22 mars 2002

La liturgie préconciliaire: des autorisations accordées sans difficulté
Moyennant le retour à l´unité et à l´obéissance
22 mars 2002 - ZENIT.org
CITE DU VATICAN, Vendredi 22 mars 2002 (ZENIT.org) - Interrogé sur la récente autorisation accordée à fraternité brésilienne S. Jean-Marie Vianney de célébrer la liturgie selon le rite catholique latin "préconciliaire", le cardinal Medina souligne que cela ne fait pas de difficulté pour les groupes revenant à la communion ecclésiale par l´obéissance au pontife romain.

Rappelons que cette fraternité est formée de l´évêque Licínio Rangel (consacré par trois évêques ordonnés de façon illicite par Mgr Marcel Lefebvre) ainsi que 26 prêtres et quelque 28.000 laïcs venant majoritairement de l´Etat de Rio de Janeiro, dans la région de Campos dos Goytacazes. Elle a été accueillie dans l´Eglise par le cardinal Dario Castrillon Hoyos le 18 janvier 2002 (cf. ZF020118).

Le cardinal Jorge Medina Estevez, préfet de la congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements constatait, lors de la conférence de presse de présentation de la troisème édition typique du Missel romain, à la fois l´état de "rupture" avec Rome de certains "groupes" s´inscrivant dans le sillage de Mgr Lefebvre, et la "recomposition de l´unité" voulue par d´autres groupes ou monastères qui ont reçu l´autorisation de célébrer selon le rite dit "Tridentin" ou "préconciliaire".

Ces derniers ont d´ailleurs accueilli la visite du cardinal préfet, en France ou en Italie. Le cardinal constate la "vitalité" de ces monastères qui ont des vocations et une moyenne d´âge jeune, comme au Barrou (30e anniversaire, 70 moines), cita aussi Notre-Dame de Triors (Drôme) et Fontgombault. Il souligne la nécessité de "comprendre leur sensibilité".

Le cardinal cite également les liens avec Rome rétablis dans la Fraternité Saint-Pierre, présente non seulement en France, mais aussi par exemple, en Allemagne, en Suisse, et aux Etats-Unis, ou par l´Institut du Christ Roi, de Gricigliano, en Italie, près de Florence.

Mais en même temps, le cardinal évoque "avec douleur" la rupture qui demeure en particulier avec la Fraternité Saint-Pie X. Interrogé par les journalistes sur cette question, le cardinal précise employer le mot "rupture" puisqu´il y a "schisme", selon la définition traditionnelle de rupture de communion, ici, "avec l´Eglise de Rome", étant donné la "désobéissance aux lois de l´Eglise catholique de rite romain".

Avec la Fraternité Saint-Pie X, le cardinal précise que les tractations sont toujours en cours. Il cite à cet égard un récent échange de lettres entre Mgr Fellay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X et le cardinal Joseph Ratzinger, préfet de la congrégation pour la Doctrine de la foi, à propos de certaines difficultés théologiques.

Le cardinal Medina évoque la façon dont le Jubilé a été célébré avec une "grande dévotion" et une "grande piété" par les pèlerins traditionnalistes mais regrettait en même temps que le livret de prières de leur pèlerinage n´ait pas mentionné la personne qui avait décidé du Jubilé: le pape Jean-Paul II, et que le nombre des pontifes romains "fidèles à la tradition" soit réduit par ce livret à 260, excluant... les 4 derniers pontifes.

Il regrette la présence au sein d´un même groupe de personnes très "rigides" considérant le Missel romain actuel "sacrilège et invalide".

Mais il constate aussi la manifestation de personnalités plus accessibles. Il citait en particulier les efforts et la "sagesse" du cardinal Dario Castrillon Hoyos qui a effectué différentes visites y compris en France.

Le cardinal conclut dans tous les cas la nécessité de la "patience". Quant à un accord entre Rome et tous les disciples de Mgr Lefebvre, il ne compte pas le voir survenir "à brève échéance". Il faut, dit-il, du "temps". "Espérons", ajoute-t-il.

