31 mai 2011

[Paix Liturgique] Universae Ecclesiae: la parole aux laïcs - Olivier Figuéras / Abbé Claude Barthe

SOURCE - Paix Liturgique, lettre 285 - 31 mai 2011

Nous remercions la rédaction du quotidien Présent de nous avoir donné l'autorisation de reproduire cet entretien de l'Abbé Claude Barthe avec Olivier Figueras, au sujet de la dernière Instruction publiée par le Saint-Siège à propos de la forme extraordinaire du rite romain.
QUELLE ANALYSE GLOBALE FAITES-VOUS SUR L’INSTRUCTION UNIVERSAE ECCLESIAE, PUBLIÉE LE 13 MAI DERNIER ?

— Il faut, en effet, avoir une vision très globale. D’une part, en se souvenant que l’on vit un effacement sans précédent de l’Église en Occident, de sorte que tout ce qui favorise le relèvement du sacrifice de la messe, et donc du sacerdoce catholique, est pastoralement et du point de vue missionnaire très bénéfique, le Motu Proprio de 2007 et cette instruction d’application étant de cet ordre. Et d’autre part, une vision globale, en replaçant ce texte au sein d’une période de l’histoire de l’Église tout à fait atypique, celle qui a commencé avec Vatican II, où les textes valent désormais plus par le message qu’ils délivrent dans un sens d’« ouverture » ou inversement dans un sens de « restauration » (c’est le cas de ce texte), que par l’autorité réelle de leur contenu, dont tout le monde sait qu’elle est très faible. Cette Instruction, publiée le premier jour du 3e colloque romain consacré à la « forme extraordinaire », qui s’est tenu à l’Université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin, dite Angelicum, à Rome, vaut surtout – l’Instruction mise en valeur par le colloque – par l’« événement » qu’elle constitue.

D’AUTANT QUE SON ÉLABORATION, DIT-ON, A ÉTÉ TRÈS DIFFICILE.

— Et très longue. Une instruction, canoniquement, est le décret d’application d’une loi (ici le Motu Proprio) destiné à aider ceux qui doivent appliquer le texte (la Commission Ecclesia Dei essentiellement). Il est publié par l’organisme compétent pour ce texte (généralement le même : ici la Commission présidée par le cardinal Levada) et approuvé ensuite par le Pape. Théoriquement, rien ne doit se trouver dans l’Instruction qui n’était déjà dans la loi. Mais la manière qu’a un décret de préciser peut, on le sait, élargir ou rétrécir la loi.
En l’espèce, il y a eu trois grandes étapes d’élaboration de cette petite souris de texte qui a accouché des montagnes de pressions et d’interventions :
a. Le « schéma » élaboré sous l’autorité du cardinal Castrillón, à partir de 2007, texte qui, malgré la très bonne volonté du cardinal, était un vrai pas en arrière.
b. Le schéma Pozzo-1, commencé dès que l’équipe très homogène du nouveau Secrétaire et patron réel de la Commission, Mgr Guido Pozzo, a été en place. Texte particulièrement extensif.
c. Et le texte Pozzo-2, le texte actuel, qui a eu lui-même toute une histoire : le schéma Pozzo-1, présenté devant la plenaria de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, en novembre 2010, a été un peu malmené pour diverses raisons qu’il serait trop long d’expliquer, repris, amendé dans le détail dans un sens, puis dans un autre. A partir de la mi-février 2011, lorsqu’un des blogs anglo-saxons traditionnels les plus lus dans le monde, Rorate Coeli, a sonné l’alarme sur les risques de rétrécissements, la fièvre a été maximale et a duré jusqu’à la sortie du texte et jusqu’aux ultimes retouches.
L’ensemble ou chaque détail ayant toujours, j’y insiste, une importance plus psychologique qu’effectivement normative. Et comme il faut toujours s’élever à une vue générale, je pense que le plus important à retenir est, qu’au cours de toutes ces vicissitudes, la Commission Pozzo s’est calée, comme on dit, sur une position qui, de norme implicite, est devenue explicite (nn. 24, 25) : les livres en usage en 1962 ne seront modifiés en rien, sauf l’ajout futur de nouveaux saints et l’usage possible de nouvelles préfaces. L’usus antiquior, « enrichissable » à la marge, restera inchangé en tout le reste, par exemple dans son lectionnaire dominical, invariable depuis pratiquement mille ans.

VOUS DOUTEZ DE LA PORTÉE EFFECTIVEMENT NORMATIVE DU TEXTE : N’EST-CE PAS UN TEXTE JURIDIQUE ?

— Bien sûr que si ! Sa forme montre même que ses maîtres d’œuvre – on pourrait le montrer dans le détail – sont plus à l’aise dans le domaine canonique que dans le domaine liturgique. Le plus important, à cet égard, est dans l’explicitation pointue que fait l’Instruction de ce montage très ingénieux et très particulier qu’est Summorum Pontificum : c’est une loi universelle (n. 2 de l’introduction), et non pas un indult, un privilège ; c’est en outre une loi spéciale qui fait que la liturgie qu’il rétablit en plein droit (celle en usage en 1962) ne peut être atteinte par les innovations postérieures qui lui sont incompatibles (n. 28), du moins lorsqu’elles sont purement liturgiques et non « disciplinaires » (l’incardination des clercs, n. 30, le jeûne eucharistique et autres, n. 27) ; c’est un droit général couvrant tous les livres liturgiques en usage avant les réformes de Paul VI (nn. 32, 35), et tous les livres propres aux religieux (n. 34 – avec un silence prudent sur les rites latins non romains) ; c’est enfin un droit radical qui est reconnu, car si la célébration publique de la liturgie ancienne doit répondre à certaines normes, la célébration privée est toujours permise à tout prêtre séculier ou religieux sans qu’il ait à demander quelque permission que ce soit (n. 23).

TOUT EST-IL AUSSI NET ?

— Non. Inutile de revenir sur la question du n. 19, dont Jean Madiran a déjà magistralement traité . En matière d’enseignement dans les séminaires, du latin, de la forme extraordinaire, la Commission prend beaucoup de gants (n. 21), quitte à ne formuler que des vœux pieux. Mais de cette piété les séminaristes pourront se saisir.
Quant aux ordinations diocésaines en forme extraordinaire, elles n’étaient pas expressément exclues par le Motu Proprio. L’Instruction opère ici un recul en les réservant, par le n. 31, aux instituts et sociétés usant des livres liturgiques anciens (sauf à préciser la définition de cet « usage », voire à discuter la légalité de cette novation de l’Instruction, sachant que de toute façon – c’est de droit commun – l’évêque diocésain pourra toujours demander un indult ponctuel ou général). Lors du colloque à l’Angelicum, des intervenants de poids, Mgr Schneider, Mgr Bux, ont d’ailleurs fortement manifesté l’attachement théologiquement fondé de toute une tendance, au sein des partisans officiels de la forme extraordinaire, vis-à-vis des ordinations selon l’usage traditionnel.

LE PLUS FORT DU TEXTE N’EST-IL PAS DANS LA DÉFENSE DES DROITS DES GROUPES DE DEMANDEURS ?

— C’est certain. C’est même le morceau de bravoure de l’Instruction : aucune mention de chiffre minimum pour le groupe de fidèles demandeurs, qui peuvent même se rassembler sur une paroisse en venant de plusieurs autres, voire d’autres diocèses (n. 15), demander la célébration du Triduum pascal à leur usage (n. 33), exister de manière ponctuelle pour une cérémonie ou un pèlerinage (n. 16). Et surtout, la Commission explicite ses propres pouvoirs : organe du Saint-Siège, elle est le « supérieur hiérarchique » des évêques (de fide ! n. 10 § 1). Elle (dotée d’un pouvoir ordinaire vicaire du Pape) tranche en dernier ressort les litiges qui peuvent survenir (n. 13), ses décisions (des « décrets ») intervenant dans l’ordre dit « administratif » et n’étant susceptibles de recours que devant la cour de cassation/conseil d’État du Saint-Siège, à savoir le Tribunal de la Signature apostolique.
Mais ne vous réjouissez pas trop vite en imaginant que la Commission va fulminer sur des évêques ou cardinaux terrassés des quantités de « décrets », que le cardinal Burke, Préfet de la Signature apostolique, s’empressera de confirmer si on le lui demande ! Je me garderais bien de dire que tout cela est un tigre de papier, mais il est clair que dans la période postconciliaire dont nous sommes loin d’être sortis, les hommes restent ce qu’ils sont (conciliaires et restaurateurs), et l’exercice de l’autorité ce que nous savons. Mais il y aura des avancées. En outre, l’Instruction, telle qu’elle se présente, constitue une affirmation supplémentaire de l’impossibilité d’un retour en arrière. Cependant, concrètement, ce sont les « groupes stables », l’ensemble des fidèles demandeurs, tous les clercs attachés à l’usage traditionnel, qui auront encore et toujours à agir, à presser, à demander… tout simplement leur droit. Jusqu’au jour où les évêques serviront d’eux-mêmes le meilleur vin sans qu’on ait à les implorer de le faire.

EN SOMME : « PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS ! »

— Vous voulez me faire dire bien plus que… Mais au fond, il y a de cela. En fait, si la messe traditionnelle, et « ce qui va avec », les catéchismes, la formation des prêtres, la prédication, etc., a été maintenue depuis 40 ans, c’est parce que, paradoxalement, Vatican II a été parfaitement entendu par ces « prolétaires » de l’Église conciliaires que sont les traditionnels : on a donné la parole aux laïcs, et… voilà qu’ils l’ont prise ! Et pas en faveur du fameux « esprit du Concile », mais pour restaurer la messe traditionnelle. A vrai dire, ils ont pris la parole de façon très « moderne ». Sans parler de la récente montée en puissance des médias internet que les mêmes traditionnels ont parfaitement investis. C’est ainsi. Et le Motu Proprio, dopé par l’Instruction, consacre étrangement, mais bien réellement, la légitimité du très moderne groupe de pression, sous l’appellation délicieusement surannée de coetus fidelium.
Au total, il y a désormais – notamment dans les nouvelles générations de clercs – un « esprit Motu Proprio », comme il y avait (mon usage de l’imparfait est volontariste !) un « esprit du Concile ». Je ne suis pas prophète, en tout cas pas davantage que les météorologues qui avouent leur incompétence à prévoir la pluie ou le beau temps à trois jours. Mais il me semble qu’on peut dire que le présent pontificat, qualifiable de « pontificat de transition », laissera surtout le souvenir d’avoir ouvert de fait et d’intention (fortement de fait, timidement d’intention) des brèches dans ce fameux « esprit du Concile » (le discours sur l’herméneutique du Concile, le recadrage pratique du dialogue œcuménique, le Motu Proprio). Sous cet aspect, l’affirmation apparemment modeste, mais définitive, que la liturgie antérieure à la réforme de Vatican II n’a jamais été abolie, est un des germes les plus précieux de la revitalisation à venir du catholicisme.

Propos recueillis par Olivier Figueras
Article extrait du n° 7359 du journal Présent du samedi 28 mai 2011

[Remnant - La Porte Latine] Entretien de l'abbé L. Duverger, supérieur du District d'Afrique

SOURCE - Version française sur La Porte Latine d'un entretien donné à The Remnant - 31 mai 2011

Bredel, Afrique du Sud, le 31 mai 2011

Q. Merci M. l’abbé d’avoir accepté de nous accorder cet entretien. Je suis certain que vous êtes très occupé par votre ministère et j’imagine qu’il faut du temps pour répondre à des questions dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle. Quand l’apostolat de la Fraternité a-t-il démarré en Afrique ? Qui a commencé ce travail ? Était-ce Mgr Lefebvre lui-même ?
L’apostolat de la Fraternité a débuté au début des années 1980, lorsque Mgr Marcel Lefebvre est venu en Afrique du Sud pour encourager les fidèles qui résistaient à la crise de l’Eglise. Mais ce n’est qu’en 1985 que le premier prieuré a été ouvert à Roodeport près de Johannesburg en Afrique du Sud, puis en 1986 au Zimbabwe et au Gabon dont nous fêtons les 25 ans cette année.

Mgr Lefebvre suivait de près ces fondations. Mais il eut une attention toute particulière pour la mission du Gabon sur les lieux où lui-même débuta sa vie missionnaire en 1932. Il y fit un voyage important en 1985 pour préparer la fondation de la mission. A cette occasion, il rencontra le chef de l’état, le président Omar Bongo, plusieurs évêques et personnalités du pays, ses anciens élèves au séminaire et dans les missions de Donguila, Kango et Lambaréné. Par ses lettres au Père Patrick Groche, fondateur de la mission Saint Pie X, il prodigue ses conseils d’ancien missionnaire et montre le soin avec lequel il suivait le développement de ce prieuré. Il y reviendra un an avant sa mort tout heureux de voir le magnifique développement de cette belle œuvre.
Q. Combien de prêtres avez-vous actuellement dans le district d’Afrique ? Combien de prieurés et de missions ? A combien pourriez-vous estimez le nombre de fidèles desservis par la Fraternité en Afrique ?
Aujourd’hui 21 prêtres, 4 frères, 5 sœurs, et 2 oblates exercent leur apostolat dans les 8 maisons que la Fraternité possède en Afrique.

