SOURCE - Basile de Koch - Valeurs Actuelles - 19 avril 2012
La Guerre perdue du Vatican, documentaire diffusé l’autre lundi par France 3, appartient au genre du thriller historique à thèse. Truffé de rebondissements mais tout entier guidé par une idée directrice : Rome a trahi Vatican II !
Côté suspense, on est servi. Ce concile, prévu à l’origine pour durer quinze jours, va s’étaler sur trois ans et déclencher dans l’Église une guerre d’un demi-siècle. Nouveautés liturgiques, pastorales, dogmatiques et pataphysiques se succèdent dans le bouillonnement de ce Mai 68 en chasuble. « Les pères conciliaires révolutionnent deux mille ans de christianisme », s’enthousiasme la voix off.
Après avoir interdit le latin et relooké la messe, proclamé l’oeœcuménisme et le salut hors de l’Église, ils en viennent tout naturellement à remettre en cause la morale sexuelle de l’Église et l’infaillibilité pontificale…
Il est temps pour le Vatican de réagir – et cette “réaction” dure encore, déplore le doc. Paul VI brise l’élan de l’Église postconciliaire, dans laquelle il croit percevoir les « fumées de Satan ».
Jean-Paul II, sous ses airs libéraux, traque la “théologie de la libération” et fraye avec la redoutable Opus Dei. Mais le pire, c’est ce Benoît XVI qui n’hésite pas à réintégrer les intégristes ! Rien d’étonnant, nous explique-t-on : ce diable d’homme-là « n’a jamais véritablement accepté le concile », à propos duquel il se demandait, dès 1966 : « Ne tourne-t-il pas le dos à la conversion pour aller vers la perversion ? »
Tous les cathos tradis qui relèvent aujourd’hui dangereusement la tête ne sont que les fils naturels du pape actuel, qui a levé leur excommunication ! Regardez-les défiler, avec leurs soutanes, leurs scouts en grand uniforme et leurs inquiétantes oriflammes ; écoutez-les chanter sans vergogne en latin et vilipender le “modernisme” avec les mots même de Pie IX !
Comment ne pas mettre en parallèle ces images et d’autres, vieilles de cinquante ans et en noir et blanc ? On y voit une classe de jeunes-prêtres-progressistes en AG à la Sorbonne, en grand uniforme laïc garanti sans signe distinctif, planchant sur le thème “Libérer l’Église pour libérer le monde”. Las ! Cinquante ans plus tard, non seulement ce beau rêve s’est évanoui mais, dans l’Église d’aujourd’hui, l’avenir semble être au passé !
Comment expliquer ce phénomène, contraire au plus élémentaire sens de l’Histoire ? L’auteur n’est sûr que d’une chose : ce retour de la Réaction est une victoire à la Pyrrhus ; l’Église ne l’emportera pas au paradis ! « Vieillissante et concurrencée par les mouvements évangéliques, elle est plus que jamais en crise ! », conclut la voix off sur un ton objectif qui cache mal sa joie.
Est-ce si sûr ? Où en serait l’Église aujourd’hui si, poussant au bout sa logique conciliaire, elle en était venue à admettre qu’entre les religions il n’y a pas de différence de substance ? M’est avis qu’elle se serait autodissoute dans la mare de son “libéralisme”, au sens de Pie IX toujours !
Basile de Koch