5 janvier 2009

[MotuProprioChicoutimi (blog)] Un curé dans la rue : un livre sur le combat du curé Yves Normandin

SOURCE - MotuProprioChicoutimi (blog) - 5 janvier 2009

Monsieur le curé Yves Normandin est un prêtre traditionnel et un héros de la foi au Québec! Ce prêtre, à la suite du Christ, a été grandement persécuté par des membres du clergé montréalais durant les années 70`. Son seul crime a été de continuer à célébrer la Messe tridentine suite à la réforme liturgique de 1970.

L'archevêque de Montréal, qui était alors Mgr Paul Grégoire, appréciait grandement le zèle de ce prêtre. Mais, sous prétexte que l'ancien Missel avait été abrogé par le nouveau, il expulsa M. le curé Normandin de la paroisse de Sainte-Yvette. L'histoire donnera raison à M. le curé Normandin puisqu'en 1985, suite à la promulgation de l'Indult Quattuor abhinc annos du Pape Jean-Paul II, le Cardinal Grégoire érigea canoniquement la Communauté Latine Catholique Saint-Paul pour la célébration de la Messe traditionnelle; paroisse maintenant située à l'église St-Irénée de Montréal et dont l'abbé Normandin est toujours le curé.

M. le curé Normandin raconte donc dans Un curé dans la rue l'expérience douloureuse qu'il a vécue. Ce livre de 128 pages publié en 1976 aux Éditions Héritage de Montréal raconte en détails « l'affaire de la paroisse de Sainte-Yvette ».

