C'est désormais officiel : les quatre évêques intégristes jadis excommuniés par Jean Paul II, suite à leur consécration par Mgr Lefebvre, ne le sont plus. Ce 24 janvier, la congrégation des évêques a publié le décret (en date du 21 janvier) levant leur excommunication. Le texte explique que le pape a pris sa décision suite à une lettre adressée le 15 décembre 2008 à la Commission Ecclesia Dei, en charge des relations avec les lefebvristes, dans laquelle le chef de la Fraternité Saint Pie X, Mgr Bernard Fellay, demandait la levée de l'excommunication du 1er juillet 1988, en son nom et au nom des trois autres évêques (Mgr Williamson, Mgr de Galaretta, Mgr Tissier de Maillerais). Mgr Fellay écrivait alors : “Nous sommes toujours fermement déterminés dans la volonté de rester catholiques et de mettre toutes nos forces au service de l'Eglise de Notre Seigneur Jésus Christ, à savoir l'Eglise catholique romaine. Nous acceptons ses enseignements avec une âme filiale. Nous croyons fermement à la primauté de Pierre et à ses prérogatives, et pour cette raison, la situation actuelle nous fait beaucoup souffrir.” Cette déclaration assez floue ne mentionne pas la reconnaissance explicite du Concile Vatican II, pourtant jusqu'ici exigée par Rome pour les transfuges de l'intégrisme. Il est simplement fait allusion à cette pierre d'achoppement majeure, lorsque le décret explique l'état d'esprit du pape. Celui-ci est “paternellement sensible au malaise spirituel manifesté par les intéressés à cause de la sanction d'excommunication et confiant dans l'engagement, exprimé par eux, dans la lettre citée, de ne s'épargner aucun effort pour approfondir, dans les échanges nécessaires avec l'autorité du Saint-Siège, les questions encore ouvertes, pour ainsi pouvoir parvenir vite à une solution pleine et satisfaisante du problème posé à l'origine.” La fin de cette phrase sybilline suggère que les pourparlers sont en cours sur l'acceptation explicite du Concile, mais que le pape a pris le risque de lever les excommunications sans que rien ne soit résolu à ce sujet.
En clair, le Vatican aurait donc accepté la condition posée par les lefebvristes depuis toujours : la levée des sanctions comme étape préalable à tout dialogue. Quitte à se retrouver piégé. La toute récente révélation des propos négationnistes de Mgr Williamson (voir l'interview sur notre site) – propos filmés en novembre 2008, soit avant la lettre de Mgr Fellay- prend le Vatican à revers, compte tenu des conséquences de l'affaire. La justice allemande a en effet engagé des poursuites. La Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) et le Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) ont manifesté leur colère.
Pour autant, la situation reste confuse. La levée des sanctions ne signifie pas que la réconciliation soit complète ni acquise. Mgr Fellay et ses trois collègues seraient dans la situation des évêques des Eglises orthodoxes (pour lesquels il y eut levée des excommunications en 1965) mais pas encore totalement en union avec Rome. Cependant, le fait que Mgr Fellay et ses confrères reconnaissent l'autorité du pape fait que leur situation est différente de celle des orthodoxes. En tous cas, le pas franchi est hautement symbolique.
Par ailleurs, le décret espère que le geste du pape est le prélude au retour de toute la Fraternité Saint Pie X dans le giron de l'Eglise, afin de témoigner ainsi de la “vraie fidélité et de la vraie reconnaissance du Magistère et de l'autorité du pape”. |