25 octobre 2006

[Armoricus - Bulletin de Sainte-Anne] Tableau d'une certaine rentrée pour les Traditionalistes qui pourraient être perplexes

SOURCE - Armoricus - Bulletin de Sainte-Anne (n° 181) - octobre 2006

Que profitera à un homme de gagner tout Rome s'il y laisse miner sa Foi? (Mgr Williamson interrogé dans "Minute", 8 mars 2006)

Comme en toutes choses, cette rentrée 2006 présente des aspects positifs ainsi que d'autres plutôt négatifs, sinon à usage médiatique avec le parti pris hypocrite de stigmatiser la Fraternité Saint Pie X.

Commençons par les aspects positifs. Le plus hautement positif nous est fourni par les chiffres de la rentrée de nos séminaires.

Il entre 25 séminaristes, en première année à Flavigny, dont 20 Français , y compris deux frères.

Il entre 11 diacres, en dernière année à Ecône, y compris deux bénédictins de N.D. de Bellaigue.

Puis vient un événement, en apparence anodin, mais qui marque chez Sa Sainteté Benoît XVI une volonté certaine de remettre de l'ordre précisément à propos des questions liturgiques. Il s'agit de la réhabilitation de Mgr Domenico Bertolucci, ancien maître de chapelle de la Sixtine.

L'information a été donnée sur le site Internet Sandro Magister du Vatican et a été aussitôt amplifiée et relayée par un journal italien à grande diffusion, La Stampa.
 
Mgr Bertolucci, aujourd'hui âgé de 90 ans, mais ayant conservé bon pied, bon œil et surtout bonne oreille, revient de loin. Nommé maître de la chapelle Sixtine, en 1958, par Pie XII, il s'était vu marginalisé puis évincé par le détestable cérémoniaire pontifical, Mgr Pietro Marini, à propos duquel nous avons déjà attiré l'attention de nos lecteurs.

Mgr Bertolucci avait eu le tort d'avoir critiqué, entre autres sur le fond, le principe du concert de variétés proposé chaque année à Notre Saint Père le Pape, pour Noël, dans la salle Paul VI du Vatican. Ce concert avait fini par rassembler des vedettes internationales et italiennes pour ce qui n'était plus que l'ombre du concert spirituel prévu au départ, devenu un salmigondis plus ou moins pop sous couvert de gala de bienfaisance.

Non seulement Sa Sainteté Benoît XVI a pris la décision de supprimer le concert, auquel il n'a pas assisté en 2005, mais il a demandé en juin 2006, à Mgr Bertolucci de donner un concert spirituel à la chapelle Sixtine combinant des morceaux de grégorien, des polyphonies de Palestrina et même des compositions contemporaines mais d'un classicisme rigoureux.

Le commentaire qu'en donna Sa Sainteté Benoît XVI, pianiste accompli (tout comme jadis Pie XII était un violoniste averti) a été parfaitement net: 

Toutes les œuvres que nous venons d'écouter... concourent à confirmer la conviction que la polyphonie sacrée, en particulier celle de ce qu'on appelle "l'école romaine", constitue un héritage qui doit être préservé avec soin, gardé vivant et mieux connu, pour le bénéfice non seulement des savants et des spécialistes, mais de la communauté ecclésiale dans son ensemble… Une mise à jour de la musique sacrée ne pourra avoir lieu que dans le lignage de la grande tradition du passé, celle du chant grégorien et de la polyphonie sacrée.

On retiendra également, parmi les propos émaillant en ligne, un entretien donné sur le site Sandro Magister par Mgr Bertolucci lui-même, son verdict à propos des chants d'église actuels: La faute en incombe surtout aux pseudo intellectuels qui ont manigancé cette dégénérescence de la liturgie, et, partout de la musique, en renversant et en méprisant l'héritage du passé avec l'idée d'obtenir on ne sait quel avantage pour le peuple.

Il a complété son propos en déclarant encore: Cette nouvelle liturgie est un brouhaha discordant et il ne sert à rien de dire que c'est faux… Dites moi, s'il vous plaît, comment il est possible de donner un credo ou même un gloria? ( on songe, ici, à la Messe de Marienfield, orchestrée par Mgr Marini, le 21 août 2005!) Il nous faudrait d'abord, au moins pour les messes solennelles des fêtes, une liturgie qui donne à la musique sa vraie place et s'exprime dans le langage universel de l'Église: le latin. 