En Afrique du Sud nous avons 3 maisons (2 prieurés et la maison de district) qui desservent 7 chapelles. Au Gabon nous possédons 1 prieuré et une école. Le Kenya est riche d’un prieuré et du tout récent noviciat de religieuses destinées aux missions, les sœurs missionnaires de Jésus et de Marie. Le Zimbabwe est le quatrième pays à posséder un prieuré.

Mais nos prêtres ne se contentent pas de ces pays, ils rayonnent ailleurs là où des fidèles les appellent pour la vraie messe et les vrais sacrements. Par des voyages missionnaires plus ou moins longs et fréquents ils soutiennent des groupes de fidèles au Nigeria, en Ouganda, en Zambie, en Namibie, au Cameroun, en Tanzanie, au Burundi et au Ghana, mais aussi dans les îles de Madagascar, de La Réunion et Maurice. Au total, la Fraternité est présente dans 15 pays en Afrique, entre ceux où elle est installée et ceux qu’elle visite.

Actuellement le Nigeria et l’Ouganda sont les deux pays régulièrement visités qui se développent le plus. Au Nigeria, un prêtre, anciennement religieux augustinien, le Père Obih, a rejoint la Fraternité depuis quelques années. Il prépare l’arrivée de la Fraternité en sillonnant le pays le plus peuplé d’Afrique (150 millions d’habitants). En Ouganda, une fidèle qui depuis longtemps appelait la Fraternité, a aménagé une chapelle chez elle et réunit des catholiques désireux de préserver et de fortifier leur Foi par la prière et les bons sacrements. Nos confrères du Kenya y viennent tous les mois célébrer la messe.

Ailleurs ce ne sont que quelques membres d’une même famille qui sous la bonne influence du père, résiste à la révolution conciliaire et la déchristianisation, ou bien, comme en Namibie, des familles éloignées par des centaines de kilomètres qui se regroupent lorsque le prêtre passe.

Il est admirable de voir la puissance de la grâce divine qui permet à ces fidèles de garder la Foi, alors que le monde qui les entoure les pousse à s’en éloigner, alors que pullulent les sectes protestantes souvent financées par l’étranger. Il ne faut pas oublier la poussée de l’Islam de plus en plus présent qui marque sa conquête par la construction de mosquées. Ainsi le long de la route qui mène de Nairobi à Monbassa au Kenya, les musulmans financée par les Etats arabes du Golf, bâtissent des mosquées le long de la route même s’il n’y a pas encore de quoi les remplir. A Libreville, au Gabon, lorsque la Fraternité  s’installe en 1986 il n’y a qu’une mosquée, aujourd’hui autour de la mission 3 ou 4 minarets font entendre plusieurs fois par jour l'appel du muezzin.

La foi des fidèles qui appellent la Fraternité est édifiante et vraiment réconfortante. Nous voudrions pouvoir secourir tous ceux qui nous appellent, répondre à toutes les demandes, mais nous ne sommes pas assez nombreux. Toujours la même constatation « La moisson est abondante mais les ouvriers peu nombreux ». Aujourd’hui nous estimons avoir environ 3 500 paroissiens.

Comme partout le matérialisme fait des ravages. La course au profit matériel touche tout le monde, les plus riches comme les plus pauvres. Les gens courent s’installer dans les villes parce qu’ils ont l’illusion d’y trouver le bien-être, mais ils viennent grossir d’immenses bidonvilles où ils vivent dans une promiscuité néfaste, et y trouve une misère dégradante souvent pire que la pauvreté de la campagne.

Aussi au Kenya, les abbés fournissent aux enfants de la paroisse un bon repas par semaine, le dimanche après la messe, pour compléter la pauvre et insuffisante nourriture reçue à la maison. Et tout ce petit monde mange avec bon appétit !

Souvent la maison se réduit à une deux petites pièces pour la famille qui s’agrandit de neveux et de nièces dont les parents sont décédés ou incapable d’élever leurs enfants parce qu’encore plus pauvres. Le chômage est important, alors pour faire face, on multiplie les petits boulots, qui font gagner quelques sous. Mais ces quelques sous gagnés difficilement sont souvent dépensés sans discernement. Ainsi sur des baraques faites de planches, avec un pauvre toit de tôle qui fuit en cas de pluie, il y aura la parabole et à l’intérieur la télévision qui permet de recevoir les télévisions du monde entier qui influencent, déforment, désinforment et pervertissent. Ils n’ont pas de quoi payer la scolarité de leurs enfants mais ont tous un téléphone portable.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Le matérialisme occidental envahit petit à petit les âmes et fait rêver et désirer des paradis artificiels vus à la télévision. Les âmes deviennent insensiblement hermétiques à la grâce. Les méfaits de l’œcuménisme, de la liberté religieuse et la multiplication des sectes protestantes charismatiques, rendent la religion facultative et la vérité relative : Notre Seigneur Jésus Christ, le seul par qui nous puissions être sauvés, n’est plus nécessaire.

Bien sûr le mal n’est pas aussi avancé qu’en Occident, mais il vient à grand pas. Le travail apostolique, toujours enthousiasmant, devient sans doute par certains aspects plus difficile et plus ardu qu’autrefois.
Q. Quelles sont les autres institutions que la Fraternité dirige en Afrique (orphelinats, écoles, etc.) ?
Pour l’instant nous ne développons que des prieurés avec leurs chapelles. Il faut déjà beaucoup d’énergie dans des climats difficiles, pour faire face aux besoins des fidèles : messe, sacrements, catéchismes, mouvements de jeunes, visites aux malades, aménagements des maisons, travaux de constructions, d’entretien, démarches administratives toujours longues et complexes.

Seul le Gabon et l’Afrique du Sud à Roodeport possèdent une école. Une école primaire à Roodeport et au Gabon, une école primaire et secondaire. Les écoles sont indispensables, elles permettent aux vocations d’éclore et préparent les familles chrétiennes. Elles sont l’avenir de l’Eglise et de nos chapelles. Elles demandent toute notre attention et notre soin mais elles exigent un investissement considérable, nous souhaiterions en ouvrir une par prieuré. Mais il faut alors que Saint Joseph en soit l’économe, sinon nous n’y arriverons jamais.

Avant d’avoir la joie de les voir se développer partout, il faut s’occuper des vocations qui demandent à entrer dans la Fraternité. Le sacerdoce et tout ce qui touche au sacerdoce reste le but premier de la Fraternité. Un de nos grands projets est l’ouverture d’un pré-séminaire pour y recevoir les candidats au sacerdoce ou à la vie religieuse. Cette maison permettra aux jeunes gens sélectionnés par nos prêtres, d’étudier leur vocation, de recevoir une formation doctrinale, d’apprendre les rudiments du latin pour suivre plus facilement leurs études au séminaire. C’est la première étape nécessaire avant l’ouverture d’un séminaire de la Fraternité en Afrique.

Nous sommes persuadés que, face aux besoins immenses de l’apostolat pour soumettre l’Afrique à Notre Seigneur Jésus-Christ, il faut des prêtres africains, des frères africains et des religieuses africaines. Aujourd’hui, cet objectif ne peut être atteint sans l’aide des vieilles chrétientés. Les besoins des fidèles sont si importants et les vocations sont si peu nombreuses que chaque pays voudrait garder les siennes...

Monseigneur Lefebvre a travaillé durant toutes ses années de présence en Afrique à la formation de ce clergé africain, il a ordonné des prêtres, des évêques, suscité des congrégations religieuses africaines [1].
Q. Je crois savoir que l’une des règles importantes que la Fraternité a établies est que les prêtres ne vivent pas seuls. Pour la santé morale des prêtres, la Fraternité exige que les prêtres vivent en communautés d’au moins trois. Pourtant, il y a, à l’évidence, un énorme travail à faire en Afrique. Êtes-vous en mesure de respecter fidèlement cette règle en Afrique où il a tant à faire et si peu de prêtres ?
La tentation peut exister d’aller faire de l’apostolat en s’affranchissant des règles données par notre fondateur. Il est illusoire de vouloir faire du bien en dehors du cadre que donnent les constitutions : rapidement la vie spirituelle s’attiédirait, le dynamisme apostolique s’essoufflerait et la stérilité s’installerait, même si le démon s’ingéniait à manifester le contraire par une réussite superficielle. Mgr Lefebvre, pour illustrer cette tentation, donnait l’image du jardinier qui, à force de tirer sur le tuyau pour arroser plus loin, arrache ce dernier du robinet : il n’arrose alors plus rien.

Nos confrères le savent bien et font tout ce qui est en leur pouvoir pour respecter cette règle d’or de l’efficacité apostolique qu’est la vie en communauté. Mais il faut aussi répondre aux besoins des fidèles, d’où la nécessité de faire des missions, jamais trop longues, puis de revenir ensuite au prieuré y refaire ses forces physiques et spirituelles. L’idéal serait que les missions puissent se faire à plusieurs, pour garder, en voyage, la vie commune. Pour l’instant, ce n’est pas toujours possible.
Q. Quelle est la nature des relations existant entre la Fraternité et les gouvernements des pays dans lesquels vous êtes établi en Afrique ? Sont-elles amicales ou hostiles ?
Partout où nous nous installons nous nous efforçons d’avoir de bonnes relations avec les autorités civiles. D’abord, en respectant les démarches administratives nécessaires pour s’installer et ensuite en faisant notre travail de sanctification des fidèles. Rapidement les autorités civiles, si elles ont pu avoir quelques craintes, s’aperçoivent que notre action est pacifique et bienfaisante. En Afrique, à la différence de l’Europe, la réalité prend souvent le pas sur l’idéologie.

Le vrai prêtre, en soutane, est respecté. Il rencontre rarement l’hostilité. Souvent la conversation s’engage sur des sujets religieux dans les bureaux de l’administration, comme cette veille de Noël, où j’accompagnais un père de l’école de Libreville à la mairie, pour demander que la police fasse régner l’ordre dans la rue qui accède à l’école. L’adjoint au maire était absent, nous avons discuté avec les secrétaires et la conversation s’est achevée lorsque les secrétaires, se souvenant des noëls de leur enfance, se sont mises à les chanter à tue-tête, ameutant petit à petit les autres secrétaires de l’étage. Une autre fois, à la fin d’un rendez-vous auprès d’un responsable des terrains de la ville en Afrique du Sud, ce dernier a demandé la bénédiction du prêtre et la récitation d’une prière. Je l’ai alors béni et nous avons récité le Pater Noster dans son bureau.

Dans quelques pays, les difficultés demeurent pour obtenir les autorisations, les visas de longs séjours. Ce sont de longues, très longues démarches auprès des services, qui ont un savoir-faire impressionnant pour vous apprendre la patience, la gentillesse, l’amabilité, en un mot le « self control », c’est ainsi que l’on dit chez vous : lorsqu'après de longues heures d’attente, la personne derrière son guichet vous renvoie parce qu'il manque un papier, que votre dossier est perdu ou que l’heure de fermeture est arrivée. Ce n’est pas de l’hostilité à notre égard, tout le monde est au même régime. C’est comme ça, c’est l’Afrique : belle école de patience !
Q. Et les évêques diocésains, les trouvez-vous aussi hostiles à la Fraternité qu’en Europe (en France par exemple) ?
Avec les diocèses les relations dépendent beaucoup de l’évêque. Nos relations ne sont pas très fréquentes ni très étroites, mais lors de certaines occasions, nous avons pu observer la bienveillance de plusieurs. Ainsi, l’évêque de Johannesburg a permis de faire vénérer, au Prieuré de Roodepoort, les reliques insignes de sainte Thérèse de L’Enfant Jésus. Ce fut une belle fête, une source de grâce, au début de la retraite sacerdotale d’octobre 2010. L’évêque de Nairobi, au Kenya, a donné son accord écrit pour l’installation de la Fraternité dans le pays, autorisation indispensable pour obtenir du gouvernement l’agrément d’ouverture du prieuré. A noter encore, l’accueil toujours amical de l’évêque d’Oyem, au Gabon, lorsque nous faisons escale chez lui, en allant au Cameroun : il nous invite à sa table et, la dernière fois, nous avons pris le petit déjeuner avec les prêtres du diocèse, venus en session de travail.

