Itinéraires, n° 288 - Décembre 1984
1969
3 avril 1969
- Constitution Apostolique Missale romanum de Paul VI approuvant une nouvelle messe (1).
(1) Note sur la portée juridique de la Constitution Apostolique « Missale Romanum » du 3 AVRIL 1969.
A) Nous disons bien : approuvant et non pas promulguant. La « promulgation » (une « promulgation »... sans publication !) fut opérée trois jours après, le 6 avril, par un décret de la congrégation des rites. Le texte lui-même de la messe ainsi approuvée puis « promulguée » ne fut publié que quelques semaines plus tard par l'imprimerie vaticane, accompagné d'une Institutio generalis qui en expliquait les intentions, les principes et les normes.
B) La bulle Quo primum de saint Pie V n'était pas abolie par ces décrets : son abolition éventuelle n'aurait pu être qu'explicite, elle ne peut être implicite. Par cette bulle, saint Pie V avait codifié, en 1570, la messe traditionnelle.
Juridiquement, donc, la nouvelle messe de Paul VI ne peut être considérée que comme une dérogation particulière aux prescriptions non abrogées de la bulle Quo primum.
C) La nouvelle messe de Paul VI et son Institutio generalis furent plusieurs fois retouchées après l'« approbation » du 3 avril et la soi-disant « promulgation » du 6 avril 1969 ; l'édition « typique », c'est-à-dire officielle, ne parut qu'en mars 1970.
D) Encore tout récemment, le P. Joseph de Sainte-Marie, OCD, est revenu sur cette cascade d'anomalies (La Pensée catholique, numéro 212, de septembre-octobre 1984) : « Le début de cette instruction [celle du 20 octobre 1969] parle de la constitution apostolique « Missale romanum » comme ayant simplement « approuvé le nouveau missel romain » : approuvé et non promulgué. Et comment aurait-elle pu promulguer un missel qui n'existait pas encore ? Il reste déjà suffisamment anormal qu'elle ait couvert de son autorité, le livre fondamental de la liturgie catholique selon une édition qui fut retouchée plusieurs fois entre cette « approbation », qui lui était donnée comme un chèque en blanc, en quelque sorte, et sa publication effective (...). C'est l'un des autres aspects de ce drame : les nombreuses irrégularités de toutes sortes qui entachent ces documents. La précipitation et le désordre dans lesquels ils furent publiés le fait soupçonner ; leur analyse attentive le confirme. C'est ainsi que la constitution du 3 avril « approuvait » un Ordo Missae et une Institutio generalis qui n'étaient publiés que plusieurs semaines après et qui subissaient, entre temps, de nombreuses retouches. Mais surtout, cette constitution « approuvait » un missel dont la première édition typique ne voyait le jour qu'un an plus tard, au terme d'une lutte intense... »
E) Le titre même de la constitution apostolique Missale romanum du 3 avril 1969 disait pourtant bien sa volonté de PROMULGUER : « Constitutio apostolica qua missale romanum ex decreto concilii oecumenici Vaticani Il instauratum PROMULGATUR. » - Mais lorsque le 26 mars 1970 un « décret » de la congrégation du culte PR0MULGUE l'édition officielle du nouveau missel, la première phrase de ce décret indique que la constitution apostolique Missale romanun du 3 avril 1969 avait APPROUVÉ les textes du missel en question : approuvé et non promulgué. Le décret figure à la première page de ladite édition officielle ; à la seconde, la constitution apostolique avec son titre inchangé et son « PROMULGATUR » démenti mais maintenu...
19 juin 1969
- Note du conseil permanent de l'épiscopat introduisant en France la communion dans la main.
Septembre 1969
- Lettre des Cardinaux Ottaviani et Bacci présentant à Paul VI un Bref examen critique de la nouvelle messe et demandant l'abrogation de cette messe nouvelle.
Publiés en France par la Contre-Réforme catholique de l'abbé Georges de Nantes et par la revue Itinéraires, cette lettre des cardinaux et ce Bref examen critique ont fait ensuite l'objet d'un tiré à part d'Itinéraires, puis d'un reprint chez DMM.
12 Septembre 1969
- Lettre de Mgr de Castro Mayer à Paul VI.
24 septembre 1969
- Premier article de Louis Salleron, dans l'hebdomadaire Carrefour, contre la nouvelle messe.
25 septembre 1969
- Premier article (anonyme) de l'abbé Raymond Dulac contre la messe nouvelle, dans le Courrier de Rome.
Octobre 1969- Fondation à Fribourg (Suisse) par Mgr Marcel Lefebvre, avec neuf séminaristes, de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X.
