16 septembre 2011

[benoit-et-moi.fr - Sandro Magister / Andrea Tornielli] Les lefebvristes signeront-ils le "préambule"?

SOURCE - benoit-et-moi.fr - Sandro Magister / Andrea Tornielli - 16 septembre 2011

La question se pose après la rencontre du 14 septembre entre le cardinal Levada, préfet de la CDF, et des représentants de la FSSPX. Dossier (16/9/2011)

"Les paris sont ouverts", titre Sandro Magister sur son blog personnel Settimo Cielo. Et de préciser:
Aux lefebvristes, le Saint-Siège a réclamé - comme condition "sine qua non" - de signer un préambule sur l'interpréation de la doctrine catholique, étant bien entendu que subsiste "la légitime discussion" sur "l'étude et l'explication théologique d'expressions ou de formulations particulières présentes dans les textes du Concile Vatican II et du Magistère successif". 

Le préambule n'a pas été rendu public. Pas plus que n'est précisée la "solution canonique" qui pourrait encadrer les lefebvristes dans l'Eglise.


On peut présumer que cette solution sera semblable à celle qui a cours pour l'Opus Dei: une prélature personnelle avec une large marge d'autonomie.


De son côté, Andrea Tornielli (La Bussola) fait son titre sur "L'heure décisive pour les lefebvristes" (ma traduction):
C'est un moment crucial que vit en ce moment la Société Saint-Pie X fondée par Mgr Marcel Lefebvre. Après la conclusion des discussions doctrinales qui ont eu lieu entre Octobre 2009 et avril de cette année, le Saint-Siège a présenté à l'évêque Bernard Fellay un bref document, un "préambule doctrinal" de deux pages, demandant aux lefebvristes de l'évaluer et prendre une décision à son propos dans un délai pas trop long.

Lors de la rencontre qui a eu lieu le matin du 14 Septembre au palais du Saint-Office, le cardinal William Levada et Mgr Ladaria, respectivement préfet et secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avec Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la commission Ecclesia Dei, ont présenté à Mgr Fellay et à ses deux collaborateurs ce que le Saint-Siège considère comme essentiel pour un retour à la pleine communion.

Il en est passé, de l'eau sous les ponts, depuis le Jubilé de 2000 quand un groupe fourni de Lefebvristes est allé en pèlerinage à Rome et a essaimé dans la basilique de Saint-Pierre, frappant de nombreuses personnes au Vatican pour la sérénité et la ferveur de leur prière. Jean-Paul II lui-même fut frappé. Et ainsi, lisant l'interview dans laquelle Mgr Fellay se disait prêt à discuter si quelqu'un, au Vatican, le recevait, Papa Wojtyla voulut le faire convoquer. Il le rencontra brièvement pour un rapide salut, refilant au cardinal Dario Castrillon Hoyos la «patate chaude» des négociations.

Après l'élection de Benoît XVI, Mgr Fellay fut reçu par le nouveau pape à Castel Gandolfo. Ratzinger a montré une magnanimité sans précédent envers la Fraternité: il a libéralisé la messe préconciliaire, comme requis par les lefebvristes. Il a levé les excommunications des quatre évêques consacrés illicitement par Lefebvre en 1988. Il a voulu entamer des pourparlers afin de permettre que les questions doctrinales soulevées par la Société soient décortiquées et discutées.

A présent, on est parvenu à la conclusion. Et après toutes ces mains tendues par le Pape et ses collaborateurs, c'est à la Société Saint-Pie X que revient l'étape suivante. Il a été dit à plusieurs reprises que la condition pour la pleine communion devait être l'acceptation du dernier Concile par les lefebvristes. En réalité, le «préambule doctrinal» remis à Fellay hier, et pas encore rendu public, a une portée plus large, et représente une sorte de plate-forme incontournable, avec «certains principes doctrinaux et critères d'interprétation de la doctrine catholique».

Le texte suit la «Professio fidei» (profession de foi), publié en 1989 par l'ex Saint-Office , et rappelle les trois degrés différents d'approbation requis des fidèles. En substance, le catholique s'engage à croire «avec une foi ferme» ce qui est «contenu dans la parole de Dieu» et ce que l'Église propose, «comme divinement révélé». En second lieu, il s'engage à accepter tous les dogmes déclarés comme tels à ce jour. Enfin, et c'est certainement le point le plus problématique pour la Fraternité, il est demandé aux fidèles catholiques d'adhérer «avec respect religieux, de la volonté et de l'intelligence» aux enseignements que le Pape et le collège des évêques «proposent lorsqu'ils exercent leur Magistère authentique», même si ces enseignements ne sont pas proclamés de manière dogmatique, c'est-à-dire définitive. C'est d'ailleurs là que réside la partie la plus consistante du Magistère, à laquelle appartiennent, par exemple, les encycliques. Et où se situent également de nombreux documents de Vatican II, qui, comme tout le magistère, doit être lu, dit le Saint-Siège, à la lumière de la tradition, comme développement et non comme rupture avec la doctrine précédente, selon l'herméneutique proposée par Benoît XVI dans le désormais célèbre discours à la Curie romaine en Décembre 2005.


Au Vatican, on explique que la demande d'accepter la profession de foi contenue dans le «préambule doctrinal» ne signifie pas vouloir faire taire les lefebvristes, et encore moins rendre impossible la discussion franche sur des affirmations isolées de textes conciliaires et sur leur interprétation. D'ailleurs, la critique du Magistère n'a jamais été la seule prérogative du monde traditionaliste: il suffit de penser à toutes les attaques en ce sens qui viennent du monde progressiste. Les différentes interprétations ne doivent toutefois pas devenir une excuse - c'est la ligne du Saint-Siège - pour rejeter le magistère ordinaire du Pape et du collège des évêques.

La rencontre s'est tenue dans une ambiance chaleureuse. Fellay a demandé des éclaircissements et a beaucoup insisté sur la situation critique dans laquelle, selon ses dires, serait l'Église. Du côté du Vatican, on a toutefois souligné qu'il faudra continuer à discuter sur des faits précis - tels que les abus liturgiques dans certains pays - mais sans pour autant remettre en cause l'autorité de l'enseignement du pape ou attribuer la crise de l'Eglise au Concile.

Dans la dernière partie de la rencontre au Vatican, on a également parlé d'une disposition canonique pour la Fraternité Saint-Pie X. La proposition qui a été avancée à Fellay consisterait à créer une «prélature personnelle», institution souhaitée par le Concile, introduite dans le nouveau code de droit canonique et jusqu'ici utilisée seulement pour l'Opus Dei. Son supérieur dépend directement du Saint-Siège et son extension n'est pas attachée à un territoire particulier.

A présent, la décision repose entre les mains des lefebvristes. L'évêque Fellay se réserve de prendre le «temps nécessaire» pour décider, et annonce son intention de «consulter les principaux responsables de la Fraternité Saint-Pie X, parce que sur une question aussi importante, je me suis engagé auprès de mes confrères à ne pas prendre de décisions sans les consulter au préalable».

Du côté de Benoît XVI, il a été fait tout ce qui était possible pour tendre la main et pour essayer d'arriver à guérir la plaie ouverte par les ordinations illicites de 1988. Il est à espérer que l'autre côté aussi, le désir d'unité et l'amour de Pierre l'emporteront, et non les sirènes de la division qui, en faisant échouer cette occasion historique, conduiraient à l'affirmation d'une mentalité sectaire.