La messe traditionnelle toujours en question |
Jean Madiran dans present.fr - 4 octobre 2006 Mis en ligne par le Forum catholique |
La messe traditionnelle toujours en question Avec son numéro d’octobre, la revue La Nef fait une intervention militante parmi les émois et commentaires que suscite l’érection par le Saint-Siège de l’Institut du Bon Pasteur, ayant à sa tête l’abbé Philippe Laguérie. « Militante », cette intervention, elle l’est en faveur des communautés célébrant la messe traditionnelle « qui, écrit Loïc Mérian, président du Ciel, depuis près de vingt ans ont choisi de ne pas rompre avec Rome et qui subissent avec difficulté [de la part de la conférence épiscopale] une politique d’apartheid en France. » Pour sa part l’Institut du Bon Pasteur, avec les abbés Laguérie, Aulagnier, Guillaume de Tanoüarn et Christophe Héry, a la faculté de célébrer la messe et les sacrements selon les rites traditionnels non point en vertu d’un « indult » relevant du motu proprio Ecclesia Dei, mais comme un droit et un devoir excluant toute célébration selon les rites de Paul VI : le missel de 1962 est reconnu comme « rite propre » de l’Institut. Le directeur de La Nef, Christophe Geffroy, pose la question au cardinal Ricard : « Ne faudrait-il pas aussi commencer par répondre aux aspirations de ceux qui, dans l’esprit de l’Eglise et l’obéissance, devraient poser le moins de problèmes ? » Ces questions viennent en effet à l’esprit, et La Nef a eu raison de les énoncer publiquement. On ne gagnerait rien à faire comme si elles n’existaient pas. Loïc Mérian demande : « Pour bénéficier d’un tel statut généreux, faut-il occuper des églises ? » Il est manifeste que pour le moment la réponse est oui. Ce n’est cependant pas une condition suffisante ; mais il apparaît que jusqu’ici c’est sinon une condition nécessaire, du moins une circonstance favorable. Ainsi va souvent le train des choses dans la réalité de ce monde, où ce n’est pas uniquement par raison démonstrative que l’on arrive à être entendu. Le bénéfice d’un « indult » ou la jouissance reconnue d’un « rite propre » ne sont pas deux situations incompatibles. On peut les cumuler. Telle communauté officiellement classée au nombre des « communautés Ecclesia Dei » s’en tenait au rite traditionnel avant l’indult et s’y tiendrait toujours si l’indult lui était retiré. L’indult d’origine pontificale peut être une commodité pour passer outre à la mauvaise volonté de la conférence épiscopale ou pour ménager sa susceptibilité. L’Institut du Bon Pasteur n’est pas la première communauté à qui le Saint-Siège ait reconnu l’inscription dans ses constitutions du rite traditionnel comme « rite propre » : je suppose que si, dans tel cas précédent, un indult s’y est surajouté, c’est simplement par respect des convenances françaises. Mais je voudrais surtout remarquer qu’en l’occurrence le point de vue de La Nef est celui des « aspirations » auxquelles « répondre » avec plus ou moins de « générosité ». C’est un point de vue légitime, et qu’un sage gouvernement ne saurait entièrement méconnaître. Ce n’est pas, ce ne peut pas être le point de vue décisif. La question de la messe traditionnelle n’est pas essentiellement celle du nombre ou du comportement de ceux qui la réclament. Elle mérite d’être réclamée non pas comme une faveur ou comme une autorisation facultative, arbitrairement consentie ou refusée. Elle a été frappée d’une interdiction illégale, injuste, nulle de plein droit. Elle était le fait d’une coutume immémoriale que le Pape lui-même ne pouvait abolir, à moins de la déclarer intrinsèquement mauvaise. Si on la demande, si on la réclame, ce n’est point parce que la hiérarchie ecclésiastique aurait le droit de la refuser, c’est pour que lui soit rendue par toute la hiérarchie sa place légitime et sa primauté d’honneur. La clef de la question de la messe, c’est qu’à l’interdiction impie il fallait dire, et nous l’avons dit : Non licet. JEAN MADIRAN |