La conclusion tient en ces termes: Aujourd'hui on obéit à ce slogan: "allez vers le peuple, regardez le dans les yeux", mais ce n'est qu'un tas de paroles creuses. Ce faisant, nous finissons par nous célébrer nous-mêmes, et, le mystère et la beauté de Dieu nous sont cachés. Un évêque africain me dit un jour: "Nous espérons que le Concile n'enlèvera pas le latin de la liturgie, car sinon, dans mon pays, un Babel de dialectes va s'affirmer." 

S'agissant des aspects plutôt négatifs de la rentrée, on retiendra surtout, en dépit des apparences, l'annonce de la reconnaissance de l'Institut du Bon Pasteur comme Institut de Droit Pontifical. D'aucuns la prendront comme "une nouvelle victoire de la Messe de saint Pie V", pour reprendre la formule lancée par l'abbé Aulagnier, en février 2002, dans le no 72 de Nouvelles de Chrétienté.

À cette époque, à la faveur d'un voyage à Campos, au Brésil, il avait cru pouvoir forcer la main de Mgr Fellay à propos des rapports de la Fraternité avec le Vatican.

On connaît ce que fut, hélas, la suite pour l'ancien supérieur du district de France.

Les choses ne s'arrêtèrent pas là ; certains décidèrent de s'engouffrer plus tard dans la brèche à sa suite, entre autres, l'abbé Philippe Laguérie et l'abbé de Tanoüarn.

Le second crut bon, en prenant fait et cause pour le précédent dans sa critique du Séminaire d'Écône de transformer, pour ce faire, sa revue "Certitudes" en "Objections". On notera que ce nouveau titre, des plus ambigus, marque une régression en même temps qu'une déclaration de guerre... On n'est plus aux temps des certitudes mais à celui des objections!

Sans vouloir nous étendre plus longtemps sur ces comportements hasardeux et regrettables, nous préférons insister sur le côté passablement équivoque du communiqué du centre Saint-Paul (regroupant les abbés Aulagnier, Forestier, Héry, Philippe Laguérie et de Tanoüarn).

Celui-ci indique que les membres du nouvel institut: autant qu'il est en eux (?),sont engagés par une «critique sérieuse et constructive» du concile Vatican II, à permettre (!) au Siège apostolique d'en donner l'interprétation authentique. 

On retiendra, de prime abord, l'énormité en soi de la formule employée: une critique sérieuse et constructive; comme si rien de sérieux n'avait existé, pas même la critique de Mgr Lefebvre! Celle-ci fut inaugurée dès l'ouverture du Concile, en 1962, puis continuée jusqu'à sa mort, en 1991. Elle part de son action au Cœtus Internationalis Patrum à Rome, et fut ensuite inlassablement développée dans ses allocutions et ses livres pendant plus de 30 ans.

Au soir de sa dernière conférence aux séminaristes d'Écône, le 11 février 1991, il concluait, sans détours à ce que l'on assistait à la mise en place d'une autre religion.

On peut imaginer, pour prendre deux exemples, que le livre intitulé, C'est moi l'accusé qui devrait vous juger, tout comme Marcel Lefebvre, Une vie par Mgr Tissier de Mallerais, fournissaient par la suite une critique des plus sérieuses et des plus constructives.
Il n'y avait, dès lors, aucun risque de tomber dans les restrictions obligées qui brideront incessamment les professions de foi de l'Institut du Bon Pasteur C'est aussi nier l'exégèse fournie sans relâche par le Courrier de Rome, Dici, Nouvelles de Chrétienté, le Sel de la Terre et Fideliter et le site Internet de la Porte Latine pour ne citer que les publications parmi les plus sérieuses de la Tradition.

On me permettra donc de douter que cette critique sérieuse et constructive ambitionnée par les membres de l'Institut du Bon Pasteur puisse: devenir entre les mains des disciples du Christ, une arme de guerre pour l'Église, pour le salut des âmes et le règne du Christ-Roi, comme l'écrivait récemment l'abbé de Cacqueray à propos du bon emploi de l'Histoire.

Il est clair que cette formule qui se veut aussi énigmatique que prudente… s'éloigne de façon impressionnante (pour reprendre une formule célèbre du cardinal Ottaviani à propos de la Messe de Paul VI) des principes de la Fraternité Saint pie X pour qui le Concile demeure la pierre d'achoppement… ce tabou qu'on essaie de placer en dehors de toute discussion .

