31 décembre 2016

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] Quinze Pays

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 31 décembre 2016

La « Résistance » ? Quoi ? Des semailles, pas plus.
Mais très riche moisson, quand Dieu aura voulu.

Le dernier jour de l’année peut être un bon moment pour survoler le champ de bataille du combat de la Foi dans 15 différents pays visités par l’auteur de ce « Commentaire » au cours de l’année 2016. C’est un combat à mener dans des conditions bien difficiles, parce que l’Église catholique comme n’importe quelle organisation humaine dépend de son chef, et le Pape François durant toute cette année a donné l’impression qu’il veut détruire l’Église bimillénaire pour la remplacer par n’importe quoi qui plaise aux foules modernes, c’est-à-dire aux médias, c’est-à-dire aux ennemis de Dieu. En vérité, « Le Pasteur est frappé et les brebis sont dispersées », ce qui inclut actuellement la direction de la Fraternité St Pie X. Mais évoquons plutôt comment de pierres le Bon Dieu suscite dans le monde entier des fils à Abraham (Mt. III, 9), car si ceux-ci se taisaient les pierres mêmes devraient crier (Lc. XIX, 40).

Aux Indes, un ancien prêtre de la Fraternité et un ancien séminariste ordonné prêtre depuis, maintiennent l’unique prieuré et paroisse « Résistante » dans tout le sous-continent. Que Dieu soit avec eux. Au Brésil il semblerait que le sacre épiscopal de Mgr. Thomas d’Aquin ait bien fortifié la défense de la Foi autour de son Monastère. Que Dieu en soit remercié. Le Mexique a toujours été fort dans la Foi, et il est actuellement la base de l’excellent site internet en espagnol, Non Possumus. En Suisse un petit groupe de laïcs est content à l’ombre d’Écône d’entendre des choses qui ne s’entendent plus si souvent au Séminaire lui-même depuis le temps où Mgr Lefebvre y a donné tant à tant d’entre nous. Aux États-Unis, où la Fraternité avait réussi à réimplanter la doctrine anti-libérale de l’Église dans tout le continent, le libéralisme reprend le terrain perdu, grâce au désastreux changement de cap de la Fraternité depuis la mort de Monseigneur. Mais les prêtres du District n’ont pas encore dit leur dernier mot, et parmi eux l’abbé Zendejas, autrefois de leur nombre, travaille courageusement à reconstruire.

Deux autres prêtres autrefois de la Fraternité, les abbés Chazal et Picot, voyagent dans tout l’Orient, y compris en Australie et en Nouvelle Zélande. En Corée du Sud une chapelle Résistante est maintenue dans la capitale, Séoul, par une courageuse convertie. Au Japon les Catholiques ont été décimés par la Deuxième Guerre mondiale, Vatican II et maintenant la glissade de la Fraternité, mais il reste quelques contacts Résistants, y compris un vieux prêtre japonais. Par contre dans le pays le plus catholique d’Asie, les Philippines, l’abbé Chazal administre des douzaines de centres de Messe et un séminaire qu’il sera bien plus facile à servir depuis la récente ordination sacerdotale de l’abbé Jean, né aux Philippines.

En Europe, l’ Irlande a un nouveau prieuré de la Résistance au Sud proche de Cork, et la Pologne a un groupe de Catholiques qui ouvrent les yeux à la glissade dangereuse de la Fraternité vers Rome, mais pour le moment ils n’ont qu’un seul vieux prêtre polonais pour les desservir. Patience. Dans la République tchèque il y a un groupe parallèle de Catholiques dont la foi est forte, et qui mettent leur espérance en des prêtres qui reviennent du Novus Ordo à la Tradition. En Belgique aussi il y a un bon groupe en province qui remonte à un prêtre fidèle qui a laissé derrière lui il y a des dizaines d’années un legs de conviction et piété catholiques. En Allemagne la Résistance décolle lentement à cause d’une obéissance instinctive envers toute autorité, mais cela commence à bouger. En Italie de même le début de la Résistance est lent parce que le conservatisme des Catholiques y a fait que la Révolution Conciliaire n’a point fait rage comme dans les pays du Rhin, par exemple. Mais laissons faire le Pape François !

Et enfin il y a la France qui mène toujours dans l’Église, en bien ou en mal, par exemple par un Mgr Lefebvre ou par un Teilhard de Chardin. Les prêtres français ont toujours été les plus nombreux dans la Fraternité, et ils le sont maintenant dans la Résistance, et des centaines de laïcs français aujourd’hui viennent assister à des conférences régulières sur la doctrine anti-libérale des Papes pré-conciliaires. Mais la France comme pays se disloque actuellement, parce que les Catholiques n’ont pas de bon Pape pour les unir, et les citoyens n’ont pas de Roi catholique pour les rassembler autour de la cause de Dieu. Patience. Dieu va relever la France, et nous tous avec elle.

Kyrie eleison.

[Abbé Christian Bouchacourt, fsspx - Fideliter] Nécessité de l'autorité

SOURCE - Abbé Christian Bouchacourt, fsspx - Fideliter - novembre-décembre 2016

Selon la philosophie politique, une cause essentielle de toute société est « l'unité sociale », c'est-à-dire le fait d'avoir une action commune. Or le principe de cette unité sociale est l'autorité. En effet, un membre d'une société quelconque poursuit spontanément ses buts personnels. Si chacun était laissé à sa volonté propre, il n'y aurait aucune action commune. Le propre de l'autorité, au contraire, est de déterminer l'action commune à laquelle chacun participera, permettant aux membres de « faire société ».
  
Le rappel de ces principes nous fait comprendre que la déliquescence de l'autorité constitue un problème pour une société. Et que cela devient un drame majeur lorsque cette éclipse de l'autorité atteint les sociétés qui construisent l'être humain, principalement la famille, la Cité et l'Église.
  
Or, c'est malheureusement ce que nous vivons aujourd'hui. Nous subissons la ruine de l'autorité : les chefs renoncent à commander, les sujets refusent d'obéir. Dans la famille, les parents démissionnent tandis que leurs enfants contestent. Dans les associations civiles, les entreprises, personne ne veut obtempérer s'il n'a examiné auparavant l'ordre donné, tandis que les chefs évitent de commander et « ouvrent le parapluie ». Dans la Cité, les élus sont à la remorque des électeurs, tandis que ces derniers se rebellent à tout instant.
  
Mais c'est le cas aussi, hélas !, dans l'Église. Les autorités ecclésiastiques, qui possèdent pourtant le triple pouvoir législatif, judiciaire et exécutif, au lieu d'éclairer, de commander, de sanctionner quand il le faut, se mettent à la remorque de leurs ouailles voire, ce qui est pire, du monde ennemi de Dieu. « Qui suis-je pour prescrire, pour juger ? », semblent-elles nous dire, alors qu'elles sont tout simplement... des autorités, instituées par Dieu pour cela.
  
Les conséquences de cette destruction de l'autorité sont terribles. D'abord, puisque l'autorité est la cause de l'unité sociale, l'absence d'une autorité claire et ferme engendre le fractionnement de la société. Chacun « fait ses petites affaires » dans son coin, tandis que le bien proprement commun est négligé voire contredit.
  
Ensuite, cela crée un trouble profond dans la société. Le 13 juin 1849, le Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte proclamait : « Il est temps que les bons se rassurent et que les méchants tremblent. » Quoi qu'il en soit du futur « Empereur des Français », ce slogan décrit l'ordre normal d'une société. Au contraire, lorsque l'autorité se délite, la situation inverse s'installe : les méchants prennent de l'assurance dans leurs méfaits, tandis que les bons se découragent et se mettent à craindre. Pis que cela, cet affaiblissement de l'autorité bloque la société, car les hommes moyens, ni bons ni mauvais pourrait- on dire, du fait qu'ils ne sont plus dirigés, tombent dans la négligence. L'activité de toute la société ralentit, l'inertie (symptôme de mort) gagne progressivement.
  
Finalement, en raison des conséquences du péché originel, l'homme qui ne sent plus au-dessus de sa tête le regard d'un chef aussi juste que vigilant se laisse aller, et il tombe progressivement dans des fautes dont une autorité digne de ce nom l'aurait préservé. Saint Thomas d'Aquin, parlant de la désobéissance, note d'ailleurs en substance (Somme théologique ii-ii, q. 105, a. 2) que le précepte de l'autorité est un grand obstacle au péché.
  
Cette déliquescence de l'autorité, un des pires malheurs qui puissent frapper la société humaine, est un châtiment de Dieu, en raison des nombreux crimes dont les hommes se sont souillés devant sa face. Le prophète Isaïe, annonçant les malheurs futurs de Jérusalem, conséquence de ses fautes, déclarait en effet de la part de Dieu : « Je leur donnerai des enfants pour princes » (Is 3, 4). Dire d'une société que son roi est un enfant signifie que le chef est incapable d'exercer pleinement son autorité. Et l'Ecclésiaste nous explique ce qu'il faut penser d'une telle perspective : « Malheur à toi, terre dont le roi est un enfant ! » (Ec 10, 16)
Ne nous laissons donc pas emporter par cette vague de mépris et de contestation de l'autorité. Ce n'est pas un esprit catholique. L'esprit catholique, au contraire, est, chez les sujets, une disposition de profonde obéissance aux supérieurs légitimes agissant légitimement, et ceci par imitation du Christ obéissant jusqu'à la mort, comme par soumission à Dieu car « toute autorité vient de Dieu » (Rm 13, 1-7).
Quant à ceux qui ont reçu l'autorité, ils doivent courageusement et humblement « remplir tous les devoirs de leur ministère », « reprendre, exhorter, menacer, en toute patience et doctrine », même si le temps semble venu où les hommes rejettent la saine doctrine et veulent vivre selon leurs désirs sans supporter aucune autorité (2Tm 4, 1-5).
  
Prions donc pour obtenir du Ciel des élites dignes de ce nom, de vrais chefs capables de prendre leurs responsabilités et d'exercer avec justice et force leur autorité dans la Cité et dans l'Église, pour le bien de tous et la gloire du Seigneur.

