21 octobre 2006

Messe tridentine - «Une situation grave et préoccupante»
Olivier Figueras - Present daté du samedi 21 octobre 2006 - mis en ligne sur leforumcatholique.org
C’est en propres termes le jugement que Mgr Dagens, l’évêque d’Angoulême, porte sur l’intention de plus en plus claire du Pape de libérer le rite de la messe dite de saint Pie V. « Si jamais, confie-t-il à La Vie, si jamais on voulait, de manière autoritaire, imposer un biritualisme, on serait dans une situation grave et préoccupante. » Quelle situation ? « Il serait dommageable pour l’authenticité chrétienne et la vie de l’Eglise, précise Son Excellence, que deux rites différents soient les propriétés de groupes catholiques qui les brandiraient comme des étendards. Ou sinon, on n’est plus dans la logique catholique. » Exit donc les vexilla regis… Et il ajoute, de façon quelque peu contradictoire : « Je suis dans l’incertitude de ce qui va être publié. La réalité est que nous, les évêques, nous souhaitons être informés pour exercer notre discernement avec l’évêque de Rome et sous son autorité. »
Sous son autorité… s’il n’est pas autoritaire ?
Cette crainte d’un rapport de forces ne lui est pas particulière. Elle rejoint le constat, exprimé ces derniers jours par Mgr Fellay. Le supérieur de la Fraternité Saint-Pie X (dont nous publierons un entretien dans les prochains jours) n’envisage pas qu’un nouveau Motu Proprio puisse être publié sans provoquer des heurts. Telle est bien l’inquiétude manifestée par l’archevêque de Paris. Mgr Vingt-Trois pose cette (simple ?) question : « Le fond du problème est de savoir comment on va construire une communion de l’Eglise. »
Ce n’est certes pas en exacerbant les oppositions. Or il est manifeste que nombre de clercs, du moins chez nous, ne veulent pas entendre Rome lorsqu’elle souligne que la messe tridentine est « un trésor de l’Eglise tout entière ». Une trentaine de jeunes prêtres français vient ainsi de souligner qu’ils sont « à l’aise avec l’esprit de notre temps », et que la décision de les « replonger dans une vie liturgique d’un autre âge » risquerait de rompre l’équilibre « entre la fidélité au Christ et l’actualité du monde ».
C’est manifester une bien grande méconnaissance de ce qu’ils appellent dédaigneusement un autre âge ; et plus encore de cette affirmation – récurrente – de l’Evangile de saint Jean : « Je leur ai donné ta parole ; et le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. »
Certains vont plus loin encore, n’hésitant pas à user de menaces. Ainsi un prêtre lyonnais, sous couvert de l’anonymat, affirme : « Certains fidèles me disent qu’ils se posent la question d’aller chez les protestants ; des prêtres se demandent s’ils vont continuer leur ministère si l’intention du Pape devenait effective. » Et il ajoute : « Cette histoire de messe en latin, après la création de l’Institut du Bon Pasteur, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : on réveille de vieux démons. » Une expression curieuse pour qualifier la messe que l’Eglise (latine) a célébré depuis toujours…
A Vérone, jeudi, Benoît XVI a souligné « la gravité du risque de se couper des racines chrétiennes de notre civilisation ». La situation est effectivement grave et préoccupante si certains, parmi nos clercs, n’en prennent pas conscience…
OLIVIER FIGUERAS
Article paru dans PRESENT daté du samedi 21 octobre 2006, NUMÉRO 6196, p.1