Rome pourrait lever l’excommunication des intégristes Un décret du pape levant l’excommunication prononcée en 1988 contre Mgr Lefebvre et les quatre évêques ordonnés illicitement par lui pourrait être publié dans les prochains jours
Benoît XVI s’apprêterait à mettre fin à l’excommunication frappant les responsables de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX). L’information de la publication toute proche d’un décret levant cette excommunication, prononcée en 1988 suite à la consécration illicite de quatre évêques par Mgr Lefebvre, circulait depuis plusieurs jours au Vatican. Deux quotidiens italiens ont décidé d’en faire l’annonce jeudi 22 janvier au matin, sans attendre de connaître le contenu du décret.
Selon nos informations, cette publication serait imminente, en fin de semaine ou début de semaine prochaine. Elle marquerait une nouvelle étape dans le long processus visant à mettre fin au schisme créé par la FSSPX, processus lancé par Jean-Paul II, mais que l’arrivée de Benoît XVI a fortement accéléré.
En publiant le motu proprio Summorum Pontificum (juillet 2007), celui-ci répondait à l’une des demandes de la Fraternité, à savoir la possibilité de pouvoir célébrer librement selon le rite dit « de saint Pie V », en vigueur jusqu’à Vatican II. Ce n’était cependant pas suffisant pour les lefebvristes. En juillet dernier, Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la FSSPX, a rappelé leur seconde condition pour dialoguer avec l’Église catholique : la levée des excommunications de 1988. Pour lui, ce geste « favoriserait la sérénité » d’un dialogue sur le fond des divergences doctrinales d’Écône avec Rome. Voilà donc qui devrait être fait.
Négocier la forme juridique et ecclésiale de la réintégration
Il faut attendre de voir le décret et son contenu pour en connaître les conséquences. En effet, on ignore encore les conditions de la levée de l’excommunication. En général, rappelle un canoniste, « la levée de l’excommunication nécessite une matérialisation publique de l’intéressé, une démarche où il réaffirme sa volonté d’union avec l’Église ».
Reste à savoir si Mgr Fellay, demandant la levée de cette excommunication, a posé un acte de repentance. De plus, même s’il s’agit là d’un pas décisif, un tel décret ne signera pas ipso facto le retour plein et entier de la Fraternité dans le giron catholique : il faudra encore négocier la forme juridique et ecclésiale pour cette réintégration. De ce point de vue, le motu proprio libéralisant la célébration selon le Missel de saint Pie V montre une voie : on pourrait créer une prélature personnelle (analogue à l’Opus Dei), au sein de laquelle ne serait célébré que ce Missel, appelé désormais « forme extraordinaire du rite romain ».
Dernière interrogation : le nombre de personnes concernées par l’excommunication, et donc par sa levée. Au Vatican, on affirme aujourd’hui que seuls les quatre évêques ordonnés avaient été excommuniés en 1988. Une thèse contredite dès 1997 par le Conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs, déclarant que l’excommunication latae sententiae « frappe ceux qui adhèrent formellement à ce mouvement schismatique », ce qui visait de façon « indubitable » les prêtres lefebvristes, les choses demeurant plus floues pour leurs fidèles.
Quoi qu’il en soit, une levée de l’excommunication ne supprimera pas une autre peine frappant prêtres et évêques de la FSSPX : ils demeureront suspens a divinis, interdits de célébrer les sacrements, tant qu’ils ne se seront pas mis personnellement en règle avec l’Église catholique. Rien, reconnaissait-on mercredi 21 janvier à Rome, ne se fera donc si les 500 prêtres de la Fraternité refusent ce décret : « Ils sont libres, et nous ne sommes pas dans leur cœur. »
Isabelle DE GAULMYN et Nicolas SENÈZE, à Rome |