[Abbé Bouchacourt, fsspx - Fideliter] Le District de France : 40 ans déjà!


SOURCE - Abbé Christian Bouchacourt, fsspx - Fideliter - Propos recueillis par l'abbé Philippe Toulza - novembre-décembre 2016

Voici donc quarante années que le district existe. Quelle est votre première réflexion à cette occasion?
C'est d'abord l'action de grâces, tout d'abord pour l'impulsion donnée par notre fondateur, Mgr Marcel Lefebvre, au moment de l'été « chaud », en 1976, et la messe de Lille… tout est parti de là. Nous remercions le bon Dieu pour la Fraternité qui n'a cessé de se consolider par la suite, dans un monde qui se déchristianisait et qui apostasie. Nous remercions également le Ciel pour toutes les bénédictions qu'il a versées sur nous pendant ces quatre décennies.

Rien n'aurait été possible sans ces anciens, prêtres amis, fidèles, associations de laïcs. En particulier, il ne faut pas oublier ces prêtres qui, dans toutes les régions de France, ont énormément souffert, pendant le concile Vatican II, et ensuite des ravages du modernisme. Ici et là, prêtres et fidèles ont d'abord maintenu la Tradition localement. Puis la Fraternité est arrivée, elle a trouvé grâce à eux un terrain favorable, ils l'ont soutenue. De nombreuses vocations sont venues de ces familles.
Quels progrès majeurs peut-on retenir de ces quarante années d'apostolat ?
Je dirai : la pénétration en France du catholicisme traditionnel par capillarité. En effet, le tissu chrétien s'était déchiré avec le concile. Par le biais de la Tradition, il se reconstitue doucement.

Ce qui est très beau, ce sont d'abord les familles. Les parents accueillent généreusement les enfants que le bon Dieu leur envoie, font de gros sacrifices pour l'éducation de leurs enfants. Peu à peu des foyers authentiquement catholiques se recréent, d'où sortent d'autres foyers, ainsi que des vocations religieuses et sacerdotales. Les parents reprennent le combat de ceux qui les ont précédés.

Les écoles ont également beaucoup fait progresser la reconquête : écoles de la Fraternité Saint-Pie X, cours des dominicaines enseignantes, etc., qui sont indispensables pour retisser la chrétienté, pour reconstituer, de concert avec les parents, une petite élite catholique qui se met à rayonner dans la société, dans les métiers (artisans, ouvriers, professions diverses). Monsieur Adrien Bourdoise, fondateur du séminaire de Saint-Nicolas-du- Chardonnet à Paris, disait que les écoles sont le « noviciat du christianisme ».

C'est cela, la reconstitution par capillarité. Ces petites lumières brillent dans l'obscurité, ravivent l'espérance. Bien entendu, le district a connu l'épreuve, d'autant plus que l'Église subit une tempête sans précédent, et comme nous sommes dans l'Église, nous sommes aussi dans la tempête. Parmi les épreuves, il y a par exemple la douleur de voir le départ de certains confrères. Sur une ligne de crête, certains glissent à droite, d'autres à gauche. Et nous avons une pensée et une prière pour tous les membres de la Fraternité qui sont décédés.

L'histoire de la Fraternité est un chapelet d'épreuves, il en est évidemment de même pour le district de France. Mais notre communauté est toujours sortie renforcée de ces peines.
Quelle est la mission propre à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X ?
Bien avant le début de la crise dans l'Église, Mgr Marcel Lefebvre avait souhaité fonder une oeuvre pour la formation et la sanctification des prêtres. Cependant, après le concile Vatican II, lorsque la messe et le sacerdoce ont été mis en péril, il a été conduit à fonder cette oeuvre, afin de maintenir le sacerdoce et la messe traditionnels.

On peut dire donc que c'est à l'occasion de la crise que la Fraternité est née, mais pas d'abord afin de s'opposer à cette crise. Sa fin première est la sanctification du sacerdoce. Toutefois, parce que cette sanctification est empêchée par les méfaits postconciliaires, et à cause des mauvaises nouveautés, la résistance au modernisme s'est trouvée au coeur de la Fraternité et y demeure encore aujourd'hui.

Les séminaires dans les diocèses se vident. On voit ainsi que le concile a atteint l'Église au plus profond. Mais dans nos maisons de formation, les vocations continuent d'entrer. C'est un « miracle » de la grâce que ces jeunes quittent un monde comme le nôtre pour se donner ainsi à Dieu. Il faut rendre grâces pour cela. De la sanctification des prêtres découle la qualité des âmes qui viennent à eux, et la valeur de notre pays.

Les séminaires, dans la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, ne dépendent pas du supérieur du district où ils se trouvent. Ils sont internationaux et dépendent de la Maison Générale. Cependant, beaucoup de séminaristes, dans notre séminaire de Flavigny-sur-Ozerain, sont français. Pour un supérieur de district de France, Flavigny est comme « la prunelle de ses yeux ». C'était pareil en Argentine, où j'ai été supérieur de district auparavant : il y avait un séminaire près de Buenos Aires, et comme supérieur de district je m'y intéressais beaucoup, pour les mêmes raisons. Un séminaire, c'est, pour un district, le signe de l'espérance.
Au sein de la Fraternité, ce district a-t-il une physionomie particulière ?
Aucun district ne ressemble tout à fait à un autre. Clovis a été baptisé par saint Rémi. La France a une physionomie et une mission particulières dans l'Église : elle est comme sa « fille aînée ». Alors bien sûr le district a aussi une physionomie particulière. On peut déjà remarquer que la résistance aux réformes est partie de la France. Du reste, notre fondateur était français. Parmi les premiers prêtres de la Fraternité, beaucoup sont français. Et c'est en France que la réaction contre Vatican II a été la plus vive et la plus forte.

C'est un fait que, à l'étranger, en Amérique du Sud par exemple, on regarde la vie de la Tradition en France, on s'intéresse à ce qui s'y passe et à ce qui en sort.
Pourriez-vous nous présenter le district en quelques mots ?
C'est comme un magnifique navire, qui va au grand large, à la conquête des âmes, pour les donner à Dieu. D'ardents soldats travaillent sur le pont. Il compte environ 160 prêtres, un peu plus de 30 frères. Nos frères sont les auxiliaires des prêtres et travaillent avec une générosité admirable. Le district est aussi riche d'une quinzaine d'oblates qui aident nos prêtres dans la discrétion. Et puis voici la cohorte des membres du Tiers-Ordre, qui sont environ 600. Ces fidèles vivent dans le monde mais prient pour nos prêtres, offrent leur vie, leurs devoirs d'État pour la sanctification de leurs pasteurs. Ils participent aux biens spirituels de notre famille.

Les premières associées du district, ce sont les Soeurs de la Fraternité qui sont attachées à nos prieurés, à nos écoles, à nos maisons en général. Cette congrégation représente une magnifique aide pour nos prêtres. Elles sont un peu l'âme de nos établissements, elles prient pour nous, participent à notre apostolat, nous soulagent des tâches matérielles aussi.

Parmi les communautés religieuses distinctes de la Fraternité proprement dites mais qui sont nos amies, je veux citer en particulier les communautés contemplatives ou semi-contemplatives. Elles ont un rôle capital mais caché. Monseigneur Lefebvre, partout où il a été évêque « ordinaire », a voulu des communautés contemplatives pour attirer les grâces sur son diocèse. Au risque d'en oublier, je citerais les carmélites, les clarisses, les dominicaines contemplatives, les bénédictines, et aussi le Trévoux.

Et je ne parle pas des autres communautés : communautés religieuses féminines actives (dominicaines enseignantes, Soeurs de Saint-Jean-Baptiste dites « du Rafflay », religieuses de Mérigny) et les communautés masculines qui marchent dans le même sens que nous, à Morgon, Bellaigue, Mérigny, Caussade, et celles que, peut-être, hélas j'oublie.
Il y a aussi les oeuvres pour les fidèles ?
Effectivement, il ne faut pas oublier les multiples oeuvres apostoliques qui se développent dans le district (Croisade Eucharistique, scouts, MJCF, confréries, conférence de Saint-Vincent-de-Paul, Milice de Marie, Milice de l'Immaculée…)

On peut mentionner aussi les grands rendez-vous annuels de notre district. Ils sont des occasions d'apostolat, mais manifestent aussi la vitalité du tissu qui se reconstruit ainsi peu à peu. Citons le pèlerinage de Chartres à Paris, qui est vraiment un pèlerinage de sacrifice et, par ce biais-là, le Ciel a accordé de nombreuses grâces à notre district. Le pèlerinage de Lourdes est l'occasion d'une grande ferveur, et la sainte Vierge voit y affluer nos malades, nos familles, et guérit les plaies de nos âmes. L'Université d'été forme de son côté les intelligences et fortifie les volontés pour former des âmes apostoliques et reconquérir le terrain.

C'est finalement tout une petite chrétienté qui se reconstruit.
Cette reconstruction est aussi matérielle ?
Grâce à la générosité des catholiques de Tradition, la Fraternité a eu les moyens de s'étendre et de multiplier les acquisitions. On compte aujourd'hui en France 36 prieurés, 34 écoles, 13 aumôneries de maisons religieuses, 5 maisons de retraites spirituelles, un institut universitaire et une maison pour nos anciens, le Brémien- Notre-Dame.

Dans le passé, les églises et les paroisses furent construites grâce à la générosité des catholiques. Il en est de même aujourd'hui. Tout s'est édifié grâce à la Providence, et à la générosité des fidèles. Leur charité est parfois anonyme.
Monsieur l'abbé, voici deux ans et demi que vous avez la charge de ce district. Que vous inspire ce premier recul ?
Le supérieur de district est comme le curé de ses prêtres. Son premier devoir est donc de s'occuper d'eux. De la qualité des prêtres dépend la sainteté des fidèles qui leur sont confiés. Tel est mon souci.

Je dois rendre hommage à la générosité des confrères, qui se donnent sans compter au service des âmes. Ils sillonnent la France pour étendre le règne de Jésus-Christ.

