SOURCE ier - 8 septembre 2011
Le 14 septembre, Mgr Fellay, chef de file des lefebvristes, est reçu à Rome. Une réunion cruciale, qui pourrait sceller la rupture ou la réconciliation avec le Vatican.
Depuis longtemps, on n’avait pas vécu un tel suspense… Le 14 septembre, le chef de file des lefebvristes, Bernard Fellay, sera reçu par le cardinal William Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X vient à Rome pour faire le bilan des rencontres qui ont eu lieu entre les théologiens mandatés par le pape et les représentants de la Fraternité. La réunion va t-elle mettre un terme à la phase de négociations réouverte avec la levée des excommunications (qui frappaient les quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988) et finir sur un constat d’échec ? Ou, au contraire, va-t-on annoncer la pleine réintégration des intégristes dans l’Église ?
La première alternative, celle d’une reconnaissance mutuelle de l’échec de la réconciliation, est la plus probable. La Fraternité a joué le jeu des rencontres romaines parce qu’elles lui ont permis de déployer, au plus haut niveau, ses positions sur le concept de tradition, l’œcuménisme ou le rapport avec les religions non chrétiennes, hors de toute attitude négociatrice. Pour les disciples de Mgr Lefebvre, rien n’est négociable en matière de foi. D’autant qu’en 2011 les relations se sont tendues entre les intégristes et Rome, après la béatification de Jean Paul II et, surtout, la décision de Benoît XVI de commémorer le sommet interreligieux d’Assise de 1986 par une nouvelle rencontre, prévue le 27 octobre prochain.
Mais la seconde alternative, celle de la réconciliation formelle, est aussi envisageable. Sur la table du 14 septembre se trouverait une proposition charpentée à l’attention des lefebvristes leur permettant de réintégrer la Grande Église en conservant une totale autonomie, par exemple un ordinariat, solution récemment proposée aux anglicans. Du point de vue de Rome, la volonté de réconciliation est d’autant plus forte que la mise investie par Benoît XVI dans l’opération est énorme… Avec l’affaire Williamson, Benoît XVI a laissé tant de plumes qu’il pourrait montrer, paradoxalement, une générosité encore plus grande pour en finir avec le schisme. Rappelons qu’en 1998 le cardinal Ratzinger avait raté de peu la négociation avec Écône… ce qu’il n’a jamais digéré. La réconciliation est, pour Benoît XVI, un supplice de Tantale, qui l’a conduit à multiplier les gestes depuis quatre ans. Le dernier en date est, en avril, le motu proprio Universae ecclesiae, qui radicalise la réhabilitation de la liturgie ancienne, déjà formalisée en 2007 par Summorum pontificum. « Nous retenons notre souffle. Il ne fait aucun doute que le pape a prévu une structure ad hoc à l’attention des lefebvristes. Mais on ne sait pas quelles sont les conditions que Rome imposera pour conclure l’affaire. Tout l’enjeu est là », explique un connaisseur du dossier. Parmi elles, il y a le cas Williamson, déjà placardisé par Mgr Fellay, et que celui-ci serait prêt à lâcher. Et le statut des trois autres évêques. Mais, surtout, il y a l’incontournable Vatican II. Rome peut cependant choisir de relativiser le Concile, comme elle l’avait fait lors de la création de l’Institut du Bon-Pasteur en 2006.
