14 octobre 2006

Avec la messe en latin, le retour de la Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus Christ
14 octobre 2006 - Jean Molard - Golias - golias.ouvaton.org
Après le ralliement de l’abbé Laguérie, le cardinal Castrillon de Hoyos en charge du dossier des lefebvristes ne désespère pas de les convaincre pour arriver prochainement à un accord.
En avant première pour ses lecteurs, Golias leur fait partager ce que nos futurs amis emmèneraient dans leurs bagages.
Franchement comment va-t-il falloir causer pour se comprendre ? Mais en latin pardi !

MGR Fellay a été réélu en juillet dernier à la tête de la Fraternité Pie X .
Sa première lettre adressée à ses fidèles, annonçant un projet ambitieux (sic), présente ainsi ce qui peut être considéré comme ses priorités : "... Dans cette même ligne, il (le Chapitre) me charge de vous communiquer un projet ambitieux : La Fraternité a l’intention de présenter au Souverain Pontife un bouquet spirituel d’un million de chapelets pour la fin du mois d’octobre, le mois du Rosaire. Les chapelets seront récités aux intentions suivantes :
1. Obtenir du Ciel pour le pape Benoît XVI la force nécessaire afin qu’il libère totalement la sainte messe de toujours dite saint Pie V ;
2. Pour le retour de la Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus Christ.
3. Pour le triomphe du Cœur Immaculé de Marie.
C’est donc à une véritable croisade du Rosaire que nous vous appelons... "
Voilà donc, telles qu’elles sont été exprimées lors de son Chapitre de juillet 2006, les grandes préoccupations actuelles de la Fraternité. Le tout, offert au pape avec un gros, un énorme bouquet de rosaires, qui tient à la fois de la croisade et de la pétition. Il est donc intéressant d’examiner ces préoccupations, plus particulièrement la deuxième qui nous paraît être la plus révélatrice du cœur théologique de l’intégrisme catholique.
Car la première demande, la libération totale de la messe "dite" de Pie V, est bien connue, trop connue même, car c’est l’arbre qui cache la forêt. Comment, d’ailleurs, peut-elle être appelée " la messe de toujours ", ne serait-ce que par respect pour la liturgie des quinze siècles qui l’ont précédée ? Passons, nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.
Quant au troisième objet de la demande, elle est suffisamment obscure pour que nous en soyons réduits à des questions : que peut bien être " le triomphe du Cœur Immaculé de Marie " ? Triomphe sur qui ? sur quoi ? sur le matérialisme ? sur le démon ? sur le modernisme ? sur les mauvais chrétiens qui aiment bien la messe en français ? Et pourquoi seulement le Cœur ? Avec ce Rosaire, les fidèles sont invités à s’adresser à Marie pour lui demander, entre autres, le triomphe de son Cœur, en récitant des " Je vous salue, Marie... " où il n’en est nulle part question.
D’ailleurs Marie, dans l’Evangile, n’apparaît nulle part triomphante, ce n’est pas son genre... Elle exulte, mais c’est Dieu qui triomphe, des puissants et des riches...
Dans l’attente d’éclaircissements qui ne manqueront pas de venir, passons à la revendication la plus intéressante des tradis de Pie X et qui, elle, n’est pas du tout obscure : Les membres de Pie X souhaitent le retour de la Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus Christ.
La Royauté de Jésus !...  ? ? ?
Sur elle, l’Evangile n’est pas particulièrement bavard. La seule fois où la foule a voulu faire de Jésus un roi, il a fui. Son seul moment triomphal fut l’entrée à Jérusalem, mais c’était sur un âne, monture généralement assez peu " royale ".
Il n’a été appelé " roi " qu’une seule fois et c’était plus ou moins par dérision, sur la Croix, ce qui provoqua d’ailleurs une polémique entre les prêtres juifs et le romain Pilate.
Quitte à faire accuser Golias de fondamentalisme, (ce qui ne manquerait pas de sel) nous tenons tout de même, de temps en temps, à remonter aux textes qui fondent notre foi. Même la Tradition ne saurait les oublier.
La Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus Christ.
La Royauté de Jésus, pour les tradis de Pie X, doit être sociale, le mot a son importance. Il ne s’agit pas d’une royauté spirituelle, surnaturelle, mystique, que des croyants reconnaîtraient à leur sauveur sur leur vie personnelle. Dans ce cas, elle pourrait se comprendre et ne regarderait qu’eux seuls. Non, il s’agit bien d’une royauté sociale, qui concerne donc toute notre société, la société civile, celle de vous, de moi, de Madame Tartempion et de Monsieur Machin, celle des chrétiens, des croyants autres, et aussi celle des non-croyants. Cette royauté s’imposerait donc à tout le monde...
Merci beaucoup aux "intégristes" de montrer ainsi le bout du nez de leurs convictions au discret parfum de théocratie. Cette royauté sociale s’affirme comme un refus de la laïcité et la démocratie, piliers actuels de notre société. Le pouvoir civil, selon eux, ne peut avoir de légitimité, et donc d’autorité contraignante, que dans sa soumission à la loi de Dieu.
