4 juin 2014

[La Croix] Les relations entre les intégristes et Rome depuis un quart de siècle

SOURCE - David Roure - La Croix - 4 juin 2014

Cet ouvrage d’un universitaire italien apporte de précieuses informations sur les relations entre la Fraternité Saint-Pie-X et la Curie romaine. 
LES ANTI-CONCILIAIRES
Les lefébvristes à la reconquête de Rome
de Giovanni Miccoli
Éditions Lessius, 416p., 24€
N’appartenant à aucune Église ou confession chrétienne, comme il le précise dès son avant-propos, Giovanni Miccoli, aujourd’hui 80 ans, a enseigné l’histoire du christianisme à l’université de Trieste et de Venise, et publié plusieurs ouvrages sur l’Église contemporaine. 

Ce livre aborde un point sensible, spécialement en France où l’on trouve la moitié à peu près des 150.000 ou 200.000 intégristes. Il apporte une documentation précise et très abondante. Celle fournie au début sur la généalogie du lefebvrisme et son histoire jusqu’au schisme de 1988 est déjà connue, tout ou en partie, grâce à d’autres auteurs (B. Sesboüé, G. Leclerc, N. Senèze,…).

Plus intéressante apparaît celle, le plus souvent inédite, sur les relations entre la Fraternité Saint-Pie-X (en particulier son responsable, Mgr Fellay) et la Curie romaine sous le pontificat de Benoît XVI, ayant conduit aux deux mesures accordées sans condition par Rome, que la Fraternité réclamait avec insistance depuis une vingtaine d’années : en juillet 2007, le libre recours à la messe dite de saint Pie V et, en janvier 2009, la levée de l’excommunication des quatre évêques ordonnés illicitement par Marcel Lefebvre.

Malheureusement, s’écartant notablement d’une certaine neutralité que l’on peut attendre d’un historien, Miccoli va très loin dans la critique qu’il fait sans trop de nuances du pape Benoît XVI lui-même, critique unilatérale qui court comme un fil rouge tout au long de l’ouvrage. 

En effet, ce dernier, pape de la «restauration», en plus de ses préférences liturgiques d’avant le Concile, partagerait avec les lefebvristes deux éléments fondamentaux : d’une part, un «souverain dédain pour l’Histoire» et le refus de sa prise en compte dans l’enseignement dogmatique du Magistère et, d’autre part, un rejet du monde actuel considéré comme radicalement mauvais car fermé et même opposé à Dieu, voire à toute transcendance (Benoît XVI est alors comparé sur ce point à Pie IX). 

Donc, conclut notre auteur, «les revendications de la Fraternité sont désormais acceptées dans leur élément de fond»… On aurait sans doute aimé plus de subtilité et de profondeur dans l’analyse de la pensée du pape précédent !

Enfin, l’ouvrage étant paru en italien en 2011, une conclusion substantielle (50 pages) pour l’édition française a été ajoutée, revenant sur l’échec malgré tout des discussions théologiques sur le Concile entre catholiques et lefebvristes (2012), sur la démission de Benoît XVI et sur les premières réactions, assez fortement négatives, des intégristes au pape François. 

Là, nous serons cette fois plutôt d’accord avec l’auteur, quand il affirme dans ses toutes dernières lignes : «Avec le pape François, la saison des ouvertures vaticanes envers la Fraternité a pris fin, malgré les amis qu’elle compte encore dans la Curie»… 

David Roure