Dans l’Église, les divisions sont réelles sur l’interprétation de Vatican II. Certains théologiens ou fidèles, même s’ils acceptent globalement le Concile, revendiquent un droit d’inventaire sur son application. Au Vatican, on est aussi divisé sur l’attitude à avoir face aux intégristes. Dans ses interventions publiques récentes, Mgr Fellay s’est plu à signaler ces discordances, jusqu’à révéler à ses ouailles le détail de conversations privées qu’il avait eues avec l’un ou l’autre prélat. « Nous recevons de la part de Rome des messages contradictoires ; l’un dit ceci, l’autre dit cela ; et il n’y a pas seulement des divergences, mais bien des contradictions », déclarait-il en juin. Benoît XVI n’a jamais été autant sous pression. Si, deux ans et demi après la levée des excommunications, les intégristes retrouvaient une pleine légitimité canonique, il devrait gérer une énorme bronca en provenance de France et surtout d’Allemagne, son pays natal, où les évêques sont les plus actifs pour faire capoter la réconciliation. D’autant que celle-ci ne serait que le départ d’une nouvelle guerre entre catholiques, si l’on en croit Mgr Fellay parlant à ses fidèles en juin : « Je peux vous garantir, mes bien chers frères, que si un jour Rome régularise finalement notre situation canonique, le combat commencera, ce ne sera pas la fin ! (…) Ce combat est long, c’est vrai, mais nous ne pouvons pas le changer. Le diable reste le diable et nous n’allons pas faire la paix avec le diable. Cela durera aussi longtemps que Dieu le permet, mais nous avons tout ce qui nous est nécessaire pour ce combat, nous avons la grâce, le soutien de Dieu. »
Le calendrier a ici son importance. Dans deux semaines, le pape atterrira à Berlin pour une visite cruciale dans un pays où les « cathos critiques » sont puissants. Ce n’est donc pas un hasard si le président de la Conférence épiscopale allemande, Robert Zollitsch, vient d’appeler publiquement à un changement de la règle excluant les divorcés remariés des sacrements, histoire d’envoyer un signal très clair au pape…
Attelé à la guérison du schisme lefebvriste, Benoît XVI semble ne pas voir les minischismes surgissant çà et là, qui mériteraient ses soins tant ils sont symboliques d’un malaise grandissant. Par exemple, la sécession annoncée d’un groupe de prêtres autrichiens entrés en désobéissance avec le cardinal-archevêque de Vienne, Christoph Schönborn, et qui réclament l’ordination de femmes et d’hommes mariés. Ou encore, en Afrique, les micro-« Églises » catholiques qui se multiplient, créées par des prêtres mariés. C’est le cas au Kenya, où une quarantaine de prêtres ont rejoint l’Église catholique œcuménique fondée par le père Geoffroy Shiundu, excommunié en 2006 après son mariage et qui se dit prêt à se réconcilier avec Rome si le pape évolue sur l’obligation du célibat sacerdotal.
Le 14 septembre, Mgr Fellay, chef de file des lefebvristes, est reçu à Rome. Une réunion cruciale, qui pourrait sceller la rupture ou la réconciliation avec le Vatican.
Depuis longtemps, on n’avait pas vécu un tel suspense… Le 14 septembre, le chef de file des lefebvristes, Bernard Fellay, sera reçu par le cardinal William Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Le supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X vient à Rome pour faire le bilan des rencontres qui ont eu lieu entre les théologiens mandatés par le pape et les représentants de la Fraternité. La réunion va t-elle mettre un terme à la phase de négociations réouverte avec la levée des excommunications (qui frappaient les quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre en 1988) et finir sur un constat d’échec ? Ou, au contraire, va-t-on annoncer la pleine réintégration des intégristes dans l’Église ?
La première alternative, celle d’une reconnaissance mutuelle de l’échec de la réconciliation, est la plus probable. La Fraternité a joué le jeu des rencontres romaines parce qu’elles lui ont permis de déployer, au plus haut niveau, ses positions sur le concept de tradition, l’œcuménisme ou le rapport avec les religions non chrétiennes, hors de toute attitude négociatrice. Pour les disciples de Mgr Lefebvre, rien n’est négociable en matière de foi. D’autant qu’en 2011 les relations se sont tendues entre les intégristes et Rome, après la béatification de Jean Paul II et, surtout, la décision de Benoît XVI de commémorer le sommet interreligieux d’Assise de 1986 par une nouvelle rencontre, prévue le 27 octobre prochain.