- Prise de position très détaillée de l'abbé Georges de Nantes, dans la Contre-Réforme catholique, contre la nouvelle messe.
20 octobre 1969
- Circulaire du Saint-Siège sur l'application progressive de la constitution apostolique Missale romanum.
Novembre 1969- La revue « théologiques », selon la doctrine commune de l'Eglise, « sur quelques questions téméraires publie des « précisions actuellement controversées. - Le pontife romain, tête de l'Eglise. – II. - Les défaillances éventuelles du pontife romain. » : - III. - Le cas d'un « mauvais pape». - IV. - Le cas d'un « pape hérétique ». - V. - Le cas d'un « pape schismatique » (selon Suarez, un pape peut être schismatique en « renversant tous les rites traditionnels » ).
1er novembre 1969
- Imprimatur donné au premier Nouveau missel des dimanches (annuel) patronné par l'épiscopat français et contenant page 332, à titre de « rappel de foi indispensable », l'affirmation qu'à la messe « il s'agit simplement de faire mémoire de l'unique sacrifice déjà accompli ».
12 novembre 1969
Ordonnance de l'Episcopat français rendant obligatoire, à partir du 1er janvier 1970, la célébration de la nouvelle messe et l'utilisation de la traduction française établie par la commission épiscopale.
Cette ordonnance était juridiquement schismatique : en effet l'épiscopat français y prétendait décider lui-même, en ne se référant qu'à son propre pouvoir, le changement de rite en France. Il n'invoquait ni la constitution apostolique Missale romanum, ni la circulaire romaine du 20 octobre 1969.
Par cette ordonnance, l'épiscopat français interdisait, en fait, à partir du 1er janvier 1970, le rite traditionnel de la messe et, quel que soit son rite, le latin à la messe.
Décembre 1969- Dans la revue contre l'interdiction de la messe traditionnelle : « Un petit livre rouge ». Itinéraires, éditorial de Jean Madiran
1970
Janvier 1970- Déclaration du P. Calmel, O. P., dans Itinéraires : « Je m'en tiens à la messe traditionnelle, celle qui fut codifiée mais non fabriquée par saint Pie V au XVIème siècle, conformément à une coutume plusieurs fois séculaire. Je refuse donc l'Ordo Missae de Paul VI ».
Février 1970- Dans Itinéraires, l'abbé Raymond Dulac publie contre la nouvelle messe : « Les raisons d'un refus ».
26 mars 1970
- Décret de la congrégation romaine du culte divin promulguant l'édition dite « typique » (c'est-à-dire officielle) de la nouvelle messe (en latin). L'épiscopat français, comme on l'a vu, n'avait pas attendu cette promulgation officielle pour en rendre obligatoire une traduction à sa façon.
Octobre 1970- Ouverture à Ecône, par Mgr Marcel Lefebvre, du Séminaire International Saint-Pie X, où seront instruits et ordonnés de jeunes prêtres pour célébrer la messe traditionnelle.
Décembre 1970- Première édition du livre de Louis Salleron sur (et contre) La nouvelle messe, un volume de 188 pages aux Nouvelles Editions Latines.
1971
9 juin 1971
- Déclaration du Cardinal Ottaviani (publiée dans l'hebdomadaire Carrefour par Louis Salleron qui est allé à Rome interviewer le cardinal) : « Le rite traditionnel de la messe selon l'Ordo de saint Pie V n'est pas, que je sache, aboli ».
14 juin 1971
- Notification de la congrégation romaine du culte divin pour la mise en place de la nouvelle messe (notification superfétatoire pour la France où les évêques ont déjà devancé et dépassé Rome).
Novembre 1971- Le cardinal Heenan, à la demande de la Society, « association pour le rite tridentin » (adhérente à la Latin Mass Fédération internationale fait connaître l'autorisation donnée par Paul VI aux Anglais d'utiliser occasionnellement Una voce), le rite traditionnel de la messe.
1972
10 octobre 1972
- Imprimatur à nouveau décerné au Nouveau missel des dimanches (annuel) de l'épiscopat qui, en sa page 383, réitère le « rappel de foi indispensable » de la première édition, selon lequel à la messe « il s'agit simplement de faire mémoire de l'unique sacrifice déjà accompli ».
