SOURCE - Franck Abed - Vu de France - 15 mars 2014
Nous vous présentons un entretien avec Monsieur l’Abbé Jean de CHAMBORD. Dans la tradition de l’Eglise catholique, celui-ci reprend la pratique du combat spirituel demandé par Marie en organisant une messe perpétuelle dans le forme extraordinaire du rite romain. Pour VdF, en exclusivité, il nous explique son parcours et les raisons de son choix. -- VdF
VdF : Bonjour. Pourriez-vous prendre la peine de vous présenter ?
Abbé de Chambord : Né en 1982, je suis d’une famille de cinq enfants, originaire du Bourbonnais (département de l’Allier). Mon père est officier retraité de la Cavalerie. Nous avons, grâce à mes grands-parents et parents, toujours été catholiques pratiquants. En 2001 je suis entré au séminaire, dans la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X. J’ai étudié successivement en France, en Suisse et en Argentine, où le Bon Dieu a voulu que je devienne prêtre le 19 décembre 2009. Dans le cadre de l’apostolat, les supérieurs m’ont envoyé d’abord au Brésil, puis en République Dominicaine, au Mexique et enfin aux Etats-Unis. En mai de l’année dernière j’ai quitté la Fraternité Saint-Pie X et suis actuellement en cours de démarches auprès des autorités de la Sainte Eglise. En attendant qu’elles aboutissent, il m’a cependant été permis de participer à une belle Mission au moment de Noël à Tahiti, où la Messe tridentine n’avait plus été célébrée en public depuis près de cinquante ans.
VdF : Nous souhaitions vous interroger, car nous avons appris l’initiative que vous désirez lancer. Pourriez-vous nous en dire plus s’il vous plaît ? Comment cette idée vous est-elle venue ?
A.C. : Quiconque se penche un peu sur l’actualité en France peut observer sans difficulté la décadence morale qui y règne depuis des décennies, et qui ne fait que s’accélérer. A cette ruine morale s’ajoute un chaos social et économique qui ne fait que s’accroître. Tout peut faire penser, à vue humaine, que nous allons droit vers une impasse et que la France ne se récupèrera pas d’une chute aussi grande. Nous pourrions même croire que tout ceci pourrait déboucher sur une guerre civile.
Comme tout français amoureux de son pays, et respectueux des traditions qu’il a reçues des anciens, une telle constatation ne pouvait que m’emplir de tristesse. Cependant, pour celui qui a la foi, la fatalité n’existe pas. Dieu est au-dessus de tout. Le même Dieu qui a permis notre chute pourrait aussi nous relever, et le faire même très rapidement s’Il le jugeait bon. Il fallait donc prier ! Quand nous étudions l’Histoire de France nous voyons que c’est parce que les âmes pieuses priaient Dieu qu’Il prenait en pitié l’état de notre Patrie. Voyez par exemple les apparitions de Notre-Dame à Pontmain, en 1871, ou de l’Isle-Bouchard, en 1947 : la France fut sauvée par la prière des enfants.
Pourquoi alors la Messe ? Parce qu’elle est la prière de Jésus Lui-même. A l’autel, c’est le Christ qui s’offre de nouveau, comme sur la Croix. Il s’agit d’un Sacrifice, et d’un Sacrifice offert par Dieu Lui-même ! Sa valeur est donc infinie. Par ailleurs, nous savons par la pratique de l’Eglise que la répétition de Messes pour la même intention nous accorde des grâces que nous aurions eu plus de mal à obtenir avec une seule Messe, à cause de notre faiblesse. C’est pour cela que l’Eglise célèbre des Neuvaines de Messes ou encore des « Trentains » pour les défunts (trente messes trente jours de suite).
La prière à Marie et le Saint-Sacrifice de la Messe ! Voilà les deux moyens les plus efficaces qui pourraient sauver la France.
Dans mon ancienne Congrégation, il existe une Messe perpétuelle aux intentions de l’Eglise, qui est célébrée chaque jour par l’un des prêtres. Si l’on fait cela pour l’Eglise, pourquoi pas aussi pour la France ? Avec le temps ce projet a mûri.
