20 avril 2012

[Stéphanie Le Bars - Le Monde] Vingt-quatre années de schisme catholique au nom de la "tradition"

SOURCE - Stéphanie Le Bars - Le Monde - 19 mars 2012


L'accord historique qui pourrait être officialisé dans les prochaines semaines entre le Vatican et la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X signera la fin de l'aventure schismatique portée en 1988 à son paroxysme par un homme, Mgr Marcel Lefebvre. Disparu en 1991, trois ans après l'ordination interdite de quatre évêques, immédiatement excommuniés, ce prélat originaire du nord de la France, né en 1905, avait fait du combat pour le maintien de la "tradition catholique" celui d'une vie.
 
Ordonné prêtre en 1929 et évêque en 1947, il participe au concile Vatican II (1962-1965), auquel il se montre d'emblée hostile. Il y voit, comme les conservateurs d'alors, " une boîte de Pandore ouverte au modernisme", selon l'historien Philippe Levillain (Rome n'est plus dans Rome. Mgr Lefebvre et son Eglise, Perrin, 2010). Il s'inscrit dans une lignée maurassienne et contre-révolutionnaire, ralliant au fil des ans des fidèles intégristes.
 
En butte à des difficultés au sein de sa congrégation du Saint-Esprit, il mène à bien son projet de création d'un séminaire pour transmettre "dans toute sa pureté doctrinale, le sacerdoce de l'Eglise catholique" et installe la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X en 1970 à Ecône, en Suisse. En 1977, la Fraternité s'empare à Paris de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, qui devient un lieu emblématique des intégristes français.
"LES FAUSSES RELIGIONS"
En 1986, la réunion interreligieuse d'Assise convoquée par Jean-Paul II donne à Mgr Lefebvre l'occasion d'approfondir sa rupture avec Rome. Il y voit "un péché", accusant le pape d'encourager "les fausses religions". La même année, la visite historique de Jean-Paul II à la synagogue de Rome est à ses yeux un "scandale sans précédent". En dépit de tentatives de conciliation, Mgr Lefebvre décide d'ordonner quatre évêques, pour garantir la pérennité de la "tradition".
 
Le futur Benoît XVI, alors préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, a vécu en direct ce schisme, et n'a pu l'éviter. Cet échec explique en partie son obstination à obtenir un accord depuis son élection. Pour le pape, le temps presse, d'autant que l'ordination d'une nouvelle génération d'évêques rendrait plus difficile encore un rapprochement.