27 octobre 1972
- Lettre à Paul VI, de Jean Madiran : « Rendez-nous l'Ecriture, le catéchisme et la messe (...). Rendez-nous la messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V. Vous laissez dire que vous l'auriez interdite. Mais aucun pontife ne pourrait, sans abus de pouvoir, frapper d'interdiction le rite millénaire de l'Eglise catholique, canonisé par le concile de Trente. L'obéissance à Dieu et à l'Eglise serait de résister à un tel abus de pouvoir, s'il s'était effectivement produit, et non pas de le subir en silence (...). Très Saint Père, confirmez dans leur foi et leur bon droit les prêtres et les laïcs qui, malgré l'occupation étrangère de l'Eglise par le parti de l'apostasie, gardent fidèlement l'Ecriture sainte, le catéchisme romain, la messe catholique (...). Laissez venir jusqu'à vous la détresse spirituelle des petits enfants : rendez-leur, Très Saint Père, rendez-leur la messe catholique, le catéchisme romain, la version et l'interprétation traditionnelles de l'Ecriture. Si vous ne les leur rendez pas en ce monde, ils vous les réclameront dans l'éternité... »
Novembre 1972- Première édition de La messe, état de la question, par Jean Madiran.
- Contre la nouvelle messe, Henri Charlier publie dans Itinéraires : « La messe ancienne et la nouvelle », texte qui sera en 1973 édité en opuscule (24 p.) par DMM.
1973
Janvier 1973- « Mise au point » de Mgr Adam, évêque de Sion (Suisse), affirmant qu'« il est interdit, sauf indult, de célébrer selon le rite de saint Pie V, qui a été aboli (sic) par la constitution Missale romanum du 3 avril 1969 ». Mgr Adam précise : « La présente déclaration est faite sur renseignement authentique et indication formelle de l'Autorité. »
Juillet 1973- Communiqué de l'Assemblée plénière des évêques suisses : « I1 n'est plus permis de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V. »
Octobre 1973- Au nom de Mgr Badré, évêque de Bayeux et de Lisieux, le doyen d'Orbec publie un communiqué affirmant : « Le souci d'obéissance à l'Eglise interdit de célébrer la messe selon le rite de saint Pie V dans quelques circonstances que ce soit. »
1974
14 novembre 1974
- Communiqué de l'Épiscopat français qui, pour la première fois, cinq ans après coup, déclare explicitement interdite 1a messe traditionnelle (l'ordonnance du 12 novembre 1969 l'avait effectivement interdite, mais implicitement et par voie de conséquence, en rendant obligatoire la messe nouvelle en français).
Au communiqué est jointe l'Ordonance Épiscopale du 14 novembre 1974, qui «confirme sa décision antérieure », celle du 12 novembre 1969, mais cette fois « en application » de la notification romaine du 14 juin 1971 et non plus de sa propre autorité.
21 novembre 1974
- Déclaration de Mgr Marcel Lefebvre : « Nous refusons de suivre la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s'est manifestée clairement dans le concile Vatican II et après le concile, dans toutes les réformes qui en sont issues. »
1975
Mai 1975- « Condamnation » (la « condamnation sauvage ») du Séminaire international d'Ecône et de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X fondés par Mgr Lefebvre.
29 juin 1975
- Lettre de Paul VI à Mgr Lefebvre : « Le deuxième concile du Vatican ne fait pas moins autorité, il est même sous certains aspects plus important que celui de Nicée. »
11 octobre 1975
- Lettre du cardinal Villot, secrétaire d'Etat, approuvant, au nom de Paul VI, l'édition française du nouveau Missel et assurant que par sa constitution apostolique Missale romanum de 1969, le pape a « prescrit que le nouveau Missel doit remplacer l'ancien ».
Novembre 1975
- Louis Salleron publie La nouvelle messe en quoi (suivie de : Solesmes et la messe), un opuscule de 64 pages (édité par ITINÉRAIRES). En reprint chez DMM.
1976
24 mai 1976
- Discours Consistorial de Paul VI réclamant que la messe traditionnelle ne soit plus jamais célébrée : « L'adoption du nouvel Ordo Missae n'est certainement pas laissée à la libre décision des prêtres ou des fidèles... Le nouvel Ordo a été promulgué pour prendre la place de l'ancien ».
Juin 1976- Cinquième édition, revue et augmentée, de : La messe, état de la question, par Jean Madiran (un opuscule de 80 pages).
25 juin 1976
- Mgr Benelli, de la Secrétairerie d'État, écrit, au nom de Paul VI, à Mgr Lefebvre pour exiger « la fidélité véritable à l'Eglise conciliaire » (sic).
22 juillet 1976
- Paul VI frappe Mgr Lefebvre de « suspense a divinis ».
8 septembre 1976
- A Jean Guitton qui lui demande d'autoriser en France la célébration de la messe traditionnelle, Paul VI répond « sévèrement » : - « Cela, jamais ! »
(Cette violente répartie ne sera rendue publique qu'après la mort de Paul VI, dans le livre de Jean Guitton paru en décembre 1979 : Paul VI secret, p. 158.)
