9 juin 2014

[Peter Kwasniewski - Corpus Christi Watershed / via Notions Romaines] Crise identitaire catholique: qui sommes-nous? que croyons-nous? comment devons-nous vivre?

SOURCE - Peter Kwasniewski - Corpus Christi Watershed / versiuon française par Notions Romaines - 9 juin 2014

Les catholiques byzantins et les chrétiens orthodoxes ont maintenu la pleine et essentielle intégrité de la profondeur, de la beauté et de la sacralité de l’héritage liturgique oriental de l’Église. Quant à elle, l’Église occidentale, a éradiqué d’innombrables éléments de son héritage tout aussi profond, beau et sacré. Cet héritage effectue un lent retour, mais pour un temps, il semblait en voie d’extinction, et même maintenant, il est toujours en voie de disparition dans bien trop de diocèses.

Cet état de l’héritage liturgique occidental est troublant, car il place des catholiques romains cultivés et loyaux dans une position désavantageuse au sein de leur travail apostolique. Et ceci non seulement en ce qui concerne l’apologétique persuasive de la continuité de l’Église avec sa propre tradition apostolique (quelque chose que nous tenions pour vrai et dont nous aimerions encore être capables d’affirmer la véracité), mais aussi en ce qui concerne leur effort de vivre une vie catholique authentique au quotidien, ce qui constitue la base même de tout apostolat fructueux.

Tant de structures de la vie catholique furent dérangées, tordues ou oblitérées au cours des cinq dernières décennies qu’il est devenu difficile de concevoir qui nous sommes, ce que nous croyons et la raison même de ce que nous faisons. Questionnez une multitude de catholiques autour de vous à propos de la foi et de la morale catholiques, et à propos de ce qui se produit lors de la Messe ou même ce qu’est la Messe et vous sentirez rapidement le sentiment de crise – la fragmentation, la balkanisation, la vacuité du contenu – et dont très peu sont prêts ou veulent en contempler les proportions. Ceci est ce à quoi que le courant dominant ressemble, et ce sans surprise, car nous commençons seulement à entrevoir la fin de cette époque où les rangs du clergé et de la hiérarchie pullulaient de modernistes mous ou convaincus qui changèrent le contenu de la «foi qui a été transmises aux saints définitivement» (Jude 1 :3). En plus de cet état de crise, une nouvelle période creuse fut engendrée par les médias jubilant de commentaires papaux pris hors contexte.

De même que va l’état du clergé, va l’état des fidèles. Saint Pie X est réputé avoir dit : «si le prêtre est un saint, les gens seront bons; si le prêtre est bon, les gens seront médiocres; si le prêtre est médiocre, les gens seront des scélérats; si le prêtre est mauvais, les gens seront des animaux». Comme T.S. Eliot l’avait entrevu, nous avons autour de nous le grotesque spectacle du barbarisme high-tech; des hommes et des femmes avec des gadgets dernier cri, mais avec une conscience morale égale ou inférieure à celle des barbares anciens. Le pape Pie XII parla du «chef d’œuvre monstrueux» de la modernité, c’est-à-dire celui qui «transforme l’homme en un géant dans le monde physique au détriment de son esprit, qui lui est réduit à celui d’un pygmée dans le monde surnaturel et éternel.»

Je pense souvent à la troublante citation de Joseph Ratzinger : que devons-nous penser d’une Église qui a soudainement répudié ce qu’elle tenait de plus sacré? Qu’arrive-t-il quand ceux qui essaient d’être loyaux à un héritage doctrinal, liturgique et disciplinaire de 2000 ans sont écartés, aliénés, moqués, laissés pour contre, sans un signe clair que leur Église ne s’est pas effondrée sous le poids des erreurs et des tricheries de la modernité?

Alors nous grinçons des dents et disons avec courage, «je n’abandonnerai jamais l’Église du Christ», et Notre Seigneur nous récompensera pour cette fidélité. Mais ne semble-t-il pas étrange que le culte divin, dans lequel nous sommes supposés voir, entendre et sentir un avant-goût de la gloire céleste, doit être pour plusieurs un lourd fardeau alors que dimanches après dimanches nous contemplons des abominations dans le sanctuaire, des improvisations, des innovations qui éloignent le catholicisme de son patrimoine liturgique? Est-ce que le culte divin se doit d’être parfois si éprouvant?

Se peut-il que la catéchèse, les écoles de grammaire, la vie de séminaire aient changées à tel point que les convertis ne savent plus vers qui se tourner, que les parents fidèles à l’Église n’envoient plus leurs enfants dans les écoles catholiques et que les jeunes hommes désireux de devenir de saints prêtres ne peuvent que trouver avec difficulté un séminaire diocésain qui soit un tant soit peu fidèle à la Tradition et au Magistère?

Tous ces maux n’augurent rien de bon pour le futur de l’Église et c’est d’ailleurs la raison du départ de nombreux catholiques mécontents qui quittent pour de bon. Les moins éduqués sont aspirés dans les congrégations évangéliques où ils peuvent trouver des doctrines fermes et exigeantes (ou du moins très divertissantes) de prêcheurs de la Bible, pas un sermon complaisant sur «comment être gentil». Les plus éduqués seront peut-être proie à la majesté esthétique et la polémique persuasive des orthodoxes qui peuvent rassasier la soif de n’importe quel homme en quête d’une spiritualité esthétique et liturgique. Souvent, le mieux que l’on puisse espérer de manière réaliste est que ces catholiques éduqués ne fassent qu’un «demi-transfert» vers l’Est chrétien en migrant vers une église catholique orientale comme la Grecque-catholique ukrainienne, la Ruthénienne ou la Melkite ou qu’ils soient chanceux et découvre une communauté tridentine en pleine croissance qui peut rassasier leur besoin d’une liturgie profonde et d’une doctrine catholique solide.

Je fus frappé par les mots du moine bénédictin, le Père Hugh Somerville-Knapman :
Une chose semble certaine : sans un renouveau de fond en comble de la pratique liturgique et de la spiritualité, la nouvelle évangélisation demeurera un autre programme futile et éléphantesque. De plus, les prêtres resteront aux prises avec la tentation de divertir et d’être créatifs en liturgie et par le fait même ils mineront celle-ci. Sans une liturgie authentique, les fidèles, surtout les jeunes, ne seront pas mis au défi de vivre avec intégrité en traitant leurs corps comme des temples du Saint-Esprit et leurs prochains comme le Christ.
Comme le Dr. Alcuin Reid l’a récemment écrit, si vous voulez trouver des catholiques qui savent qui ils sont et qui savent ce en quoi ils croient avec un tant soit peu de clarté et de profondeur – des gens qui savent pourquoi ils font ce qu’ils font en liturgie et dans leurs devoirs de la vie quotidienne – vous les trouverez généralement dans les enclaves traditionalistes. Il n’y a pas de futur pour ceux qui rejettent leur passé.

Traduction : Notions romaines