| Joie pour certains, étonnement, stupéfaction pour d'autres, indignation       et colère pour d'autres encore, voilà ce qu'a provoqué l'annonce       soudaine de la levée de l'excommunication des quatre évêques intégristes       séparés depuis le 30 juin 1988. 
 Il faut reconnaître que le surgissement de cette décision et le manque       d'information qui l'accompagne en ont surpris plus d'un et même parmi       ceux qui, à juste titre, comprennent que le pape ait pour grand souci de       ne pas laisser, après lui, une Église divisée. Cependant, la manière       solitaire dont il a agi étonne d'autant plus que les fidèles, et pas eux       seulement, croyaient abandonné ce genre de méthodes depuis la collégialité       instaurée par le concile Vatican II.
 
 Sur le fond, il faut reconnaître que de sérieux problèmes se posent. Il       paraît, en effet, que les évêques concernés ont exigé une sorte de préalable :       levée d'abord de l'excommunication, discussion ensuite... Certes, les       quatre évêques, en agissant ainsi, reconnaissent l'autorité du pape.       Mais les divergences n'étaient pas là. Elles portaient sur l'interprétation       de Vatican II, sur ses orientations et, pire encore, sur sa nature même,       et cela jusqu'à une date tout à fait récente. Il était bien tard et       donc grand temps que le pape fasse savoir que, dans son ouverture, il       appelait les évêques concernés à respecter l'autorité du concile.
 
 En effet, maniant successivement les proclamations, les protestations       virulentes et des paroles plus ou moins rassurantes, selon leurs       interlocuteurs, ces évêques n'ont pas cessé, tour à tour, de critiquer       Vatican II.
 
 Mgr Richard Williamson est-il désireux d'une réconciliation authentique,       lui qui, en se référant au protocole des sages de Sion, voit, dans le       concile « l'oeuvre d'un complot judéo-maçonnique contre l'Église »       (1) ? Et pourquoi s'est-il empressé, juste au moment où le       pape lève l'excommunication, de lancer son affreuse provocation réfutant       l'existence des chambres à gaz ? Il aurait voulu entraver la démarche       papale en cours qu'il n'aurait pas agi autrement.
 
 Quelle est donc l'attitude actuelle des autres évêques envers le concile ?       Mgr Tissier de Mallerais, qui fait partie des évêques concernés, disait       encore, en 2006 : « L'Église devra effacer ce concile. Elle       devra l'oublier, en faire table rase » (1). Mgr Fellay, supérieur       général de la Fraternité Saint Pie X, concerné lui aussi, dans la       lettre qu'il adressait à Benoît XVI pour demander la réintégration, écrivait       que les quatre évêques « acceptaient et faisaient leurs tous les       conciles jusqu'à Vatican II au sujet duquel ils émettaient des réserves »       (1).
 
 Voudraient-ils un nouveau concile ?
 
 Comment donc ces évêques peuvent-ils, en quelques mois, se dédire à ce       point, à moins d'une conversion miraculeuse ? Certes, la barrière       de l'excommunication étant levée, il est naturel et souhaitable qu'il y       ait, avec eux et avec d'autres, échanges et recherches communes dans le       but de consolider l'unité a priori souhaitée par tous et de       cicatriser la blessure. Mais la condition de telles discussions est tout       de même qu'elles doivent être conduites dans l'Église d'aujourd'hui, c'est-à-dire       l'Église de Vatican II. Sinon, il faudrait avoir le courage et l'honnêteté       de dire clairement qu'il faut réunir un nouveau concile. Devrait-il alors       corriger le précédent ? Cela paraît inacceptable et       invraisemblable...
 
 Quand on entend certains prêches qui résonnent comme des cris de       victoire, on peut se demander aussi quel effet la décision papale aura       sur le clergé « lefebvriste ». Ainsi l'abbé Régis de       Cacqueray, supérieur de la Fraternité Saint Pie X en France, déclarait,       dimanche dernier, à la grand-messe de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, au       lendemain même de l'annonce de la levée de l'excommunication :       « L'heure est donc venue de démontrer au pape, aux évêques et aux       prêtres que la crise de l'Église n'a pas pour origine de mauvaises       interprétations du concile, mais le concile lui-même. » Après       s'en être pris à la liberté religieuse, le prédicateur poursuit en dénonçant       « le regard démagogique » sur les autres religions, notamment       l'Islam, avant de fustiger la « collégialité » :       « L'Église est une monarchie dont le monarque est le pape »,       a-t-il martelé, déplorant « le souffle démocratique » de l'épiscopat       qui « pénalise » le pouvoir de Rome. Bref, le concile doit « être       mis sur le tapis » (1).
 
 Voilà donc tout le contraire de ce que l'on pouvait espérer après un       tel geste du pape, qui apparaît, sans doute, à ce personnage, comme une       faiblesse plutôt que comme un geste d'accueil paternel...
 
 Qu'on le veuille ou non, la vraie question désormais est de savoir si,       au-delà des arguties, des proclamations de victoire et des rodomontades,       ceux qui sont invités à réintégrer aujourd'hui l'Église admettent       l'oecuménisme, la liberté religieuse, la liberté de conscience, le       dialogue interreligieux, la relation au monde moderne, la collégialité       et tout ce que comporte Vatican II.
 
 Nombreux sont les catholiques, les chrétiens des autres Églises, les       membres des autres religions qui ont hâte de le savoir et de savoir       comment les choses vont désormais se passer dans l'Église catholique.
 
 (1) La Croix du 26 janvier 2009.
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