15 mars 2002

[Abbé G. de Tanoüarn, fsspx - Nouvelle revue Certitudes] Quand l'homme est libre de Dieu

SOURCE - Abbé G. de Tanoüarn, fsspx - Nouvelle revue Certitudes - n°9 - janvier-février-mars 2002

Nietzsche restera dans l'histoire de la pensée comme celui qui a annoncé la mort de Dieu. La déclaration la plus caractéristique et la plus conforme à la tonalité intellectuelle fondamentale de l'ingénieux Sarmate se trouve dans un recueil d'aphorismes et de textes courts : Le gai savoir (§125). n importe, je crois, de le citer presque intégralement, pour mieux apprécier l'événement culturel qu'il décrit :
« Vous n'avez jamais entendu parler du fou qui, un beau matin, alluma sa lanterne, courut au marché et cria sans cesse : Je cherche Dieu, je cherche Dieu. Parce qu'il se trouvait là un grand nombre de personnes qui ne croyaient pas en Dieu, il suscita une immense rigolade. Est-ce que le bon Dieu a été perdu ? demanda l'un. Est-ce qu'il s'est échappé comme un gamin ? disait l'autre. Ou encore : S'est-il caché ? A-t-il peur de nous ? Est-il monté sur un navire ? A-t-il émigré ? criaient-ils en ricanant entre eux. L'homme fou bondit vers eux et les transperça de ses regards : Où Dieu est-il allé ? cria-t-il. Je vous Je dis, nous J'avons rué, vous et moi. Nous sommes tous des assassins / Mais comment l'avons-nous fait ? Comment avons-nous pu avaler la mer ? Qui nous a donné l'éponge pour effacer tout l'horizon ? Qu'avons-nous fait, quand nous avons dégagé la terre de son soleil ? Vers où s'en va-t-il maintenant ? Dans quelle direction nous dirigeons-nous ? Loin de tout soleil ? Ne nous jetons-nous pas en bas continuellement ? En arrière, en avant, de tous côtés ? Y a-t-il encore un dessus et un dessous ? Ne nous égarons-nous pas dans un néant infini ? L'espace vide ne nous soulève-t-il pas de son haleine pour nous aspirer ? Ne fait-il pas maintenant plus froid ? Est-ce que la nuit ne tombe pas toujours et toujours plus nuit ? Ne devons-nous pas allumer les lanternes le matin ? N'entendons nous pas le bruit des fossoyeurs qui ensevelissent Dieu ? Ne sentons nous pas l'odeur de la putréfaction divine ? Même les dieux se putréfient ! Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et nous l'avons tué ! Comment nous consolons-nous, nous les plus assassins de tous les assassins ? La chose la plus sainte et la plus puissante qu'oit jusqu'ici possédée le monde est saignée à blanc, égorgée sous nos couteaux. Qui nous lavera en nous purifiant de ce sang ? Avec quelle eau pourrons-nous nous purifier ? Quels rites d'expiation, quelle fête sacrée devons-nous inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne devrons-nous pas devenir des dieux nous-mêmes, pour seulement apparaître dignes d'eux ? Il n'y eut jamais une action plus grande, et tous ceux oui naîtront après nous appartiennent grâce à cette action, à une histoire supérieure à toutes celles qui ont existé jusqu'à maintenant ». Là, l'homme fou se tut et il regarda bien en face ses auditeurs ; eux aussi se taisaient et ils le regardaient tout surpris. Finalement, il lança à terre sa lanterne qui se brisa en morceaux, et il dit : J'arrive trop tôt, ce n'est pas encore mon heure. Cet événement monstrueux s'est ébranlé, il est en route, il n'est pas encore arrivé aux oreilles des hommes...».
Ce texte est long ; il est essentiel dans l'histoire de la pensée européenne, n établit clairement de quelle nature est cette mort de Dieu, qui est le point de départ de tout intellectuel se posant la question religieuse. Dieu est mort car les hommes l'ont tué. Dieu est mort parce que la liberté humaine ne pouvait plus supporter son existence. Cet événement est d'ordre culturel, ce qui implique que la mise à mort « au couteau », est un acte collectif, un monstrueux prodige du sacrilège. Selon Nietzsche, ce sacrilège doit être la source du bonheur moderne, il est au principe du véritable Gai savoir, de toute philosophie nouvelle : « En vérité, nous les philosophes, les esprits libres, à la nouvelle que Dieu est mort, nous nous sentons illuminés d'une nouvelle aurore ; notre cœur en cela déborde de gratitude, de stupeur, de pressentiment, d'attente ; finalement, l'horizon nous paraît de nouveau libre ; la mer, notre mer est de nouveau ouverte devant nous. Peut-être n'a-t-il jamais existé une mer aussi ouverte ? » (§343)

Il devient plus facile, dans le souffle de ces textes, de reconstituer la scène primitive, pour mieux évaluer le traumatisme d'où est née la modernité : c'est la liberté de l'homme qui a rencontré Dieu et qui, de rage, l'a supprimé... Toute l'histoire de la pensée allemande est l'histoire de cet affrontement entre la transcendance de Dieu et la puissance de l'homme.

