28 juin 2014

[Lettre des dominicains d’Avrillé] Apprendre et défendre la Vérité

SOURCE - Lettre des dominicains d’Avrillé - juin/juillet 2014

Si nous aimons la vérité et voulons la défendre, il faut nous ranger résolument dans le «camp de la vérité» dont Notre-Seigneur Jésus-Christ est le roi. 
Je suis Roi. Voici pourquoi je suis né, et pourquoi je suis venu dans le monde : pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité , écoute ma voix. [Jn 18, 37.]
«Être de la vérité», cela signifie tout d’abord connaître la vérité, l’étudier, et même la contempler. Si nos contemporains ont si peu l’amour de la vérité, c’est qu’ils ne la connaissent pas. Ils ont appris sur le banc des écoles quantité de mensonges dans les domaines scientifique (darwinisme), historique (dénigrement de notre passé chrétien et exaltation de la révolution), surtout philosophique, moral et religieux. On les a abreuvés de connaissances secondaires qui ne développent pas l’esprit; on leur a fermé l’accès au beau («l’éclat du vrai») qui se trouve surtout dans les lettres classiques (françaises, mais aussi latines et grecques) et dans l’art chrétien.

Que nous le voulions ou non, nous sommes tous plus ou moins marqués par cette ignorance abyssale de nos contemporains. D’où l’importance d’une vraie vie d’étude, de la participation à des cercles ou à des activités qui nous forment en profondeur.

Cela demande des sacrifices : une organisation méthodique de son temps; éviter les pertes de temps, notamment avec les moyens modernes de communication qui ne forment pas l’esprit (internet, télévision, portables, magazines, journaux...) et nous empêchent de travailler.

Cela demande aussi de reconnaître humblement notre ignorance, de savoir prendre conseil auprès de personnes plus compétentes que nous. La vérité se reçoit, elle ne surgit pas des profondeurs de notre subconscient; et, pour recevoir, il faut être docile.

Il faut aussi prouver notre amour de la vérité par la haine de l’erreur, comme le remarque à juste titre Ernest Hello :
Quiconque aime la vérité déteste l’erreur. Ceci est aussi près de la naïveté que du paradoxe. Mais cette détestation de l’erreur est la pierre de touche à laquelle se reconnaît l’amour de la vérité. Si vous n’aimez pas la vérité, vous pouvez jusqu’à un certain point dire que vous l’aimez et même le faire croire : mais soyez sûr qu’en ce cas vous manquerez d’horreur pour ce qui est faux, et à ce signe on reconnaîtra que vous n’aimez pas la vérité. [Ernest Hello, L’Homme, Perrin, 1941, p. 214.]
En particulier, il est important de s’examiner sur la pratique du commandement («tu ne mentiras pas») : n’acceptons jamais le moindre mensonge, la moindre équivoque calculée, surtout dans le domaine de la foi. Le pape Honorius a été sévèrement condamné par un concile et par ses successeurs pour avoir écrit une lettre ambiguë, qui favorisait l’hérésie, au patriarche de Constantinople. 
Soljenitsyne disait que la première résistance au communisme était de ne jamais accepter de collaborer au mensonge. C’est justement ici que se trouve la clef, celle que nous négligeons le plus, la clef la plus simple, la plus accessible pour accéder à notre libération : ne pas participer nous-mêmes au mensonge! Le mensonge peut avoir tout recouvert, peut régner sur tout, ce sera au plus petit niveau que nous résisterons : qu’ils règnent et dominent, mais sans ma collaboration! «Une parole de vérité pèse plus que le monde entier.» [Alexandre SOLJENITSYNE, extraits d’un essai intitulé «Ne vis pas avec le mensonge!» et du discours du prix Nobel (1972)]
Fuyons les médias, qui sont le règne du mensonge, ne serait-ce que par omission, puisqu’ils ne parlent jamais de Dieu; et s’ils en parlent c’est pour le ranger dans les faits divers, ou pour mentir abondamment en faisant croire que toutes les religions honorent Dieu.

Il faut enfin pratiquer la charité de la vérité. La vérité est le premier bien de l’homme, c’est elle qui rend libre («Veritas liberabit vos, la vérité vous rendra libres» Jn 8, 32), c’est la foi (la vérité sur Dieu) qui nous donne la vie surnaturelle («Le juste vit de la foi» He 10, 38).

Si vraiment nous aimons notre prochain, nous devons vouloir le conduire à la vérité. Cette charité de la vérité a poussé les chrétiens, notamment les missionnaires, aux actes les plus héroïques dans les siècles de chrétienté. Aujourd’hui, hélas! la charité s’est bien refroidie et l’on n’ose plus guère témoigner de la vérité comme Notre-Seigneur «venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité» (Jn 18, 37).

Retrouvons le zèle de nos anciens, rangeons-nous résolument dans le «parti de la vérité», étudions-la pour être capables d’en rendre compte, puis confessons-la sans crainte : ce sera notre salut et celui de ceux qui nous écouteront.

Aujourd’hui plus que jamais, qu’on le comprenne bien, la société a besoin de doctrines fortes et conséquentes avec elles-mêmes. Au milieu de la dissolution générale des idées, l’assertion seule, une assertion ferme, nourrie, sans alliage, pourra se faire accepter. [...]
Il y a une grâce attachée à la confession pleine et entière de la foi. Cette confession, dit l’Apôtre, est le salut de ceux qui la font et l’expérience démontre qu’elle est aussi le salut de ceux qui l’entendent. Soyons catholiques et rien d’autre que catholiques [Dom GUÉRANGER, Le Sens chrétien de l’histoire].