Le district, ce sont des prêtres, des frères, des oblates, et les ouailles qui fréquentent nos centres de messe. La plupart sont des Français.

César observait que les Gaulois passaient leur temps à se battre entre eux. Deux mille ans plus tard, le peuple est resté le même de ce côté-là. Le Français est resté gaulois : exigeant, râleur, aimant la guerre.

Parfois, dans notre pays si comblé de Dieu pourtant, tout a tendance à partir dans tous les sens. Mgr Richard Williamson a résumé cela d'une formule bien à lui : les Français sont « insupportables mais indispensables » !

Un peuple aussi talentueux et lutteur, c'est une richesse mais cela peut donner des sueurs froides à un supérieur, qui doit canaliser toutes ces énergies au service de Notre-Seigneur.

Si l'on étend son regard à l'Église de France en général, peut-on dégager un constat pour le présent et des perspectives pour le futur ?

L'Église de France est objectivement en faillite. Des paroisses ferment ou sont réunies. Des églises tombent en ruines, certaines sont détruites, d'autres transformées en résidences. Des couvents aussi sont mis en vente.

Un certain vide se fait. L'islam en profite, s'éveille, comble le vide. Mais ce qui fait le lit de l'islam, c'est la tiédeur des chrétiens, la démission des catholiques, l'immoralité qui se répand partout, l'apostasie de la société. Comme signe de cette apostasie, je remarque les lois mortifères adoptées par l'État : avortement, divorce, mariage contre nature…

Ce qui est dramatique, c'est que les autorités de l'Église restent muettes. C'est un désert d'élites. Les chefs n'émergent plus.

Dans ce contexte, le rôle de la Fraternité est d'être comme le grain de sénevé de l'Évangile. Nos maisons doivent être de petits grains de sénevé qui vivent de la messe (elle est éminemment apostolique) et tâchent de reconstruire ce qui a été détruit ; des pôles de résistance, mais aussi de reconquête. Il faut espérer que, grâce à cette lente reconquête, le bon Dieu suscite un jour, du sein de nos fidèles, des âmes capables de redresser la situation : prêtres, religieux, chefs catholiques.
Un petit mot à propos des élections présidentielles qui approchent ?
Comme chaque fois, les candidats sont nombreux pour le poste. Mais, quel que soit son «bord politique», un candidat qui n'a pas l'intention d'abroger les lois iniques de l'avortement, de l'union contre nature, etc., est condamné à l'échec. Car ces lois attirent la malédiction sur notre pays. Il faut espérer qu'un jour un homme d'État prendra cette route-là. Ce n'est pas impossible, même si c'est humainement difficile.

Il faut espérer qu'un jour l'autorité sera rétablie en France. Mais une restauration de l'autorité politique sera illusoire si elle n'est pas accompagnée par l'Église régénérée, et celle-ci ne pourra être régénérée que par la Tradition. La langue de bois des politiques trouve un écho dans la langue de buis de nos évêques. Ces derniers sont devenus inaudibles. Quelle responsabilité !
Pourriez-nous nous parler de l'avenir et donner quelques recommandations ?
La tentation est aujourd'hui de se décourager : « à quoi bon ? », «tout est fichu ! » Cette tentation est notre pire ennemi. Ne baissons pas les bras. Avec l'aide de Dieu, tout est possible, nous pourrions dire aussi « Yes, we can », « Oui, nous pouvons », cette fois pour le bien.

Notre patron, notre Père qui est au Ciel, est tout-puissant. Il veille sur ses enfants. Si nous faisons notre travail, il se servira de nous pour étendre son royaume.

Je demande aux fidèles d'être unis derrière leurs prêtres, de les soutenir. Qu'ils se forment, également. Fideliter et les éditions Clovis sont un instrument privilégié pour y parvenir. Il importe également de faire connaître les « fenêtres » de notre société que sont Dici et la Porte Latine.

Quand se terminera la crise qui secoue l'Église ? Nous ne le savons pas, mais qu'importe ? Travaillons, soyons sur le pont, les pieds sur terre et la tête au Ciel. Prions, faisons prier les enfants pour les vocations. Notre petite armée alors remportera la victoire, avec la grâce de Dieu et l'aide de Notre-Dame.
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Abbé Christian Bouchacourt, Supérieur du District de France de la FSSPX

30 décembre 2016

[Lettre à Nos Frères Prêtres] Neuf sondages pour l'histoire

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - décembre 2016

Il existe une querelle dans l’Église de France. Cette querelle n’est certes pas la seule, mais elle est bien présente, et cacher la poussière sous le tapis n’aidera pas à la résoudre. Cette querelle est celle de la demande de la liturgie traditionnelle (« rite extraordinaire »). Les uns disent : « Si la messe traditionnelle était proposée de façon large et accessible, elle rallierait de nombreux fidèles ». D’autres rétorquent : « En fait, la demande est marginale et, quand on propose une telle messe, elle ne bénéficie que d’un succès d’estime ». Comment les départager?
      
On peut noter, tout d’abord, que les propositions concrètes de célébration de la messe traditionnelle sont, le plus souvent, très insatisfaisantes. Le rédacteur de ces lignes habite à côté d’un lieu où cette messe est célébrée chaque dimanche dans le cadre diocésain, et attire un nombre non négligeable de fidèles. Malheureusement, cette messe est supprimée durant l’été, ce qui disloque annuellement la communauté. Et, ordinairement, à travers la France, les conditions sont pires : célébration dans un lieu excentré, irrégulière, par des prêtres qui connaissent mal ce rite, etc. Ce n’est pas toujours le cas, mais ça l’est néanmoins souvent. Le jeu n’est donc nullement égal entre le « rite ordinaire » et le « rite extraordinaire », et permet difficilement la comparaison.
     
L’association « Paix liturgique » (www.paixliturgique.com) a tenté d’éclairer cette querelle par un autre biais, indépendant de la bonne ou mauvaise volonté des uns et des autres : celui de sonder, non pas la réalité déjà effective de la messe traditionnelle, mais la demande qui pourrait en être faite. Elle publie ainsi un petit ouvrage de 78 pages sous le titre Neuf sondages pour l’histoire.
     
Sont donc présentés et commentés trois sondages réalisés en France (successivement en 2001, en 2006 et en 2008), un sondage en Italie (2009), un en Allemagne (2010), un au Portugal (2010), un en Grande-Bretagne (2010), un en Suisse (2011) et un en Espagne (2011). Les organismes de sondage sont réputés et bien implantés dans les divers pays (Ipsos, CSA, Doxa, Harris Interactive, Démoscope). Le questionnaire, l’échantillon et la ventilation des résultats sont évidemment réalisés selon des méthodes scientifiques reconnues.
     
Les questions varient selon les époques et les lieux (suivant, par exemple, qu’on se situe avant ou après le Motu proprio de 2007), mais une question à peu près identique est posée de façon récurrente : « Si, près de chez vous, était célébrée une messe selon le rite traditionnel, y assisteriezvous ? ». Or, dans chaque pays, ou à chaque époque pour les trois sondages français, une part non négligeable des personnes sondées a répondu « Certainement » (la réponse la plus forte) ou « Probablement », avec des scores dépassant systématiquement les 25 %.
      
Nous savons que les sondages ne sont pas la réalité, mais seulement une photographie de la réalité à un instant donné. Cependant, la constance de ce haut niveau de réponses à travers le temps et l’espace constitue un fait objectif qu’un esprit sérieux ne peut omettre de considérer.

[Lettre à Nos Frères Prêtres] La ruine de la Chrétienté

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - décembre 2016

Puisque l’Église institution (ce que Luther appelle avec mépris « la papauté ») n’existe plus comme prolongement du Christ, le croyant (par la foi-confiance) se trouve seul devant Dieu. 
   
Il est éclairé extérieurement par la Bible (qu’il doit évidemment lire personnellement, d’où la nécessité de Bibles en langue vulgaire), et intérieurement par le Saint-Esprit, qui lui permet de discerner infailliblement dans la Bible ce qui convient à sa propre vie chrétienne. Comme l’écrit justement Boileau, « tout protestant fut pape, une Bible à la main».
Le combat contre l’Église catholique
L’Église catholique romaine est pour sa part, aux yeux de Luther, « la grande prostituée de Babylone », et il faut l’attaquer et l’annihiler par tous les moyens. Luther va ainsi multiplier les pamphlets, souvent orduriers, contre le pape et l’Église. Juste avant de brûler publiquement la bulle Exsurge qui condamne quarante et une de ses fausses propositions, il publie Contre l’exécrable bulle de l’Antéchrist. Les écrits : De la papauté romaine ; Prélude sur la captivité babylonienne de l'Église ; Le discours contre la papauté qui est à Rome ; Contre la papauté romaine fondée par le diable ; L’image de la papauté (illustré de scènes grivoises par le peintre Lucas Cranach, ami de Luther, dont celle du « pape-âne ») peuvent pour leur part être résumés par ce mot de 1529 : « Sous le papisme, nous étions possédés par cent mille diables ».
      
