Côme de Prévigny - Rorate Caeli - Version française d'un texte paru sur rorate-caeli.blogspot.fr - 23 avril 2012
S’il y a bien un sujet qui obnubile ce pontificat entamé il y a sept ans, c’est celui de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX). Dès son avènement, Benoît XVI en a rencontré dans sa résidence d’été de Castel Gandolfo, le supérieur Mgr Bernard Fellay. C’était le 29 août 2005. A l’époque, deux communiqués, l’un de Rome, l’autre de Menzingen, indiquaient à l’unisson qu’il était convenu de « procéder par étapes » dans la résolution des problèmes. Et les textes les plus longuement préparés, les plus âprement discutés et les plus vigoureusement contestés de ce règne furent ceux qui constituaient ces fameuses étapes : Le Motu Proprio libérant la messe traditionnelle puis la levée des excommunications des évêques consacrés par Mgr Lefebvre. Contre vents et marées, le 264e successeur de Pierre a un rendez-vous avec l’histoire. Il souhaite régler un héritage vieux d’un demi-siècle, celui qui l’a sans doute conduit à rompre avec les prénoms Jean ou Paul pour renouer avec les Pie et les Léon, les Grégoire et les Clément, les Innocent et les Benoît. Plusieurs journalistes l’ont remarqué. Cette obnubilation repose d’abord sur un cas de conscience personnel. Le 5 mai 1988, après de nombreuses rencontres avec Mgr Lefebvre, qui ont jadis conduit le fondateur de la FSSPX dans le bureau de Paul VI puis dans celui de Jean-Paul II, le cardinal Joseph Ratzinger parvint à un accord historique. Le prélat d’Écône signa un protocole régularisant l’œuvre qu’il avait fondée dix-huit ans auparavant. La confiance restait fragile car celui-ci demeurait aux aguets devant une curie qui continuait à organiser inlassablement des rencontres interreligieuses et à interdire de par le monde la célébration de la messe traditionnelle. Quelques mots d’un cardinal suffirent à tout faire échouer. Ce cardinal, c’était… Joseph Ratzinger. La veille, le préfet allemand avait glissé dans l’oreille de son aîné la bien mauvaise idée de faire célébrer quelque messe en français à Saint-Nicolas du Chardonnet. Puis, faute de soutien, il avait été incapable de lui faire obtenir une date précise et définitive pour le sacre de l’évêque concédé. D’abord prévue pour la fin juin, la cérémonie été reléguée à l’Assomption, puis à la rentrée, puis à Noël. La confiance s’effritait. Alors qu’ils se quittaient, le cardinal tendit à Mgr Lefebvre un modèle de lettre pour demander pardon au pape. C’était le coup de trop. Le lendemain, 6 mai 1988, alors que la curie s’apprêtait à convoquer les journalistes pour annoncer la nouvelle tant attendue, un jeune prêtre venu d’Albano présenta à Mgr Joseph Clemens une lettre qu’il referma aussitôt tant son émotion était vive. Le prélat bavarois fut sans doute le seul témoin du désarroi de son compatriote de cardinal lorsqu’il lui remit le pli par lequel Mgr Lefebvre revenait sur sa signature. Pendant des années, le cardinal a vécu avec ce poids, poids dont il a encore fait part à un évêque du centre de l’Europe juste avant de monter sur le trône de Pierre.
S’il y a bien un sujet qui obnubile ce pontificat entamé il y a sept ans, c’est celui de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX). Dès son avènement, Benoît XVI en a rencontré dans sa résidence d’été de Castel Gandolfo, le supérieur Mgr Bernard Fellay. C’était le 29 août 2005. A l’époque, deux communiqués, l’un de Rome, l’autre de Menzingen, indiquaient à l’unisson qu’il était convenu de « procéder par étapes » dans la résolution des problèmes. Et les textes les plus longuement préparés, les plus âprement discutés et les plus vigoureusement contestés de ce règne furent ceux qui constituaient ces fameuses étapes : Le Motu Proprio libérant la messe traditionnelle puis la levée des excommunications des évêques consacrés par Mgr Lefebvre. Contre vents et marées, le 264e successeur de Pierre a un rendez-vous avec l’histoire. Il souhaite régler un héritage vieux d’un demi-siècle, celui qui l’a sans doute conduit à rompre avec les prénoms Jean ou Paul pour renouer avec les Pie et les Léon, les Grégoire et les Clément, les Innocent et les Benoît. Plusieurs journalistes l’ont remarqué. Cette obnubilation repose d’abord sur un cas de conscience personnel. Le 5 mai 1988, après de nombreuses rencontres avec Mgr Lefebvre, qui ont jadis conduit le fondateur de la FSSPX dans le bureau de Paul VI puis dans celui de Jean-Paul II, le cardinal Joseph Ratzinger parvint à un accord historique. Le prélat d’Écône signa un protocole régularisant l’œuvre qu’il avait fondée dix-huit ans auparavant. La confiance restait fragile car celui-ci demeurait aux aguets devant une curie qui continuait à organiser inlassablement des rencontres interreligieuses et à interdire de par le monde la célébration de la messe traditionnelle. Quelques mots d’un cardinal suffirent à tout faire échouer. Ce cardinal, c’était… Joseph Ratzinger. La veille, le préfet allemand avait glissé dans l’oreille de son aîné la bien mauvaise idée de faire célébrer quelque messe en français à Saint-Nicolas du Chardonnet. Puis, faute de soutien, il avait été incapable de lui faire obtenir une date précise et définitive pour le sacre de l’évêque concédé. D’abord prévue pour la fin juin, la cérémonie été reléguée à l’Assomption, puis à la rentrée, puis à Noël. La confiance s’effritait. Alors qu’ils se quittaient, le cardinal tendit à Mgr Lefebvre un modèle de lettre pour demander pardon au pape. C’était le coup de trop. Le lendemain, 6 mai 1988, alors que la curie s’apprêtait à convoquer les journalistes pour annoncer la nouvelle tant attendue, un jeune prêtre venu d’Albano présenta à Mgr Joseph Clemens une lettre qu’il referma aussitôt tant son émotion était vive. Le prélat bavarois fut sans doute le seul témoin du désarroi de son compatriote de cardinal lorsqu’il lui remit le pli par lequel Mgr Lefebvre revenait sur sa signature. Pendant des années, le cardinal a vécu avec ce poids, poids dont il a encore fait part à un évêque du centre de l’Europe juste avant de monter sur le trône de Pierre.
