SOURCE - Nicolas Senèze - La Croix - 18 avril 2012
Celui qui a grandi dans l’ombre d’Écône a entraîné dès 2000 la Fraternité Saint-Pie-X dans le dialogue avec Rome
Jusqu’au bout, sans doute, Mgr Bernard Fellay aura hésité à transmettre sa réponse au Vatican, balançant entre son attachement proclamé à Rome et sa fidélité à l’héritage de Mgr Marcel Lefebvre, celui-là même qui l’avait consacré évêque en 1988, entraînant la Fraternité Saint-Pie-X dans le schisme.
Un héritage que ce Valaisan de 54 ans, à la tête de la Fraternité depuis 1994, connaît bien, pour avoir grandi à l’ombre d’Écône. S’il n’a jamais fait partie des « historiques » qui avaient suivi Mgr Lefebvre dès le début des années 1970, voire avant, il a vu se construire le séminaire. C’est l’abbé Pierre Épiney, curé de Riddes, dont il servait la messe, qui a aidé l’ancien supérieur des spiritains à trouver cette maison des chanoines du Grand-Saint-Bernard. Et, alors que les travaux ne sont pas encore achevés, c’est son père, directeur de l’usine électrique qui jouxte le séminaire, qui fournit des locaux pour héberger les premiers séminaristes.
C’est donc tout naturellement qu’il entre au séminaire d’Écône en 1977, à seulement 19 ans. Ordonné prêtre en 1982, il devient presque immédiatement économe général. À ce poste pendant douze ans, il est au cœur du fonctionnement de la FSSPX, dont Mgr Lefebvre a fait le fer de lance du combat intégriste sans toujours se préoccuper des ressources nécessaires. Cadeaux de la Providence, comme le fondateur de la FSSPX l’a toujours proclamé ? Ou origines moins avouables liées à des personnes ayant intérêt à la division de l’Église ? Ce Suisse discret est toujours resté secret sur les importantes ressources dont la FSSPX a longtemps bénéficié…
Désormais aux commandes, Mgr Fellay va lentement imprimer sa marque à une Fraternité que, dès l’an 2000, à l’occasion d’un pèlerinage à Rome pour le Jubilé, il lance dans de longues discussions en vue d’un rapprochement avec le Saint-Siège. Quelques semaines seulement après l’élection de Benoît XVI, il rencontre le nouveau pape à Castel Gandolfo. Il doit alors naviguer prudemment entre ceux qui prônent un rapprochement avec Rome et ceux qui s’opposent à tout ce qu’ils soupçonnent être une « trahison » du combat lefebvriste.
Une tactique qui a toutefois ses limites : ces dernières années, Mgr Fellay a montré qu’il tenait difficilement les « durs » de la Fraternité, qu’il a pourtant lui-même placés, tels l’abbé Régis de Cacqueray, supérieur du puissant district de France, ou l’abbé Xavier Beauvais, curé de l’emblématique église parisienne Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
Ainsi, quand, au moment d’Assise, Saint-Nicolas-du-Chardonnet publie des caricatures odieuses de Benoît XVI, des amis de la Fraternité étaient venus s’en plaindre. « “Il faut que cela cesse”, nous a-t-il dit. Mais il a laissé faire… » À l’inverse, quand, en mars, l’abbé Mercury, prêtre de la Fraternité, accueille dans sa chapelle l’administrateur apostolique d’Ajaccio pour les confirmations, il est promptement nommé au Brésil… « Il y a parfois contradiction entre ses bonnes intentions et ses gestes », constate un prêtre ami de la Fraternité.
Reste donc à savoir la part de tactique dans le choix arrêté par Mgr Fellay de signer avec Rome. Et également si la Fraternité qu’il a façonnée à sa main depuis dix-huit ans suivra ce supérieur qui, lors de la messe chrismale, le 5 avril, à Écône, exhortait justement ses prêtres à… l’obéissance.
Nicolas Senèze
Un héritage que ce Valaisan de 54 ans, à la tête de la Fraternité depuis 1994, connaît bien, pour avoir grandi à l’ombre d’Écône. S’il n’a jamais fait partie des « historiques » qui avaient suivi Mgr Lefebvre dès le début des années 1970, voire avant, il a vu se construire le séminaire. C’est l’abbé Pierre Épiney, curé de Riddes, dont il servait la messe, qui a aidé l’ancien supérieur des spiritains à trouver cette maison des chanoines du Grand-Saint-Bernard. Et, alors que les travaux ne sont pas encore achevés, c’est son père, directeur de l’usine électrique qui jouxte le séminaire, qui fournit des locaux pour héberger les premiers séminaristes.