Un certain nombre de ses disciples, poussant jusqu’au bout ses principes erronés, vont détruire systématiquement les monuments catholiques, torturer et assassiner les évêques, les prêtres, les religieux et de très nombreux fidèles, sans compter les guerres atroces qu’ils déclencheront.
La déchristianisation de la société
Puisque la « hiérarchie » de l’Église est abolie par Luther, ses successeurs remettront en cause progressivement les autres pouvoirs humains : le protestantisme est d’essence révolutionnaire. Par ailleurs, chacun étant renvoyé à sa propre intériorité, sans médiation ecclésiale, il est logique de séparer radicalement la vie religieuse de la vie politique, par la laïcisation. Il n’est donc pas étonnant que, dans l’établissement de la République laïque en France, dans la mise en place de l’école sans Dieu, dans la montée de l’anticléricalisme, dans la séparation radicale de l’Église et de l’État en 1905, finalement dans la déchristianisation systématique, on trouve nombre de protestants, voire de pasteurs, au premier rang desquels Ferdinand Buisson, collaborateur de Jules Ferry.
L’Europe à feu et à sang, par la faute de Luther
Lorsque Martin Luther meurt, le 18 février 1546, l’Europe est à feu et à sang pour de longues années, à cause de lui. Des millions d’âmes ont apostasié de la foi catholique et quitté la voie du salut en raison de ses fausses doctrines et de ses exemples pernicieux. Même si l’Église va connaître, dans les années qui vont suivre, un magnifique renouveau grâce à une pléiade de saints et au grand mouvement réformateur dont le concile de Trente est le symbole ; même si d’immenses foules vont entrer dans l’Église grâce à un splendide travail missionnaire ; malheureusement, des nations entières, aveuglées, auront suivi les erreurs et mensonges de l’ancien moine augustin, et ne reviendront pas à la vérité salutaire.
L’ennemi de la grâce du Christ
Luther aura ainsi vraiment été l’ennemi de la grâce du Christ, qu’il prétendait pourtant honorer. Ce qui nous sépare de lui est donc beaucoup plus important que ce qui pourrait nous unir à lui. C’est pourquoi aucun catholique conscient de ce qu’il doit au Christ et à l’Église ne pourra jamais louer ou honorer en quoi que ce soit Luther

[Lettre à Nos Frères Prêtres] La destruction de la morale

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - décembre 2016

D’une façon générale, pour Luther, l’essentiel n’est pas d’éviter le péché, de combattre les tentations (c’est ce qu’il a fait durant sa période catholique, mais il estime, à tort, qu’il a échoué), puisque de toute façon l’homme reste intérieurement pécheur. Ce qui compte, c’est de s’agripper au manteau des mérites du Christ pour s’en envelopper et échapper ainsi, quoique toujours ennemi de Dieu, à la colère divine, Dieu voyant sur nous les mérites de son Fils bien-aimé.
« Pèche fortement »
C’est tout le sens de la maxime de Luther à Philippe Melanchthon, dans sa lettre du 1er août 1521 : Pecca fortiter, sed fortius fide (« Pèche fortement, mais crois plus fortement encore »). Voici d’ailleurs ce célèbre texte dans son intégralité : « Sois pécheur et pèche fortement, mais confie-toi et réjouis-toi plus fortement dans le Christ, vainqueur du péché, de la mort et du monde. Tant que nous serons ici-bas, il faut que le péché existe… Il nous suffit d’avoir reconnu l’Agneau qui porte les péchés du monde ; alors le péché ne pourra nous détacher de lui, irions-nous avec des femmes mille fois en un jour, ou y tuerions-nous mille de nos semblables ». Luther s’applique d’ailleurs à luimême cette doctrine : les bonnes œuvres, notamment les vœux monastiques, étant inutiles, il se
marie dès 1525 avec une ancienne religieuse, Catherine de Bora, dont il aura six enfants.
La bigamie de Philippe de Hesse
Il appliqua également ces principes à Philippe, landgrave de Hesse. En 1523, celui-ci s’était marié à Christine de Saxe, qui lui avait donné sept enfants. Mais il souhaitait faire un « second mariage légitime », c’est-à-dire pratiquer la bigamie. Philippe demanda donc aux chefs de la Réforme (il en était l’un des principaux soutiens) une autorisation écrite en ce sens. De nombreux indices montrent que Luther avait souvent donné oralement des autorisations de ce genre ; suivant son expression, c’étaient là des « conseils de confession ». En revanche, une autorisation écrite lui répugnait. Mais, en raison de la place que possédait dans la Réforme celui que les luthériens appelaient « le Magnanime », Luther signa avec Melanchthon, le 10 décembre 1539, cette autorisation de bigamie, que Bucer et d’autres contresignèrent ensuite. Le 4 mars 1540, le second mariage fut célébré en présence de Melanchthon, de Bucer et d’un représentant de l’électeur de Saxe.
     
Mais trop de personnes étaient dans le secret, en sorte que le bruit se répandit que Luther avait autorisé une bigamie en échange d’un tonneau de vin. Luther s’affaira pour qu’on ne reconnaisse rien, et qu’on nie l’existence de l’autorisation écrite. Le 15 juillet, il déclara aux conseillers du landgrave : « Quel mal y aurait-il à ce que, pour un plus grand bien, et en considération de l’Église chrétienne, on fit carrément un bon mensonge ? » Puis, dans une lettre à Philippe de Hesse luimême
: « S’il faut en venir à écrire, je saurai fort bien me tirer d’affaire et laisser Votre Grâce s’embourber » (cf. sur cet épisode, par exemple, Robert Grimm, Luther et l’expérience sexuelle, Labor et Fides, 1999, p. 305-311 – ouvrage publié grâce à une subvention de l’Église reformée évangélique du Canton de Neuchâtel et de l’Union synodale réformée évangélique Berne-Jura).

L’inutilité des bonnes œuvres, et en général de la morale 
On peut rapprocher de cette mise de côté de la morale la plus élémentaire le pamphlet qu’il avait publié en 1520, sous le titre La captivité de Babylone : « Tu vois comme le chrétien est riche ; même en le voulant, il ne peut perdre son salut par les plus grands péchés, à moins qu’il ne refuse de croire. L’incrédulité mise à part, il n’y a pas de péchés qui puissent le damner. Si la foi retourne aux promesses que Dieu a faites au baptisé, ou qu’elle ne s’en écarte pas, en un instant tous les péchés sont absorbés par elle, ou plutôt par la véracité divine ; car si tu confesses Dieu et que tu t’abandonnes avec confiance à ses promesses, il ne peut se renier lui-même ».

[Lettre à Nos Frères Prêtres] La haine du prêtre apostat contre la messe

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - décembre 2016

Selon la théologie de Luther, puisque l’âme du chrétien n’est pas transformée par la grâce, les sacrements n’opèrent plus rien de réel en elle.
La modification de la messe et des sacrements 
En vérité, les sacrements ne transmettent plus la grâce, ils se contentent de signifier et de réchauffer la « foi-confiance » en la rémission de nos péchés. Ne doivent donc être conservés que les sacrements qui produisent cet effet psychologique. Pour Luther, le seul véritable sacrement est le baptême, même s’il admet qu’on puisse conférer la confirmation, l’extrême-onction, voire la pénitence, si on les comprend comme des « excitateurs de la foi » et non des sources de grâce.
   
Pour la même raison, l’idée de la messe comme renouvellement non sanglant du sacrifice du Christ, qui nous en applique quotidiennement les mérites, perd toute signification. Seul sera conservé un mémorial de la Cène, pour nous faire souvenir de l’unique sacrifice du Christ sur la croix et raviver notre foi-confiance en sa rédemption. C’est ainsi que Luther va progressivement modifier la messe, d’abord en 1523 avec son Court exposé de la messe et de la communion, ensuite en 1526, avec La Messe allemande et l’ordre du service de Dieu.
Les imprécations de Luther contre la messe catholique
Toutefois, Luther ne se contente pas de cette mise à l’écart de la messe. Piètre théologien, mais doué de l’instinct des révolutionnaires, il a perçu qu’il frapperait au cœur de l’Église catholique en démolissant la messe. Prêtre en rupture de ban, moine infidèle à ses vœux, il finit par développer une haine véritablement pathologique à l’égard du saint sacrifice. Ses mots à ce sujets sont effrayants : « La messe, déclare-t-il en 1521, est la plus grande et la plus horrible des abominations papistes ; la queue du dragon de l’Apocalypse ; elle a déversée sur l’Église des impuretés et des ordures sans nom ». « C’est l’injure la plus abominable, la honte la plus effroyable que l’on puisse faire à Notre Seigneur Jésus-Christ et à Dieu le Père lui-même ». « La prêtraille va à la messe comme des cochons à leur auge ». Et il renchérit en 1524 : « Oui, je le dis : toutes les maisons de prostitution, que pourtant Dieu a sévèrement condamnées, tous les homicides, meurtres, vols et adultères sont moins nuisibles que l’abomination de la messe papistique ». Et il conclut : « Quand la messe sera renversée, je pense que nous aurons renversé toute la papauté. Car c’est sur la messe, comme sur un rocher, que s’appuie la papauté tout entière avec ses monastères, ses évêchés, ses collèges, ses autels, ses ministères et doctrines, c’est-à-dire avec tout son ventre. Tout cela s’écroulera nécessairement, quand s’écroulera leur messe sacrilège et abominable ».
La suppression du sacrifice par l’abolition de l’offertoire
Ce que veut Luther, c’est réaliser la négation pratique de la dimension sacrificielle de la messe ; et la partie qu’il vise est l’offertoire : « Nous déclarons en premier lieu que notre intention n’a jamais été d’abolir absolument tout le culte de Dieu, mais seulement de purger celui qui est en usage de toutes les additions dont on l’a souillé (…) Je parle de cet abominable Canon qui est un recueil de lacunes bourbeuses : on a fait de la messe un sacrifice, l’on a ajouté des offertoires (…). La messe n’est pas un sacrifice ou l’action du sacrificateur. Regardons-la comme sacrement ou comme testament. Appelons-la bénédiction, eucharistie, ou table du Seigneur (…). Qu’on lui donne tout autre titre qu’on voudra, pourvu qu’on ne la souille pas du titre de sacrifice ou d’action ». Et donc, quand il arrive à cet endroit dans sa description de la messe, voici ce qu’il en dit fort logiquement : « Suit toute cette abomination à laquelle on assujettit tout ce qui précède. On l’appelle offertoire, et tout ressent l’oblation (…) C’est pourquoi rejetant tout ce qui ressent l’oblation avec le Canon, nous retenons ce qui est pur et saint, et nous commençons ainsi notre messe… »