Les meilleurs des évêques et des prêtres voient bien que nous faisons du travail sérieux, que nous sommes pleinement catholiques. Bien sûr, la plupart ne comprennent pas notre attitude, ne connaissent pas les véritables raisons de notre résistance et de notre combat, ils sont souvent très modernes et remplis des idées fausses répandues dans l’Eglise aujourd’hui, mais rarement on rencontre une hostilité affichée.

Dans certains pays, il semble que les réformes conciliaires aient mis du temps à s’imposer, ainsi au Nigeria, la communion dans la main n’a été permise qu’en 2008.

Les séminaires sont, paraît-il, remplis mais quelle formation reçoivent ces futurs prêtres ? Une formation conciliaire, avec l’enseignement de toutes les erreurs que nous combattons.

Il est bien à craindre que demain, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Comme en Europe, le modernisme enseigné par des prêtres mal formés videra les églises en Afrique. Petit à petit, c’est une constatation générale, les jeunes générations formée à cette doctrine moderniste et perverties par le matérialisme, perdent le sens de Dieu, désertent les églises et se laissent aller à tous les vices et paradis artificiels que propose la société moderne.
Q. Le travail de la Fraternité en Afrique est-il d’abord d’apporter aux catholiques la foi traditionnelle et les sacrements ou bien s’agit-il de déployer une activité missionnaire en faveur des non catholiques ?
Notre action est multiple. Elle s’adresse tout d’abord aux catholiques qui nous ont appelés et puis naturellement les âmes viennent à nous. Ainsi, au Kenya, parmi les catéchumènes, l’un est le gardien embauché par les pères pour garder la mission, un autre est arrivé un jour à l’église et demande maintenant le baptême, un troisième a été amené par un ami... Les voies du Seigneur sont multiples. Au Gabon, près de 6 000 baptêmes ont été administrés en 25 ans, du petit enfant qui vient de naître à ce vieillard sur son lit de mort dans sa pauvre maison de planches : il avait été animiste, puis musulman, et quelques semaines avant sa mort, il eut la grâce de rencontrer une fidèle de la mission, le prêtre après de courtes leçons de catéchisme lui a donné le baptême et l’a préparé à mourir chrétiennement.

C’est sans doute une des belles consolations du missionnaire que de voir comment le Bon Dieu attire les âmes de bonne volonté, les conduit petit à petit sur le chemin du salut et leur permet de rencontrer le prêtre qui va les conduire aux portes de l’Eglise pour les faire devenir enfants de Dieu par le Baptême.

Mais c’est aussi une grande souffrance que de voir certains qui, après avoir traversé tant de difficultés et passé tant d’obstacles pour être régénérés par l’eau du baptême sont emportés plus tard par les passions et les tentations et abandonnent petit à petit la vie chrétienne qu’ils avaient commencée avec un si bel enthousiasme.
Q. Selon vous, le commentaire imprudent du Saint Père (dans le récent livre d’entretien) à propos du sida et de de l’usage du préservatif a-t-il eu un effet négatif sur la situation en Afrique ?
Certainement les propos du pape n’ont pas été sans conséquences. Mais je ne crois pas qu’ils aient non plus fait un ravage. Lorsque la religion catholique disparaît, la morale elle aussi disparaît. Ainsi le divorce et la polygamie sont permis par la loi et donc largement répandus.

Depuis le concile Vatican II, l’Eglise perd son influence bénéfique : l’œcuménisme, la liberté religieuse ont fait un mal incroyable. Si toutes les religions se valent pourquoi se convertir, pourquoi changer de religion ? Avec cette perte d’influence, le mariage chrétien tend à disparaître, le concubinage devient monnaie courante et les naissances hors mariage sont légions. La famille est détruite, les enfants ne sont plus éduqués avec toutes les conséquences dramatiques qui en découlent pour la vie de la société et la prospérité des pays.

Aussi les propos du pape ne changent pas grand-chose à une situation déjà tellement dégradée.

Cependant, il faut noter que certains gouvernements réagissent d’une façon saine. Ainsi, la pornographie est interdite au Kenya et en Ouganda. Pour lutter contre le sida, « la maladie » comme on l’appelle ici, véritable fléau en Afrique, le gouvernement ougandais a fait réaliser des campagnes de publicité prêchant la fidélité dans le mariage pour éviter la propagation de la maladie. Et il est prouvé que l’Ouganda résiste mieux que les autres pays à « la maladie », même si les Organisations internationales ne veulent pas l’avouer.
Q. De quels pays viennent vos prêtres ? D’Europe ? D’Amérique ? Est-ce un clergé natif d’Afrique ?
Les prêtres viennent de France (13), d’Australie (1), du Gabon (1), du Nigeria (1), des Etats Unis (1), du Zimbabwe(1), d’Autriche(1), des Philippines(1), de Belgique (1). C’est vraiment international !

Actuellement, la Fraternité compte 2 grands séminaristes africain (l’un du Zimbabwe, l’autre du Kenya) dont l’un fait sa théologie à Winona et l’autre à la Reja en Argentine. Nous avons quelques pré-séminaristes dont trois sont déjà au séminaire de Goulburn en Australie.

D’autres frappent à la porte mais nous devons étudier chaque cas pour n’accepter que ceux qui vraiment pourront poursuivre leurs études.

Ailleurs, dans d’autres prieurés de la Fraternité, il y a 4 prêtres africains gabonais.

Dernièrement un deuxième prêtre du Nigeria, curé de paroisse, a demandé à rejoindre la Fraternité. Je dois le rencontrer dans quelques semaines. Il a suivi, l’an dernier, une retraite prêchée par le père Obih, son ami, et le père Vernoy, l’ancien supérieur de district. A cette occasion, il a repris définitivement la célébration de la messe de Saint Pie V dans sa paroisse. Cette année, il a suivi à nouveau la retraite et a décidé de nous rejoindre. Nous allons l’accueillir dans un prieuré pour un temps de probation comme le demande les statuts de la Fraternité. Ce sera pour lui l’occasion de compléter sa formation doctrinale, de mieux connaître l’œuvre de Mgr Lefebvre et les raisons de notre combat
Q. Quels sont les plus grands « challenges » que la Fraternité rencontre dans son travail en Afrique?
L’Afrique est un territoire immense (3,3 fois la superficie des Etats Unis), avec un milliard d’habitants. Malheureusement, il n’y a que 145 à 150 millions de catholiques. Un habitant sur trois est musulman. L’islam progresse dans des pays qui, autrefois, ne le connaissaient pas comme au Gabon (l'Islam est arrivé dans les années 1960). A cet ennemi irréductible du catholicisme s’ajoute la forte poussée, souvent financées par l’étranger, des sectes évangéliques qui détachent de l’Eglise Catholique nombre de ses fidèles. C’est dire l’immense foule qui gît à l’ombre de la mort…

Le « challenge » est tout tracé. Il faut combattre et se donner entièrement à notre tâche pour conquérir ce continent à Notre Seigneur. Il faut que Jésus Christ règne dans les cœurs des Africains, il faut qu’Il règne dans les sociétés. C’est la condition de la paix et de la prospérité. Pour qui suit l’actualité de cet immense continent, il est effrayant de voir combien la guerre et la révolution règnent quasiment partout, combien la corruption morale des élites détruit la vie économique, combien souffrent les plus démunis, victimes de ce désordre. Si les gouvernants étaient soumis à Notre Seigneur et respectaient ses commandements, ces pays magnifiques regorgeant de richesses, pourraient être de véritables havres de paix et de bien-être.
On pourrait désespérer : vouloir changer le monde, convertir tous ces peuples, n’est-ce pas une illusion ridicule, un idéalisme insensé ? Ne vaut-il pas mieux se contenter de nos chapelles, de nos prieurés, de nos quelques milliers de fidèles ?

Une telle attitude n’est pas catholique. Si les apôtres avaient tenus de tels raisonnements, Saint Thomas ne serait pas allé au fin fond des Indes, et aujourd’hui nous ne serions pas baptisés !

Nous avons la grâce de Dieu, elle est toute puissante et de pierres elle peut faire des fils d’Israël, alors, à plus forte raison d’hommes trompés par les fausses religions.

Nous connaissons nos limites et par nous-même nous ne pouvons rien. Mais des prêtres toujours plus nombreux démultiplient le bien qui se fait. C’est pour cela que l’intuition de notre vénéré fondateur est magnifique : pour conduire les foules à Jésus-Christ, il faut des prêtres sanctifiés par la messe de toujours, et toujours plus de ces prêtres aux quatre coins du monde.

Avis aux jeunes gens qui nous lisent !

Aussi pour être précis, le « challenge » de la Fraternité Saint Pie X en Afrique est de former des prêtres, de rechercher les vocations, de les faire fructifier et de conduire ces jeunes gens au sacerdoce, d’encourager un nombre toujours croissant de prêtres à nous rejoindre dans cette croisade pour le triomphe de Notre Seigneur, de soutenir les quelques rares prêtres qui sont restés fidèles à la messe de toujours.
Q. Comment les lecteurs du Remnant peuvent-ils vous aider pour soutenir votre apostolat en Afrique ?
Auparavant, je vous remercie de l’honneur que vous me faites en me permettant de présenter la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X en Afrique dans votre journal et je remercie les lecteurs du Remnant de l’attention qu’ils ont porté à notre entretien.

Ensuite, je les sais déjà très sollicités par toutes les œuvres qu’ils soutiennent et par ce combat pour le triomphe de l’Eglise Catholique dans leur pays, alors je leur demande simplement la charité de ne pas oublier dans leurs prières ces régions du monde plus délaissées, plus malheureuses et de prier pour les prêtres qui travaillent à y étendre le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, seul principe de paix.

Si, en plus, ils peuvent nous aider matériellement par leurs aumônes et leurs dons, ce sera magnifique.

Notre projet qui nous tient à cœur est la construction d’un pré-séminaire qui pourra aussi servir de noviciat pour les frères. Nous avons le terrain de 16 hectares à la sortie de Libreville en grande partie défrichée, les routes y ont été tracées, un puits y a été creusé et l’électricité branchée, il manque simplement les 700 000 $ qui permettraient de construire une maison de formation pour une vingtaine de jeunes gens. Si Saint Joseph pouvait par la main des bienfaiteurs nous trouver cette somme, ce serait merveilleux… !

Quoiqu’il en soit notre reconnaissance est acquise à tous ceux qui pourront apporter leur petite brique à ce projet, nous prions tous les jours le chapelet à leur intention, le Bon Dieu seul saura leur rendre au centuple.

A tous merci.
Abbé Loïc Duverger - Bredell, Afrique du Sud

Accès au texte original en anglais sur le site des USA

Note: [1] Mgr Lefebvre fut l’initiateur de la grande encyclique de Pie XII fidei Donum (21 avril 1957), appelant des prêtres des vieilles chrétientés à venir passer quelques années en Afrique pour aider à faire face à un développement magnifique de ces jeunes chrétientés. Ainsi de 1957 à 1981, près de 950 prêtres français ont répondu à l’appel de l’encyclique.

30 mai 2011

[crc-resurrection.org - Frère Bruno Bonnet-Eymard] Adhuc sub judice lis est

SOURCE - crc-resurrection.org - Frère Bruno Bonnet-Eymard - Mai 2011

Si le défunt pape Jean-Paul II est vraiment “ bienheureux ”, nous sommes, nous, gens de Contre-Réforme, les plus malheureux des hommes, parce que nous avons suivi un prêtre qui l’accusait d’hérésie, de schisme et de scandale. Mais si l’abbé de Nantes avait raison, Jean-Paul II n’est pas bienheureux. Non seulement la béatification de dimanche dernier est mensongère, mais elle aggrave le “ scandale ” que ce Pape a donné de son vivant, puisqu’elle incite les fidèles catholiques à suivre son exemple.

Or, l’abbé de Nantes avait raison. Benoît XVI nous en offre lui-même une preuve dans son livre, Jésus de Nazareth, tome II, au chapitre du “ Procès de Jésus ”, pages 211 à 229, sous-titrées : Jésus devant Pilate. Lui qui loue « la profondeur spirituelle et la richesse des intuitions » de son prédécesseur (Homélie de la béatification), il ne fait aucune allusion à l’interprétation wojtylienne du dialogue de Jésus avec Pilate ! Il suffit de relire les première pages du Livre d’accusation rédigé par l’abbé de Nantes en 1983, et remis au Saint-Siège le 13 mai par lui-même, accompagné de deux cents délégués de la Ligue de Contre-Réforme catholique, pour comprendre la raison de ce silence singulièrement révélateur et accablant :

« Il faut vous dire en face, Très Saint-Père, que votre religion n’est plus celle de l’Église catholique romaine, l’unique Église du Christ, dont vous êtes la Tête. Votre religion est la religion de l’homme qui se fait dieu et non plus la religion du Dieu Fils de Dieu qui s’est fait homme. Car l’une et l’autre s’excluent. Il faut que quelqu’un se lève dans l’Église et ose vous le dire ouvertement, publiquement, sans aucun ménagement ni aucune hésitation parce que c’est la vérité révélée dont dépendent nos biens suprêmes : notre fin ultime, l’honneur de l’Église et la crédibilité future de son magistère infaillible, le salut de nos âmes, le repos de nos consciences en rébellion contre votre enseignement. Enfin, Très Saint Père, votre propre salut, si toutefois votre âme daigne tirer profit de cette remontrance. Car nul ne peut des enfants de l’Église, à plus forte raison de ses pasteurs, de ses Pasteurs suprêmes, être sauvé s’il n’a la très pure, loyale et entière foi catholique.