Vingt-quatre ans plus tard, le cardinal est parvenu à la tête de l’Église. Les choses vont mal, très mal. Tout ce qui pouvait un quart de siècle plus tôt laisser penser que la restauration traditionaliste serait démentie a échoué. Le néo-conservatisme wojtilien s’est essoufflé. Le charismatisme n’a pas renversé la tendance. Dans les pays de vieille chrétienté, les églises sont vides, les clochers croulent, les séminaires ferment et les revues dites catholiques survivent. Reste le cas de conscience du pape, cas auquel il se préoccupe quelques mois après son élection tandis que l’un de ses collaborateurs devenu cardinal affirme que la Fraternité est devenue « un aiguillon pour l’Église ». Mais les années passant, les abcès de la période post-conciliaire se crèvent, comme autant de mauvais fruits que le pontife romain ne peut que soustraire de peur qu’ils ne contaminent le troupeau tout entier. En Autriche et dans quelques contrées européennes, les prêtres entrent en révolte. Aux États-Unis, les religieuses se liguent contre Rome, le tout au nom du Concile. La presse hostile ne désarme plus pour amplifier les faux pas d’un clergé qui a tellement épousé le monde qu’il a, en certains cas, embrassé ses vices moraux. L’autorité de l’Église est elle-même malmenée. Au son des bruits annonçant chaque mois la disparition du pape, certains dicastères paraissent agir en roue libre. On ne parle même plus des diocèses qui ne professent plus la foi romaine. Il reste pourtant une arme de choc à Benoît XVI, ce fameux cas qui le préoccupe, celui de la Fraternité. Chaque pas qui l’a rapproché d’elle a marqué dans le même temps le regain de haine de ces opposants et la victoire sur eux. Le pape Ratzinger témoignait aux évêques le 10 mars 2009 : « Si quelqu’un ose se rapprocher [de la FSSPX] – dans le cas présent le Pape – il perd lui aussi le droit à la tolérance et peut lui aussi être traité avec haine sans crainte ni réserve. » Dans ces propos du pape se mesurant au au monde, n’est-ce pas là un lointain écho à cet appel qu’il lançait, au seuil de son pontificat, à prier pour qu’il ne cède pas devant les loups ?
A vrai dire, il n’y a plus d’autre choix. Au printemps 2012, la détermination de Benoît XVI semble être telle que la FSSPX n’aura peut-être même pas la possibilité de choisir. Le statut va lui tomber dessus, de gré ou de force. Le pape désire sa régularisation de manière résolue, qu’elle accepte le Concile ou non, qu’elle continue à rejeter la nouvelle messe ou pas. Sans doute ne partage-t-il pas la pensée de Marcel Lefebvre et de ses disciples, selon laquelle la liberté religieuse porte un coup fatal à l’esprit missionnaire. Néanmoins, il a pris le risque d’ouvrir des discussions doctrinales qui, partout dans l’Église, ont ouvert les vannes de la remise en cause des principes litigieux de Vatican II. Le pape est-il si sûr de lui ? En régularisant la Fraternité, alors même que les discussions doctrinales ont échoué, il laisse tout de même entendre qu’on peut être d’Église et ne pas épouser les idées du dernier concile, paraissant du coup optionnel comme la nouvelle messe l’est depuis cinq ans. Ce qui est certain, et ce cas de conscience le rappelle, c’est que le Souverain Pontife pense, devant Dieu, qu’on ne peut récuser à l’œuvre de Mgr Lefebvre le titre de catholique. Ce seul souci l’anime.
La route n’est pas terminée. Rappelons-nous qu’en 1988, la régularisation avait échoué sur des problèmes d’ordre canonique entamant ainsi la confiance réciproque. Et tout laisse penser que Mgr Fellay est plus que jamais résolu à maintenir les principes que revendiquait jadis Mgr Lefebvre. Seulement le contexte est différent. Il y a un quart de siècle, la détermination papale n’était pas résolue à ce point. De plus, la clémence a cédé le pas à l’insistance. Et, désormais, le pontife romain cherche plus que jamais à établir une digue contre les fruits du mariage entre l’Église et le monde que nous ne nous lassons pas à qualifier du nom de conciliaire.