelet, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, la prière pour la consécration de la Russie au Cœur Douloureux et Immaculé de Marie et l’esprit de sacrifice. Les soldats appelés à combattre sont tous ceux qui sont confirmés. Les premiers combats à mener sont destinés à fortifier tout ce qui nous appartient encore, nos prieurés, nos écoles, nos chapelles, et aussi à tout consacrer au Cœur sacré de Jésus et au Cœur Immaculé de Marie.

Mais ces premiers combats doivent être accompagnés de certains autres qui sont plus offensifs et qui consistent à vouloir faire rayonner le nom de Jésus-Christ autour de nous, à avoir le souci apostolique de la conversion de ceux qui nous entourent. Ces combats consistent en même temps à s’opposer de toutes nos forces à la montée de l’antichristianisme. Nous ne devons par exemple pas nous habituer à passer devant les affiches publicitaires qui outragent le Christ, comme le fait encore actuellement celle du centre Leclerc qui parodie la Cène, sans vouloir faire tout ce qu’il dépend de nous pour exprimer notre opposition et notre écoeurement. Ne laissons pas insulter Dieu, ni mourir notre patrie !

Dans le domaine temporel, le but est la reconquête de nos patries au règne du Christ, Roi de toutes sociétés et de toutes nations. Nous voulons qu’Il règne. Nous devons être conscients de nos obligations de faire tout ce que nous devons sur le plan politique. Un certain nombre d’entre vous, de différentes manières, travaillent déjà dans l’espace politique.

Nous récusons vraiment l’idée qu’il n’y aurait plus rien à faire sur le plan politique, sinon de prier et d’attendre que le régime corrompu s’effondre sous nos yeux. Certes, il faut prier pour être libéré de l’esclavage de la fausse démocratie moderne – qui accouche d’une vraie dictature et livre l’homme tout nu au pouvoir de Léviathan. Nous croyons qu’il existe une action politique que les catholiques peuvent et doivent mener aujourd’hui.

En effet, même dans des circonstances comme celles que nous connaissons, chacun admettra qu’il vaut tout de même mieux voir les cités dirigées plutôt que sombrant dans l’anarchie. Et, puisqu’elles doivent l’être, mieux vaut alors que ce soit par des hommes honnêtes plutôt que par des bandits. Et, à compétences égales, autant que ce soit par des hommes honnêtes et réellement catholiques que par des hommes honnêtes mais qui ne seraient pas catholiques. Il existe encore bien d’autres manières, à travers le tissu associatif et par des initiatives bien pensées, ciblées et ingénieuses, de mener des combats contre la décadence de la cité, de la civilisation et de la culture de mort.

On me dira que l’on risque fort de perdre son âme sur ce terrain nauséeux de la politique qui recourt au mensonge des urnes. Je n’en suis moi-même vraiment pas un amateur. Mais je pourrais citer des noms de Français en 2014 – tout comme Monseigneur Lefebvre cita des noms de chefs d’État lors de son jubilé sacerdotal de 1979 – élus lors de ces dernières élections et qui, dans leur campagne, se sont présentés explicitement comme étant des catholiques fidèles de la FSSPX. Certains ont encouru des campagnes de presse haineuses en raison de leur probité religieuse et ils sont cependant devenus maires de certains villages ou de certaines villes dont l’une au moins compte plus de 10 000 habitants.

Il me semble que si un candidat, sans mettre dans l’ombre la moindre vérité et sans accepter la moindre compromission avec l’erreur, parvient cependant à se faire élire puis, une fois élu, à ne rien concéder à l’erreur et à la démagogie, l’on aurait tort de ne pas s’en réjouir. Cela ne signifie nullement que cet élu croit ou que nous croyons à la restauration de notre pays par le suffrage universel qui est « le mensonge universel » érigé en principe. Nous ne croyons nullement à une victoire par les urnes. Il s’agit simplement de saisir les quelques occasions qui peuvent exister, sans se bercer pour autant d’illusions sur ce mauvais système politique fondé sur la croyance aberrante que l’origine du pouvoir résiderait dans le peuple. Loin de faire durer le système ou de le cautionner, ces engagements politiques peuvent favoriser les opportunités de changements en profondeur qui font parfois basculer la vie des nations.

Certes, la victoire de ce combat pour la restauration du Christ roi de France paraît bien lointaine. Mais justement, nous ne devons pas baisser les bras parce que cette restauration nous paraîtrait trop éloignée. Accomplissons nos devoirs quotidiens avec beaucoup d’ardeur et de charité. En face de nous, nous avons des ennemis qui sont plus méchants que forts. Et s’ils sont forts, ils ne le sont bien souvent que de notre propre faiblesse.

Nous pouvons d’ailleurs montrer, sur de nombreux exemples bien concrets, comment les très graves excès auxquels nous assistons, tant sur le plan religieux que politique, finissent même par provoquer des réactions très intéressantes dans un sens contraire. Quelle est la grande peur qui fait frissonner les nouveaux bien-pensants ? C’est « que les dérives sociétales auxquelles nous assistons (mariage homo, pornographie pour tous, droits de vie et de mort qui s’expriment à travers les droits à l’IVG, la PMA, la GPA et l’euthanasie etc.) ravivent le sentiment religieux qui sommeille chez bien des Français (1).