« Car vous n’êtes plus catholique, vous n’êtes plus chrétien c’est tout un, quoique vous demeuriez de nom et de fait le Souverain Pontife de cette Église dont vous refusez profondément, intellectuellement et volontairement, la foi et l’unité. Certes, vous êtes l’idole des foules. En partie, par les puissances maîtresses de l’opinion que détiennent dans leur ensemble les pires ennemis de l’Église et les perfides modernistes dont vous êtes le protecteur et le complice ; ces gens vous épargnent parce qu’ils vous dominent et vous tiennent à leur merci. En partie, vous régnez sur les foules catholiques ou croyantes parce que vous donnez le change et mêlez à votre humanisme plat beaucoup de discours apparemment chrétiens et de grandes manifestations de piété. Il est certain aussi que nos évêques et de nombreux prêtres venus des rangs de l’Action catholique sont gangrenés de modernisme et de progressisme depuis un quart, et même un demi-siècle en maints pays dont le vôtre et le mien. Au reste, la crédulité des fidèles est infinie quand ils écoutent le Pape, ce qu’on ne saurait leur trop reprocher.

« Ai-je un fait, un texte qui étaie pareilles accusations ? J’en ai cinq cents, Très Saint Père. Et je n’en donnerai en hors-d’œuvre qu’un seul sur lequel je suis prêt à engager toute ma foi, toute ma vie. Sur lequel pourrait se juger toute la cause. C’est l’un de vos thèmes courants. Celui de la Royauté de Jésus-Christ, royauté qui n’est pas celle d’un Dieu fait homme, mais, pour Vous ! celle de l’Homme que vous proclamez dieu [...].

« Vous avez traité de la Royauté de Notre-Seigneur en maint endroit et toujours de manière convergente. Je suivrai ici de près et citerai intégralement celui de votre Dialogue avec André Frossard, N’ayez pas peur, dont la partie qui vous est attribuée a été, de fait, écrite, revue et soigneusement mise au point par vous avant sa publication en 1982. Ce livre n’a donné lieu qu’à des recensions flatteuses dans tout l’univers, à ma connaissance du moins. C’est bien votre pensée qu’il exprime. Vous l’avez voulu une révélation, ou plutôt une communication à toute l’Église de votre expérience religieuse personnelle. Vous y avez engagé votre foi.

« Or voici ce qu’on y lit aux pages 222 à 227 que j’incrimine. Votre interlocuteur vous pose la question : “ Peut-on tirer une politique et, au besoin, des institutions sociales de l’Évangile ? ” Pour y répondre, vous évoquez “ le dialogue du Christ et de Pilate ” :

« “ Jésus de Nazareth, accusé de vouloir se faire roi, répond tout d’abord négativement à son juge : Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs combattraient pour que je ne sois pas livré à ceux qui me poursuivent [le texte sacré dit : “ aux Juifs ”]. Mais mon royaume n’est pas d’ici. ” Pilate observe à juste titre qu’une affirmation est incluse dans cette dénégation. Il demande donc pour la deuxième fois : Ainsi, tu es roi ? Alors le Christ répond par l’affirmative : Oui, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. ”

« Là-dessus, vous passez de l’Évangile de Jésus-Christ au concile Vatican II. Vous sautez par-dessus les siècles, indifférent à l’anachronisme violent, vous sautez du christianisme séculaire à l’humanisme moderne. Et vous affirmez le lien de ceci à cela... “ transparent ” ! Faut-il se cabrer et déjà cesser de vous croire ? Frossard préfère suivre le conseil de Pascal : prendre de l’eau bénite et s’abêtir, là, tout de suite ! pour conserver son papisme de base. Poursuivons donc avec lui notre lecture :

« “ Je pense que le chemin est transparent de ces paroles à celles de Gaudium et Spes : L’Église qui en raison de sa charge et de sa compétence ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système [tout cela, on l’accorde facilement mais c’est le vrai qui nous dispose à avaler le faux] est à la fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine [voilà bien le faux auquel, sans cri d’alarme, nous succombons]. Le champ d’application de ces deux déclarations, l’une du Christ face à Pilate, l’autre de l’Église en 1965, n’est pas tout à fait le même. ”

« C’est trop peu dire ! Il n’est pas du tout le même. Il n’y a aucun lien logique, aucun rapport ontologique entre la Parole divine du Christ et la confuse déclaration conciliaire. Les rapprocher, en usant de l’immense prestige et autorité de votre Personne, est une “ violence institutionnelle ”, comme on dit aujourd’hui, ou encore une “ aliénation ” et de la pire espèce, une aliénation mentale de l’esclave soumis au caprice de son Maître. Mais vous savez ce que vous voulez : diviniser le Concile dans ses propositions les plus hardiment humanistes et révolutionnaires, humaniser Jésus-Christ jusque dans ses paroles et ses actes les plus évidemment divins. Pour ce faire, vous procédez par étapes. »

LE CHRISTIANISME N’EST PAS UNE POLITIQUE

« “ Le Concile constate que l’Église en tant que communauté n’a pas de caractère politique, n’est pas un État. Devant Pilate, le Christ nie que son pouvoir soit politique. Cependant, bien que les champs d’application ne se recouvrent pas, ils se touchent de près. Le pouvoir politique revient aux communautés politiques [c’est du moins la thèse démocratique, et communiste ; pour les peuples civilisés de jadis et pour l’Église de toujours, le pouvoir appartient, par délégation divine, aux personnes constituées en autorité] ; l’Église, communauté instaurée par le Christ, n’aspire pas à un tel pouvoir. Elle n’est liée à aucun système, dit le Concile. En ce sens précis, la politique ne répond pas à sa nature, à ses principes, à sa finalité. Le royaume qui se réalise en elle n’est pas d’ici.

« “ Une Église qui s’identifierait à l’État cesserait d’être elle-même. Elle cesserait d’être Église. L’expérience de deux mille ans a confirmé que cette frontière spirituelle n’a jamais et nulle part été franchie. Malgré différentes formes de dépendance de l’Église à l’égard de l’État, ou de l’État à l’égard de l’Église, malgré l’existence des États pontificaux, l’Église est toujours restée l’Église. La délimitation établie par le Christ s’est révélée plus forte que toutes les épreuves de l’histoire. ”

« Cette distinction, cette séparation, cette opposition égale et réciproque de l’Église et de l’État, de la religion et de la politique, paraîtra forcée à plusieurs, aussi bien dans la “ thèse ” que dans l’ “ hypothèse ”, dans la théorie que dans la pratique. On lui opposera la doctrine constante de l’Église et les nombreuses formules d’entente et de coopération des deux pouvoirs, des “ deux glaives ”, qu’elle a instituées à travers les âges pour le plus grand bien de la Chrétienté.

« Pour dire vrai, vos affirmations vont contre la doctrine catholique traditionnelle et quand vous prétendez aligner l’histoire de l’Église sur vos théories, les faits les démentent trop évidemment [...]. »

LE CHRISTIANISME EST UN HUMANISME

« En effet, vous entrez dans la deuxième étape de votre démonstration. Le rôle du Christ et de l’Église n’est pas politique. Quel est-il donc ? Hé ! celui que Jésus déclare à Pilate, celui que le concile Vatican II déclare au monde moderne, car vous vous en portez garant, leurs langages à l’un et à l’autre concordent :

« “ Revenons, dites-vous, à notre parallèle. La deuxième partie de la réponse à Pilate et la déclaration du Concile semblent s’accorder plus étroitement : rendre témoignage à la vérité et sauvegarder le caractère transcendant de la personne, c’est tout un. ”

« Vous le suggérez d’abord : “ il semble ”. Puis vous l’imposez comme une évidence : “ c’est tout un ”. Ainsi conduisez-vous vos dociles lecteurs, en pleine aliénation mentale ! de la vérité dont témoigne le fils de Dieu et pour laquelle il va mourir, son Évangile de salut, à l’erreur absurde et sulfureuse que ce Concile de malheur emprunta à la rhétorique des pires ennemis de Dieu, des antichrists de notre âge, qui font de l’homme un dieu. Entre ceci et cela, “ entre le Christ et Bélial ” (2 Co 6, 15), quel rapport ? Aucun. Et vous, vous donnez comme acquise l’identité de la divine Révélation avec ce dévoilement de Satan.

« “ Le caractère transcendant de la personne humaine ” est donc une vérité ! une vérité évangélique ! pour laquelle les chrétiens rendent témoignage et souffrent persécution depuis des siècles ? Bien plus, c’est, à vous lire et relire, la vérité totale, l’unique vérité pour laquelle le Christ est mort en croix !

« Vous condescendez à esquisser un semblant de preuve : “ Car l’homme exprime et réalise la transcendance qui lui est propre par sa relation à la vérité. ” Cet alignement de mots est un pont suspendu, pont de rêve, chaîne de concepts idéalistes, passant du christianisme catholique à l’humanisme athée contemporain, ou équivalemment : de l’Évangile du Christ à votre humanisme séculier.

« La vérité pour laquelle est mort Notre-Seigneur Jésus-Christ concerne Dieu son Père et Lui-même, dans son unique, sacrée, inviolable et inaccessible Sainteté, autrement dit sa “ transcendance ” de Fils de Dieu, unique Roi de l’univers et Sauveur de son peuple.

« L’erreur que vous prétendez lui identifier, que dis-je, lui substituer ! consiste, sous le concept kantien de “ transcendance ”, à proclamer que l’homme est au-delà de tout, sans proportion et donc sans relations autres que souveraines, avec les êtres qui sont de ce monde-ci. Ainsi arrachez-vous de la tête, des épaules, de la droite de Jésus-Christ, sa couronne, son manteau, son sceptre et sa main de justice, attributs et insignes de sa royauté, pour en vêtir l’Homme. “ Cette transcendance de la personne humaine, dites-vous comme une chose allant de soi, manifeste sa royauté. Il s’agit ici d’une vérité universelle, concernant chaque homme et par conséquent tous les hommes. ”

« Autant de mots, autant d’incongruités. “ La relation de l’homme à la vérité... ”, qu’est-ce que cela veut dire ? Rien de clair assurément... “ exprime la transcendance qui lui est propre... ”, par rapport à qui et à quoi ? aux choses, aux animaux, aux groupes sociaux, aux pouvoirs politiques,... au pouvoir ecclésiastique ? On ne sait ! “ ... et la réalise. ” Mais comment peut-on et doit-on réaliser ce qu’on possède déjà ? Comment ne l’étant pas d’abord, pourrait-on se faire soi-même transcendant ?

« Enfin, dites-vous, “ cette transcendance manifeste sa royauté ”, la royauté de l’homme, de tout homme. Mais est-ce une royauté de naissance ou de conquête ? Avant même d’avoir réalisé sa transcendance ou seulement après ? Royauté sur qui et sur quoi ? politique, éthique, métaphysique, religieuse ? Chacun est roi, et tous le sont ? Étant transcendant, chaque homme est dieu, et donc est roi, voilà un évangile certes flatteur. Chacun est-il pape aussi ? Tout cela est absurde. Et d’un coup, cela devient monstrueux. »

UN HUMANISME ET NON UNE RELIGION

« C’est alors, Très Saint Père, que vous proférez le blasphème que voici : “ Le Christ est roi en ce sens qu’en lui, dans son témoignage rendu à la vérité, se manifeste la royauté de chaque être humain, expression du caractère transcendant de la personne. C’est cela l’héritage propre de l’Église. ”

« Ce blasphème est le point culminant de votre discours. Sacrilège, il dépossède Dieu de sa royauté pour la conférer à l’Homme, à cette idole que tout homme, tous les hommes de notre temps sont invités à adorer, honorer, choyer et servir en eux-mêmes, en lieu et place de l’Homme-Dieu, Jésus-Christ.