De fait, cela reprend en partie le message de Claire Ferchaud (1896-1972 – Loublande), à la différence que la Messe perpétuelle qu’elle demandait à être instaurée pour la France devait être célébrée sans interruption, nuit et jour. Ici, s’il plait à Dieu, nous cherchons à ce qu’une Messe par jour, au-moins, soit célébrée. C’est Lui qui nous montrera si le projet Lui est agréable ou non. Qu’Il daigne le permettre, ce serait une source de bénédictions infinies pour nous.
VdF : Vous évoquez la Messe Tridentine, mais votre projet ne pourrait-il pas être mené avec la forme ordinaire du rite romain ? Serait-il possible de voir par exemple, une messe célébrée selon la forme ordinaire du rite romain, puis le lendemain selon la forme extraordinaire du rite romain et ainsi de suite ?
A.C. : Depuis sa promulgation en 1969, par Sa Sainteté Paul VI, le « Novus Ordo » ou « Forme ordinaire du rite romain » a suscité beaucoup de questions même de la part de prélats et de théologiens autorisés. Ainsi les Cardinaux Ottaviani et Bacci présentèrent-ils à Paul VI un « Bref examen critique » dans lequel ils en arrivaient à dire que ce nouveau rite s’éloignait « tant dans l’ensemble comme dans le détail de la théologie catholique de la Sainte Messe ». Pourquoi ? Comme l’avait dit Mgr Annibale Bugnini, qui dirigea les réformes liturgiques à cette époque, il s’agissait de s’approcher davantage du monde et d’ « ôter toute pierre d’achoppement avec nos frères séparés ». Ainsi, alors que le rite tridentin exprime très clairement ce qu’est l’essence du Saint-Sacrifice, la « forme ordinaire » est beaucoup moins précise. Des protestants ont pu dire qu’ils ne verraient plus d’inconvénient à célébrer la Messe, s’il s’agissait du rite nouveau : celui-ci s’adapte aussi à leurs convictions.
Ces questions ou doutes n’ont fait que croître avec les années. A l’heure actuelle, nous avons un avantage : nous pouvons voir les fruits de la Messe instaurée en 1969 : en France, les églises sont vides. Dans le reste du monde, de plus en plus de catholiques se tournent vers les sectes et le Protestantisme. Pour avoir vécu en Amérique Latine et aux Etats-Unis, je peux vous le confirmer par expérience personnelle.
Aussi il me semble que nous pouvons avoir une réserve légitime vis-à-vis de la « forme ordinaire » du rite romain.
Ce que je souhaiterais bien distinguer, c’est le rite en lui-même et le prêtre qui le célèbre. Il y a sans aucun doute de très saints prêtres qui célèbrent la « forme ordinaire », et j’en connais moi-même. La réserve porte donc sur le rite, non sur la personne.
Par ailleurs, il est devenu plus facile d’apprendre ou réapprendre à célébrer le rite tridentin, même en étant seul, grâce à la production d’un DVD qui l’enseigne, spécialement fait pour les prêtres. Vous pouvez vous le procurer sur ce lien : musique-liturgique.com. Par contacts, il est aussi possible de trouver un prêtre qui puisse aider des confrères qui désireraient apprendre à célébrer la Messe de Saint Pie V. C’est ce qui m’est arrivé à Tahiti, où un confrère prêtre m’a demandé de l’aider.
VdF : Dans notre époque athée et matérialiste, le souvenir lointain du baptême de Clovis peut-il toucher, émouvoir nos contemporains, quand nous savons que ces derniers sont pour la plupart littéralement agrippés à la société moderne et ses ténèbres ?
A.C. : Bien sûr que le baptême de Clovis est un événement qui leur passe à dix-mille lieues au-dessus de la tête ! Peut-être certains seront attirés par l’intérêt historique de la chose. Mais sans plus, probablement. Et il ne peut pas en être autrement ! Comment quelqu’un qui n’a pas reçu de formation catholique ou qui n’en a même jamais entendu parler pourrait-il s’y intéresser ? Où en parle-t-on ? Il faut déjà être bien initié à l’histoire de notre pays ou à notre religion pour en savoir quelque chose.