Mais la seconde alternative, celle de la réconciliation formelle, est aussi envisageable. Sur la table du 14 septembre se trouverait une proposition charpentée à l’attention des lefebvristes leur permettant de réintégrer la Grande Église en conservant une totale autonomie, par exemple un ordinariat, solution récemment proposée aux anglicans. Du point de vue de Rome, la volonté de réconciliation est d’autant plus forte que la mise investie par Benoît XVI dans l’opération est énorme… Avec l’affaire Williamson, Benoît XVI a laissé tant de plumes qu’il pourrait montrer, paradoxalement, une générosité encore plus grande pour en finir avec le schisme. Rappelons qu’en 1998 le cardinal Ratzinger avait raté de peu la négociation avec Écône… ce qu’il n’a jamais digéré. La réconciliation est, pour Benoît XVI, un supplice de Tantale, qui l’a conduit à multiplier les gestes depuis quatre ans. Le dernier en date est, en avril, le motu proprio Universae ecclesiae, qui radicalise la réhabilitation de la liturgie ancienne, déjà formalisée en 2007 par Summorum pontificum. « Nous retenons notre souffle. Il ne fait aucun doute que le pape a prévu une structure ad hoc à l’attention des lefebvristes. Mais on ne sait pas quelles sont les conditions que Rome imposera pour conclure l’affaire. Tout l’enjeu est là », explique un connaisseur du dossier. Parmi elles, il y a le cas Williamson, déjà placardisé par Mgr Fellay, et que celui-ci serait prêt à lâcher. Et le statut des trois autres évêques. Mais, surtout, il y a l’incontournable Vatican II. Rome peut cependant choisir de relativiser le Concile, comme elle l’avait fait lors de la création de l’Institut du Bon-Pasteur en 2006.
Dans l’Église, les divisions sont réelles sur l’interprétation de Vatican II. Certains théologiens ou fidèles, même s’ils acceptent globalement le Concile, revendiquent un droit d’inventaire sur son application. Au Vatican, on est aussi divisé sur l’attitude à avoir face aux intégristes. Dans ses interventions publiques récentes, Mgr Fellay s’est plu à signaler ces discordances, jusqu’à révéler à ses ouailles le détail de conversations privées qu’il avait eues avec l’un ou l’autre prélat. « Nous recevons de la part de Rome des messages contradictoires ; l’un dit ceci, l’autre dit cela ; et il n’y a pas seulement des divergences, mais bien des contradictions », déclarait-il en juin. Benoît XVI n’a jamais été autant sous pression. Si, deux ans et demi après la levée des excommunications, les intégristes retrouvaient une pleine légitimité canonique, il devrait gérer une énorme bronca en provenance de France et surtout d’Allemagne, son pays natal, où les évêques sont les plus actifs pour faire capoter la réconciliation. D’autant que celle-ci ne serait que le départ d’une nouvelle guerre entre catholiques, si l’on en croit Mgr Fellay parlant à ses fidèles en juin : « Je peux vous garantir, mes bien chers frères, que si un jour Rome régularise finalement notre situation canonique, le combat commencera, ce ne sera pas la fin ! (…) Ce combat est long, c’est vrai, mais nous ne pouvons pas le changer. Le diable reste le diable et nous n’allons pas faire la paix avec le diable. Cela durera aussi longtemps que Dieu le permet, mais nous avons tout ce qui nous est nécessaire pour ce combat, nous avons la grâce, le soutien de Dieu. »
Le calendrier a ici son importance. Dans deux semaines, le pape atterrira à Berlin pour une visite cruciale dans un pays où les « cathos critiques » sont puissants. Ce n’est donc pas un hasard si le président de la Conférence épiscopale allemande, Robert Zollitsch, vient d’appeler publiquement à un changement de la règle excluant les divorcés remariés des sacrements, histoire d’envoyer un signal très clair au pape…
Attelé à la guérison du schisme lefebvriste, Benoît XVI semble ne pas voir les minischismes surgissant çà et là, qui mériteraient ses soins tant ils sont symboliques d’un malaise grandissant. Par exemple, la sécession annoncée d’un groupe de prêtres autrichiens entrés en désobéissance avec le cardinal-archevêque de Vienne, Christoph Schönborn, et qui réclament l’ordination de femmes et d’hommes mariés. Ou encore, en Afrique, les micro-« Églises » catholiques qui se multiplient, créées par des prêtres mariés. C’est le cas au Kenya, où une quarantaine de prêtres ont rejoint l’Église catholique œcuménique fondée par le père Geoffroy Shiundu, excommunié en 2006 après son mariage et qui se dit prêt à se réconcilier avec Rome si le pape évolue sur l’obligation du célibat sacerdotal.