SOURCE - Jean-Marie Guénois - Le Figaro - 13 septembre 2011
Demain, mercredi 14 septembre, l'Eglise catholique va probablement résoudre pour de bon la crise lefebvriste qui l'empoisonne depuis quatre décennies. Ce sera une date à retenir pour l'histoire mais ce sera surtout un marqueur pour le pontificat de Benoît XVI.
Comme je l'explique ce matin dans une enquête de page 2 la clé de cette évolution se trouve paradoxalement dans l'échec des discussions menées depuis deux ans par des théologiens qualifiés entre Rome et la Fraternité Saint Pie X. Un échec seulement apparent de mon point de vue.
Ces discussions avaient pour objet d'établir l'inventaire des points de désaccords à propos du Concile Vatican II. Essentiellement : la liberté religieuse, le dialogue avec les autres religions, l'œcuménisme (unité des chrétiens), la réforme de la liturgie de la messe.
Le fruit le plus important de ces discussions est qu'elles ont permis d'établir sur quels points précis et donc pourquoi il y a divorce. Et surtout de mettre de côté ce qui fâche, non pour l'oublier mais pour admettre que ces aspects là du Concile Vatican II ne sont pas au cœur de la foi de l'Eglise catholique qui est fondamentalement la foi au Christ. Et que l'on peut se dire catholique avec cette possibilité de critique.
Bien sur, il faut voir comment Mgr Bernard Fellay et la Fraternité Saint Pie X vont entendre cette lecture des choses. Il rencontre pour cela à Rome, mercredi 14 septembre, le cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et président de la commission Ecclesia Dei, structure compétente pour gérer cette question.
Mais quelque soit l'issue le point clé est cette relecture romaine du Concile Vatican II dans la « continuité » avec la tradition. C'est d'ailleurs ce que Benoît XVI avait annoncée comme son programme en décembre 2005 lors du fameux discours à la Curie romaine.
Cette vision, aujourd'hui en acte, sera mal comprise, voire insupportable à la gauche de l'Eglise qui a tendance à placer ces points de litiges avec les intégristes au centre de la foi.
Mais il faut objectivement reconnaître que cette aile pratique elle aussi un élagage sur une série de points de doctrine où elle clame publiquement ses désaccords : célibat sacerdotal en particulier, mariage des prêtres, ordination de femmes, communion pour les divorcés remariés.
Et aussi - c'est moins connu - à propos de la présence « réelle » du Christ dans l'eucharistie (plutôt admise comme symbolique sur le mode protestant et non comme réelle), il insiste sur la "Parole", la Bible, comme lieu tangible de la rencontre avec Dieu, doute de l'importance des sacrements à l'ancienne, celui de la réconciliation en particulier, de l'importance de l'enseignement de la foi catholique... Autant de remises en cause qui irritent les branches plus traditionnelles de l'Eglise qui font justement de ces questions de chevaux de bataille.
Est-ce à dire que Benoît XVI ouvre là un champ nouveau pour le débat interne dans l'Eglise ?
Oui, d'une certaine manière, puisqu'il admet que des points qui semblaient essentiels restent importants mais relatifs vis-à-vis du noyau de la foi catholique.
Non, d'un autre point de vue, car il met le cap non sur la « tradition » par une sorte de marche arrière mais sur l'identité profonde de la foi catholique.
Autre élément d'analyse, lui aussi paradoxal, le Pape n'ira pas plus loin avec les Lefebvristes. Car il leur a accordé tout ce qu'ils demandaient (levée des excommunications, réhabilitation pour ceux qui le désirent de la messe en latin - selon le missel de Jean XXIII) et très probablement une appartenance à l'Eglise catholique, non à géométrie variable mais ne plaçant plus le Concile Vatican II comme un dogme absolu mais comme l'un des Conciles de l'Eglise depuis vingt et un siècles.
L'avenir dira aussi si sa double intention pédagogique dans cette volonté de réconciliation avec la mouvance Lefebvriste portera des fruits :
- à l'intérieur de l'Eglise pour développer une culture de tolérance qui ne s'adresse pas seulement aux non catholique mais aux ultra-catholiques souvent détestés. Sans oublier une réconciliation intellectuelle avec ce que la tradition de l'Eglise peut apporter de bon à la situation actuelle.
- Vis -à-vis de ces milieux traditionnalistes, souvent issus d'une culture de « catholicisme intransigeant » pour conduire à une tolérance vis-à-vis de ceux qui ne pensent pas comme eux. Et pour saisir que « l'ouverture au monde » voulue par le Concile Vatican II qu'ils fustigent comme la cause de tous les maux ne porte pas que des fruits négatifs.
Ce processus demeure en tout cas passionnant si on le compare à d'autres religions qui se débattent toutes avec cette culture de l'intransigeance religieuse dont on voit un retour fulgurant en ce début de XXI°siècle.
L'intégrisme, dans le judaïsme ou dans l'islam, a des causes et des natures totalement différentes et donc absolument non comparables. Sauf que les responsables de ces religions tellement divisées ne savent pas comment « intégrer » ces tendances qui finissent par prendre le dessus.