[Lettre à Nos Frères Prêtres] La nouvelle théologie luthérienne

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - décembre 2016

En 1515, Luther commence, dans le cadre de son enseignement, à commenter les épîtres de saint Paul, et notamment la première d’entre elles selon l’ordre de la Bible, l’épître aux Romains, d’une immense richesse, d’une fulgurance incroyable, mais aussi d’une difficulté redoutable de compréhension. A partir de ce qu’il croit comprendre de ce texte, uniquement selon son sens propre et sans se référer à la tradition ecclésiastique, et principalement en fonction de son problème inté- rieur (« Puis-je être sauvé alors que je ressens encore des tentations ? »), Luther élabore une nouvelle théologie chrétienne qui, dès ce moment, est radicalement incompatible avec celle de l’Église catholique, même si la rupture extérieure et publique va prendre un certain temps.
La doctrine catholique de la grâce
Selon la doctrine catholique, en effet, grâce aux mérites du Christ, l’homme qui accepte la Révélation divine par la foi et qui, mû par l’espérance du salut divin, veut se repentir de ses péchés et se tourner vers Dieu, obtient par la grâce que ses péchés lui soient ôtés, que son âme soit régénérée et sanctifiée en sorte qu’il devient, selon le mot de saint Pierre, « participant de la nature divine » (2 P 1, 4). Le chrétien qui vit de la charité est donc, ainsi que le dit souvent saint Paul, un « saint », parce qu’il a été purifié, sanctifié intérieurement, et qu’il est devenu l’ami de Dieu par une ressemblance effective. Et, étant l’ami de Dieu, il fait spontanément les œuvres de Dieu, les bonnes œuvres de la vertu, qui lui méritent, par la grâce du Christ présente en lui, le salut du Paradis.
La nouvelle doctrine luthérienne de la «foi-confiance»
Luther rejette cette vérité. Pour lui, selon qu’il le ressent psychologiquement, le fait d’avoir embrassé la foi et la vie chrétienne n’ôte pas de l’âme le péché [en réalité, il s’agit de la tentation, qui n’est pas péché si l’on n’y consent point]. Pour Luther, le chrétien reste, en fait, toujours pécheur et ennemi de Dieu, son âme demeure tout à fait corrompue. Mais comme le Christ a mérité par la croix le salut pour les hommes, si par la « foi » (qui consiste selon Luther en une confiance dans ce salut obtenu par le Christ), je crois fermement que je suis sauvé, alors le manteau des mérites du Christ recouvre les souillures de mon âme, et le Père, voyant ce manteau sur moi, m’agrée pour le Paradis. Les bonnes œuvres n’ont donc aucun pouvoir de mérite, puisque l’homme reste toujours pécheur, mais elles encouragent le chrétien à persévérer dans la « foi-confiance ».
Le rejet de l’Église 
Tel est le cœur de ce que Luther appelle « la vérité de l’Évangile ». De là découle naturellement le reste de son système. Et en premier lieu, la remise en cause de l’Église institutionnelle. Celle-ci n’est pas divine, d’abord parce qu’elle prétend que l’homme peut se sauver par les bonnes œuvres, alors que, comme Luther en a fait l’expérience, ces bonnes œuvres sont incapables d’ôter le péché [redisons-le, il s’agit de la tentation, qui n’est pas péché si l’on n’y consent point] ; ensuite parce qu’elle a abandonné la « vérité de l’Évangile », à savoir le salut par la seule « foi-confiance ».
   
Par circularité, ce rejet de l’Église justifie la démarche luthérienne, à qui l’on pourrait reprocher d’inventer un nouvel Évangile, ce qui est la définition de l’hérétique. Mais puisque l’Église elle-même a trahi la « vérité de l’Évangile », il est logique et nécessaire que Luther, par un « libre examen » de l’Écriture, retrouve cette vérité et la transmette au peuple de Dieu égaré par une hiérarchie illégitime. « A moins qu'on ne me convainque de mon erreur par des attestations de l'Écriture ou par des raisons évidentes — car je ne crois ni au pape ni aux conciles seuls puisqu'il est évident qu'ils se sont souvent trompés et contredits — je suis lié par les textes de l'Écriture que j'ai cités, et ma conscience est captive de la Parole de Dieu ; je ne peux ni ne veux me rétracter en rien » (déclaration de 1521 devant la Diète de Worms présidée par Charles-Quint).

[Lettre à Nos Frères Prêtres] L'ennemi de la grâce du Christ

SOURCE - Lettre à Nos Frères Prêtres - décembre 2016

En 2017, va être célébré le cinq centième anniversaire de l’affichage par le moine augustin Martin Luther, sur une église de Wittenberg, de 95 thèses qui, en particulier, condamnent la pratique des indulgences, telle que l’enseigne l’Église, mais également d’autres points touchant à la foi, comme le Purgatoire.
     
Cet acte public est considéré usuellement comme le début de ce qu’on appelle communément, mais faussement, la « Réforme », alors qu’il s’agit en vérité d’une révolution, d’une destruction de la véritable foi, d’une apostasie et d’une révolte contre Dieu et son Christ. Dès 1517, en réalité, et malgré les péripéties qui suivront, Martin Luther a rompu de cœur avec l’Église du Christ, et ne suit plus que ses vues personnelles erronées.
Le moine Martin Luther
Pourtant, Martin Luther fut auparavant un moine pieux et zélé. Né en 1483 d’une bonne famille chrétienne, Martin est attiré très tôt par la religion, le rapport avec Dieu, plus tard la théologie. Alors que son père souhaite qu’il devienne juriste, il décide de se faire moine augustin, entrant dans cet ordre en 1505. Ordonné prêtre en 1507 (il était déjà diplômé en philosophie), il obtient le doctorat en théologie en 1512. A partir de cette date, sa vie sera celle d’un enseignant et d’un prédicateur. 
     
Luther avait reçu une formation assez poussée, et il a certainement été influencé sur le plan intellectuel par la lecture de plusieurs grands auteurs, qu’il s’agisse d’Aristote, de Guillaume d’Ockham ou de Gabriel Biel. Mais il est clair que Luther recevait ces influences selon son propre tempérament, qui était très affirmé, comme sa carrière subséquente le montrera. Il est donc peu probable que le contact avec ces écrivains ait réellement été déterminant dans son évolution.
Un grand passionné
En fait, Luther était doté un tempérament riche et passionné, celui qui fait les grands hommes quand ceux qui en jouissent acceptent de le mettre au service de la vérité et du bien. Il possédait une nature réaliste et lyrique à la fois, puissante, impulsive, courageuse et douloureuse, sentimentale et presque maladivement impressionnable. Ce violent avait de la bonté, de la générosité, de la tendresse. Avec cela, un orgueil indompté, une vanité pétulante, une obstination coriace.
     
L’intelligence comme aptitude à saisir l’universel, à discerner l’essence des choses, à suivre les nuances du réel, n’était pas très forte chez lui : ce n’était pas un spéculatif, un métaphysicien. En revanche, il avait à un degré étonnant l’intelligence du particulier et du concret, une ingéniosité astucieuse et vivace, une capacité à discerner les forces et les faiblesses d’autrui, un art consommé de trouver les manières de se tirer d’embarras : c’était un remarquable esprit pratique.
     
Le corollaire d’un tel tempérament, ce sont les fortes tentations dont Luther était l’objet, sans doute en ce qui le concerne tentations contre la chasteté, attrait pour la bonne chère, propension à la colère, esprit d’indépendance, penchant à l’orgueil. Lorsqu’on affronte ces tentations et qu’avec la grâce du Christ on les surmonte, non seulement elles ne nous font pas déchoir, mais ce combat nous vaut des mérites, et la puissance de la passion maîtrisée vient donner de l’énergie à l’homme. C’est le sens de la parole de Hegel : « Rien de grand ne s’est fait sans passion ».
L’obsession du salut
Dans sa vie spirituelle, Luther veut sauver son âme, conformément à la parole de Jésus-Christ : « Que sert à l’homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme ? » (Lc 9, 25). C’est en soi une excellente chose. Pour cela, Luther veut éviter le grand ennemi du salut qui est le péché, la souillure morale. Mais, sur cette terre, à cause des suites malheureuses du péché originel, il est impossible de se prémunir contre toutes les tentations, et même contre tous les péchés, au moins véniels. C’est pourquoi un dicton spirituel inspiré de l’Écriture (Pr 24, 16) affirme très justement : « Le juste pèche sept fois par jour ».
     
Luther souffre des assauts de ces tentations, même s’il les repousse. Il voudrait, comme saint Pierre lors de la Transfiguration, être déjà parvenu à la vie céleste, avoir déjà « revêtu le Christ », se trouver dès maintenant dans un état de rectitude parfaite qui n’appartient pas à cette vie terrestre, sauf exceptions très particulières.
      
Luther étant doué d’une nature impatiente et impérieuse, son désir passionné de perfection, de sainteté immédiate, assurée et tranquille, provoque de continuels retour sur lui-même, et un profond sentiment de malaise intérieur. Il oublie, d’une part, qu’à tous les moments de sa vie il peut compter sur Jésus et sur sa grâce secourable et souveraine ; d’autre part, qu’en se reconnaissant humblement pécheur, en luttant chaque jour avec courage et persévérance, en recourant aux sacrements, en faisant pénitence, en priant la Vierge, bref en usant des moyens de salut toujours efficaces, il peut, avec la grâce de Dieu, progresser et se sanctifier.
     
A cause de cette discordance entre son désir du salut et la vie « militante » du chrétien sur cette terre, une certaine obsession du salut l’envahit, plus exactement l’obsession de la certitude de son salut : et parce que les tentations continuent à le harceler, créant chez lui un sentiment de culpabilité, il finit en quelque sorte par désespérer de la vie chrétienne, de l’efficacité de la grâce et des moyens ordinaires de la recevoir et de la conserver (prières, sacrements, jeûnes, etc.).
Préférer les consolations de Dieu au Dieu des consolations 
L’une des causes de cette sorte de désespoir est que Luther semble avoir recherché avant tout, dans sa vie spirituelle, ce que les auteurs appellent les « consolations sensibles », qu’il paraît s’être attaché trop fortement à ce goût expérimental de la piété, à ces assurances ressenties que Dieu donne quand il veut attirer une âme à lui, mais dont il la prive également quand il le juge opportun, car il n’y a là que des moyens pour aimer Dieu, et non des buts de la vie spirituelle.
      
