17 avril 2012

[Paix Liturgique] Où l'on constate tout l'intérêt du latin dans la liturgie... de rite latin

SOURCE - Paix Liturgique, lettre n°331 -17 avril 2012

Les lecteurs du bimensuel L’Homme Nouveau ont pu lire un intéressant débat, assez polémique, intervenu entre l’abbé Bernard Pellabeuf d’une part et certains évêques en charge de la liturgie ordinaire, et plus précisément du problème crucial des traductions, au sein de la Conférence des Évêques de France d’autre part. Pour ceux qui auraient manqué cette « affaire », nous allons brièvement retracer les principales péripéties et les arguments échangés pour tirer ensuite quelques conclusions relatives au débat liturgique en France.

1. LES FAITS

Le numéro 1507 (17 décembre 2011) de L’Homme Nouveau reproduit, sous la forme d’une tribune libre, un article de l’abbé Pellabeuf. Celui-ci relève dans la traduction liturgique officielle un certain nombre d’atténuations, voire d’escamotages, de notions fondamentales de la foi catholique, comme le péché (originel et personnel), le sacrifice, la différence ontologique entre le ministère sacerdotal et le sacerdoce commun baptismal… Certes la traduction de la liturgie a été approuvée en son temps par les autorités romaines, mais le recours aux techniques de la science historico-critique permet de comprendre dans quel contexte et sous quelle contrainte elle a été effectivement autorisée. Sans contester la légitimité du missel promulgué par le pape Paul VI (lequel a déjà fait l’objet de deux révisions, dont la dernière, parue en 2002, n’a toujours pas été traduite en français, sans parler des variantes infinies et malheureusement largement permises par les innombrables ouvertures optionnelles de cette liturgie a-normative), les théologiens et les fidèles sont en droit de s’interroger sur tel ou tel aspect de la réforme liturgique et de proposer les meilleurs moyens pastoraux à mettre en œuvre afin que la liturgie redevienne la principale source d’un enseignement doctrinal solide et d’une spiritualité authentique. L’auteur de l’article s’interroge aussi sur le montant anormalement élevé des droits d’auteur qu’exige pour l’utilisation de sa traduction (il faudrait plutôt dire son adaptation) le Centre National de Pastorale Liturgique, alors que les mots de la prière officielle de l’Eglise devraient être du domaine public !

La réaction épiscopale sera foudroyante : dans une (très) longue lettre, présentée sous la forme d’un droit de réponse (droit de réponse qui ne correspond en rien aux exigences légales !), et publiée dans le numéro 1513 du 10 mars 2012, les archevêques de Toulouse et de Tours, ainsi que l’évêque de Langres, publient une mise au point. Or celle-ci consiste principalement à protester de la bonne foi des « traducteurs-adaptateurs » (l’expression est nôtre) mais ne répond pas sur le fond aux objections doctrinales avancées par l’article incriminé. Le lecteur sera au passage heureux d’apprendre que ce n’est pas le CNPL qui touche les droits de traduction, mais l’Union des Associations diocésaines de France. Les trois évêques tentent par la suite de justifier certains choix de traduction, mais le faisant, ils vont inconsciemment dans le sens de l’article qu’ils incriminent. Un exemple est flagrant : il s’agit de la traduction de la préface de la solennité de l’Immaculée Conception. Le texte latin dit : ab omni originalis culpæ labe præservasti. La traduction littérale et orthodoxe devrait être : « Tu l’as préservée de la tache du péché originel ». Or, la traduction liturgique dit : « Tu as préservé la Vierge Marie de toutes les séquelles du premier péché ». La simple consultation d’un dictionnaire de français leur aurait permis de découvrir que « séquelle », sequela, signifie « conséquence ». Or il y a une différence métaphysique et donc en l’espèce dogmatique entre une cause et ses conséquences causées. Le péché originel cause, hélas, d’innombrables conséquences. Mais certaines, dans l’économie de la Rédemption, peuvent exister même si la cause, le péché originel, est absente ou écartée : la Vierge Marie, préservée du péché originel a cependant dû assumer, comme le Christ, un certain nombre de conséquences, de « séquelles » du péché originel tout en étant préservée de celui-ci, essentiellement la souffrance (et peut-être la mort, suivie immédiatement, si elle a eu lieu, de l’Assomption). La traduction liturgique française est donc gravement fautive du point de vue doctrinal : la Vierge Marie n’a pas été préservée de toutes les séquelles du premier péché, mais elle a été préservée du premier péché. Selon le jugement le plus bénin, c’est du grand n’importe quoi. Et l’on pourrait multiplier ainsi les exemples !

2. CE QUI EST EN JEU

La réponse épiscopale, malgré sa longueur, ne répond pas sur le fond aux objections de l’abbé Pellabeuf. Celui-ci, pour ses contradicteurs, ne fait que reprendre les arguments de « ceux qui critiquent la réforme liturgique issue du Concile Vatican II ». Mais si ces arguments reviennent « en boucle » comme disent les auteurs c’est peut-être parce qu’ils n’ont pas trouvé de la part de la hiérarchie de réponse satisfaisante ! De plus, au lieu de se complaire dans le néo-triomphalisme postconciliaire, largement passé de mode, il serait peut-être temps de faire un véritable bilan de la réforme liturgique et de son impact sur la foi et la piété des fidèles. La réponse de l’abbé Pellabeuf à la mise au point des trois évêques ne fait que souligner respectueusement mais fermement les contradictions et les approximations du gouvernement de la liturgie : d’un côté l’autoritarisme et le chantage à l’obéissance pour les milieux réputés traditionalistes, de l’autre le laxisme et le laissez-faire pour ceux qui vont bien au-delà dans la célébration des sacrements de la marge légitime d’adaptation pastorale (communion, en certaines paroisses, données à des non-catholiques, hosties non consacrées rajoutées dans le ciboire aux hosties consacrées en nombre insuffisant, pour ne donner que deux exemples hélas fréquents dans un catholicisme sans plus aucune structure théologique).

Le fameux " Comité de la jupe " vient de proposer pour la nuit pascale une liturgie d’annonce de la résurrection par les femmes (1). Cette proposition a été encouragée par le Père Gouzes o.p., dont la liturgie qu’il a composée (!) et qui est célébrée dans de nombreux couvents utilise une traduction liturgique qui n’a jamais été approuvée par l’autorité compétente et qui réorganise la répartition des psaumes de l’office divin. Nous attendons avec impatience la réaction ferme et éclairée de l’Autorité compétente sur ces deux sujets !

ANNEXE : LES PIÈCES DU DOSSIER (que nous publions avec l'aimable autorisation des éditions de L'Homme Nouveau)

A - L'article de l'abbé Pellabeuf (Homme Nouveau n°1507 du 17 décembre 2011, page 32) : LES TRADUCTIONS LITURGIQUES EN QUESTION

B - La réaction de Philippe Maxence (Homme Nouveau n°1513 du 10 mars 2012, page 4) : DES ÉVÊQUES RÉAGISSENT - Le débat entre catholiques est-il possible ?

C - La réponse de Mgr Aubertin, Mgr Le Gall et Mgr Gueneley de la Conférence des Évêques de France (Homme Nouveau n°1513 du 10 mars 2012, pages 5, 6 et 7) : RÉPONSE À L'ABBÉ PELLABEUF

D - Les précisions de l'abbé Pellabeuf (Homme Nouveau n°1513 du 10 mars 2012, bas de page 7 + page 8) : QUELQUES ÉTONNEMENTS...

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