13 octobre 2006

Une opération subversive dans le diocèse de Bordeaux
Jean Madiran - Present.fr du 13 octobre 2006 - mise en ligne par le Forum Catholique.
Le symptôme de ce qui se prépare Une opération subversive dans le diocèse de Bordeaux
Contre l’érection de l’Institut du Bon Pasteur (IBP) de l’abbé Laguérie, l’opération a été lancée (peut-être involontairement) dans La Croix du 14 septembre par un titre provocant : « La main tendue aux intégristes (sic) inquiète les prêtres de Bordeaux ». LES prêtres, tous les prêtres…!
D’où l’agit-prop subversive du 22 septembre, qui en dit long et en annonce d’autres.
C’est (peut-être ?) par étourderie que La Croix a écrit LES prêtres au lieu de : DES prêtres. Mais l’amplification était énorme. Tout le « presbytérium » unanime du diocèse présenté par La Croix comme engagé dans une « réaction qui se fait vive ». Cela créait un climat propice à une opération d’agitprop. Elle n’a pas tardé. La pétition provenant de « laïcs du diocèse » a été lancée le 22 septembre.
La création de l’IBP, assure la pétition, « n’avait pas été précédée de consultation et de concertation mais plutôt d’une désinformation ». Le cardinal Ricard a cru bon de confirmer à demi-mot cette allégation dans son bulletin diocésain L’Aquitaine (cité par La Croix du 6 octobre) : « Il est important que les préalables mis à la reconnaissance de cet Institut soient mieux connus. J’aurai l’occasion moi-même d’aller à Rome et de demander une information complémentaire.» Cela cadre mal avec ce qu’il avait dit dans La Croix du 11 septembre : « J’ai été averti au mois de mai. » Et cela cadre encore plus mal avec le décret d’érection promulgué le 8 septembre par le saint-siège, où l’on peut lire : « L’archevêque lui-même, convaincu de la grande utilité de tels coopérateurs, reçoit dans son diocèse cette communauté en lui confiant l’église Saint-Eloi. » Sur le point de savoir, comme le lui demandait La Croix du 11 septembre, si le Cardinal a été « tenu informé », il est donc légitime de poser la question : qui dit la vérité, et quand ?
S’il n’y avait rien d’autre dans l’opération subversive, tout cela resterait quasiment anecdotique. Mais, habilement englobée dans une doucereuse confiture verbale,la pétition exige la convocation d’un « conseil pastoral diocésain exceptionnel » et que jamais rien ne soit fait désormais dans l’Eglise « qu’en associant les Eglises diocésaines aux décisions qui les concernent ». Bref, l’agit-prop cherche à introduire la démocratie participative dans l’Eglise : « pour que l’Eglise continue à s’ouvrir aux cultures de ce temps ». Tiens donc !
Surnageant au milieu de la confiture, la flèche qui vise au coeur : l’agit-prop a pour but « que les orientations conciliaires ne soient pas remises en cause au prétexte (sic) d’une réinterprétation des textes de Vatican II ». La réinterprétation n’est pas un prétexte. Elle est une nécessité explicitement annoncée par Benoît XVI dans son discours à la curie de décembre 2005. C’est plutôt l’agit-prop contre la messe traditionnelle qui sert de prétexte et d’occasion pour tenter de stopper ou embarrasser la nécessaire réinterprétation du concile.
En vérité, les deux sont liés, le concile et la messe. Benoît XVI, qui veut réinterpréter le concile, va « libéraliser » – ou plutôt libérer – la messe traditionnelle. Le fond du problème est que depuis quarante ans coexistent dans l’Eglise deux attitudes mentales :
— réinterpréter voire corriger la foi et les moeurs catholiques à la lumière de Vatican II ;
— réinterpréter voire corriger le concile pastoral Vatican II à la lumière de la foi de l’Eglise.
Deux attitudes inverses, et inconciliables.
JEAN MADIRAN
Article publié dans PRESENT NUMÉRO 6190 du VENDREDI 13 OCTOBRE 2006