« Bien plus, vous faites de Notre-Seigneur le héraut de cet humanisme idolâtre, le martyr de cette cause entre toutes impie de la dignité, de la royauté, de la transcendance de l’homme. Et voici que vous faites l’Église héritière de cette mission ! Prêcher la royauté de l’Homme, pratiquer le culte de l’Homme, servir jusqu’à en mourir l’Homme, roi transcendant. En lieu et place de Dieu, de Dieu seul !

« On ne dira pas que je vous ai mal compris quand toute cette retraite que vous prêchâtes devant Paul VI en 1976, publiée sous le titre Le Signe de contradiction, a pour ressort principal cette substitution de l’homme à Dieu par le truchement de Jésus-Christ. Je dis bien : Vous servant de la dualité des natures dans l’unique Personne du Jésus de notre foi catholique, pratiquant la plus étrange “ communication des idiomes ” qui se soit jamais faite, vous dévoluez les attributs de la nature divine à la nature humaine dans le Christ, pour ensuite nous persuader qu’ils lui appartiennent en propre, et donc à tout homme ! Odieux larcin qui réédite celui que proposait au premier homme, Satan ! »

Si, dans son ouvrage, le pape Benoît XVI ne fait aucune allusion à cette interprétation aberrante du dialogue de Jésus avec Pilate, c’est sans doute que l’abbé de Nantes n’est pas le seul à la juger indéfendable !

Karol Wojtyla n’aurait-il erré que sur ce point, cela aurait dû suffire à empêcher sa béatification !

En 1993, dans les jours qui ont suivi notre troisième démarche romaine, contre le CEC cette fois, j’avais rencontré Mgr Sandri, alors assesseur à la secrétairerie d’État, mandaté par Mgr Re, substitut, pour me recevoir. Je devais tenter d’obtenir l’ouverture d’un procès :

« Si nous faisons ce que vous demandez, me répondit Mgr Sandri, avec aménité, cela voudrait dire que tout cela a un fundus veritatis, un fond de vérité. Si nous commencions à examiner, cela voudrait déjà dire que vous avez raison. Nous ne pouvons le faire. » Quel aveu !

On ne nous a donc pas écoutés. Il n’y a pas eu de procès. Mais le fundus veritatis est bien là puisque les cardinaux Sodano et Sandri ont refusé de déposer devant la congrégation de la cause des Saints pour ne pas rendre publique leur désapprobation de la précipitation avec laquelle a été menée la procédure de béatification de Jean-Paul II. Ils estiment qu’il est indispensable de procéder à un long inventaire dépassionné de son pontificat, avant de songer à béatifier un Pape. Même s’il s’appelle Jean-Paul II...

Qui ne leur donnerait raison ?

En tout cas, l’homélie de Benoît XVI ne les a certainement pas fait changer d’avis, même s’il a paru répondre point par point aux accusations de l’abbé de Nantes.

SUR LA FOI

« Jean-Paul II est bienheureux pour sa foi, forte et généreuse, apostolique. » Benoît XVI n’en donne d’autre preuve que la profession... de saint Pierre à Césarée, et la réponse que lui fait le Seigneur ! « La béatitude éternelle de Jean-Paul II, qu’aujourd’hui l’Église a la joie de proclamer, réside entièrement dans ces paroles du Christ : Tu es heureux, Simon ”... »

À condition que Jean-Paul II ait été fidèle à la foi de l’Église reçue de Pierre ! C’est tout l’objet du procès, ouvert et instruit à Rome dès 1968, au lendemain du Concile, et qui n’a jamais abouti à un jugement. Or, c’est du Concile que Jean-Paul II se réclame. En citant longuement son testament, Benoît XVI dévoile le but de cette béatification : conférer quelque autorité usurpée au concile Vatican II.

« En tant qu’évêque qui a participé à l’événement conciliaire du premier au dernier jour, je désire confier ce grand patrimoine à tous ceux qui sont et qui seront appelés à le réaliser à l’avenir. Pour ma part, je rends grâce au Pasteur éternel qui m’a permis de servir cette très grande cause au cours de toutes les années de mon pontificat. »

« Et quelle est cette cause  ? interroge le pape Benoît XVI. Celle-là même que Jean-Paul II a formulée au cours de sa première Messe solennelle sur la place Saint-Pierre, par ces paroles mémorables : N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! ” »

« Ce que le Pape nouvellement élu demandait à tous, affirme Benoît XVI, il l’a fait lui-même le premier : il a ouvert au Christ la société, la culture, les systèmes politiques et économiques, en inversant avec une force de géant – force qui lui venait de Dieu – une tendance qui pouvait sembler irréversible. »

C’est Benoît XVI qui “ inverse ” tout, car le programme donné au Concile par Jean XXIII fut, au contraire, “ l’ouverture ” de l’Église « au monde ». Et Jean-Paul II a tellement peu « ouvert au Christ la société », que Benoît XVI ne cesse de gémir sur la « sécularisation » apparemment « irréversible » de cette dernière.

SUR L’ESPÉRANCE

« Le Christ est le Rédempteur de l’homme » du seul fait de son Incarnation : « Car, par son Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. » (encyclique “ Redemptor hominis ”, n° 8)

C’est précisément l’objet du litige soulevé par l’abbé de Nantes. Car, à la rédemption de l’homme, le Christ a mis des conditions, qui ne consistent pas seulement à “ ne pas avoir peur ”. Notre-Dame l’a montré à Fatima le 13 juillet 1917 à Lucie, François et Jacinthe :

« Nous vîmes comme un océan de feu. Plongés dans ce feu nous voyions les démons et les âmes des damnés.

« Celles-ci étaient comme des braises transparentes, noires ou bronzées, ayant formes humaines. Elles flottaient dans cet incendie, soulevées par les flammes qui sortaient d’elles-mêmes, avec des nuages de fumée. Elles retombaient de tous côtés, comme les étincelles dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, au milieu des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de frayeur. C’est à la vue de ce spectacle que j’ai dû pousser ce cri : “ Aïe ! ” que l’on dit avoir entendu de moi. Les démons se distinguaient des âmes des damnés par des formes horribles et répugnantes d’animaux effrayants et inconnus, mais transparents comme de noirs charbons embrasés.

« Cette vision ne dura qu’un moment, grâce à notre bonne Mère du Ciel qui, à la première apparition, nous avait promis de nous emmener au Ciel. Sans quoi, je crois que nous serions morts d’épouvante et de peur. »

Mais Jean-Paul II a délibérément tourné le dos à Notre-Dame de Fatima : « Karol Wojtyla est monté sur le siège de Pierre, apportant avec lui sa profonde réflexion sur la confrontation, centrée sur l’homme, entre le marxisme et le christianisme. »

C’est dire qu’il est resté sourd à la volonté de Dieu qui est, pour sauver les âmes de l’enfer, d’établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie par la pratique des premiers samedis du mois, et par la consécration de la Russie à ce Cœur Immaculé.

« Son message a été celui-ci : l’homme est le chemin de l’Église, et Christ est le chemin de l’homme. » Est-il possible d’imaginer un « message » plus contraire à celui que Notre-Dame a confié à Lucie, mais pour le faire passer à tous les enfants de Marie :

« Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu » ?

SUR LA CHARITÉ

Dans son homélie, Benoît XVI a rappelé la devise de Karol Wojtyla : « “ Totus tuus ”, qui correspond à la célèbre expression de saint Louis Marie Grignion de Montfort, en laquelle Karol Wojtyla a trouvé un principe fondamental pour sa vie : Totus tuus ego sum. Je suis tout à toi. Donnes-moi ton cœur, ô Marie. ” »

Que ne cite-t-il la Prière Embrasée ? « Quand sera-ce que viendra ce déluge de feu du pur amour, que vous devez allumer sur toute la terre d’une manière si douce et si véhémente, que toutes les nations, les Turcs, les idolâtres, les Juifs même en brûleront et se convertiront ? Il n’y a personne qui se dérobe à sa chaleur. ” (Ps 18, 7)

« Que ce divin feu, que Jésus-Christ est venu apporter sur la terre, soit allumé avant que vous allumiez celui de votre colère, qui réduira toute la terre en cendre.  Envoyez votre Esprit et les choses seront créées, et vous renouvellerez la face de la terre. ” (Ps 103, 30). »

Jean-Paul II bienheureux ? Rien n’est moins sûr. Et la vraie charité est de prier la divine Miséricorde pour le repos de son âme...

frère Bruno de Jésus.

28 mai 2011

[Mgr Williamson - Commentaire Eleison] Autorité virile

SOURCE - Mgr Williamson, fsspx - Commentaire Eleison - 28 mai 2011
Deux jeunes hommes qui hésitent à se marier m'ont prié l'autre jour de leur rédiger un manuel qui explique comment les hommes doivent se comporter en hommes. Ils étaient vraiment en peine : « Quand devons-nous être gentils envers les femmes, quand devons-nous être fermes ?  Nous ne le savons vraiment plus ! » Il y a quelques années le bon sens de beaucoup d'hommes aurait suffi pour répondre à leur question, mais l'autorité en général a été à tel point minée par la propagande libérale que le problème de son exercice dans le mariage peut en partie expliquer pourquoi tant de jeunes gens de nos jours préfèrent vivre ensemble plutôt que de se marier. Ce qui suit n'est pas un manuel, mais peut indiquer à nos deux mousquetaires le chemin à suivre.

St Paul dit, « Je fléchis les genoux devant le Père de Notre Seigneur Jésus Christ de qui toute paternité au ciel et sur la terre tire son nom. » Autrement dit, toute paternité ou autorité parmi les créatures de Dieu est calquée sur la paternité et l'autorité de Dieu lui-même dont elle dérive. Comme Dostoïevski le fait dire à un personnage dans son roman Les Possédés, « Si Dieu n'existe pas, comment puis-je moi-même être un officier d'armée ? »  Dès lors si les hommes chassent Dieu de leurs sociétés, comme ils le font aujourd'hui dans le monde entier, l'autorité s'en trouvera minée à la racine. Chez l'individu sa raison ne dominera plus ses passions, dans la famille le père ne pourra plus diriger sa maison, et dans l'Etat la démocratie se présentera comme l'unique forme légitime de gouvernement, ce qu'elle est bien loin d'être en réalité.

Or quel observateur de la vie de famille de tous les jours peut nier que les hommes sont plus forts que les femmes dans l'usage de la raison tandis que les femmes sont les plus fortes dès qu'il s'agit de l'émotion ou de l'intuition ?  Toute comédie au théâtre ou à la télévision est là pour le montrer. Or les émotions ont leur juste place dans la vie, et les mépriser, c'est aussi périlleux que de mépriser sa femme. Mais les émotions vont et viennent, elles ne sont pas stables, et en tant que telles elles ne sont guère un guide fiable pour l'action. Par contre la raison en discernant ce qui est objectivement vrai et juste en est stabilisée parce que la vérité et la justice objectives dépassent tout individu et surmontent ses émotions. C'est pour cela que la raison tout en prenant en considération les émotions doit aussi les gouverner. Voilà pourquoi les hommes en tant qu'hommes ont une autorité naturelle dont les femmes ne sont que rarement dotées. Elles ont d'autres qualités. Voilà pourquoi l'homme est naturellement la tête de la famille, tandis que la femme en est naturellement le cœur.

Mais le libéralisme qui règne actuellement dans le monde dissout tout sens d'une vérité ou justice objectives. Ce faisant, il coupe la raison de son objet, comme de son ancre objective dans cette  réalité qui la dépasse et en est indépendante. Si donc la raison est le privilège plutôt des hommes, le libéralisme frappe d'abord les hommes avant de frapper les femmes, dont les instincts féminins dépendent peu de la raison. Du coup le libéralisme subvertit cette autorité des hommes qui descend d'en haut lorsqu'ils se conforment à ce qui est au-dessus d'eux, et finalement à la Vérité et à la Justice divines. Par là le libéralisme rend facilement arbitraire l'usage de l'autorité.

Donc, mes jeunes, cherchez à être vrais et justes en tous vos contacts avec vos semblables, hommes ou femmes, et recourez à Dieu pour qu'il vous aide à  discerner où se trouvent la vérité et la justice parmi tant de mensonges, tant d'injustice et d'usage arbitraire de l'autorité dans le monde qui nous entoure aujourd'hui. Agissez ensuite en fonction de ce que vous aurez discerné , et vous reconstruirez d'en haut votre autorité d'hommes dans un monde qui la subvertit d'en bas. Bref, « Cherchez d'abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Mt. VI, 33).

Kyrie eleison.

[Abbé de Cacqueray, fsspx - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs N° 78] Voilà vingt ans, le jour de l’Annonciation de l’année 1991, Monseigneur Lefebvre entrait dans son éternité ...