Mais c’est là où nous avons un rôle à jouer. Il ne faut pas nous croire meilleurs que les autres ! Nous ne sommes pas catholiques de par nos mérites. Non : nous le sommes par une grâce de Dieu, de par sa miséricorde infinie et son amour pour nous. Cela ne nous donne que plus de responsabilité ! C’est à nous de rayonner par notre exemple, notre charité, notre désir de faire du bien aux autres et de les former. Quelque part, si les français ignorent encore ce qui touche à leurs racines, c’est par notre faute, à nous catholiques. Si nous sommes tous vraiment fidèles, les choses changeront.
VdF : Pouvons-nous considérer que Dieu a abandonné la France, étant donné que celle-ci s’est montrée, plusieurs fois et pas des moindres, infidèle aux promesses de son baptême ?
A.C. : Quand on dit que Dieu abandonne quelqu’un ou quelque endroit, il faut bien le comprendre : Dieu est toujours présent par sa puissance et par son essence même, partout. Cela ne peut changer. Par contre Dieu peut réduire certains effets de son action, en vue d’obtenir quelque chose : un peu comme si les rayons du soleil n’arrivaient plus jusqu’à nous ; le soleil serait toujours à sa place, mais nous aurions froid.
C’est ce qui est arrivé lorsque le Père a « abandonné » son Fils sur la Croix, comme l’a dit Jésus : ils étaient toujours intimement unis, et pourtant le Christ se sentait seul.
Et c’est ce qui arrive à la France. Oui Elle a été infidèle. Une nation qui fut si profondément chrétienne, un foyer de vocations et de saints, en est arrivé à assassiner des prêtres, des religieuses, des enfants et à publier des lois infâmes ! Que fait Dieu dans ces cas-là ? Il s’éloigne, comme pour nous dire : « Vous avez voulu vous passer de moi. Et bien faites… » Et Il nous laisse à nous-mêmes, pour que nous voyions que sans Lui nous ne pouvons rien. Il fit de même avec les Hébreux. Et il suit la même « tactique » avec l’âme du pécheur.
Maintenant nous sommes arrivés à une étape où nous sentons cruellement son besoin et nous crions vers Lui. Et c’est ce qu’Il attendait pour revenir vers nous.
VdF : Selon vous, notre pays peut-il disparaître ? Par le passé des empires plus puissants que notre France connurent ce sort, alors pourquoi pas la France ?
A.C. : En soi Dieu n’est pas lié à un pays. Dans ce sens nous pourrions disparaître. Cependant Il semble que le Bon Dieu ait un amour et un dessein bien particulier sur la France. Là aussi ma toute petite expérience à l’étranger m’a aidé à mieux le voir : si la France est une Chrétienté, d’autres pays suivront. Quand Elle a fait la Révolution, beaucoup d’autres ont suivi. Et il me semble que notre histoire, en elle-même, nous montre déjà cette vocation de la France – sans même avoir besoin de recourir à des révélations particulières.
Cependant, dire que la France ne disparaîtra pas ne veut pas dire qu’elle subsistera telle qu’elle est. Ainsi Rome n’a pas réellement disparu : mais elle est devenue la Rome Catholique. Et cependant quels changements entre la Rome du I° siècle et celle du IX° ! Je suis porté à croire que ce sont ces changements qui adviendront en France, lesquels peuvent être assez radicaux. Une civilisation pourrait bien disparaître.
A nous de faire en sorte que celle qui triomphera sera une civilisation chrétienne et non pas musulmane !
VdF : Jeanne d’Arc déclara : « Au nom de Dieu les gens d’armes combattront et Dieu donnera la Victoire » Les manifestations de l’année 2013 n’ont rien donné sur le plan politique, car pacifistes. Vous évoquez à juste titre la prière, mais ne faudrait-il pas également combattre sur le plan naturel ?