C’est donc tout naturellement qu’il entre au séminaire d’Écône en 1977, à seulement 19 ans. Ordonné prêtre en 1982, il devient presque immédiatement économe général. À ce poste pendant douze ans, il est au cœur du fonctionnement de la FSSPX, dont Mgr Lefebvre a fait le fer de lance du combat intégriste sans toujours se préoccuper des ressources nécessaires. Cadeaux de la Providence, comme le fondateur de la FSSPX l’a toujours proclamé ? Ou origines moins avouables liées à des personnes ayant intérêt à la division de l’Église ? Ce Suisse discret est toujours resté secret sur les importantes ressources dont la FSSPX a longtemps bénéficié…
Il doit alors naviguer prudemmentEn 1988, il fait donc partie des quatre évêques consacrés sans mandat pontifical par un Mgr Lefebvre soucieux d’assurer la continuité de son combat. Mais il reste économe général jusqu’au chapitre général de 1994 où, à la surprise de tous, l’abbé Franz Schmidberger, successeur désigné de Mgr Lefebvre depuis 1982, n’est pas reconduit. C’est Mgr Fellay qui le remplace. Une situation inédite pour la Fraternité : dans l’esprit du fondateur, les évêques « auxiliaires » ordonnés en 1988 ne devaient avoir « aucune autorité spéciale dans la Fraternité », mais « pour seule tâche d’administrer les ordinations sacerdotales et de donner la confirmation ». La mort de Mgr Lefebvre, en 1991, avait changé la donne.
Désormais aux commandes, Mgr Fellay va lentement imprimer sa marque à une Fraternité que, dès l’an 2000, à l’occasion d’un pèlerinage à Rome pour le Jubilé, il lance dans de longues discussions en vue d’un rapprochement avec le Saint-Siège. Quelques semaines seulement après l’élection de Benoît XVI, il rencontre le nouveau pape à Castel Gandolfo. Il doit alors naviguer prudemment entre ceux qui prônent un rapprochement avec Rome et ceux qui s’opposent à tout ce qu’ils soupçonnent être une « trahison » du combat lefebvriste.
« Il y a parfois contradiction entre ses bonnes intentions et ses gestes »Sous ses dehors affables, il n’hésite pas à trancher dans le vif pour interdire d’Écône son ancien mentor, l’abbé Épiney, ou exclure des figures historiques comme les abbés Philippe Laguérie et Paul Aulagnier, qui finiront par se rallier à Rome. Dans les négociations, il manie le double langage pour arriver à ses fins, comme il l’avouera à demi-mot en 2007 à Présent : « Il s’agit de voir où se trouve l’interlocuteur, de l’atteindre là où il est. Vis-à-vis de nos fidèles, j’essaye de donner la ligne juste, de corriger les erreurs. » « Il a l’art de l’esquive », reconnaît un prêtre qui a souvent eu à traiter avec lui.
Une tactique qui a toutefois ses limites : ces dernières années, Mgr Fellay a montré qu’il tenait difficilement les « durs » de la Fraternité, qu’il a pourtant lui-même placés, tels l’abbé Régis de Cacqueray, supérieur du puissant district de France, ou l’abbé Xavier Beauvais, curé de l’emblématique église parisienne Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
Ainsi, quand, au moment d’Assise, Saint-Nicolas-du-Chardonnet publie des caricatures odieuses de Benoît XVI, des amis de la Fraternité étaient venus s’en plaindre. « “Il faut que cela cesse”, nous a-t-il dit. Mais il a laissé faire… » À l’inverse, quand, en mars, l’abbé Mercury, prêtre de la Fraternité, accueille dans sa chapelle l’administrateur apostolique d’Ajaccio pour les confirmations, il est promptement nommé au Brésil… « Il y a parfois contradiction entre ses bonnes intentions et ses gestes », constate un prêtre ami de la Fraternité.
Reste donc à savoir la part de tactique dans le choix arrêté par Mgr Fellay de signer avec Rome. Et également si la Fraternité qu’il a façonnée à sa main depuis dix-huit ans suivra ce supérieur qui, lors de la messe chrismale, le 5 avril, à Écône, exhortait justement ses prêtres à… l’obéissance.
Nicolas Senèze