Pour Luther, au contraire, tout le problème est de se sentir en état de grâce, de savourer sa propre sainteté. Il a dû ressentir certaines grâces mystiques, ces fruits cachés de la grâce du Christ, et il en garde une violente nostalgie, surtout lorsqu’il se trouve confronté aux tentations ordinaires, mesquines, agaçantes, humiliantes, de la vie chrétienne et religieuse.
      
Pour retrouver à tout prix cette sensation intérieure de joie et de plénitude, et c’est une autre cause de sa déviation, il s’appuie davantage sur ses forces personnelles, sur ses efforts, sur ses pénitences, que sur la grâce toute-puissante : il met en quelque sorte toute sa fougue naturelle à rechercher la perfection surnaturelle. 
     
Il pratique, en réalité, une forme subtile de pélagianisme, comptant sur ses propres œuvres. Et lorsque Dieu lui montre la vanité d’une telle démarche, dans le cadre des purifications que toute âme qui veut trouver Dieu doit subir, lorsqu’il voit mieux l’étendue de son péché par la lumière divine, alors son édifice de perfection semble chavirer, s’effondrer.
      
Ce pourrait être pour lui la nuit purificatrice si, comme le proposait saint Augustin, patron de son ordre religieux, il se quittait alors lui-même pour se jeter en Dieu comme dans l’océan de sainteté capable de laver tous les péchés de l’homme : « Vis fugere a Deo, fuge in Deum », « Veux-tu fuir devant Dieu (à cause de ton péché) ? Fuis en Dieu même ». Mais au lieu de cela, il quitte la prière et se réfugie dans l’action extérieure pour y trouver des consolations : la réussite, la gloire, etc. 
Un nouveau système religieux sur la base de son expérience 
Touché de cette sorte de désespoir, au lieu de réformer lui-même, de modifier humblement ses conceptions personnelles erronées avec l’aide d’un guide spirituel éprouvé, de retrouver ainsi la voie de la sanctification et de la perfection, il va élaborer une nouvelle théologie. 
     
C’est donc par rapport à lui-même, sur la base de sa vie intérieure personnelle, de son expérience spirituelle intime, que Luther va bâtir ce système religieux inédit, qui n’aura plus rien à voir avec l’enseignement de l’Écriture et de l’Église, ni avec la vérité du christianisme.

[Abbé Bouchacourt, fsspx - Lettre à Nos Frères Prêtres] Irresponsables?

SOURCE - Abbé Bouchacourt, fsspx - Lettre à Nos Frères Prêtres - décembre 2016

Le Pape François a déclaré récemment que les gouvernements avaient le devoir de calculer avec prudence leur capacité d'accueil vis-à-vis des étrangers. « Les gouvernants doivent être très ouverts à recevoir les réfugiés, mais aussi faire des calculs sur leur accueil, parce qu'on doit non seulement accueillir un réfugié, mais aussi l'intégrer ». Et il a ajouté : « Il n'est pas humain de fermer les portes et les cœurs, et à la longue, cela se paie politiquement. Tout comme peut se payer politiquement une imprudence dans les calculs, en recevant plus de personnes qu'on ne peut en intégrer ».
   
Il aura donc fallu plus de deux ans au Pape pour arriver à prononcer cette parole de simple bon sens : c’est aux gouvernements qu’il revient, dans une vue de prudence politique, de réguler l’immigration et de trouver des solutions à la fois sages, humaines et viables pour faire face à un afflux soudain d’immigrés. Mais, pendant ces deux ans, le Pape n’a cessé d’encourager à accueillir sans limite, n’a cessé de faire des reproches à ceux qui, à ses yeux, n’accueillaient pas suffisamment. Le résultat le plus tangible est que même des pays connus pour une large tradition d’accueil ont fermé brutalement leurs portes aux arrivants, sous la pression d’une population exaspérée.
   
Le Pape n’est malheureusement pas le seul à admonester les hommes politiques et la société civile : les évêques français s’en sont fait eux aussi une spécialité, comme le manifeste leur récent document intitulé Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique. Les évêques y dissertent gravement sur « le contrat social, le contrat républicain permettant de vivre ensemble sur le territoire national », y appellent à « gérer la diversité dans notre société », etc.
   
Ce « prêchi-prêcha » politico-moral n’a qu’un inconvé- nient, mais il est de taille : ceux qui l’assènent aux hommes politiques et à la société civile sont, au sens propre, des « irresponsables ». Ces bons apôtres de « l’accueil de l’autre » ne se confrontent absolument pas à la réalité politique, sociale, économique qu’impliquerait la mise en œuvre effective de leurs conseils utopiques.
   
L’Église a certes quelque chose à dire en politique. Mais d’abord, elle doit le faire sur la base de la foi catholique. Ensuite, elle doit le faire en respectant l’ordre de la charité, qui implique qu’on s’occupe d’abord du prochain le plus proche avant de s’occuper (sans le négliger) du prochain le moins proche. Enfin, elle doit le faire en tenant compte des réalités objectives (plus d’un million d’immigrés sont arrivés en Europe en quelques mois, et ce n’est certes pas anodin) auxquelles doit faire face tout dirigeant politique qui entend prendre au sérieux ses responsabilités politiques vis-à-vis de la communauté des citoyens.
   
Abbé Christian BOUCHACOURT

27 décembre 2016

[Abbé David Köchli, fsspx - Le Rocher] L'apostolat de la Fraternité Saint-Pie X à San Damiano depuis le District de Suisse

SOURCE - Abbé David Köchli, fsspx - Le Rocher - décembre 2016

San Damiano et les premiers fidèles de la Tradition
Je me souviens encore bien de la « roulotte », une simple remorque peinte en bleu. Les parois pouvaient s'ouvrir à l'arrière et sur les côtés ; il y avait un autel à l'intérieur. Ce véhicule stationnait sur la prairie à côté de la statue de Notre-Dame des Roses. Comme dans l'évangile lors du sermon sur la montagne, « il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit » qui, à cause de la sécheresse, était plutôt piquante lorsqu'on s'agenouillait à la consécration. C'est là que M. le Curé Épiney célébrait la messe à chaque grande fête de la Sainte Vierge.

Nous venions de Suisse allemande dans trois cars – j'étais alors à l'école primaire – et lui venait du Valais avec un groupe de pèlerins. À la procession qui suivait sur le terrain, nous passions près de la fouille de l'église déjà projetée à cette époque. Mais année après année, seules les tristes poutres de béton des fondations sortaient du trou depuis longtemps envahi d'herbes folles. Le permis de construire n'avait pas été accordé au projet. Aujourd'hui le trou a disparu et l'église s'élève à côté, sur le terrain de la Fraternité.

Durant les pèlerinages de cette époque à San Damiano (et Montichiari), notre famille a fait la connaissance des premiers fidèles de la Tradition. Ceux-ci nous emmenèrent aux camps de vacances de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X ou aux centres de messes qui se créaient ici et là, qui purent ensuite être repris par la Fraternité. C'est ainsi que se sont constitués les prieurés actuels.

Dans les débuts de la Tradition, ces pèlerinages étaient essentiels pour les fidèles. Ils pouvaient y trouver des prêtres auprès desquels se confesser, qui prêchaient la saine doctrine et, surtout, célébraient la messe selon le rite tridentin. Pour de nombreux fidèles, c'étaient les rares occasions de l'année où ils pouvaient assister à cette messe. On peut à raison dire que ces lieux ont rassemblé les fidèles et sont ainsi devenus le point de départ des prieurés fondés plus tard. Indépendamment des questions théologiques et de l'authenticité des apparitions (question encore soumise au jugement de l'Église), c'est un fait que de grandes grâces pour la Tradition ont notamment leur source à San Damiano(1). Bien des prêtres y ont aussi reçu la grâce de leur vocation. Que la construction de cette église manifeste donc à la Mère de Dieu notre gratitude !
L'avenir de San Damiano
Avant la consécration de l'église prévue pour 2017, il faut encore assainir le second bâtiment de l'hôtellerie des pèlerins. Quarante chambres doubles avec WC/douche y sont prévues. L'état actuel ne peut plus durer ; il n'y a pas de toilettes dans les chambres et celles qui existent sont en outre très vétustes.

Bien évidemment tous ces travaux représentent un gros effort financier. Nous avons pu en assurer le financement en mettant en nantissement à court terme quelques-uns de nos immeubles en Suisse. Pour pouvoir rembourser aussi vite que possible ces hypothèques, nous vous demandons de nous aider avec générosité.

Nous assurerons à l'avenir régulièrement des pèlerinages à San Damiano, avec un accompagnement sacerdotal. De plus, l'hôtellerie restera ouverte aussi pour vos voyages privés en dehors des pèlerinages. Elle se prêtera fort bien pour se retirer quelques jours afin de reprendre des forces par la prière auprès de la statue de Notre-Dame des Roses. En général, les temps de prières officiels (matin, midi et soir) devant la statue sont toujours en latin de sorte que l'on peut sans problème réciter le rosaire en commun.

Monsieur l'abbé Yann Vonlanthen sera responsable de l'apostolat à San Damiano. Il est prieur à Sierre. Vous pouvez vous adresser à lui si vous avez des questions au sujet de l'horaire des messes à San Damiano. Du 25 mars au 8 décembre, la sainte messe sera célébrée chaque 1er samedi du mois, de même que le vendredi et le dimanche de ces week-ends.

Les chambres peuvent être réservées directement auprès de la gérante, Mme Tiziana Lauri, au numéro de téléphone suivant : 00 39 0523 53 01 14 (italien, français, anglais).

Abbé David Köchli, Économe du District de Suisse de la FSSPX
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(1) cf. l'article "San Damiano : Un petit coin de paradis où l'on prie la sainte Vierge" paru dans Le Rocher n° 91 d'octobre - novembre 2014.

[Paix Liturgique] Chers confrères, n'ayez pas peur de redécouvrir la messe traditionnelle! - l'appel Summorum Pontificum d'un prêtre italien

SOURCE - Paix Liturgique - lettre N°575 - 27 décembre 2016

En ces fêtes de la Nativité, nous sommes heureux de répercuter ce magnifique appel, que l’on pourrait qualifier d’appel Summorum Pontificum, lancé avec ferveur par un curé de paroisse à l’adresse de ses confrères, dans un lieu hautement symbolique, la ville de Trente, celle du Concile qui « canonisa » la messe romaine.

