23 octobre 2006

Dans l’Est vaudois, la messe en latin est déjà dite
Raphaël Delessert - 24heures.ch - 23 octobre 2006
Au Vatican, Benoît XVI préparerait le retour de la messe en latin. Entre Lausanne et Monthey, où les offices traditionnels sont quotidiens, religieux et fidèles s’en réjouissent.
RAPHAËL DELESSERT - Publié le 23 octobre 2006
Nous sommes dans le chœur de la petite église Notre-Dame de Lépante, à deux pas de la gare CFF de Montreux. Les vitraux filtrent la grisaille extérieure, tandis que l'abbé Vincent Quilton prend la pose devant l'objectif de notre photographe. Il parle à voix basse. Sur le même ton que lorsqu'il égrène les prières en latin pendant la messe.

L'abbé Quilton, 38 ans, est membre de la Fraternité Saint-Pie X. Une congrégation à laquelle appartient le fameux séminaire d'Ecône, fondé par Mgr Lefebvre en 1970, connu pour sa pratique de la messe en latin. Un an plus tôt, le Vatican, sous l'impulsion du pape Paul VI, décidait d'abandonner cette forme de messe. Le chamboulement n'est pas du tout du goût de nombre de religieux et fidèles qui déplorent également l'émergence d'un œcuménisme «qui cherche à unir des religions qui n'ont pas la même doctrine», poursuit l'abbé. Le torchon brûle entre Rome et les dissidents, qui clament leur attachement à la messe telle qu'elle est pratiquée dans le rite latin depuis le IVe siècle. «Mais il ne s'agit pas d'un schisme, nous récusons totalement ce terme. Car nous sommes pleinement catholiques.»

Bon pour les vocations

Au Vatican, Benoît XVI serait sur le point de signer un texte facilitant la célébration de la messe en latin. Et répondrait ainsi au vœu des traditionalistes. «Nous demandons que Rome autorise tout prêtre à célébrer la messe selon le rite ancien. Ce qui semble se préparer au Vatican nous réjouit. Cela montre en outre que cette messe n'est pas interdite, quoiqu'en disent certains.»

Selon l'abbé, une reconnaissance de ces célébrations aurait un effet positif sur les vocations ecclésiastiques: «D'après une étude conduite en France, on compte dix fois plus de vocations là où l'on dit la messe traditionnelle.» Supérieur du district de Suisse, l'abbé Henry Wuilloud se réjouit aussi de ce qui se trame au Vatican: «Nous souhaitons que tout prêtre puisse dire la messe avec liberté. Je me souviens que des prêtres qui ont été empêchés de célébrer la messe en latin dans les années 1970 en sont morts de tristesse.»

Fidèles très jeunes

Aujourd'hui, la Fraternité Saint-Pie X dénombre près de 600 fidèles entre les régions lausannoise, fribourgeoise, la Riviera et le Chablais. Des messes sont célébrées plusieurs fois par semaine à Montreux et Monthey, notamment.

Les célébrations ont lieu en latin dans leur quasi-intégralité; seules exceptions, la lecture des textes bibliques, qui se fait aussi en français, et la prédication. «Le latin maintient le mystère et invite à approfondir. La messe traditionnelle est plus recueillie que la nouvelle messe», estime l'abbé Vincent Quilton.

Jeunes, voire très jeunes, les fidèles dans la région sont souvent issus de familles nombreuses. Et si les églises de la fraternité sont ouvertes à tous, ce n'est pas le cas de la communion: «Pour communier, il faut être catholique et en état de grâce.» C'est-à-dire? «Il ne faut pas avoir accompli de manquements graves aux commandements de Dieu qui n'ont pas reçu le pardon divin dans la confession.» Une rigueur et un attachement à la tradition qui vaut régulièrement aux membres de la fraternité d'être taxés d'intégristes: «C'est un terme polémique. Nous ne sommes pas intégristes, mais catholiques, au sens universel.»

La Vierge Marie, invitée de marque de la célébration samedi soir à Monthey

R. D.
Des femmes avec un voile dans les cheveux, un abbé qui multiplie les génuflexions devant l'autel, des prières dans la langue de Cicéron, de longs silences: autant d'éléments propres à décontenancer le parpaillot soussigné.

Samedi soir, chapelle Saint-Antoine à Monthey. Une septantaine de fidèles se lèvent alors qu'une grande statue de la Vierge est acheminée devant le chœur de l'édifice. Beaucoup d'enfants, très sages, dans l'assistance. Plusieurs poussettes avec des bébés aussi.

Les femmes sont le plus souvent vêtues d'une longue jupe et elles ont la tête couverte d'un voile en dentelles noir ou blanc, une mantille. La plupart des fillettes portent également ce couvre-chef.

L'abbé Wuilloud chante en latin, les fidèles lui répondent, en latin également.

Puis, après avoir embrassé la bible, il entame une prédication en français «en l'honneur de la très sainte Vierge. Notre chère église catholique, et même notre pays subissent une déchéance morale. Or elle (la Vierge Marie, n.d.l.r.) peut faire beaucoup plus que nous, elle peut transformer le laid en beau», assure l'homme d'église. Ses paroles pieuses, dites d'une voix douce, sont écoutées religieusement par l'assemblée pendant une bonne vingtaine de minutes. Une petite fille feuillette un livre d'images en silence, un garçonnet étreint une peluche. L'abbé se met alors à murmurer, dos à l'assistance. L'encensoir se balance au bout de sa chaîne, les fidèles, debout, attendent la communion.

«A travers cette messe, on touche au mystère. Or Dieu est mystère! Si je suis aussi attaché à la tradition, c'est parce que j'ai moi-même été baptisé dans ce rite», explique l'abbé Wuilloud avant l'office.