11 septembre 1976
- A Castelgandolfo, Mgr Lefebvre est reçu par Paul VI. Il demande au pape de « laisser faire l'expérience de la Tradition », c'est-à-dire notamment de lever l'interdiction qui prétend frapper la messe traditionnelle. Le pape répond qu'il réfléchira et consultera la curie.
29 septembre 1976
- Achevé d'imprimer de la seconde édition (augmentée) du livre de Louis Salleron : La nouvelle messe, un volume de 256 pages aux Nouvelles Editions Latines.
11 octobre 1976
- Lettre de Paul VI à Mgr Lefebvre exigeant (entre autres) l'abandon total et définitif de la messe traditionnelle.
1977
27 février 1977
- Premier dimanche de Carême : Mgr Ducaud-Bourget, l'abbé Louis Coache, l'abbé Vincent Serralda et les fidèles du rite de saint Pie V s'installent dans l'église Saint-Niclas du Chardonnet à Paris, ainsi rendue, depuis ce jour, au culte traditionnel.
1978
16 juin 1978
- Le cardinal Seper, préfet de la congrégation romaine de la doctrine, intervient de manière pressante auprès de Mgr Lefebvre pour qu'il renonce à ordonner des prêtres fidèles à la messe traditionnelle.
Malgré pressions, menaces et sanctions, Mgr Lefebvre procède aux ordinations, chaque année à Ecône, le jour ou aux environs de la fête des saints apôtres Pierre et Paul (29 juin). Ainsi les célébrations habituelles de la messe traditionnelle se multiplient. Le nombre des prieurés de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X et des jeunes prêtres y exerçant leur ministère augmente régulièrement.
1980
19 juin 1980
- La congrégation romaine du culte (dans une communication qu'elle aurait voulu garder secrète) demande à tous les évêques d'ouvrir une enquête sur la permanence éventuelle d'un attachement à la célébration de la messe en latin et selon le rite traditionnel. Jean Madiran révèle l'existence et le contenu de cette enquête dans ITINÉRAIRES, numéro 246 de septembre-octobre 1980, p. 153 et suiv.
L'enquête sera systématiquement faussée par le fait que les évêques vont omettre ou même refuser d'entendre justement les personnes et les groupes qui demeurent attachés à la messe traditionnelle.
1981
Novembre 1981- Mgr Antonio de Castro-Mayer, évêque de Campos, rend publique sa réponse à l'enquête liturgique en la publiant dans ITINÉRAIRES (numéro 257).
Il y déclare :
1° que conformément à la constitution conciliaire de Vatican Il sur la liturgie, n° 54 et n° 36, les prêtres de son diocèse « maintiennent la coutume de célébrer la sainte messe en latin » ;
1° que conformément à la constitution conciliaire de Vatican Il sur la liturgie, n° 54 et n° 36, les prêtres de son diocèse « maintiennent la coutume de célébrer la sainte messe en latin » ;
2° que conformément au n° 4 de la même constitution conciliaire, qui veut que « tous les rites légitimement reconnus soient conservés et favorisés de toutes les manières », la messe traditionnelle, dite « tridentine », est « célébrée d'une manière générale dans les paroisses du diocèse ».
Décembre 1981
- Publication à Rome des résultats (faussés) de l'enquête liturgique. Conclusion officielle : il n'existe plus aucun problème concernant la messe traditionnelle, presque complètement disparue et presque complètement oubliée.
1983
21 novembre 1983
- « MANIFESTE ÉPISCOPAL ». - Dans une « lettre ouverte au pape Jean-Paul II », Mgr Marcel Lefebvre et Mgr Antonio de Castro-Mayer contestent (entre autres) la « conception protestante de la messe » qui est celle de la messe nouvelle de Paul VI : « La désacralisation de la messe, sa laïcisation entraînent la laïcisation du sacerdoce, à la manière protestante. La réforme liturgique de style protestant est l'une des plus grandes erreurs de l'Eglise conciliaire... »
1984
3 octobre 1984
- Déclarant obtempérer à un désir personnel du pape (« ipse summus pontifex » ), la congrégation romaine du culte, par une lettre aux présidents des conférences épiscopales, donne aux évêques la faculté de permettre, s'ils le veulent, des célébrations de la messe traditionnelle.
Mais la congrégation pose à l'octroi d'une telle permission, cinq conditions absurdes : cinq conditions qui reviennent en somme à ne consentir la messe traditionnelle qu'aux prêtres et aux fidèles qui ne la désirent pas ou ne la souhaitent guère.