Radio Maria est une radio FM d’origine italienne, présente sur les 5 continents. Cette radio catholique offre chaque jour la messe en direct. Le mardi 29 novembre 2016, elle retransmettait le chapelet, les vêpres et la messe (forme ordinaire) depuis l’église « Santissima Annunziata » (Notre-Dame de l’Annonciation), située aux abords de la cathédrale où s’ouvrit, en 1545, le Concile de Trente.

Nous vous proposons l’homélie donnée en cette occasion par don Rinaldo Bombardelli, recteur de cette église où se célèbre, chaque dimanche, la forme extraordinaire du rite romain. Don Rinaldo profite de la réflexion qu’il livre sur la « quête de Dieu » à laquelle chacun de nous est appelé, pour inviter expressément ses confrères à « redécouvrir la Sainte Messe traditionnelle » qui attire tant les jeunes !

Non seulement il est roboratif de lire les propos de don Rinaldo, prêtre selon le vœu du pape Benoît XVI lorsqu’il a publié Summorum Pontificum – c’est-à-dire prêtre diocésain célébrant l’une et l’autre forme du rite romain avec le désir de participer à l’enrichissement spirituel de ses fidèles – mais aussi de noter que ces propos ont été tenus sur un média catholique grand public, chose bien difficile en France si l’on pense qu'aucune messe selon la forme extraordinaire du rite romain n’a jamais été proposée par Le Jour du Seigneur, par exemple... Voici d’ailleurs un vœu que l’on pourrait former pour 2017 !
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Frères et sœurs, 
Les lectures de ce jour nous parlent du désir de Dieu, de notre quête de Dieu et de notre rencontre avec Lui en la personne de Jésus. Isaïe parle des nations qui le cherchent avec angoisse. Jésus, et Lui seul, se révèle comme étant notre salut. Le prophète décrit en détail aussi bien la nostalgie de Dieu qui habite en nos cœurs que la plénitude que Dieu seul peut nous offrir. 
Il y a une très belle devise qui remonte à saint Benoît, sur laquelle repose en grande partie la spiritualité bénédictine, et qui résume parfaitement l'attitude de l'homme qui désire s’ouvrir au mystère de Dieu : Quaerere Deum, « Chercher Dieu ». 
Aujourd'hui plus que jamais, la mission de l'Église et celle de chacun d'entre nous, peuple des baptisés, prêtres comme laïcs, est de rechercher Dieu et d'aider nos frères à Le trouver avec nous. Le plus beau, c'est que le Seigneur nous donne tant d'indications et d'outils afin que notre quête ne soit pas vaine et ne s'épuise pas dans les mille et un soucis de la vie ou dans les voies sans issue auxquelles nous sommes souvent confrontés.
Notre belle foi catholique nous offre la possibilité de pouvoir écouter la parole vivante de l'Évangile, par le magistère millénaire de l'Église, dans la sûreté de la doctrine, la grâce des sacrements, de la prière et de la liturgie. 
À propos de liturgie, justement : dans cette église dédiée à Notre-Dame de l'Annonciation, à Trente – et sans une certaine fierté d'appartenir à ce diocèse de Trente qui a eu le privilège d'accueillir, à quelques pas d'ici, l'un des plus grands conciles de l'histoire de l'Église, le concile de Trente, qui a donné lieu à une grande réforme de l'Église portée par toute une cohorte de saintes et de saints –, nous avons la grâce de célébrer chaque dimanche la Sainte Messe traditionnelle. 
Or cette liturgie contient, dans ses silences, dans sa sacralité, dans la centralité qu'elle laisse au sacrifice de Jésus sur la Croix, la réponse à ce Quaerere Deum, ce « Chercher Dieu » dont je parlais tout à l'heure. C'est une liturgie qui attire beaucoup de jeunes, même si cela peut sembler incroyable. 
En fait, je voudrais en profiter pour lancer une invitation à mes frères prêtres qui nous écoutent en ce moment : nous avons tenté par tous les moyens d'attirer les jeunes à l'église et à la messe. Je me souviens des « messes beat », puis des messes rock, de ma jeunesse ainsi que de tous ces artifices plus ou moins extravagants avec lesquels nous voulions attirer les jeunes. Nous l'avons fait de bonne foi, et parfois même avec de grandes attentes qui nous ont souvent déçus. 
Chers confrères dans le sacerdoce, n'ayez pas peur de redécouvrir la Sainte Messe traditionnelle ! En plus d'être une nourriture extraordinaire pour notre vie spirituelle, elle attire, et avec quelle force !, les jeunes. C'est le cas dans le monde entier. C'est le cas aussi ici. Pourquoi ne serait-ce pas aussi le cas chez vous ? 
Le monde a besoin de Dieu. Les nations cherchent Dieu. L'Église peut et doit offrir Dieu. C'est notre devoir, notre mission spécifique et, en même temps, la joie qui remplit notre vie. Cette joie a un nom, et ce nom c'est Jésus-Christ, le fils de la très Sainte Vierge Marie. 
J'ai commencé cette réflexion par une devise bénédictine, je la conclurai par une devise attribuée à saint Bruno, le fondateur des chartreux : Stat Crux Dum Volvitur Orbis, « Le monde tourne, la croix demeure ! ». Jésus est la voie, la vérité, la vie. Jésus est notre salut. Nous avons eu la chance, et Jésus nous appelle « bienheureux » pour cela, d'avoir vu, d'avoir entendu et, de ce fait, d'avoir cru. 
Quand les préoccupations, l’incertitude de l'avenir, les angoisses du présent et le poids du passé risquent de refermer notre cœur, regardons la Croix, regardons Jésus et accrochons-nous aux sacrements, en particulier à la confession et à la Sainte Eucharistie.
Le monde tourne, la Croix demeure ! Demeurer aux côtés de la Croix, c'est, quoi qu'il arrive, se voir offrir la possibilité d'assister aux premières lueurs de l'aube du matin de Pâques, de sécher nos larmes et de jouir du spectacle du triomphe de la vie sur la mort. 
Ainsi soit-il.

26 décembre 2016

[Florence Stollesteiner - Ouest-France] Chéméré-le-Roi. L’église des frères bâtisseurs a besoin de toit

SOURCE - Florence Stollesteiner - Ouest-France - 26 décembre 2016

Depuis un an, la fraternité de Saint-Vincent-Ferrier implantée à Chéméré-le-Roi construit une église. Un projet pour lequel les frères lancent un appel aux dons.

En septembre 2015, c’était le premier coup de pelleteuse. Aujourd’hui, les murs de la future église dédiée à Notre-Dame-du-Rosaire, ainsi que ceux de l’hôtellerie qui accueillera les pèlerins, sont dressés dans le couvent de la fraternité Saint-Vincent-Ferrier, à Chéméré-le-Roi.

Ce projet, « ça fait au moins quinze ans qu’on en parlait », estime le père Augustin-Marie Aubry. La petite chapelle des 22 frères est trop petite pour accueillir tous les fidèles. « On est obligés d’en mettre certains dans une autre pièce, avec un écran ! »

À la suite d’une importante donation d’un prêtre, les frères se lancent. Ils vendent des biens appartenant à la communauté, signent un prêt à la banque, organisent une levée de fonds, créent une page Facebook… et même un clip.

Leur objectif : une église de 200 places, mais aussi terminer leur cloître, qui n’a que deux côtés, et mettre sur pied une grande hôtellerie pour accueillir les pèlerins.

Leur motivation et leur ancrage local jouent : sur les 5,5 millions d’euros à récolter, il ne manque plus que 350 000 € à leur grand projet « Des pierres qui prêchent ».

Après la mise en place du toit, les quatre cloches devraient être installées à Pâques. La livraison complète de l’église, quant à elle, est prévue en novembre 2017… « si Dieu le veut, bien sûr », sourit le père Augustin-Marie Aubry.

25 décembre 2016

[Abbé Michel Simoulin, fsspx - Le Seignadou] Le principe de Monseigneur

SOURCE - Le Seignadou - janvier 2017

Des amis me signalent que notre bien modeste Seignadou est lu, commenté, voire critiqué, mais puisque rien ne nous est directement adressé, nous ne pouvons répondre !

Il sera donc certainement plus utile et intéressant, au terme de cette année qui nous a vu célébrer le 25° anniversaire du rappel à Dieu de notre fondateur, de nous remettre en mémoire ce qui a été l’âme de son action, son principe d’action.

