13 septembre 2011

[La Croix] Les intégristes à l'heure du choix

SOURCE - La Croix - Frédéric Mounier (à Rome) et Nicolas Sénèze - 13 septembre 2011
Alors que les lefebvristes ont récemment intensifié leurs critiques à l’encontre de Benoît XVI, leur supérieur général, Mgr Fellay, est reçu aujourd’hui par le cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Les rencontres bimestrielles entre les délégués du pape et la Fraternité Saint-Pie-X n’ayant pas abouti, la décision finale à leur égard revient à Benoît XVI.


À Rome, tout est désormais entre les mains du pape. La rencontre prévue aujourd’hui entre le cardinal William Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie-X (FSPX), Mgr Bernard Fellay, marque le terme d’une série de rencontres qui se sont déroulées, à la demande de Benoît XVI, du 26 octobre 2009 jusqu’en avril 2011, entre quatre représentants du Vatican et des délégués de la Fraternité.

Le pape a été tenu informé en permanence de ces rencontres bimestrielles au contenu décevant. Ces échanges doctrinaux ont vu se croiser les arguments, sans plus. Dûment enregistrés et consignés par écrit, ils ont pris l’aspect d’un dialogue de sourds, certes formel et courtois, mais fréquemment parasité par les prises de position extérieures virulentes de représentants de la Fraternité contre Benoît XVI, sa pensée et ses initiatives.

Ainsi la publication, en septembre 2010, de L’Étrange Théologie de Benoît XVI (Le sel de la terre), par Mgr Bernard Tissier de Mallerais, un des quatre évêques ordonnés en 1988 par Mgr Lefebvre et considéré comme le théologien de la Fraternité, n’a pas été perçue à Rome comme un signe d’ouverture au dialogue. De même, les critiques acerbes émises par la FSPX à l’encontre de la béatification de Jean-Paul II le 1er mai dernier.
BENOÎT XVI VEUT RENFORCER L’UNITÉ

Depuis la fin des rencontres romaines, la conférence de Mgr Fellay, le 15 août 2011 à Saint-Malo, a permis à ce dernier de réaffirmer son opposition intangible à Vatican II, tout en détaillant ses soutiens, peu nombreux, au sein de la Curie romaine. Là encore, peu d’éléments permettent de donner prise à l’hypothèse d’une réconciliation.

Enfin, la publication par l’abbé Régis de Cacqueray, supérieur du district de France de la FSPX, avec l’accord explicite de Mgr Fellay, deux jours avant sa rencontre avec le cardinal Levada, d’une violente diatribe à l’encontre de la prochaine rencontre interreligieuse d’Assise voulue par Benoît XVI ne manifeste pas une volonté d’ouverture de la part de la Fraternité.

Benoît XVI, que Jean-Paul II chargea de négocier avec Mgr Lefebvre de 1982 à 1988, sait d’expérience qu’une réconciliation globale avec la Fraternité n’est pas envisageable. Mais l’une des priorités de son pontificat consiste à renforcer l’unité de l’Église dont il a la charge. Il s’efforce de maintenir ouverte la porte de Rome à qui souhaiterait y retourner.
TROP DE POINTS D’ACHOPPEMENT

Mais pas à n’importe quel prix. Liberté religieuse et dialogue interreligieux, collégialité épiscopale, évolution de la liturgie : autant de « points non négociables » pour le cardinal Ratzinger, puis Benoît XVI. Ces points faisaient déjà l’objet de l’accord qu’il avait obtenu de Mgr Lefebvre en 1988. Ce dernier, le lendemain de sa signature, s’était au final rétracté.

Dans ce contexte, l’hypothèse d’un « ordinariat » proposé par Rome à Mgr Fellay rallie peu de suffrages. Reste celle, possible et déjà vue, d’un geste personnel du pape, qui déciderait d’aller au-delà des remises en cause personnelles dont il a été l’objet ces derniers temps par la Fraternité. Mais sur quoi le fonder ? Si la rencontre entre le cardinal Levada et Mgr Fellay devait aller au-delà d’un simple constat de l’état des lieux du « dialogue », une proposition incluant des « points non négociables » pourrait être proposée à Mgr Fellay. L’information a circulé qu’il pourrait rencontrer le pape mercredi 14 septembre à l’issue de l’audience générale : ce que la Salle de presse du Saint-Siège a finalement démenti.

Le supérieur de la Fraternité Saint-Pie-X serait alors confronté à un dilemme : choisir sa fidélité à l’héritage de Mgr Lefebvre et refuser ce qui pourrait bien être l’ultime main tendue de Rome, ou accepter une proposition risquant de créer un nouveau schisme, au sein de la FSPX cette fois. Dans un cas comme dans l’autre, il restera à Benoît XVI, de sources romaines, à «récupérer ceux qui sont récupérables».

FRÉDÉRIC MOUNIER (à Rome) et NICOLAS SENÈZE