24 janvier 2009





Evêque négationniste: la justice allemande ouvre une enquête
24 janvier 2009 - Stéphane Bussard - letemps.ch
Evêque négationniste: la justice allemande ouvre une enquête
Les détails d’un décret du pape réhabilitant 4 évêques excommuniés d’Ecône doivent être publiés aujourd’hui. L’un d’eux, Richard Williamson, met le Vatican dans l’embarras

Le Vatican est au cœur de la polémique. Vendredi, le Parquet de Ratisbonne, en Allemagne, a ouvert une enquête sur Richard Williamson. Le religieux britannique est l’un des quatre évêques d’Ecône excommuniés par Jean Paul II en 1988 et que le pape Benoît XVI entend réintégrer dans la grande famille catholique (LT du 23.1.09).
Dans une émission de la télévision publique suédoise diffusée mercredi, Richard Williamson a tenu des propos négationnistes: «Je crois qu’il n’y a pas eu de chambres à gaz […]. Je pense que 200 000 à 300 000 juifs ont péri dans les camps de concentration, mais pas un seul dans les chambres à gaz. […] Il y a certainement eu une grande exploitation de ces faits. L’Allemagne a payé des milliards et des milliards […] parce que les Allemands souffrent d’un complexe de culpabilité […].» La procédure judiciaire a été ouverte par le Parquet de Ratisbonne, car celui-ci présume que les déclarations du Britannique ont été faites à la télévision suédoise lors d’un entretien enregistré en novembre dans la ville de Bavière lors d’un séminaire de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. Or l’Allemagne sanctionne pénalement la négation des crimes nazis.
Ce samedi 24 janvier, l’Osservatore Romano publie une note expliquant le choix du pape Benoît XVI (pas encore confirmé par le Vatican) qui entend commettre un «acte de miséricorde», selon l’Agence de presse internationale catholique (Apic) qui cite des sources vaticanes. Ces mêmes sources minimisent l’affaire et affirment que «si l’un des quatre évêques veut dire des bêtises, c’est son problème».
S’il devait confirmer la réintégration des quatre évêques dont celle de Richard Williamson, le décret papal provoquerait un vif émoi au sein de la communauté juive. Elan Steinberg, vice-président d’une organisation américaine de survivants de l’Holocauste, a déclaré au quotidien israélien Haaretz que la possible réhabilitation de Williamson a été reçue avec «consternation». Grand rabbin de Rome interrogé par La Stampa, Riccardo Di Segni s’est dit «choqué» et craint que par la réintégration d’un négationniste, le Vatican provoque «une blessure profonde dans le dialogue avec le judaïsme». Vice-présidente de la Fédération suisse des communautés israélites, Sabine Simkhovitch-Dreyfus estime que si la réintégration de l’évêque britannique devait se confirmer, l’attitude négationniste de ce dernier lui apparaît incompatible avec la fonction. «Ce serait d’autant plus dommageable que le dialogue judéo-chrétien évolue positivement», souligne-t-elle. Simple hasard, l’existence du décret papal a été révélée par le quotidien italien Il Giornale au moment même où fut diffusée l’émission à la télévision suédoise.
Les positions extrémistes de l’évêque Williamson sont pourtant de notoriété publique. Le Catholic Herald, principal journal catholique de Grande-Bretagne, relevait en mars 2008 que le religieux britannique est acquis à la cause du Protocole des Sages de Sion, un faux élaboré par un Russe antisémite à la demande de la police secrète du tsar. Difficile dès lors d’imaginer que Benoît XVI n’était pas au courant des prises de position de Williamson.
Ce n’est pas la première fois que Benoît XVI provoque des remous au sein des communautés religieuses. Le 12 septembre 2006, à Ratisbonne, il utilisa des citations d’un empereur byzantin au sujet de Mahomet qui associait l’islam à la violence et qui avait enflammé le monde musulman. En visite en Turquie deux mois plus tard, le souverain pontife s’était vu contraint de présenter ses excuses. Plus tard, la controverse avait rebondi au Conseil des droits de l’homme à Genève, où l’Organisation de la conférence islamique avait manifesté son indignation. Quelques mois plus tôt, devant le mémorial des victimes du camp d’extermination d’Auschwitz, le pape avait eu des mots ambigus laissant croire, selon ses détracteurs, qu’il dédouanait le peuple allemand de sa responsabilité dans les crimes nazis.
Ce nouvel épisode s’inscrit dans un contexte tendu suite à l’intervention israélienne à Gaza. Il intervient au moment où à Berlin se déroule une exposition organisée par le Vatican qui vise à réhabiliter Pie XII, pape controversé pour son attitude jugée trop passive face à l’Holocauste.