15 octobre 2006

Panorama de la Tradition à la veille du Motu proprio
Taedium - 15 octobre 2006 - Message paru sur le  Forum Catholique
L’hypocrisie consiste à cacher sa véritable pensée pour en exprimer une autre à soi plus utile et plus favorable, en se présentant souvent comme le juste juge indigné d’une faute publique. C’est ainsi que pour nuire à la foi catholique et à sa liturgie, des hommes ont caricaturé le souci de pénitence de suivre Jésus crucifié. Ils ont également caricaturé l’exigence de la justice divine pour la nier : le Père n’est pas un dieu assoiffé d’un sang vengeur. Ces hommes pervers voulaient tout simplement écarter toute idée d’effort et de sacrifice pour pourvoir vivre à leur guise un nouveau christianisme.
Certes, des catholiques excessifs et puritains avaient nourri cette caricature de l’enseignement de l’Eglise catholique. Ainsi, des fidèles et des prêtres sincères et de bonne foi se sont aussi mis dans la tête que nous avions négligé l’Amour du Père et la Résurrection du Fils. Au nom de cet amour retrouvé, nous devions changé une messe trop triste parce que trop silencieuse et hiératique, au sens presque de trop sacrée et pas assez humaine. Mais l’application du Concile et de la Nouvelle Messe déborda complètement les autorités, parfois complices.
Nous sommes, o miracle, à la veille d’un texte romain reconnaissant la légitimité du rite millénaire du Saint Sacrifice de la Messe dans toute la puissance de la théologie catholique : un Dieu crucifié pour nos péchés et ressuscité, donc réellement l’Emmanuel, Dieu vivant au milieu de nous dans la Sainte Hostie, Dieu de miséricorde et d'amour.
Nous devons cette victoire à … la miséricorde de Dieu, puis à des hommes et des femmes à travers le monde qui ont lutté pour cette restauration. Actuellement, ce n’est pas seulement la France mais de nombreux pays et la toujours influente Amérique, qui réclame cette paix liturgique. Cela car il y a eu une véritable dialectique méprisante et réductrice entre la messe participative et vécue et la messe latine pour les vieux nostalgiques et les doloristes puritains.
Mais maintenant il s’agit tout de même de panser les blessures et d’unir les forces pour le SALUT des Âmes : de la communauté de l’Emmanuel jusqu’à la Fraternité Saint Pie X.
Or voilà la difficulté : ceux qu’on appelle traditionalistes sont assez divisés sur les conditions de la paix liturgique car les mémoires sont encore bien douloureuses. Mais attention, que certains ne soient pas des hypocrites qui vivent d'un fonds de commerce pour rester confortablement entre convaincus. Ils auraient perdu la fin, le but de leur antique résistance ; le salut des âmes.
Du plus intransigeants aux plus modérés, voici le tableau :
1) Les plus scandalisés par les abus liturgiques et les hérésies des progressistes sont les sédévacantistes qui estiment qu’une telle permissivité depuis 1965, même s’il n’est pas prouvée une réelle complicité, disqualifie les autorités romaines. Le terme signifie « siège vacant vide », pour le siège du pape. Leur dernière théorie déclare nulle les sacres épiscopaux et inaugure une vacance complète de la hiérarchie de l’Eglise. Plus d’évêques, plus de prêtres, plus de sacrement sauf le baptême et le mariage que les fidèles peuvent se procurer en cas de nécessité.
2) On trouve ensuite les intransigeants de la Fraternité Saint Pie X, fondée par Mgr Lefèvre en 1970. Ces derniers sont tout aussi pessimistes et désabusés que les premiers mais n’osent pas l’écrire. S’ils ne sont pas tout simplement des sédévacantistes cachés, ils considèrent le pape comme pape mais hérétique ou philosophiquement dans l’impossibilité d’avoir la foi car atteint de relativisme religieux.
Certains vont même jusqu’à admettre la thèse de la nullité des sacres épiscopaux. Ils estiment alors que le cardinal Ratzinger est pape nommé sans être évêque.
3) Plus modérés se trouvent les autres membres de la Fraternité Saint Pie X qui ne veulent pas se poser des questions alambiquées sur les sacrements des paroisses conciliaires. Ils veulent simplement vivre en paix séparés des délires des prêtres progressistes ou de la médiocrité liturgique et théologiques des prêtres diocésains de bonne volonté mais handicapés par des années d’habitude. La concélébration, ou la communion avec des hosties consacrées dans le nouveau rite, est pour eux un repoussoir. Ils ne veulent pas trahir la mémoire de tous les persécutés des années 1969 à nos jours qui ne demandaient qu’à garder le catéchisme et la messe correspondante.