SOURCE - Abbé de Cacqueray, fsspx - Lettre aux Amis et Bienfaiteurs N° 78 - Mai 2011

Chers Amis et Bienfaiteurs,

« Plus les scrupules du prélat s’estompent, plus la frayeur de Rome grandit »(1).

Voilà vingt ans, le jour de l’Annonciation de l’année 1991, Monseigneur Lefebvre entrait dans son éternité. La reconnaissance nous porte à ne pas laisser passer cet anniversaire sans adresser un hommage à notre vénéré fondateur. Nous cherchons à l’exprimer de votre part, chers anciens qui nous avez précédés sur le sentier de la fidélité, et qui avez peut-être baisé l’anneau épiscopal de Monseigneur Lefebvre à l’occasion de l’une de ses visites dans votre région. Mais nous désirons également nous faire les porte-paroles des plus jeunes et de ceux qui, sans avoir connu Monseigneur Lefebvre de son vivant, ont rejoint les rangs de son grand combat pour la messe et pour la foi catholique. Comme vous le savez, son acte le plus important, son acte décisif, son acte héroïque fut le sacre des quatre évêques en 1988 malgré l’interdiction du pape. C’est de cet acte des consécrations épiscopales que nous lui sommes le plus redevables puisque c’est grâce à lui que se trouvent perpétués le sacerdoce et la messe catholiques dans leur intégrité. Nous voudrions d’abord rappeler quel cheminement conduisit Monseigneur Lefebvre à décider ces sacres avant de dire comment le temps écoulé depuis lors a manifesté l’esprit de sagesse qui inspira cette décision.

Comme on le lit dans la « Lettre ouverte aux catholiques perplexes », Monseigneur Lefebvre a longtemps espéré qu’un ou plusieurs autres évêques se lèveraient à ses côtés pour mener avec lui le combat du maintien de la Tradition Catholique contre le courant dévastateur de l’Église. Mais les années passaient : Monseigneur Lefebvre et Monseigneur de Castro Mayer vieillissaient. Si certains rares évêques lui faisaient sans doute part en privé de leur soutien ou de leur proximité, aucun n’avait annoncé ses intentions, à court ou à long terme, de venir le secourir. Or la crise de l’Église, au fil des années du pontificat de Jean-Paul II, continuait de dévoilerjusqu’à quelles extrémités insensées conduisaient les nouveaux dogmes conciliaires : non seulement aucun signe de retour en arrière de ces erreurs n’était donné, mais un vent libertaire poussait toujours plus loin les scandales, jusqu’aux réunions d’Assise et jusqu’au baiser déposé sur le Coran.

Le spectacle où il voyait l’Église, le chemin sur lequel la précipitaient ses chefs montraient donc à Monseigneur Lefebvre la persistance de l’état de nécessité où l’on se trouvait. Or c’était déjà l’invocation de cette nécessité qui l’avait déterminé à fonder sa Fraternité et à ordonner des prêtrespour aller au secours des âmes, celles-ci étant en proie à une véritable détresse spirituelle dont rien ne laissait présager l’adoucissement. Cette nécessité était une nécessité grave, en raison du péril proche de perdre la foi ou la grâce, et cette nécessité était commune parce qu’elle était la situation habituelle de la vie des catholiques dans le monde entier. L’existence d’une véritable nécessité était même reconnue, jusqu’à un certain point, par quelques voix autorisées de l’Église.

Mais qui savait combien de temps l’hérésie dominerait encore dansl’Église ? Et si la crise devait durer, que se passerait-t-il s’il n’y avait pas d’évêques pour succéder à Monseigneur Lefebvre ? Les prêtres ordonnés par lui essaieraient jusqu’à leur mort — il n’en doutait pas — de demeurer fidèles et de secourir les âmes. Mais, même au cours de cette période, qui confirmerait les enfants et qui ordonnerait de nouveaux prêtres ? Et qu’adviendrait-il surtout des générations à venir privées de prêtres, privées de messes, peut-être réduites à subsister avec le seul sacrement de  baptême ? Revenir dans les paroisses ? Mais les fidèles les avaient justement quittées pour garder la foi ! Conseiller de les y renvoyer eût été criminel ! Le mal qu’ils restent chez eux pour y prier avec leurs missels paraissait encore moindre. Qui donc parviendrait à résister en un tel dénuement religieux ?

Certains conseillaient à Monseigneur Lefebvre de remettre la question de sa succession dans les mains de Dieu. N’avait-il pas déjà fait plus que son devoir ? Le Bon Dieu prendrait soin de ceux qui resteraient sur la terre. Il ne fallait pas lui manquer de confiance ! Cette perspective, dont l’apparence semblait si surnaturelle, était-elle vraiment juste ? Bien sûr — et Monseigneur Lefebvre l’avait médité plus souvent qu’aucun autre au cours de ses oraisons — Dieu peut tout. Mais Dieu ne demande-t-il pas aussi à ses instruments de se tenir prêts à aller jusqu’au bout des pouvoirs qu’il leur a confiés ? Ne veut-il pas que le gouvernement du monde, comme celui de l’Église, se fasse ordinairement par les moyens et les instruments qu’il a prévus à cet effet, de telle manière que les hommes qui y sont préposés mettent en oeuvre les pouvoirs qu’il leur a confiés ?

Or, un évêque a le pouvoir de sacrer d’autres évêques. Dès lors, comment Monseigneur Lefebvre ne se serait-il pas demandé si le Bon Dieu,en ce désert épiscopal, n’attendait pas de lui qu’il se serve de son pouvoir jusqu’à cet acte ultime ? La nécessité si terrible de l’Église et des âmes— dont le salut est la loi suprême dans l’Église — ne lui commandait elle pas, au prix de toutes les sanctions qui seraient sans doute prises contre lui, d’aller jusque-là ? Son pouvoir d’évêque lui commandait donc peut-être de faire encore quelque chose pour s’acquitter de sa mission épiscopale : procéder à la consécration d’évêques vraiment catholiques.

Il est vrai que Rome, lorsqu’elle sentit que Monseigneur Lefebvre eut pris sa décision de consacrer des évêques, finit par lui concéder l’autorisation d’en sacrer un. Monseigneur Lefebvre ne refusa pas d’emblée cette tardive proposition. Mais lorsqu’il s’aperçut du véritable état d’esprit dans lequel elle lui était faite, il comprit que son acceptation serait un piège mortel pour la résistance catholique qu’il avait menée jusque-là. Le prêtre consacré serait choisi malléable à souhait par les autorités romaines. Un subtil mouvement de réorientation de la Fraternité, la rendant plus souple aux réformes, serait ensuite amorcé tandis que la liberté de parole se trouverait peu à peu perdue. Une division inéluctable se produirait dans la Fraternité entre ceux qui se laisseraient emporter par ce courant sous la houlette du nouvel évêque et ceux qui s’y refuseraient.

C’est pourquoi Monseigneur Lefebvre prit la résolution de sacrer nos quatre évêques qui, depuis bientôt vingt-cinq ans, ont permis à la vie catholique de perdurer et de répondre aux besoins des prêtres et des fidèles. Il est clair que cette consécration épiscopale d’évêques contre l’ordre du pape constituait une désobéissance apparente d’une gravité inouïe. Monseigneur Lefebvre le savait bien : il avait suffisamment examiné toutes les facettes des arguments qui lui étaient présentés en faveur et en défaveur de son geste. Il avait finalement acquis la conviction que l’état de nécessité grave et commune où se trouvait l’Église faisait un devoir grave à l’évêque qu’il était de pourvoir au bien durable des âmes par la transmission de son épiscopat. Il ne fut pas question pour lui d’attribuer à ces évêques une juridiction épiscopale qu’il n’appartient qu’au Pontife romain de transmettre. C’est pourquoi ces sacres ne constituèrent pas une église parallèle. Il communiqua à ces évêques, le 30 juin 1988, sans le consentement du pape, le pouvoir d’ordre. La loi positive qui oblige l’accord du pape pour sacrer des évêques s’effaçait pour faire face à la nécessité grave de transmettre le pouvoir d’ordre.

Si Monseigneur Lefebvre parvint à la conviction prudente qu’il devait consacrer des évêques, c’est qu’il avait peu à peu réussi, entre de nombreuses conjectures qui se présentaient à lui, à distinguer celles qui lui apparaissaient comme les plus probables. Saint Thomas, dans son analyse de la vertu de prudence, place la prévoyance au rang des « vertus intégrantes », c’est-à-dire de ces différentes vertus qui concourent à la perfection d’un acte. La prévoyance est alors la vertu par laquelle « le regard s’attache à quelque chose de lointain comme à un terme auquel doivent être ordonnées les actions présentes. ». Monseigneur s’est donc appliqué à savoir comment la crise de l’Église allait le plus vraisemblablement évoluer. S’il avait alors pronostiqué qu’elle allait rapidement seterminer et l’état de nécessité cesser, il se serait dispensé de sacrer. S’il avait espéré que des évêques, après sa mort, se lèveraient pour prendre sa suite, il n’aurait pas sacré non plus. S’il avait présumé, moyennant l’évêque que Rome se déclarait prête à lui concéder, que la Fraternité pourrait alors librement continuer son oeuvre pour l’Église, il n’aurait peut-être pas non plus procédé à ces consécrations épiscopales. S’il avait enfin estimé que ces sacres amèneraient inéluctablement la Fraternité à devenir une petite église indépendante, il n’aurait pas sacré ces évêques.

Si, donc, il a sacré les quatre évêques, c’est parce qu’il a longuement délibéré et qu’il a pensé que la crise de l’Église risquait de durer suffisamment longtemps et qu’il fallait pourvoir au renouvellement des prêtres catholiques. Qu’il n’y aurait sans doute pas d’évêques qui se lèveraient après lui pour lui succéder et que l’unique évêque que Rome avait fini par lui permettre de sacrer ne garantissait pas suffisamment la survie de l’oeuvre traditionnelle qu’il avait conduite. Enfin, parce qu’il prenait toutes les précautions pour que ces sacres ne fissent pas de la Fraternitéune église autocéphale en puissance.

Certains se sont choqués, sur des sujets aussi graves, de penser que Monseigneur Lefebvre se soit déterminé sur des prévisions et des estimationsdes circonstances par définition faillibles. Mais n’est-ce pas là toute l’habituelle difficulté des chefs que de devoir sans cesse discerner, entre différentes hypothèses d’avenir, celle qui apparaît comme la plus vraisemblable afin de décider en conséquence ? Nous ne voulons, bien sûr, rien enlever aux précieuses lumières intérieures que Monseigneur Lefebvre reçut du Saint-Esprit lorsqu’il eut à frayer son chemin en des  circonstances si difficiles. Mais nous voulons simplement dire que ces inspirations ne l’ont pas dispensé de passer par toute cette réflexion conjecturale et prudentielle et il en va d’ailleurs de même pour nous, dans tout ce que nous avons à décider, tout au long de notre vie. Cette décision des consécrations épiscopales qui restera, dans l’histoire de l’Église, comme la plus illustre et la plus importante de toute sa vie est l’aboutissement d’un long et admirable cheminement prudentiel. Monseigneur Lefebvre n’a pris cette résolution que lorsqu’il a su que c’était désormais l’unique moyen qui lui restait d’assurer la pérennité du sacerdoce et de la foi catholique.

Mais voyons, maintenant, si le chemin des vingt années parcourues depuis lors confirme la justesse de son jugement. Comme le laboureur, sur le parcours du sillon qu’il a tracé dans son champ, se retourne pourvoir s’il n’a pas dévié de la ligne droite, prenons quelques instants pour nous retourner, avec le début de recul que nous donne le temps, pourvérifier l’exactitude de ces présomptions à partir desquelles s’est déterminé Monseigneur Lefebvre.

La longueur de la crise de l’Église, tout d’abord. Elle a bien duré tout le pontificat de Jean-Paul II. Est-elle en train de s’estomper avec celui de Benoît XVI ? Certains le pensent en se fondant sur des gestes comme celui de la reconnaissance du droit, pour tous les prêtres, de célébrer la messe de saint Pie V. Nous ne méconnaissons pas l’importance de cette déclaration ou de l’aveu que la messe de saint Pie V n’avait jamais été interdite. Cependant, ces signes doivent-ils être certainement compris comme les prémices d’un retour des autorités de l’Église vers l’intégrité de la vérité catholique ? Nous ne croyons pas que l’on puisse soutenir cette hypothèse. Tant l’annonce de la future béatification de Jean-Paul II que celle du renouvellement d’Assise suffisent à indiquer la pertinacité de l’orientation conciliaire du pontificat du pape Benoît XVI. La nécessité grave où se trouvent les âmes n’a donc pas diminué avec les années puisque l’enseignement officiel dispensé par le clergé reste obstinément celui du concile, enseignement destructeur pour la foi.