Dieu, pourtant, a choisi de rester toujours discret et ne vient jamais s’expliquer à la télévision. Ce sont donc ses clercs qui seraient chargés d’interpréter sa volonté...
Seulement, cette revendication qui n’est pas du tout neutre politiquement pose quelques petits problèmes.
Les Catholiques, pour imposer la royauté sociale de Jésus, ne sont plus majoritaires, et de plus beaucoup d’entre eux, heureusement, ne la souhaitent pas. La sécularisation et " l’esprit républicain " ont fait leur chemin dans la foi de beaucoup de chrétiens d’aujourd’hui en France.
Mais, surtout, il y a " les autres ", (l’enfer ?) qui ne sont pas croyants et qui risquent de ne pas apprécier cette soumission sociale à un Dieu dont ils contestent l’existence.
Le problème est encore compliqué par la présence sur notre terre de tradition catholique d’un nombre important de croyants d’autres religions, et en premier lieu de l’Islam.
Comment, au nom de l’égalité des citoyens, pourrait-on accorder aux uns ce qu’on refuserait aux autres ? D’autant que les musulmans, par leur Tradition aussi, sont moins portés à faire la distinction entre le social - politique et le religieux. Pour eux aussi Dieu est un Absolu et a une "Volonté", et un certain nombre d’entre eux pense que seule sa loi, la charria, est légitime dans la société (c’est la forme musulmane de la royauté sociale de Dieu !).
L’expérience faite dans certains pays musulmans montre les limites de ces formes de théocratie et renforce encore, chez beaucoup de citoyens, y compris chez des musulmans, le rejet de cette intrusion directe du religieux dans le fonctionnement des sociétés humaines. Qui peut bien rêver d’une France catholique fonctionnant sur le modèle de l’Iran ou de l’Afghanistan des Talibans, même avec des formes différentes pour des raisons d’héritage historique (de tradition !).
Dans notre Europe d’hier, les dictatures de Salazar et de Franco, où Dieu et ses clercs étaient en bonne place, n’ont pas laissé que de bons souvenirs...
Les difficultés pour l’instauration du Règne social du Christ rendent donc vaines les espérances des tradis. Il n’y a pas, au moins pour le moment, de risque politique de ce côté-là. Ces difficultés sont amplifiées par les divergences à l’intérieur même de ce monde tradi. Qui va être en capacité de dire ce que Dieu veut exactement ? La référence à un même Dieu n’a jamais été un gage de paix sociale...
Comment dans de telles conditions et devant tant de barrages, Mgr Fellay peut-il, sans se ridiculiser, vu la minorité qu’il représente, réclamer la Royauté sociale de NSJC ?
Faire des catholiques des croisés.
Ce que vise en réalité le patron de la fraternité Pie X et, à travers lui, ses groupes tradis, c’est de faire de tous les chrétiens des "croisés du Christ-Roi", menant combat contre l’IVG, la contraception, la laïcité, la liberté d’expression, la "liberté" de la femme, l’homosexualité, la liberté de penser, l’œcuménisme, le respect de toutes les religions...Et tout cela au nom de Dieu.
On connaît la position des tradis sur ces sujets et on a déjà vu leurs commandos à l’œuvre. Faussement naïfs, ils posent la question, surtout en période électorale : quel est le parti qui défend le mieux ces valeurs d’une société humblement soumise à son Dieu - Roi ? Suivez mon regard qui se dirige vers l’extrémité de ma droite...
Marginalisés dans une Fraternité qui reste confinée dans ses prieurés, ses écoles et ses églises squattées, les disciples de Mgr Lefebvre veulent revenir dans l’Eglise pour en faire la citadelle de la reconquête cléricale du monde. Tous espèrent beaucoup dans l’évolution de l’épiscopat et du clergé : Les conciliaires sont en voie d’extinction et les nouvelles générations d’évêques et de prêtres sont davantage proches, au nom de la visibilité de l’Eglise, de certaines de leurs idées. Et ils espèrent beaucoup dans Benoît XVI qui a donné des signes d’intérêt pour certaines de leur positions...
Les chrétiens de France doivent le savoir : le retour de Tradis s’accompagnera de l’arrivée de prêtres (souvent jeunes) qui sous leur soutane transportent une vision très cléricale de l’organisation et de la gestion politique théocratique de notre monde.
Non, décidément, si nous récitons notre chapelet, ce ne sera pas pour demander le retour de la Royauté sociale de Notre Seigneur Jésus Christ.
Nous prions plus à l’aise et agissons aussi pour que les chrétiens, avec tous les hommes et femmes de bonne volonté, construisent une société où l’on puisse retrouver, tant elles sont naturellement et universellement humaines (amour, partage, justice, dignité, égalité des fils d’un même Père...) les valeurs fondamentales de l’Evangile.