Ils ne sont pas prêts à signer la réconciliation par manque de confiance vis à vis des évêques encore soixante-huitards ou lâches ou immobilisés par un clergé soixante-huitard.
Ils ont aussi sur le cœur la création de la Fraternité Saint Pierre fondée par des prêtres dissidents en réaction des sacres de quatre évêques par Mgr Lefebvre. Fidèles à ce dernier et fiers de ces sacres qui ont assuré à la Fraternité Saint Pie X de ne pas dépendre de trahison d’évêques modernes, ils ne voudront pas se fondre avec la Fraternité Saint Pierre.
Ces prêtres craignent qu’une signature ne les empêche d’ouvrir d’autres centre de messes et de critiquer le relativisme religieux d’un oecuménisme fait uniquement de dialogue plat sans débat théologique pour convaincre.
4) Tout proches sont des prêtres de cette même Fraternité Saint Pie X qui pensent qu’on peut maintenant prendre le risque d’avoir une existence canonique et de se frotter aux évêques. Ils sont bien sûr contre la symbolique concélébration du rite qui a été l’occasion de tant d’abus et d’ambiguïtés, même une fois par an, mais ils voudraient bien être reconnus par Rome. Ils souhaitent conserver une liberté de critique vis à vis des passages ambiguës du concile Vatican II mais prennent le risque d’une attitude plus diplomatique. L’apostolat et l’extension du catéchisme et de la messe sont prioritaires.
5) Là se situe l’Institut du Bon Pasteur qui est composé dans son noyau fondateur actuel de membres historiques et forts de caractère de la Fraternité Saint Pie X. Renvoyés pour avoir dénoncé une dérive faussement élitiste et vraiment communautariste dans les renvois du séminaire principal d’Ecône, ils se revendiquent des sacres de Mgr Lefebvre et d’une critique « constructive » du concile selon l’ouverture de Benoît XVI. Leurs fidèles sont encore ceux de la Fraternité Saint Pie X avant diversification future. Ils se doivent de les conserver et ne pas trop ouvrir leurs discours. De ce fait aussi, ils ne peuvent facilement s’entendre officiellement avec la Fraternité Saint Pierre. Ils sont contre toute concélébration.
6) Vient enfin la Fraternité Saint Pierre et certains instituts « Ecclesia Dei » assez fermes. Cette Fraternité est née pour la réconciliation avec Rome par crainte devant les sacres épiscopaux. Cependant, les prêtres sont restés de vrais traditionalistes blessés et méfiants à juste titre par le rouleau compresseur progressiste. S’ils ne se permettent pas de critiques acerbes directes contre le Concile Vatican II, ils n’en pensent pas moins. D’ailleurs ils ont ce même rejet de la concélébration même le Jeudi Saint. Ce délicat problème a été très mal soulevé puisqu’il fut pour certains évêques un moyen d’humilier ces prêtres en leur faisant sembler admettre la nouvelle messe publiquement. Toutefois, d’autre évêques ont pu de pas comprendre les blessures et les réticences de ces prêtres et sincèrement s’indigner du manque de ce signe de paix et de communion entrée dans les habitudes.
7) D’où l’apparition de la frange de prêtres de la Fraternité Saint Pierre favorables à la concélébration ne serait-ce qu’une fois par an. Le but étant de ne pas heurter les évêques et le clergé diocésain pour avoir une possibilité plus large de rayonner dans un apostolat traditionnel. Malheureusement, ces prêtres ont usé de méthodes cavalières pour prendre la direction de la Fraternité Saint Pierre en 1998, et, en la quittant, récupérer maintenant en 2006 des apostolats obtenus historiquement. Ce n’est pas à leur honneur. Ils pourraient demander une autre église, même si les évêques n’auront pas tous la générosité d’un Cardinal Ricard qui a concédé une nouvelle église à un de ces prêtres dissidents.
8) Viennent ensuite les instituts « Ecclesia Dei » plus discrets comme les monastères et l’Institut du Christ Roi. Ils délaissent presque toujours la polémique théologique pour s’appliquer à exposer la bonne doctrine. Ils peuvent accepter discrètement la concélébration tout en ne la recherchant pas.
Voici donc ces hommes plus ou moins scandalisés, mais fermes dans la volonté de garder une foi claire. Le problème sera maintenant de communiquer cette tradition aux âmes qui en ont été privées. Doit-on rester communautaire ? Doit-on prendre le risque de relations pastorales avec les paroisses diocésaines ?
N’oublions pas qu’à travers le monde, d’autres communautés avec la messe du missel Paul VI défendent la foi catholique et le catéchisme de toujours. N’oublions pas de faire la paix avec eux pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, mission du Souverain Pontife romain dont nous sommes les attentifs serviteurs.
Udp