Le délire du troisième genre cause l’exaspération d’une population que l’on ne peut tout de même pas manier indéfiniment comme le troupeau des moutons de Panurge. Et nous avons certainement un rôle à jouer, nous autres catholiques, pour exposer que la seule réponse cohérente à la décadence est en fait fournie par une politique réaliste, qui reconnaît que l’autorité vient de Dieu et que le Christ est le maître des nations.

De même, dans le domaine religieux, nous assistons à un crescendo invraisemblable des scandales conciliaires. Mais ces scandales deviennent tels qu’ils sont en train de provoquer des phénomènes très remarquables.

Si les milieux catholiques demeurent silencieux, muselés par une obéissance érigée au rang de 4e vertu théologale, voilà que d’autres milieux, a priori très éloignés de la Foi, prennent actuellement conscience que le visage présenté par l’Église de Vatican II n’est pas son véritable visage, et se mettent à rechercher activement le visage vrai de l’Église. Il semble qu’un souci politique les mette d’abord en quête de cette vérité. Ils font partie d’une génération qui constate la déchéance de notre pays et, cherchant des solutions nouvelles, tournent leur regard vers cette époque des heures de grandeur de la France. Où qu’ils regardent, ils aperçoivent cette alliance du trône et de l’autel. Nous n’en sommes probablement encore qu’à des balbutiements mais ces balbutiements sont aussi passionnants que ceux d’un tout petit enfant qui deviendra un homme.

En voici un signe. Nous apprenons la réédition toute récente de La Conjuration antichrétienne de Monseigneur Delassus (2), justement réalisée par des milieux a priori fort éloignés du nôtre, et ces exemplaires sont en train de se vendre comme des petits pains. Pourquoi cela ? Parce que toute une population se met à soupçonner que les traits conciliaires de l’Église sont un masque qui la défigure. Et ces gens découvrent actuellement avec admiration ces mines d’or que nous autres, nous avons eu la grâce de toujours connaître.

C’est là que nous constatons quel tort invraisemblable l’œcuménisme conciliaire et le dialogue interreligieux ont causé aux âmes. Plus personne, depuis le concile, ne se soucie de la conversion des juifs et plus personne ne cherche à leur démontrer la vérité de la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ. De même, plus personne ne prie pour la conversion des musulmans et ne cherche à leur montrer que notre Foi dans le mystère de la Sainte Trinité n’est en aucune manière un trithéisme. L’apologétique, la théologie naturelle sont en jachère depuis des années. Le catholicisme perd tout crédit par la nullité de sa liturgie et par son asservissement à l’esprit mondain. Il est grand temps de dire aux hommes que le catholicisme, ce n’est pas cela.

S’il y a sans doute aujourd’hui bien plus de passages du catholicisme vers l’islam que le contraire, je suis certain que c’est d’abord parce que les musulmans ne peuvent guère voir du catholicisme que ce visage insipide qui n’a rien à voir avec ce qu’il est en vérité. Nous devons brûler du désir de leur montrer le Catholicisme vrai, tel qu’il est en réalité.

Nous trouvons aussi des Français élevés sans religion qui sont frappés par le fond de religion montré par tant de musulmans. Comme ce fut le cas pour Ernest Psichari, qui vécut un temps en terre musulmane, leur agnosticisme ou leur athéisme leur paraît honteux. Alors, ils cherchent aussi et leurs regards ne se portent ni vers l’islam, ni vers la religion de Vatican II mais vers le catholicisme de leurs pères.

Et puis, il y a aussi tous ces Français qui, dégoûtés de la nouvelle religion humanitaire, socialisante, ont quitté ce qu’ils pensaient être l’Église. Et ils s’aperçoivent, parfois après des dizaines d’années, que ce qu’ils ont quitté, ce n’était pas l’Église mais cette nouvelle religion. Avec quelle émotion ils retrouvent alors la vraie religion dont ils ne savaient pas qu’elle avait subsisté.

Il faut que nous soyons là pour les encourager et pour les aider, pour répondre à leurs questions et à leurs objections. Comme les rois mages, ce sont des voyages spirituels très longs et très méritants qu’ils ont accomplis. Accueillons-les bien, ceux qui seront nos futurs catéchumènes, nous l’espérons.

Si nous ne sommes pas timides, nous n’aurons pas fini de nous étonner de l’écho favorable que beaucoup d’âmes rendront en découvrant ou en redécouvrant la religion à laquelle leurs pères ont cru pendant des siècles, quand la France était belle parce que l’Église la fécondait des bienfaits de son ordre et de son amour, de ses lois et de son culte, de ses sacrements et de sa loyauté, de ses vertus et de ses grandeurs. Aussi, rendons-nous compte que, sur le terrain apostolique comme sur le terrain politique, nous autres catholiques avons un rôle vraiment extraordinaire à tenir.

Ne nous laissons pas intimider et ne nous laissons pas affadir par un monde moderne qui croule, mais montons résolument au créneau de la défense de la vraie France, et sur le rempart chrétien, pour dire la vérité de la Foi de nos pères.

Nous demandons à la très sainte Vierge Marie la grâce d’une armée de catholiques remplis de Foi, d’Espérance et de Charité pour aller hardiment à la reconquête du sol de leurs pays et de l’âme de leurs contemporains. Dans le fond de leurs cloîtres, les moniales et les moines intercèdent auprès de Dieu pour que grossissent les rangs des catholiques, et que les catholiques fervents, résolus et marqués du signe de la croix, triomphent par la croix de Jésus-Christ. Notre-Dame des Victoires, Saint Pie X, saint François d’Assise, priez pour nous.

Abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France, Paris le 9 juin 2014