SOURCE - Abbé François Knittel, fsspx - DICI - 14 mars 2014
Dans la confusion
actuelle sur la question des divorcés remariés, nous publions ici un article de
l’abbé François Knittel, paru dans le bulletin du prieuré de Strasbourg, La
Lettre de Saint-Florent, en août 2011. Ce rappel clair de la doctrine de
l’Eglise a le mérite d’éclairer ce que d’autres s’emploient à obscurcir.
La crise doctrinale que
traverse actuellement l’Eglise catholique peut être observée et mesurée à deux
niveaux différents. Elle se manifeste d’abord dans les nouvelles orientations
générales du concile Vatican II (liberté religieuse, œcuménisme et
collégialité), ainsi que dans la réforme liturgique de 1969. Mais elle se
manifeste aussi à un niveau concret et quotidien dans les remises en cause
touchant l’ordination des femmes, la licéité de la contraception, la sépulture
des suicidés et des incinérés, le caractère personnel du sacrement de
pénitence, etc.
La communion des divorcés
remariés rentre dans cette seconde catégorie, comme en témoignent les
nombreuses interventions romaines sur ce thème au cours des 30 dernières années[1].
Après avoir énoncé quelques
arguments de ceux qui militent en faveur de la communion des divorcés remariés,
nous examinerons le nœud de la question, avant de terminer en répondant à ces
arguments.
Les objections
Les arguments en faveur de
l’admission des divorcés remariés à la communion en appellent à l’exemple du
Christ (1), à l’enseignement de saint Paul (2) et à la discipline de l’Eglise
(3).
1. Les Evangiles rapportent
que, durant sa vie terrestre, le Christ a accepté de manger avec des pécheurs
(Mt 9, 11), s’est laissé approcher par une pécheresse au cours d’un repas (Lc
7, 37) et a conversé avec la Samaritaine qui vivait avec un homme qui n’était
pas son mari (Jn 4, 18 et 27). N’est-il pas paradoxal que l’Eglise éloigne du
Christ les divorcés remariés en leur refusant la communion ?
2. Saint Paul reproche aux
Corinthiens les scissions qui émaillent leurs agapes fraternelles, « en
sorte que tels ont faim, tandis que d’autres se gorgent » (1 Cor 11,
20). N’est-il pas paradoxal d’avoir des invités à un repas (ici, l’Eucharistie)
et de ne pas leur permettre d’y prendre part (ici, la communion) ?
3. La discipline de l’Eglise
qui privait les pécheurs publics et manifestes de la sépulture ecclésiastique
(Code de droit canon de 1917, cn. 1240 § 1, 6°) a été modifiée par le décret de
la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 20 septembre 1973, qui
stipule : « Les obsèques ne seront pas interdites aux pécheurs
manifestes s’ils ont donné quelque signe de pénitence avant de mourir et s’il
n’y a pas de scandale public pour les autres fidèles ».
N’est-il pas envisageable de
modifier dans le même sens la discipline de la communion eucharistique en
faveur des divorcés remariés ?
L’enseignement de l’Evangile
Le baptême et la pénitence
sont appelés sacrements des morts, parce qu’ils établissent ou rétablissent la
vie de la grâce dans celui qui les reçoit. Les autres sacrements sont appelés
sacrements des vivants, car ils augmentent la grâce chez celui qui l’a déjà.
La finalité des sacrements est
de donner ou d’augmenter la grâce chez celui qui les reçoit. Le sacrement de
l’Eucharistie donne à celui qui communie non seulement de recevoir la grâce,
mais aussi l’Auteur de la grâce.
L’Eucharistie est donc un
sacrement des vivants qui suppose chez celui qui le reçoit d’être en état de
grâce pour recevoir le Christ. Telle est la première condition pour recevoir
dignement et avec fruit ce sacrement.
L’avertissement de saint Paul
aux Corinthiens le souligne : « Celui qui mangera le pain ou boira le
calice du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du
Seigneur. Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange de ce pain
et boive de ce calice ; car celui qui mange et boit, sans discerner le
corps du Seigneur, mange et boit son propre jugement » (1
Cor 11, 27-29).
Les divorcés remariés sont-ils
dans ces dispositions ?
L’Evangile rapporte
l’enseignement du Christ sur l’indissolubilité du mariage : « L’homme
quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux ne feront
qu’une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair.
Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a uni. (…) Quiconque répudie sa
femme et en épouse une autre, commet un adultère à l’égard de la première. Et
si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle se rend
adultère » (Mc 10, 6-9 et 11-12).
Dans l’épître aux Ephésiens,
saint Paul compare l’union des époux dans le mariage à l’union du Christ et de
l’Eglise : « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère
pour s’attacher à sa femme, et de deux ils deviendront une seule chair. Ce
mystère est grand ; je veux dire, par rapport au Christ et à l’Eglise » (Eph
5, 31-32). De même qu’il n’y a qu’un seul Sauveur (Jésus-Christ) et qu’une
seule Eglise (l’Eglise catholique) et que leur union est indissoluble, ainsi en
est-il du mariage qui est un (union d’un homme et d’une femme) et indissoluble
(union pour toujours).
Les divorcés remariés vivent
donc dans un état opposé à celui voulu par le Christ et exposé par saint Paul.
Cet état permanent et public de péché grave les rend indignes de recevoir la
communion et d’en percevoir les fruits (III, q. 80, a. 4). Si cet état est
connu, le prêtre est tenu de leur refuser publiquement la communion (III, q.
80, a. 6). S’ils parviennent néanmoins à leurs fins, ils commettent un péché
mortel de sacrilège (III, q. 80, a. 4).
Les solutions
Pour finir, répondons brièvement
aux arguments du début.
1. Les contacts que le Christ
s’autorise dans l’Evangile avec les pécheurs ont une finalité très
claire : la guérison des pécheurs et l’appel à la conversion (Mt 9,
12-13), le pardon des péchés (Lc 7, 47-48) et l’établissement du culte en
esprit et en vérité (Jn 4, 23). Certes, Jésus ne condamne pas la femme
adultère, mais il lui enjoint de ne plus pécher (Jn 8, 11), car « les
adultères n’hériteront pas du royaume de Dieu » (1 Cor 6, 9).
2. Le Christ a institué le
sacrement de l’Eucharistie et enseigné le précepte de la charité fraternelle au
cours d’un repas. L’Eglise primitive avait conservé l’habitude d’unir
célébration des saints mystères et agape fraternelle. Dans ses reproches aux
Corinthiens, saint Paul distingue deux sortes d’abus : nuire à la charité
envers le prochain au cours des agapes (1 Cor 11, 18-22) et communier dans de
mauvaises dispositions au cours de la Messe (1 Cor 11, 27-29).
3. En refusant la sépulture
ecclésiastique aux divorcés remariés, l’Eglise entendait rappeler leur état
public de péché mortel – état qui n’est en rien modifié, bonifié ou corrigé par
les suffrages de l’Eglise – et souligner par contraste la sainteté du mariage
chrétien. Le changement récent de cette discipline ne modifie en rien les conditions
minimales pour communier avec fruit, mais il illustre le lien entre les
relâchements disciplinaires et les remises en causes doctrinales.