Demain, mercredi 14 septembre, l'Eglise catholique va probablement résoudre pour de bon la crise lefebvriste qui l'empoisonne depuis quatre décennies. Ce sera une date à retenir pour l'histoire mais ce sera surtout un marqueur pour le pontificat de Benoît XVI.
Comme je l'explique ce matin dans une enquête de page 2 la clé de cette évolution se trouve paradoxalement dans l'échec des discussions menées depuis deux ans par des théologiens qualifiés entre Rome et la Fraternité Saint Pie X. Un échec seulement apparent de mon point de vue.
Ces discussions avaient pour objet d'établir l'inventaire des points de désaccords à propos du Concile Vatican II. Essentiellement : la liberté religieuse, le dialogue avec les autres religions, l'œcuménisme (unité des chrétiens), la réforme de la liturgie de la messe.
Le fruit le plus important de ces discussions est qu'elles ont permis d'établir sur quels points précis et donc pourquoi il y a divorce. Et surtout de mettre de côté ce qui fâche, non pour l'oublier mais pour admettre que ces aspects là du Concile Vatican II ne sont pas au cœur de la foi de l'Eglise catholique qui est fondamentalement la foi au Christ. Et que l'on peut se dire catholique avec cette possibilité de critique.
Bien sur, il faut voir comment Mgr Bernard Fellay et la Fraternité Saint Pie X vont entendre cette lecture des choses. Il rencontre pour cela à Rome, mercredi 14 septembre, le cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et président de la commission Ecclesia Dei, structure compétente pour gérer cette question.
Mais quelque soit l'issue le point clé est cette relecture romaine du Concile Vatican II dans la « continuité » avec la tradition. C'est d'ailleurs ce que Benoît XVI avait annoncée comme son programme en décembre 2005 lors du fameux discours à la Curie romaine.
Cette vision, aujourd'hui en acte, sera mal comprise, voire insupportable à la gauche de l'Eglise qui a tendance à placer ces points de litiges avec les intégristes au centre de la foi.
Mais il faut objectivement reconnaître que cette aile pratique elle aussi un élagage sur une série de points de doctrine où elle clame publiquement ses désaccords : célibat sacerdotal en particulier, mariage des prêtres, ordination de femmes, communion pour les divorcés remariés.
Et aussi - c'est moins connu - à propos de la présence « réelle » du Christ dans l'eucharistie (plutôt admise comme symbolique sur le mode protestant et non comme réelle), il insiste sur la "Parole", la Bible, comme lieu tangible de la rencontre avec Dieu, doute de l'importance des sacrements à l'ancienne, celui de la réconciliation en particulier, de l'importance de l'enseignement de la foi catholique... Autant de remises en cause qui irritent les branches plus traditionnelles de l'Eglise qui font justement de ces questions de chevaux de bataille.
Est-ce à dire que Benoît XVI ouvre là un champ nouveau pour le débat interne dans l'Eglise ?
Oui, d'une certaine manière, puisqu'il admet que des points qui semblaient essentiels restent importants mais relatifs vis-à-vis du noyau de la foi catholique.
Non, d'un autre point de vue, car il met le cap non sur la « tradition » par une sorte de marche arrière mais sur l'identité profonde de la foi catholique.
Autre élément d'analyse, lui aussi paradoxal, le Pape n'ira pas plus loin avec les Lefebvristes. Car il leur a accordé tout ce qu'ils demandaient (levée des excommunications, réhabilitation pour ceux qui le désirent de la messe en latin - selon le missel de Jean XXIII) et très probablement une appartenance à l'Eglise catholique, non à géométrie variable mais ne plaçant plus le Concile Vatican II comme un dogme absolu mais comme l'un des Conciles de l'Eglise depuis vingt et un siècles.
L'avenir dira aussi si sa double intention pédagogique dans cette volonté de réconciliation avec la mouvance Lefebvriste portera des fruits :
- à l'intérieur de l'Eglise pour développer une culture de tolérance qui ne s'adresse pas seulement aux non catholique mais aux ultra-catholiques souvent détestés. Sans oublier une réconciliation intellectuelle avec ce que la tradition de l'Eglise peut apporter de bon à la situation actuelle.
- Vis -à-vis de ces milieux traditionnalistes, souvent issus d'une culture de « catholicisme intransigeant » pour conduire à une tolérance vis-à-vis de ceux qui ne pensent pas comme eux. Et pour saisir que « l'ouverture au monde » voulue par le Concile Vatican II qu'ils fustigent comme la cause de tous les maux ne porte pas que des fruits négatifs.
Ce processus demeure en tout cas passionnant si on le compare à d'autres religions qui se débattent toutes avec cette culture de l'intransigeance religieuse dont on voit un retour fulgurant en ce début de XXI°siècle.
L'intégrisme, dans le judaïsme ou dans l'islam, a des causes et des natures totalement différentes et donc absolument non comparables. Sauf que les responsables de ces religions tellement divisées ne savent pas comment « intégrer » ces tendances qui finissent par prendre le dessus.