Au cours de cette même période de bientôt 25 ans, on a vu un seul évêque, dans le monde entier, Monseigneur Lazo, revenir publiquement à la Tradition et apporter son soutien inconditionnel à l’oeuvre de Monseigneur Lefebvre, en 1995, par une profession courageuse de sa compréhension de l’état de nécessité et du bien-fondé de l’attitude de Monseigneur Lefebvre. Il offrit les souffrances de la fin de sa vie pour la conversion des évêques. Il est à noter que ce retour, oeuvre de la grâce de Dieu, s’est fait par l’intermédiaire de membres et de fidèles de la Fraternité. Mais se serait-il même seulement produit s’il n’y avait pas eu les sacres ? Ce n’est pas certain car l’extension et le rayonnement d’une Fraternité privée d’évêques se fussent trouvés bien compromis. Et un seul évêque, déjà bien fatigué, n’aurait d’ailleurs pas suffi pour faire face à l’apostolat que nos quatre évêques ne sont pas de trop pour fournir. On peut donc dire que Monseigneur Lefebvre a également vu juste en estimant qu’aucun évêque ne se lèverait pour le remplacer.

Bien sûr, on peut objecter que la mort de Monseigneur Lefebvre, si celui-ci n’avait pas pourvu à sa succession épiscopale, aurait donné le courage à certains évêques de se lever. Mais une telle supposition paraît plus un pieux rêve qu’autre chose : aucun élément objectif ne la fondait car aucun évêque n’avait manifesté le moindre signe permettant de l’espérer.

Mais, si Monseigneur Lefebvre avait accepté l’évêque que Rome semblait sur le point de lui concéder ? Nous avons déjà dit la méfiance que ressentit Monseigneur Lefebvre sur l’unique candidat qui eût alors été choisi par Rome. Cette méfiance n’a-t-elle pas été justifiée par bien des épisodes survenus depuis 1988 ? N’avons-nous pas été les spectateurs,en 2000, des manoeuvres et de l’intervention de Rome pour que soit nommé, comme Supérieur de la Fraternité Saint-Pierre, son candidat contre le vote interne de la société ? Et s’il faut parler d’évêques, n’avons-nous pas également assisté à la nomination de Monseigneur Rifan qui s’est empressé, comme s’il en avait donné le gage, de réduire la résistance de Campos ? Enfin, c’eût été aussi bien imprudent de charger un seul évêque de la transmission de tout l’héritage de l’Église et de risquer sur une seule vie humaine l’avenir du sacerdoce catholique.

Toutes les diverses sociétés qui ont accepté leur régularisation avec Rome ont d’abord protesté que leur nouveau statut ne modifierait en rien leurs principes. Mais il est incontestable qu’aucune n’y est réellement parvenue. Ces communautés ne sont pas libres. Elles sont brimées par les évêques. Leur apostolat est minutieusement calculé pour parvenir juste à ébrécher celui de la Fraternité, tout en le cantonnant au minimum. Les prêtres les plus conscients des déviations doctrinales provenant du Concile doivent demeurer très discrets s’ils veulent éviter d’avoir des évêques et du pape ne sont pas dénoncés. Nous soulignons donc que le positionnement qu’ont cru devoir adopter ces différentes sociétés et leur évolution constituent de nouvelles preuves qui nous sont fournies de la sagesse avec laquelle Monseigneur Lefebvre s’est gardé d’inscrire la Fraternité dans un cadre qui l’aurait privée de sa liberté.

Enfin, la Fraternité n’est pas devenue une église autocéphale. Les évêques de la Fraternité ne se sont pas vu attribuer des juridictions. Les prêtres de la Fraternité continuent à citer au canon de la messe le nom du pape et celui de l’évêque. La mesure prise par le pape — tout insuffisante qu’elle soit de « lever » les excommunications de nos évêques contribue à jeter le discrédit sur la pertinence de la sanction qui avait été prise à leur égard. Enfin, les objections que pose la Fraternité ont été suffisamment prises au sérieux pour avoir déterminé les conversations doctrinales en cours tandis que ses analyses critiques sur le Concile et la nouvelle messe trouvent une audience toujours plus importante chez de nombreux prêtres.

Nous concluons donc que le temps a donné raison à Monseigneur Lefebvre. Située sur une ligne de crête entre l’impasse des courants sede-vacantistes et le musellement des sociétés canoniquement correctes, la Fraternité doit à sa fidélité, à cette prudence tracée par Monseigneur Lefebvre d’avoir pu, toutes ces dernières années, rester libre de confesser la foi.

Et cette confession de la foi, il est clair que la Fraternité la doit plus que jamais à Dieu pour que la vérité révélée continue à être transmise sur la terre. Elle la doit aux âmes car la foi est nécessaire au salut. Elle la doit aux autorités de l’Église égarées pour qu’une voix encore se fasse entendre et leur donne une chance de retrouver le chemin qu’elles ont quitté.

Bien chers amis, nous devons demeurer inlassablement fermes dans la foi de nos pères. Ne nous essoufflons pas dans ce grand combat que nous demandons la grâce de mener jusqu’à notre dernier soupir pour l’honneur de Notre-Seigneur Jésus-Christ et pour la transmission de notre héritage divin aux générations qui nous succèderont. Tout au contraire, tirons le bien du mal et ayons l’ambition de grandir tous les jours dans la foi, l’espérance et la charité au milieu de cette période d’adversité. Demandons, comme une grâce insigne, l’accroissement de ces trois vertus théologales dans nos âmes, chaque jour de notre vie, afin de correspondre toujours davantage aux admirables desseins de Dieu sur nous.

Nous nous recommandons à vos ferventes prières et nous vous remercions de votre constante générosité pour le développement de nos œuvres et nous vous assurons de nos prières auprès du Coeur Douloureux et Immaculé de Marie.

Abbé Régis de CACQUERAY , Supérieur du District de France

(1) Monseigneur Tissier de Mallerais

27 mai 2011

[osservatore-vaticano.org] 21 prêtres français s’adressent à Rome : « Donnez-nous des évêques selon le cœur du Pape ! »

SOURCE - osservatore-vaticano.org - 27 mai 2011

Dans le contexte du sacre de Mgr Fonlupt et des interrogations de fidèles dont nous nous sommes faits l’écho, nous avons reçu le texte d’une supplique qu’un groupe de 21 prêtres français adressent ces jours-ci au cardinal Ouellet, préfet de la congrégation pour les évêques.

D’après ce que je sais de la situation du catholicisme français, ces 21 auraient aussi bien pu être plusieurs dizaines, mais l’animateur du groupe s’est volontairement limité pour envoyer rapidement – et, en l’occurrence, avant le sacre de Mgr Fonlupt – cette supplique à Rome.

Qui sont ces prêtres? De parfaits représentants des « forces vives » du catholicisme français: ils sont 4 religieux, 2 membres d’instituts Ecclesia Dei, et 15 prêtres diocésains. Certains ont été tout récemment ordonnés; d’autres sont prêtres depuis plus de 20 ans. Presque tous ont moins de 50 ans. En un mot, ils sont représentatifs de la génération de la nouvelle évangélisation. Ils ont vu le champ immense de la mission en France même et ne parviennent pas à comprendre que les bureaux et les officines continuent à s’arc-bouter sur des choix idéologiques d’un autre âge. Ils sont résolument favorables à la fin de la guerre liturgique et à la « réforme de la réforme » et aussi hostiles que possible aux interprétations néo-modernistes de Vatican II. L’animateur de ce groupe – qui en est aussi le doyen – a délibérément choisi de représenter cette « diversité » parmi les signataires.

Pour ma part, en recevant cette supplique, j’ai instantanément songé à la supplique des séminaristes de Milan en février dernier. Nous avions suivi cette affaire sans en parler pour éviter de jeter de l’huile sur le feu, mais, à présent qu’elle est derrière nous, je peux bien vous dire de quoi il s’agissait: quelques séminaristes du diocèse de Milan ont écrit une supplique au Pape demandant la possibilité de se former à la célébration du rite ambrosien. L’affaire engendra beaucoup de remue-ménage, à la curie, au diocèse et au séminaire, à tel point que les « fautifs » furent convoqués par le supérieur du séminaire et manquèrent de peu le renvoi.

C’est la raison pour laquelle j’ai moi-même conseillé à l’animateur de ces 21 prêtres de ne pas solliciter de séminaristes (car, en France, on ne se contenterait pas de la menace et il serait trop bête de perdre des prêtres avant même leur ordination…). Et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai supprimé les signatures des 21 prêtres. Nous, laïcs, pouvons librement prendre la parole; il n’en va pas toujours de même pour les clercs.

A Son Éminence le Cardinal Ouellet,
Préfet de la Congrégation pour les Évêques

Éminence,

Nous voudrions vous faire part de l’incompréhension d’une large part des prêtres et des catholiques de France concernant les nominations épiscopales actuelles.

Dans notre pays, depuis trois ou quatre décennies, le catholicisme s’est réduit et continue de se réduire dramatiquement (effondrement constant de la pratique dominicale, du nombre des prêtres, des religieux, des catéchisés, des vocations, etc.) Il n’est pas impossible que le Saint-Siège soit bientôt contraint de transformer certains diocèses français en administrations apostoliques, compte tenu du nombre dérisoire de leurs prêtres en activité.

Or ce catholicisme malade n’est pas mort. Transformé par la terrible épreuve de la sécularisation, il a encore – pour combien de temps ? – la capacité de se revitaliser en son état de minorité : scoutisme, écoles vraiment catholiques, mouvements, pèlerinages, communautés nouvelles multiples, communautés traditionnelles jeunes et vivantes, nouvelles générations de prêtres réellement missionnaires, séminaristes diocésains et nombreuses vocations potentielles de type « génération Benoît XVI », possibilités liturgiques et vocationnelles offertes par le Motu Proprio Summorum Pontificum, jeunes familles chrétiennes nombreuses, groupements très actifs de soutien à la vie. Ce catholicisme-là veut tourner une page mortifère : abus liturgiques, prédication désastreuse concernant la morale du mariage, complexe anti-romain latent, pratiques sacramentelles déviantes (bénédictions de « remariages » des divorcés remariés, absolutions collectives), catéchèse douteusement catholique sur l’eucharistie, etc.

Dans ce contexte, les nominations épiscopales nous paraissent inintelligibles. Bien des évêques de France sont en décalage croissant avec ce nouveau catholicisme. Et c’est une immense déception de voir qu’une partie de ceux nommés aujourd’hui même, sous le pape Benoît XVI, comme s’ils se reproduisaient par cooptation, ont encore un esprit « génération 68 » plus ou moins recentré, et que l’autre partie est choisie, pour les besoins d’un consensus introuvable, parmi des hommes d’une timidité réformatrice extrême.

Les prêtres, les religieux, les clercs que nous représentons désirent que soit faite à l’adresse d’une société de plus en plus indifférente une annonce claire de l’Évangile. Ils sont en outre animés d’un vrai désir de réconciliation et de paix entre tous les catholiques de France, qui se savent désormais largement minoritaires. Mais pour mettre en œuvre une nouvelle pastorale, il faut choisir de nouveaux pasteurs. Il se trouve que les prêtres de 50 à 60 ans qui ont un profil pastoral, psychologique et intellectuel solide, répondant parfaitement aux besoins vitaux du nouveau catholicisme français, sont désormais nombreux.

Éminence, le salut du catholicisme français dépend de la nomination d’évêques qui répondront à ses besoins réels et à ses vraies attentes.

Nous exprimons à Votre Éminence notre profond et religieux respect, et La prions de transmettre à notre Saint-Père le Pape l’expression de l’affection dévouée et respectueuse de ses enfants fidèles, prêtres de Jésus-Christ.

26 mai 2011

[Romano Libero - Golias] Un nonce très pie

SOURCE - Romano Libero - Golias - 26 mai 2011

Christophe St-Placide et son site « Summorum Pontificum observatus » fait état d’une messe pontifical très solennelle célébrée selon l’ancien rite par Mgr Giacinto Berloco, 70 ans, Nonce apostolique en Belgique, et que l’on dit de tendance conservatrice (mais « cordiale »). Le prélat italien a célébré dimanche pontificalement la Messe selon le rite romain traditionnel et conféré le sacrement de confirmation. Certainement avec l’aval du Vatican. La cérémonie a eu lieu dans l’église conventuelle Sainte-Anne, nouvel apostolat confié à l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre, par Mgr André-Joseph Léonard. Cet Institut a été fondé et est dirigé par un prêtre français de style et d’allure baroque, Gilles Wach.

Sur internet on peut voir également pontifier à l’ancienne le même Mgr Léonard mais aussi Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon. Mais ce dernier ne s’est pas contenté de célébrer une messe pontificale à l’ancienne. Il a procédé à une ordination diaconale dans la forme extraordinaire en la cathédrale de Toulon. Ce qui va bien au-delà de la concession accordée par Rome d’ordonner selon les anciens livres pour le compte d’instituts et de société à vocation particulière.