Mgr Fellay, dans le no 97 de Nouvelles de Chrétienté de janvier-février 2006, n'a pas esquivé, lui, de poser l'essence même du problème: Chacun, à sa place, se trouve devant un problème de conscience inouï, jamais vu. Chacun est laissé comme seul devant ce choix qui sera un choix personnel. Il doit se décider ou continuer avec le risque de l'erreur ou rejeter ce risque et donner l'impression de se détacher de l'Église. 

Plus prosaïquement le communiqué du Vatican, Agence I.Media, du 8 septembre 2006, démontre parfaitement qu'est rééditée, quasiment à l'identique, la démarche qui avait consisté à instaurer, en juillet 1988, la Fraternité Saint-Pierre, dans l'espoir de siphonner la Fraternité Saint Pie X après les sacres.

En réalité, ne tentait-on pas déjà, sous les apparences d'une mansuétude bienveillante de "Diviser pour régner" ? Aujourd'hui, le procédé est réemployé face au nouveau mandat de Mgr Fellay, flanqué de deux assistants nouveaux, qui l'établit, de façon bien embarrassante, comme l'interlocuteur incontournable dans le dialogue entre le Vatican et la Fraternité Saint Pie X.
 
Il apparaît que la nomination de l'abbé Philippe Laguérie à la tête du nouvel institut est la récompense du procès scandaleux intenté au séminaire d'Écône. Le "bouillonnant" supérieur général (aux termes mêmes de l'Agence I.Media) ne se rend hélas même plus compte qu'il s'est dressé contre ce qui était au cœur même de la pensée de Mgr Lefebvre quand il a fondé la Fraternité: l'œuvre des séminaires.

De façon significative, le terme d'exclu est inlassablement martelé dans le communiqué précité: ...le cardinal Hoyos a approuvé les statuts du nouvel institut qui a pour supérieur un prêtre "exclu de la Fraternité..." ...Rome a choisi de négocier avec des "exclus" de la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre plutôt qu'avec la Fraternité elle-même...(!!!) ...les prêtres qui composent la nouvelle institution traditionnelle (sic) ont tous été "exclus" de la Fraternité Saint Pie X.

Belle référence, en vérité, que d'avoir manqué à la mémoire de leur évêque consécrateur, à l'idéal de la Fraternité et d'avoir été sanctionnés par le successeur du fondateur!

Aussi bien n'est ce pas non plus un hasard, si ces prêtres s'affranchissent du patronage de saint Pie X.

On trouve dans un texte important du saint pape, Haerent Animos, donné le 4 août 1908 pour le cinquantième anniversaire de son sacerdoce, une apostrophe redoutable qui nous semble s'adresser à eux: Croyons-nous que Dieu soit déterminé par nos qualités naturelles? 

Il y a vingt-deux ans, Mgr Lefebvre déclarait: Si mon œuvre est de Dieu, il saura la garder et la faire au bien de l'Église. Notre Seigneur nous l'a promis: les Portes de l'Enfer ne prévaudront pas contre elle.

Veillons et prions car comme l'avait bien précisé, en mars 2006, à "Minute" (traduisez, l'abbé de Tanoüarn), Mgr Williamson: ...La Rome du Concile n'a pas changé, le dogme de la foi est toujours miné... ...Dieu ne nous oublie pas… Il nous sauvera à l'heure indiquée... ...Le Supérieur Général aura à piloter la petite barque de la Fraternité parmi les vagues de plus en plus fortes... ...La Fraternité est à une croisée des chemins… ou elle prend la route héroïque des cimes ou bien elle prend la route du confort et de la facilité en se compromettant avec l'Église conciliaire. Elle sera peu à peu abandonnée par les brebis qui ne reconnaîtront pas en elle la voix du Divin Maître.

En s'exprimant ainsi, Mgr Williamson a voulu s'appuyer sur l'avertissement solennel donné par le Christ lui-même: Je suis le Bon Pasteur. Et je connais mes brebis et mes brebis me connaissent… il y aura UN seul troupeau et UN seul pasteur. (Jean X, 11-16)

Cet avertissement n'est-il pas accablant au regard des fruits d'un certain concile qui semble avoir trop souvent altéré le Divin Message?

Armoricus