| Pourquoi ne pas dire mon trouble ? La pétition de la Vie a été       signée par bon nombre de mes amis les plus chers et je comprends les       raisons sérieuses, graves, qui les ont amenés à une telle décision.       Les déclarations de Monseigneur Williamson sont insupportables, indignes.       Elles provoquent en moi un sentiment de révolte. Que l’élite catholique de France veuille faire partager son écœurement à       propos d’un négationnisme sans nul doute associé à un antisémitisme       de principe, cela constitue un signe de conscience profonde qui renvoie,       non seulement a l’enseignement de Vatican II mais aussi à l’immense       travail entrepris pour retrouver les harmoniques essentielles de la foi,       la solidarité des alliances. J’ajouterai que le souvenir de Jean-Marie       Lustiger est pour moi associé définitivement à cette grande cause.
 S’il s’était agi de rappeler cela vigoureusement, bien sûr       j’aurais signé une pétition de réparation pour les dommages subis, et       tout simplement pour l’honneur de Dieu. Mais j’achoppe dans cette déclaration       sur trois lignes que je trouve littéralement inadmissibles. Je cite : «       Or, la levée deux jours après (la déclaration de Mgr Williamson, ce qui       est au demeurant inexact puisque celle-ci est bien antérieure et était       demeurée jusqu’alors inconnue de l’opinion) des excommunications       frappant les lefebvristes a créé une tragique ambiguïté, laissant à       penser que Rome réhabilitait le négationnisme ou du moins le considérait       comme une opinion licite voire innocente. » Il y a ici un abus manifeste       qui consiste à donner raison à ceux qui prétendent qu’il est légitime       de douter de la fermeté du pape en matière de négationnisme.       Qu’est-ce que cette façon d’entretenir soi-même l’ambiguïté sur       la pensée de Benoît XVI à propos de l’extermination du peuple       juif ? Les bras m’en tombent.
 Pardon d’être un peu violent à mon tour, mais ce genre de procès       me fait penser aux procédés employés jadis par la propagande       stalinienne pour ériger en fascistes les gens qui déplaisaient,       fussent-ils le général de Gaulle ou Raymond Aron. Tout ce que Benoît       XVI a écrit sur le judaïsme, ce qu’il a tenu à rappeler le jour même       de son intronisation place Saint-Pierre apporte un démenti formel à tout       soupçon d’ambiguïté. J’admets qu’on puisse s’inquiéter des       conditions de réintégration dans l’Église de personnes qui se sont       distinguées par des positions violentes à l’encontre de       l’enseignement de Vatican II. Est-ce une raison d’interdire au pape       toute initiative, voire tout acte de miséricorde pour les convaincre de       la continuité organique du concile avec la grande tradition de l’Église       ? Sans doute est-ce une tâche difficile, ingrate. Mais l’Évangile nous       rappelle qu’il est parfois nécessaire d’abandonner les 99 brebis du       troupeau, pour aller rechercher celle qui s’est perdue. Ainsi le berger       prend-il des risques.
 C’est comme cela que j’envisage l’entreprise actuelle de notre       pape Benoît XVI, qui mérite toute ma confiance, et en aucun cas des       suspicions qui entacheraient son intégrité et sa dignité de successeur       de Pierre.
 Gérard Leclerc
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