Abbé Benoit Waillez, fsspx - Pour Qu'Il Règne - Mars - Avril 2014
Saint Ignace de Loyola est bien connu pour ses Exercices spirituels au cours desquels on prêche « le discernement des esprits ». Mais ce n'est pas une invention du fondateur des Jésuites ; les pères du désert, et en particulier Cassien, insistaient déjà sur la nécessité d'examiner les pensées qui nous viennent à l'esprit, vertu qu'ils appelaient « discrétion».
Abbé Benoît Wailliez
S'adressant aux « personnes qui travaillent courageusement à se purifier de leurs péchés et vont de bien en mieux dans le service de Dieu, Notre-Seigneur », c'est-à-dire aux fidèles qui, sans être de grands saints, essayent de bien faire leur devoir d'état, saint Ignace note que « le propre du mauvais esprit de leur causer de la tristesse et des tourments de conscience, d’élever devant elles des obstacles, de les troubler par des raisonnements faux, afin d’arrêter leurs progrès dans le chemin de la vertu (...). » (N° 315 ).
Car, si « c’est le propre de Dieu et de ses Anges, lorsqu’ils agissent dans une âme, d’en bannir le trouble et la tristesse que l’ennemi s’efforce d’y introduire, et d’y répandre la véritable allégresse et la vraie joie spirituelle. Au contraire, c’est le propre de l’ennemi de combattre cette joie et cette consolation intérieure, par des raisons apparentes, des subtilités et de continuelles illusions. » (N° 329 ).
Le Seigneur ne parle guère au milieu du trouble et du bruit : « Non in commotione, Dominus » (3 Reg. 19, 11).
La première marque de l'esprit diabolique dans les actes de la volonté, remarque le P. Scaramelli (dans Le discernement des esprits), c'est l'inquiétude, le trouble, la confusion, sentiments diamétralement opposés à la paix que Dieu donne, comme S. Jean Chrysostôme le dit : « Le propre du démon est de jeter dans l'esprit le trouble, la fureur et beaucoup d'obscurité. » (Homélie 29, in Epist. l ad Cor.).
Le mauvais esprit agit ainsi car il veut éloigner les âmes de Dieu. Et non content de troubler les âmes, il cherche à s'en faire des alliés. Et c'est souvent inconsciemment que ces âmes perturbées répandent le mauvais esprit autour d'elles.
« A toutes nos pensées, paroles ou actions, il tend ses pièges et redouble d'efforts à l'égard' de ceux qu'il voit s'appliquer sérieusement au service de Dieu: ce sont eux surtout qu'il porte au mal sous l'apparence du bien quand il le peut. » (Gerson., de divers. tent. diab.)
« Toutes les propositions hypothétiques ou conditionnelles, qui ne sont propres qu'à causer du trouble, viennent du démon (comme par exemple : si Dieu m'abandonnait dans une telle occasion ? ou encore : si les choses tournaient de telle ou telle façon, que ferais-je ?) Il ne faut point répondre à ces propositions, ni nous arrêter à ces sortes de pensées que l'ennemi nous suggère pour ôter la confiance en Dieu et pour nous jeter dans l'inquiétude et le découragement. » (Père Lallemant, La doctrine spirituelle).
« Saint Grégoire dit que le démon ressemble au loup, qui, entrant dans une bergerie, met le troupeau sens dessus dessous. A son arrivée, toutes les brebis sont en mouvement et dans la consternation: elles tremblent, elles bêlent, elles bondissent, elles s'enfuient. Ainsi l'ennemi du genre humain, sortant de la caverne de l'enfer, entre comme un loup furieux dans les âmes et les met en révolution. Il soulève les passions, les agite, les bouleverse et les met en tumulte. Par cette commotion des passions, le démon déconcerte les pauvres âmes et les met dans la confusion. » (Scaramelli)
« L'ennemi communique encore à l'âme l'esprit de vanité et d'enflure, d'où celle-ci se remplit de vaine complaisance et prend les autres en mépris ». Une des marques, en effet, « de l'esprit diabolique, c'est l'obstination de la volonté à ne pas se rendre à l'obéissance due aux supérieurs. Nous avons un grand exemple de cette obstination dans le cœur de Pharaon. Dieu lui ordonne par l'entremise de Moïse de laisser en liberté le peuple hébreu, et il ne se rend pas aux commandements du ministre de Dieu. Moïse essaie d'amollir ce cœur dur par des prodiges, mais il ne cède point. Moïse tente de le vaincre par des châtiments flagellant de mille façons le royaume et la cour de Pharaon. Mais ce roi endurci ne veut pas céder. Une fois, il paraît vaincu et accorde au peuple d'Israël la permission qu'on lui demande; mais il montre bientôt qu'il est plus endurci que jamais, puisque après le départ du peuple, il le poursuit avec son armée jusque dans les eaux de la mer Rouge dans lesquelles il demeura misérablement englouti. Pareille chose arrive à ceux qui sont dominés par l'esprit diabolique. Ils ont une certaine obstination de volonté qui les fait résister ouvertement, ou au moins qui les porte à ne se rendre que bien difficilement aux avis, aux conseils, aux ordres et aux reproches de ceux qui, soit dans l'ordre spirituel, soit dans l'ordre temporel, les gouvernent au nom de Dieu. » (Scaramelli)
Et enfin, comme l'explique bien le P. Auguste Saudreau (dans Les degrés de la vie spirituelle), lorsque l'âme perçoit la stérilité de toute son agitation intérieure et extérieure, c'est le découragement : « La plupart des âmes se perdent par le découragement. On ne saurait donc trop les prémunir contre ce danger, on ne saurait trop leur répéter : c'est là une ruse de Satan, jamais le bon Dieu n'a découragé personne. »
Le démon est donc ce « mauvais esprit » qui peut tout simuler sauf la vraie paix de l'âme qu'il ne connaît pas. Le trouble intérieur, l'agitation stérile, l'insubordination et finalement la désillusion et le découragement, voilà la marque du Malin.