Mais revenons au fait qu’en Belgique le Nonce lui-même ait ainsi pontifié. Important, car cela prouve que le Vatican entend partiellement soutenir de telles initiatives, à commencer par le cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire. Très classique, Mgr Berloco n’a rien d’un franc-tireur et il n’aurait décidé de pontifier ainsi sans l’aval d’en-haut.

Ce n’est d’ailleurs pas étonnant. Le cardinal Angelo Bagnasco, archevêque de Gênes et Président de la conférence épiscopale, est intervenu pour encourager de telles célébrations. Qui conservent et font connaître le patrimoine de l’Eglise. Une prise de position remarquée, alors que certains évêques italiens, et non des moins, comme le cardinal Paolo Romeo de Palerme, NN SS Gianfranco Agostino Gardin (Trévise), Ignazio Sanna (Oristano) et Giuseppe Mani (Cagliari)continuent à faire de la résistance.

Autant que la lettre du document d’application du motu proprio sur la liturgie c(’est la pratique et les interventions des uns et des autres qui nous en livrent le sens.

[Paix Liturgique] Mgr Housset, entendez-vous l'appel des silencieux du diocèse de Saintes-La Rochelle

SOURCE - Paix Liturgique, lettre 284 - 26 mai 2011

Dans notre lettre n°274, nous rendions compte de l’incroyable refus d’application du Motu Proprio Summorum Pontificum à Royan. Un curé et son équipe pastorale justifiaient leur opposition à l’introduction de la forme extraordinaire de la liturgie romaine dans la vie paroissiale au nom de la “démocratie” et de la “communion ecclésiale” et sur le fait - tout à fait inexact - que le demandeur ne serait qu'un paroissien "occasionnel". Après être revenus sur l’application martienne du Motu Proprio dans le diocèse de Mgr Housset – une seule messe mensuelle en alternance à 70 km de distance –, nous concluions notre lettre par l’annonce de notre décision de reprendre notre campagne de sondages diocésains. Et de la reprendre en commençant, précisément, par le diocèse de Saintes - La Rochelle.

Chose promise, chose faite grâce à la générosité de nos donateurs.

Nous vous proposons cette semaine les résultats de ce sondage, premier sondage diocésain de Paix liturgique en zone rurale.

I – LES RÉSULTATS

Du 22 au 29 mars 2011, le cabinet JLM Études a réalisé pour le compte de Paix liturgique une enquête auprès d’un échantillon de 964 personnes représentatives de la population de 18 ans et plus du diocèse de La Rochelle. Sur ces 964 personnes interrogées, 416 ont déclaré se considérer “catholique”, soit 43%. Moins de 50% de catholiques déclarés dans un diocèse rural français, c’est une première donnée affligeante qui confirme que la crise de l’Église de France est générale.

Les résultats qui suivent sont établis sur les réponses des "sondés" qui se sont déclarés "catholiques".


a) Assistance à la messe

14,3% des sondés déclarent assister à la messe chaque semaine ;
7,9% une à deux fois par mois ;
20,3% pour les grandes fêtes ;
39,8% occasionnellement ;
16,1% jamais ;
1,7% ne répondent pas.

b) Connaissance du Motu Proprio

50,4% de l’ensemble des catholiques du diocèse disent connaître le Motu Proprio Summorum Pontificum contre 48,7% qui n’en ont jamais entendu parler (1% ne répond pas).

Chez les catholiques qui pratiquent au moins une fois par mois, le résultat est néanmoins plus tranché puisque 76,5% sont au courant de l’existence du Motu Proprio contre seulement 23,5% qui l’ignorent.

c) Perception du Motu Proprio

51,9% des sondés trouvent normale la coexistence des deux formes du rite romain au sein de leur paroisse ; 34,4% n’ont pas d’avis et seulement 13,7% la trouvent anormale. En dépit de leur méconnaissance du texte, les catholiques du diocèse de Saintes - La Rochelle démontrent ainsi leur propension à adhérer au Motu Proprio et, plus largement, aux textes pontificaux. Parmi les pratiquants, ils sont mêmes 61,4% à juger normale la célébration régulière des deux formes du rite au sein de leur paroisse.

d) Participation à la forme extraordinaire

À la question « Si la messe était célébrée en latin et grégorien sous sa forme extraordinaire dans votre paroisse, sans se substituer à celle dite “ordinaire” en français, y assisteriez-vous ? »

Chez les pratiquants, 40,3% déclarent vouloir assister à la liturgie extraordinaire chaque semaine et 16,1% à un rythme mensuel. Soit 56,4% des pratiquants actuels du diocèse qui iraient au moins une fois par mois participer à une messe en latin et en grégorien selon le missel de 1962, à la condition que celle-ci leur soit proposée dans leur paroisse.

II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) Que nos sondages soient internationaux ou diocésains, les résultats se répondent d’une enquête à l’autre et confirment l’existence d’une forte population de catholiques désireux de marcher dans les pas du Saint-Père et de faire la paix liturgique et la réconciliation des fidèles au sein des paroisses. À Saintes et La Rochelle, ils sont 56,4% des les pratiquants à se dire prêts à participer au moins une fois par mois à la liturgie millénaire de l’Église si celle-ci était célébrée dans leur paroisse, soit 1 catholique pratiquant du diocèse de Mgr Housset sur 2 ! C’est un résultat considérable qui s'incrit tout à fait dans l'affirmation (Paragraphe 7) de la dernière instruction "Universae Ecclesiae" : "En raison de l'augmentation du nombre de ceux qui demandent à pouvoir user de la forme extraordinaire, il est devenu nécessaire de donner quelques normes à ce sujet".


2) 56,4%, c’est donc bien une majorité des catholiques fréquentant encore les églises de Charente-Maritime qui est ouverte à l’enrichissement mutuel des deux formes du rite romain tel que le souhaite Benoît XVI. Le problème c’est que les portes des paroisses demeurent fermées à cette coexistence pacifique des deux formes du rite puisque la forme extraordinaire n’y est pas célébrée.

3) Ce résultat est même étonnant, tant il est fort. Il invite à ouvrir un certain nombre de pistes d’analyses :

- Ce résultat montre-t-il que les diocèses de l’Ouest seraient nettement plus favorables au retour dans les paroisses de l’usus antiquior ? Ou bien, plus généralement, le mouvement lancé par le Motu Proprio, augmenté par le bouche à oreille (duquel participent les blogs Internet et nos sondages) est-il en augmentation très significative ? De prochains sondages pourront nous donner des éléments de réponse.

- Ce résultat peut aussi présenter une lointaine mais certaine analogie avec le phénomène politique électoral actuel : les élus de nos démocraties sont de plus en plus en décalage avec leurs électeurs, d’où une montée continue de l’abstention, et des votes sanctions (la plupart des élections en Europe aujourd’hui se font contre les hommes au pouvoir). Toutes choses égales, le décalage entre les hiérarques catholiques et le « nouveau catholicisme » français, prêtres des nouvelles générations, séminaristes, communautés traditionnelles, familles, mouvements pro-vie, scoutismes, trouve dans les sondages liturgiques une occasion de manifester un ras-le-bol, il n’y a pas d’autre terme, certain.

- Enfin, il y a peut-être une dimension personnelle dans le résultat de ce sondage qui tient à la figure particulièrement représentative d’une non-représentation, si l’on ose dire, du catholicisme réel, qu’est Mgr Bernard Housset, homme d’appareil conciliaire s’il en est depuis l’origine (dans le diocèse de Bayonne, puis dans les bureaux de la CEF). Homme au reste « modéré » (il lui est arrivé, étant évêque de Montauban, de célébrer la messe traditionnelle pour remplacer le prêtre désigné empêché), il est un des derniers Mohicans de ceux qui « ont fait le Concile », et que le monde ancien, qu’il a connu en sa jeunesse, agace comme tel au dernier degré. Bernard Housset est le type même de ces prélats français postconciliaires transparents, qui se suivent, se cooptent, se ressemblent, et qui, tout figures d’un théâtre d’ombres qu’ils soient, occupent tout le terrain depuis 40 ans. On a l’impression qu’aussi longtemps qu’il restera de ces hommes d’appareil, c’est eux que l’on nommera à la tête des diocèses de France. Une réaction particulière de récusation par « peuple de Dieu » réel peut donc aussi s’expliquer à son égard, à l’occasion de ce sondage.

4) Le père Delage, curé de Royan, a refusé la messe dans sa paroisse car la demande faite par un groupe de fidèles ne rencontrait pas le “large consensus des acteurs de la mission”. Mot d’anthologie d’une langue de la tribu qui brave le ridicule ! Le « large consensus des acteurs de la mission »… Comme nous n’imaginons pas que le père Delage soit un menteur, nous ne pouvons que pointer du doigt la non-représentativité de ces “acteurs de la mission”. En fait c’est un problème souvent vérifié : les laïcs qui peuplent les conseils paroissiaux et derrière lesquels se cachent les curés réticents ou craintifs pour justifier leurs refus d’application du Motu Proprio, ne représentent pas la réalité des pratiquants.

Célibataires, veuves, veufs et personnes âgées y sont surreprésentés, au détriment des familles, faute de disponibilité des parents ayant des enfants à la maison. Et c’est le cas à Royan.

5) 51,9% de l’ensemble des sondés trouvant donc normale la coexistence des deux formes du rite dans leur paroisse, soit là encore une majorité de catholiques, ni le père Delage ni Mgr Housset ni aucun autre prêtre du diocèse ne devraient craindre pour la “communion ecclésiale”. S’ils brandissent cet empêchement pour motiver leurs oppositions à la forme extraordinaire, ce ne peut-être du fait de la majorité pacifique qui souhaite pouvoir en bénéficier. Qui, alors, menace la “communion ecclésiale” ? Les catholiques qui trouvent “anormale” la coexistence des deux formes du rite, donc l’enrichissement mutuel voulu par le pape ? Mais ceux-ci ne sont que 14% à La Rochelle et ils n’étaient pas plus de 20% en Seine-Saint-Denis (voir notre lettre n°255). Il serait dommage, et absurde, que nos pasteurs privent la majorité des fidèles d’un droit que le pape leur a accordé en juillet 2007 et qui vient d’être rappelé dans l’instruction Universae Ecclesiae (voir notre lettre n°283) sous prétexte qu’une minorité surreprésentée s’y oppose. Et ce d’autant plus que le droit à la forme extraordinaire ne s’exerce pas, rappelons-le, au détriment de la forme ordinaire. Oserons-nous ajouter que les chances qu’a la forme ordinaire de survivre à un désintérêt de plus en plus grand, résident dans un « enrichissement » qui la rapprocherait de la forme extraordinaire ?

6) Thierry Rogister, porteur de la demande de messe à Royan, soulève d’ailleurs cette question de la “communion ecclésiale” dans un courrier récemment envoyé au père Delage pour renouveler sa requête :

“Ma demande, bien que non limitée à la période estivale puisque la paroisse de Royan est devenu ma paroisse régulière, risquerait d’aller à l’encontre de la communion ecclésiale locale ? J’ai le regret d’observer que c’est votre décision qui génère la division. Au nom de l’unité, vous proposez à ma famille et sans doute à tous ceux de notre sensibilité de devenir des "S.E.F. "(sans église fixe) entre La Rochelle et Saintes avec des offices à périodicité aléatoire, alors que mon église de Pontaillac est à 100 mètres de ma maison.” Comment ne pas lui donner raison ?

7) En ce mois de Marie, nous nous tournons vers la Sainte Vierge et lui demandons avec confiance d’ouvrir les cœurs du père Delage et de Mgr Housset au désir de liturgie digne et traditionnelle qui anime tant de leurs fidèles. Il est temps que le Motu Proprio soit appliqué dans le diocèse de La Rochelle. Un premier geste serait de rendre hebdomadaire la messe mensuelle actuellement célébrée en alternance aux deux extrémités du département. Un second pourrait être d’annoncer la célébration de la forme extraordinaire à Royan le 15 août et lors des grandes fétes, comme le demandent les fidèles qui s’y retrouvent en vacances… ou pendant l'année !.

8) Ce sondage a coûté la somme de 5 500 € TTC. Si vous souhaitez participer à son financement et nous permettre de continuer notre travail d’information, vous pouvez adresser votre don à Paix liturgique, 1 allée du Bois Gougenot, 78290 CROISSY-SUR-SEINE en libellant votre chèque à l’ordre de Paix liturgique ou par virement : IBAN : FR76 3000 3021 9700 0500 0158 593 - BIC : SOGEFRPP.