En guise d’introduction, je relèverai cette idée, qui court un peu partout, que le pape François nous aurait donné une « juridiction » pour l’année jubilaire, ce qu’il vient de renouveler. Lisons simplement les termes employés : « Au cours de l’Année jubilaire, j’avais concédé aux fidèles qui, pour des raisons diverses, fréquentent les églises desservies par des prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, la faculté de recevoir validement et licitement l’absolution sacramentelle de leurs péchés. Pour le bien pastoral de ces fidèles et comptant sur la bonne volonté de leurs prêtres afin que la pleine communion dans l’Eglise catholique puisse être recouvrée avec l’aide de Dieu, j’établis par ma propre décision d’étendre cette faculté au-delà de la période jubilaire, jusqu’à ce que soient prises de nouvelles dispositions, pour que le signe sacramentel de la réconciliation à travers le pardon de l’Eglise ne fasse jamais défaut à personne. » C’est la même formule qu’il avait déjà utilisée dans la lettre adressée à Mgr Rino Fisichella, dans laquelle il ne s’adressait pas à la Fraternité mais aux fidèles : « Une dernière considération s’adresse aux fidèles qui, pour diverses raisons, désirent fréquenter les églises où les offices sont célébrés par les prêtres de la Fraternité Saint Pie X.[…] j’établis, par ma propre disposition, que ceux qui, au cours de l’Année Sainte de la Miséricorde, s’approcheront, pour célébrer le Sacrement de la Réconciliation, des prêtres de la Fraternité Saint Pie X recevront une absolution valide et licite de leurs péchés. »

Le Pape, entre autres choses, ignore visiblement le Droit Canon, car je ne vois nulle part qu’il ait parlé de donner une « juridiction » ou une « faculté » aux prêtres de la Fraternité ! Il ne s’adresse pas aux prêtres mais aux fidèles ! Il n’a rien changé à la situation canonique des prêtres – ce qui nécessiterait un acte clair et une déclaration explicite – et il est donc évident que ce geste en faveur des fidèles suppose que nous possédions le pouvoir de les absoudre ! Et Mgr Fellay dans sa réaction ne s’y était pas trompé : « La Fraternité Saint-Pie X exprime sa reconnaissance au Souverain Pontife pour ce geste paternel. Dans le ministère du sacrement de pénitence, elle s’est toujours appuyée, en toute certitude, sur la juridiction extraordinaire que confèrent les Normae generales du Code de droit canonique. A l’occasion de cette Année sainte, le pape François veut que tous les fidèles qui souhaitent se confesser aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X puissent le faire sans être inquiétés. » Alors, fallait-il dire aux fidèles de ne pas venir se confesser chez nous pour ne pas courir le risque de recevoir une absolution « conciliaire » ? La juridiction, même suppléée, comme la grâce elle-même sont des biens qui appartiennent au trésor de l’Église, pour y instaurer l’ordre voulu et assurer aux fidèles les moyens de la grâce, et qui n’ont rien à voir avec ce qu’il y a en elle de « conciliaire ». Ce sont des mesures normales et bonnes qui font partie de la vie normale de l’Église catholique… et qui ne sont pas propres à l’Église « conciliaire ».

Ces considérations ne sont pas étrangères à mon propos et manifestent même clairement ce principe qui guidait Monseigneur, et qui nous guide encore, principe prudentiel et non détermination a-priori, qui applique cette loi fondamentale de la suppléance de l’Eglise pour le salut des âmes : "salus animarum suprema lex."

C’est pourquoi, s’il m’est arrivé souvent dans le passé de mettre en lumière le « Monseigneur des batailles », avec ses déclarations polémiques, ses refus, ses critiques et ses condamnations (certains, malheureusement, ne veulent rien savoir d’autre, comme s’il avait été un va-t’en guerre, toujours sur la brèche, avide de tirer sur tout ce qui bouge au Vatican),

Je préfère retenir aujourd’hui le Monseigneur, dont on parle moins, être de chair et d’esprit et non mythe désincarné, celui que j’ai connu et qui m’a formé: père, prêtre et missionnaire… évêque, fondateur et formateur d’âmes sacerdotales ! J’ose affirmer que c’est là le Monseigneur « substantiel », celui qui n’a jamais changé sous ses différents visages, fidèle en profondeur à sa grâce sacerdotale, immuable dans sa vocation au service de l’Eglise, de la Messe et du sacerdoce. L’autre visage, plus connu, de Monseigneur, le Monseigneur de la sainte résistance, n’est pas moins vrai que le premier, mais il est le fruit des circonstances et des évènements, celui qui n’aurait jamais dû avoir à se manifester. C’est le Monseigneur « prudentiel » agissant et réagissant avec force au gré des nécessités et des besoins des âmes et de l’Eglise.

Derrière ces visages variés, l’âme de Monseigneur est demeurée la même, après comme avant les condamnations. Combien de fois l’avons-nous entendu dire qu’il aurait préféré mourir que de devoir s’opposer à Rome ! Et ceux qui l’ont connu reconnaitront avec moi que c’est presque malgré lui, à contrecœur, poussé par la nécessité et le sens de son devoir d’évêque que Monseigneur a dû prendre des positions publiques fracassantes. Car son cœur était ailleurs, et ne se révélait librement que lorsqu’il se sentait en confiance, en famille, parmi ses prêtres et ses séminaristes. C’est à eux, quand il avait le bonheur de se retrouver parmi eux, qu’il livrait et libérait son âme. « Je m’excuse de revenir sur des problèmes qui paraissent des problèmes un peu polémiques. Je n’aime pas beaucoup cela – je préférerais faire des conférences sur la doctrine comme je l’ai fait sur Notre Seigneur Jésus-Christ… » (7 juin 1979)

Et s’il faut chercher encore où se trouve le principe qui faisait agir Monseigneur, il suffit de réentendre ces conférences aux séminaristes en février 1979, où il nous exposait le principe d’action que lui attribuaient ses interlocuteurs romains, au sujet d’une petite phrase qu’ils voulaient lui faire signer : « Par votre lettre du… vous avez fait des considérations générales sur la situation de l’Eglise depuis le concile Vatican II, qui seules permettent une réponse adéquate aux questions posées au sujet de l’Ordo Missae, au sujet de votre persévérance dans l’activité de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, malgré les interdictions que vous avez reçues des évêques et de Rome. Sur la base de ces considérations, votre position nous semble pouvoir être exprimée par la thèse suivante. » – La thèse est encadrée : « Un évêque jugeant en conscience que le pape et l’épiscopat n’exercent plus en général leur autorité, en vue d’assurer la transmission fidèle et exacte de la foi, peut légitimement pour maintenir la foi catholique ordonner des prêtres sans être évêque diocésain, sans avoir reçu des lettres dimissoires et contre la prohibition formelle et expresse du pape et attribuer à ces prêtres la charge du ministère ecclésiastique dans les divers diocèses. » Voilà, ils avaient trouvé cela ! Il faut reconnaître qu’ils sont plus forts que moi, puisque moi je n’avais pas trouvé ce principe, et eux me disent : « Voilà votre principe, voilà le principe qui vous a fait agir ». J’ai dit : « Ce n’est pas vrai. En tout cas, si, vous, vous le trouvez, moi, je ne le trouve pas, au moins formulé de cette manière-là ! Certainement pas !  Ce qui m’a fait agir, ce n’est pas un principe, un principe général, c’est la situation dans laquelle l’Eglise s’est trouvée. On s’est trouvé dans des circonstances qui, chaque mois, chaque année, nous ont fait prendre des décisions qui nous ont paru demandées par Dieu, c’est tout, demandées par les besoins de l’Eglise, par les besoins des âmes, pour le salut des âmes, c’est tout. Et ce n’est pas à partir d’un principe général comme celui-là. Evidemment on pourrait poser un principe général, mais pas exprimé comme il l’est là. » […] De plus en plus, on peut mettre des doutes partout, alors les fidèles se trouvent désemparés. Et comme les fidèles ont droit, absolument un droit strict, à recevoir les sacrements pour la vie de leur âme, pour vivre spirituellement, alors c’est un devoir pour celui qui peut donner ce secours aux fidèles, le secours de la doctrine, le secours de la foi et le secours des sacrements, d’aller le leur donner. Et donc, je disais : « Un évêque a le devoir de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que la foi et la grâce soient transmises aux fidèles qui les réclament légitimement, surtout par la formation de vrais et saints prêtres formés en tous points selon l’esprit de l’Eglise, quand bien même ces prêtres n’auraient qu’une incardination fictive. »

Tel est le seul principe qui faisait agir Monseigneur, exercice  de la vertu de prudence, mêlée de force et de justice, et non principe théorique implacable et immuable, applicable dans toutes les situations. C’est le même principe qui l’a conduit à sacrer quatre évêques en 1988, pour que la foi et la grâce soient transmises aux fidèles qui les réclament légitimement, surtout par la formation de vrais et saints prêtres formés en tous points selon l’esprit de l’Eglise.

Et si je dois encore citer le Monseigneur d’après les condamnations, je relèverai un signe de ce qui a toujours animé son âme, dans son « Itinéraire spirituel », où il confie: j'ai toujours été hanté par ce désir de désigner les voies de la vraie sanctification du prêtre selon les principes fondamentaux de la doctrine catholique de la sanctification chrétienne et sacerdotale.

Et nous avons encore les ultimes conférences qu’il donna au séminaire du 7 au 11 février 1991, quelques semaines avant sa mort. Hormis quelques rapides réflexions autour du cardinal Béa, il ne parle que de la liturgie et de la sainteté des prêtres, des dispositions qu’ils doivent avoir dans leur apostolat ! « quelle devrait être la disposition fondamentale du prêtre s’approchant des fidèles qui lui sont confiés ? Il est évident que la disposition fondamentale sera surtout une disposition de foi ! […] la première chose, c’est de prier et de demander à Dieu, par l’intermédiaire de Notre Seigneur, d’avoir le sens de Dieu.[…] Voilà la disposition fondamentale dans laquelle il faut vous mettre, il faut nous mettre pour nous efforcer d’être les meilleurs instruments possibles. Et pour cela, encore une fois, demander à Notre Seigneur puisque c’est par lui que tout nous est donné, c’est lui qui est notre lumière, c’est lui qui notre voie, c’est lui qui est notre sainteté, de nous aider ; de nous aider à mieux comprendre le plan du bon Dieu, à mieux comprendre ce que le bon Dieu veut des âmes et ce qu’il veut de nous ! »

Tel est le vrai Monseigneur, dévoilant une dernière fois cette âme sacerdotale qui avait animé toute sa vie même au cœur des combats les plus terribles pour Jésus-Christ, pour le Christ-Roi, pour l’Eglise, la Sainte Messe, le sacerdoce, la foi catholique, la Tradition doctrinale, morale et spirituelle de l’Eglise. Tel fut son unique combat, du premier au dernier jour de sa vie sacerdotale ! Que l’on relise le mystère de Jésus. C’est là que se révèle l’âme de Monseigneur Lefebvre. Ce serait une bonne lecture pour bien commencer l’année.

Je ne sais ce que nous réserve l’an 2017… Eglise, Fraternité St Pie X, politique … mais je sais que nous célèbrerons le centenaire des apparitions de Notre-Dame à Fatima. Même si la consécration n’a pas été faite comme la Sainte Vierge l’avait demandé, si nous faisons ce que Notre-Dame attend de nous… nous n’aurons que de bonnes surprises !