A.C. : Il me faut remarquer deux choses : tout d’abord, il me semble que nous ne pouvons pas dire que les manifestations de l’an passé n’aient servi à rien. Les français ont réagi ! Ils se sont réveillés ! Et ça, c’est un progrès énorme, si l’on compare vingt ans en arrière. Maintenant, que cela n’ait rien donné sur le plan politique, ça n’est pas étonnant : le système démocratique français est vicié dès ses fondements. Il sert à divulguer les idéaux maçonniques et antichrétiens. Il ne représente pas le peuple, comme il le prétend, mais la volonté sectaire de quelques-uns. Et c’est justement cela que les français doivent voir. Ils doivent se rendre compte que notre système politique est faux, absurde et mensonger.
Ensuite, parler de se battre est bien – et je vous avoue que par moments il me vient aussi des désirs de me « croiser » – mais cela requiert d’être pensé avec la tête froide. On ne nous demande pas de tout accepter, de tout laisser passer. Au contraire : un catholique a le devoir de désobéir à ce qui est contraire à la foi et à la morale. Nous devons donc refuser les lois et dispositions impies de notre pitoyable gouvernement, et nous pouvons le manifester en public. Nous pouvons encore nous défendre, selon le principe de légitime défense, si l’on nous agresse à cause de notre foi ou que l’on attente à des valeurs fondamentales de notre Patrie (comme la famille, la vie…). Mais pour sortir se battre, directement, cela demande de bien savoir ce que l’on pourra ensuite faire : quel chef on pourra proposer, est-ce que l’on sera en mesure d’éviter une guerre civile ou le chaos etc. Ce n’est pas si évident.
Dans l’immédiat, il faut nous former et former les autres, chercher toute action politique et sociale qui serve à propager efficacement le règne du Christ.
VdF : Pensez-vous avec nous, que seule la monarchie catholique peut être la solution aux maux politiques que nous rencontrons ?
A.C. : Oui je le pense. Parce que la démocratie, pour pouvoir réellement fonctionner, aurait besoin d’un peuple parfait. Si c’est lui qui décide, il faut qu’il en soit capable ! C’est pour cela que je ne crois pas que nous pourrons jamais obtenir une véritable démocratie catholique en France. Le français est bien trop frondeur, râleur et… imparfait pour que cela puisse marcher. Nous retomberons sans arrêt dans des querelles de Partis.
Alors que la monarchie nous donnerait un pouvoir suffisamment autonome pour gouverner, et suffisamment humain pour s’intéresser au peuple français. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé historiquement. Les français de ce qu’on a appelé « l’Ancien Régime » avaient souvent plus de possibilité de parler, de s’exprimer et même de manifester qu’aujourd’hui.
Avec votre permission, j’ajouterai un mot : Dieu n’est pas lié à une dynastie. Nous avons besoin d’un monarque, mais c’est Lui qui montrera qui Il veut. Car le roi doit être un exemple aussi bien dans son gouvernement que dans sa vie privée : catholique sur tous les plans. Nos rois n’ont pas toujours été fidèles. Et nous savons que, même dans le peuple élu des hébreux, Dieu changeait de dynastie lorsqu’un roi lui était infidèle.
De fait, actuellement il nous manque un chef. Je pense que c’est comme cela qu’apparaîtra le dessein de Dieu : lorsqu’Il nous enverra quelqu’un qui ait les capacités de gouverner et sache prendre les choses en mains et relever notre pays.
VdF : Quel sera votre mot de la fin ?
A.C. : Le mot de la fin, ce ne sera pas le mien. Ce sera celui du Bon Dieu. Quoiqu’il arrive, Il aura toujours le dernier mot. Nous pouvons être infidèles, nous pouvons abandonner notre Patrie et la laisser sombrer : de toutes façons Il triomphera.
A nous donc d’être fidèles à Sa grâce, de Lui répondre, pour que notre Patrie se relève, pour que les âmes se sauvent et pour que vous transmettiez à vos fils ce que nous avions reçus de nos anciens : non pas une France athée, non pas une France musulmane, mais la France Catholique, fille aînée de l’Eglise.
Dieu sauve la France !
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Propos recueillis par Franck ABED / Mars 2014