21 octobre 2006

«Benoît XVI méconnaît les progrès de Vatican II»
Rachad Armanios - 21 octobre 2006 - Le Courrier - lecourrier.ch
Pour Marcel Metzger, prêtre et professeur à la faculté de théologie catholique de l'université de Strasbourg, remettre au premier plan l'ancienne messe marque un déplorable retour vers les «ténèbres» liturgiques.


Quelle est la différence entre les messes tridentine et paulinienne?

La messe paulinienne est un progrès. Elle a instauré une participation plus éclairée et active des fidèles. Auparavant, la messe était un ensemble rituel complexe, avec trop de doublets et de répétitions non justifiées. Tournant le dos à l'assemblée et parlant en latin, le prêtre ne dialoguait qu'avec le servant de messe. Vatican II a simplifié et clarifié le rite pour qu'apparaisse mieux ce qu'est l'eucharistie et pour restituer à l'assemblée tout son rôle. Le pape Pie XII, avant Paul VI, avait déjà commencé la réforme liturgique, ce que semble oublier Benoît XVI. Le mouvement liturgique remonte même à 1910, c'est un travail de longue haleine. Jean XXIII permettait d'ailleurs déjà la messe en langues vivantes.
Mais Benoît XVI est rétrograde dans sa conception liturgique. Il se reconnaît, et quelques cardinaux avec lui, dans le rituel préconciliaire. Ceci dit, je note que, dans les milieux romains, il y a de fortes résistances contre cette libéralisation.

Les enjeux ne sont pas que liturgiques...

Il y a un enjeu de pouvoir. Les groupes de pression traditionalistes sont très actifs à Rome et veulent faire triompher leurs idées. Totalement opposés à Vatican II, ils rejettent notamment la liberté religieuse (selon Vatican II, l'adhésion à la foi est libre, ce qui implique la reconnaissance des autres religions, ndlr). Pour les traditionalistes, qui concluent une alliance objective avec les milieux d'extrême droite, la vérité (catholique, ndlr) s'impose. Leur acharnement en faveur de l'ancien rite montre aussi leur attachement à un fonctionnement totalement clérical de l'Eglise et leur nostalgie du temps où celle-ci était toute-puissante.

Le pape essaie depuis le début de son pontificat de ramener les schismatiques d'Ecône dans le giron de l'Eglise...

On les flatte, mais est-ce efficace? Ils sont si butés et campent tellement sur leurs positions que les efforts de rapprochement n'ont mené à rien. C'est pourquoi Rome essaye la tactique du grignotage: la libéralisation de la liturgie tridentine et, dans la même veine, l'intégration à Bordeaux de lefebvristes dissidents (pour lesquels l'Institut du Bon-Pasteur a été créé le 8 septembre, ndlr). Ces gens sont tellement impossibles que même les intégristes n'en ont plus voulu, c'est dire... C'est un scandale, car l'épiscopat de Bordeaux a été mis par Rome devant le fait accompli. Prêtres et fidèles ont écrit des lettres de protestation.


En cédant du terrain aux intégristes sur la liturgie, est-ce que Rome montre qu'elle est aussi prête à reculer sur d'autres acquis de Vatican II, à revenir sur l'ouverture au monde et aux autres religions qui caractérisent l'Eglise depuis lors?

J'ai l'impression que si le pape veut réhabiliter l'ancienne messe, c'est parce que cela rejoint sa sensibilité liturgique. Mais j'ai le sentiment que ça s'arrêtera là, même si je perçois un certain recul: Benoît XVI est moins ouvert que ne l'était Jean-Paul II sur les autres religions.