Voici un extrait du livre où l'abbé Normandin fait le compte-rendu de sa rencontre avec Mgr Grégoire le 26 août 1975. M. l'abbé Normandin était alors accompagné de ses deux vicaires : messieurs les abbés Bleau (docteur en théologie) et Lemay, alors que Mgr Grégoire était accompagné de deux prêtres : messieurs les abbés Turmel et Poirier. Voci l'extrait :
« Mgr Grégoire - Le Pape Paul VI a établi une nouvelle législation en ce qui concerne le rituel à suivre dans la célébration de la messe. Acceptez-vous, oui ou non, le fait de cette législation ?   
M. Normandin - Cette législation vient-elle vraiment de Paul VI ? Je me demande dans quelle mesure elle ne lui a pas été imposée. 
M. Bleau - Il y a, certes, une nouvelle législation signée par Paul VI, mais sa valeur juridique est très sérieusement discutée par d'excellents canonistes. Dans l'hypothèse où nous serions en présence d'une vraie loi, sa portée ne dépasserait pas l'autorisation d'un nouveau rite et ne suffirait certainement pas à rendre caduc le rite traditionnel. 
Mgr Grégoire - Une nouvelle loi n'abroge-t-elle pas toujours une loi antérieure ? 
M. Bleau – Non pas, Monseigneur. En raison de l'article 30 du code de droit canonique. Cet article stipule qu'une coutume immémoriale n'est pas abrogée par une loi générale, à moins qu'il en soit fait mention expresse. Il faut plus que des termes généraux, enseignent les meilleurs canonistes. Or, nulle part, la Constitution Missale Romanum n'abroge en termes exprès le rituel de la messe de saint Pie V, qui a sa valeur non seulement de la loi positive, mais aussi de coutume immémoriale. 
Mgr Grégoire (à M. Turmel) – Afin de nous remettre en mémoire l'article 30, voudriez-vous nous en faire la lecture ? 
Voici le texte de l'article 30 que lit M. Turmel : « Le canon 5 demeurant appliqué, la coutume en opposition avec la loi ou en dehors de la loi est révoquée par une coutume ou par une loi contraire; mais, à moins de faire mention expresse d'elles, la loi ne révoque pas les coutumes centenaires ou immémoriales, et la loi générale ne révoque pas les coutumes particulières. » 
M. Turmel – Mais cet article ne s'applique pas au domaine de la liturgie. 
M. Bleau – Il s'y applique. La preuve en est que le Pape saint Pie V en a parfaitement respecté le principe quand il restaura l'antique liturgie romaine par la Constitution Quo primum tempore. Ce document, au point de vue juridique, est incomparablement plus solennel et plus fort que la Constitution Missale Romanum de Paul VI. En effet, saint Pie V assigne explicitement à sa restauration du missel romain le but de l'unité et de l'universalité de la prière liturgique. Il voulut donc imposer le missel romain à toute l'Église de rite latin, sous la menace des plus graves sanctions. Cependant, il n'osa point l'imposer à certains diocèses ni à certains ordres religieux qui jouissaient depuis des siècles d'une tradition liturgique propre. Pourquoi saint Pie V limita-t-il ainsi sa loi universelle ? Parce qu'une coutume immémoriale ne peut être que légitime; de plus, si on la déracine brusquement, on lèse le droit de ceux qui en bénéficiaient. 
J'étais ravi d'entendre une réplique aussi bien envoyée. Mon vicaire ne paraissait nullement impressionné par le canoniste de Monseigneur. Sûr de ses connaissances, il parlait sans hésiter. Je me disais en moi-même : « Je vais le laisser ferrailler; je n'interviendrai que si l'on m'interroge personnellement. » 
M. Turmel (à M. Bleau) – Avez-vous fait des études spéciales en droit canon ? Sur quels auteurs vous appuyez-vous ? 
M. Bleau – J'ai étudié spécialement la théologie morale, discipline dans laquelle je dois présenter bientôt une thèse de doctorat. Pour ce qui concerne la place privilégiée de la coutume dans le droit de l'Église, j'ai consulté plusieurs auteurs parmi lesquels il y a le professeur Raoul Naz, qui a écrit, en français, un excellent traité de droit canonique. 
M. Turmel – Naz est dépassé. Ce n'est qu'un vulgarisateur. 
M. Bleau – Comment un auteur pourrait-il vulgariser s'il ne possédait pas parfaitement la science qu'il vulgarise ? 
[…] 
Mgr Grégoire – Peut-être avez-vous raison.  Mais il reste que la messe de Paul VI est obligatoire. C'est ce que répondent les représentants de la Congrégation pour le Culte divin, lorsqu'on les interroge sur ce problème. 
M. Bleau – Mais la Congrégation pour le Culte divin n'a pas le pouvoir d'abroger la messe romaine traditionnelle qu'a restaurée le saint Pape Pie V. Cette messe n'étant pas, en fait, abrogée, la nouvelle messe ne peut pas être obligatoire. J'irai même plus loin : à supposer que nous nous trouvions en face d'une abrogation de la messe traditionnelle, faite en bonne et due forme par le Pape lui-même, je pense qu'on pourrait passer outre à une telle abrogation. 
Mgr Grégoire – Comment! Voulez-vous dire qu'une abrogation pontificale, faite selon les normes juridiques, pourrait demeurer sans effet? 
M. Bleau – Parfaitement. Je m'explique. Il existe un droit liturgique des fidèles auquel on ne fait pas assez attention. […] Le pionnier du droit liturgique fut Dom Prosper Guéranger, qui a restauré en France la liturgie romaine, au siècle dernier. […] Pour illustrer le droit liturgique des fidèles, Dom Guéranger raconte comment les Milanais défendirent leur rite ambrosien: ils s'opposèrent – jusqu'à la guerre civile – à deux abrogations qu'avaient décrétées, en bonne et due forme – les souverains pontifes Nicolas II et Eugène IV. Rome, commente Dom Guéranger, sut reconnaître la légitimité de cette résistance et s'inclina devant les justes revendications des Milanais. Car il n'y a pas de jouissance plus légitime que celle de prier avec les mêmes prières et selon les mêmes rites que ses pères dans la foi. 
[…]  
M. Turmel – L'attitude que vous prenez risque de vous conduire au schisme. Le Saint-Siège vient de condamner Mgr Marcel Lefebvre et son œuvre, parce qu'il est en train de faire un schisme dans l'Église. 
M. Bleau – Souffrez que je vous contredise, M. l'abbé. Les vrais schismatiques ne sont pas du côté que vous imaginez. Le schisme est latent, aujourd'hui, dans l'Église, et s'il y a une cause à l'éclatement de l'unité de l'Église, elle réside d'abord et avant tout dans la nouvelle messe. Présentement, il y a autant de manières de célébrer la messe qu'il y a de prêtres. Chacun célèbre plus ou moins à sa guise. […] L'anarchie liturgique est un fait, dont tous ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre peuvent se rendre compte. Cette anarchie divise l'Église: elle crée non seulement un schisme, mais une multitude de schismes. 
M. Lemay – M. l'abbé Bleau n'exagère pas, Monseigneur. À l'appui de ce qu'il vient de dire, je pourrais apporter quantité d'exemples douloureux. La messe est en maints endroits une farce indigne, scandaleuse. Partout ou presque, règne l'arbitraire. Les fidèles ne savent jamais ce qui les attend. 
[…] 
Mgr Grégoire – Il faut quand même convenir qu'une réforme liturgique était nécessaire. Autrefois, les gens ne comprenaient rien à la messe. Ils y venaient sous la contrainte de l'obligation plutôt que par véritable intérêt […] 
M. Lemay – Ai-je été plus heureux que mes confrères ? Le ministère m'a toujours apporté les plus grandes consolations. Et je ne peux croire que les fidèles qui remplissaient nos églises avant la réforme liturgique étaient là uniquement sous l'effet de la crainte et de la contrainte. Et ils n'ignoraient pas le sens de l'action sacrée qui s'accomplissait sur l'autel. […] Les confessionnaux n'étaient jamais vides. Dans ce temps-là, les prêtres confessaient. Ils ne se débarrassaient pas de la confession par des absolutions collectives qui ne valent rien. […] 
Mgr Grégoire – Oui, il y avait de belles choses autrefois. Tout n'était pas mauvais. Mais maintenant, la participation est quand même meilleure. 
M. Lemay – Le croyez-vous sincèrement, Monseigneur ? […] Le manque de respect envers la sainte Eucharistie est général. […] 
Mgr Grégoire – Je voudrais bien que cette entrevue serve à nous mettre d'accord. Mais pour cela, il faudrait laisser saint Pie V de côté et suivre Paul VI, qui seul a maintenant juridiction sur l'Église. [...]»
(Un curé dans la rue, par M. le curé Yves Normandin.
Préface de Mgr Marcel Lefebvre)
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