« Rien d'extérieur, rien de supérieur ! » répétait déjà le mage Paracelse, à la fin de la Renaissance. L'effort de pensée auquel on assiste à partir de Rousseau et de Kant (dès la fin du XVIIIème siècle) consiste explicitement à installer la volonté toute puissante de l'homme au coeur de l'être même. Pour cela, il faut d'abord cultiver l’agnosticisme, c'est la phase kantienne. L'esprit humain ne peut rien connaître au-dessus du monde sensible ; il ne reste à l'homme que le libre élan de la croyance pour pallier les absences et les étourderies de l'Etre suprême. Cette liberté est absolue, elle renvoie à une loi que l'homme se donne à lui-même, indépendamment de toute réalité extérieure. C'est le pur sens du devoir qui le guide et qui le fait renaître dans une autre peau, comme un homme libre et non comme un esclave. Quant à son Dieu, ce n'est plus celui de la Bible, qui se révèle par des paroles de feu et entend être servi sans faiblesse. Non, le Dieu nouveau est en avant de l'homme et comme à son service, puisque tout doit être subordonné au nouveau règne des fins qui s'instaure, à la dignité inaliénable de la personne. Le Dieu de Kant est un dieu qui est personnel - au sens où il est personnel à chacun...

Mais Kant ne fait que traduire en une rhétorique rigoureuse ce qui est comme l'esprit de son temps. N'est-ce pas Madame de Staël, la fille de Necker, qui déclarait à la même époque : « Il n'est aucune question ni de morale ni de politique dans laquelle il faille admettre ce que l'on appelle l'autorité. La conscience des hommes est en eux une révélation perpétuelle et leur raison un fait inaltérable. » (cité par Lucien Jaume, L'individu effacé p. 69).

L'idée de la conscience comme révélation nous mènerait d'ailleurs, si on la suivait, bien au-delà de Kant, du côté de Fiente et des théoriciens romantiques de l'intuition intellectuelle. Le Sujet absolu, libéré de l'expérience sensible, libéré du réel, fait surgir un monde moral et religieux de son propre élan et, en quelque sorte, de son propre fond. Ce qu'il nomme sa croyance, c'est cette élaboration idéale dans laquelle il s'identifie lui-même comme le nouveau fondement de la vérité et l'origine de la lumière. « La croyance n'est pas une science, mais une décision de la volonté de donner à la science sa pleine valeur » (Fichte, La destination de l'homme, Aubier P. 147). La volonté est bien ici au coeur d'une sorte de nouveau cogito : Je veux donc je suis, et je suis voulant... « Je suis absolument mon propre ouvrage » (ibid). La révélation qui s'effectue dans ma conscience consiste dans la manifestation de cet ordre nouveau du vouloir universel, tel qu'il m'apparaît infailliblement, tel qu'il apparaît à ma conscience : je me perçois comme nécessairement destiné à cette liberté du vouloir et tout ce qui pourrait paraître contrarier cette liberté devrait être considéré comme pure apparence.

Schelling, sur la même ligne, tentera de donner un corps à cette subjectivité tendue vers le Bien, c'est-à-dire vers l’autoréalisation d'elle-même. Selon lui, « la liberté est le concept général positif de l'en-soi » (Recherches philosophiques sur l'essence de la liberté, 159). « La volonté est l'être originel et tous les prédicats de celui-ci ne conviennent qu'à elle : absence de fondement, éternité, indépendance à l'égard du temps, acquiescement à soi-même. Toute la philosophie ne tend qu'à ce seul but : trouver cette expression suprême ». (op. cit. 161). Le commentaire de Heidegger sur ce texte de Schelling est éloquent : « C'est dans le vouloir que ce philosophe trouve les prédicats que, de tout temps, la pensée métaphysique attribue à l'Etre, dans leur forme ultime, dans leur forme la plus élevée et par conséquent parfaite. (...) Tout étant a le pouvoir de son être dans la volonté et par la volonté » (Qu'appelle-t-on penser ? P. 68). L'être est liberté. Le Bien n'est rien d'autre que cette liberté qu'a chaque être de se constituer lui-même, de se donner à lui-même.

Au fond, la philosophie des droits de l'homme ne dit pas autre chose ; lorsqu'elle articule, en son article 6, que la loi est l'expression de la volonté générale, elle renvoie aux calendes grecques l'examen d'un ordre objectif du monde et envisage l'humanité citoyenne comme capable de se donner à elle-même sa loi ; dans cette perspective, chaque individu n'a d'autre bien que celui qu'il se donne à lui-même. L'autodétermination de chacun renvoie à l'autoconstitution de l'être moral, qui est l'être même en tant qu'il est esprit et donc l'intime de chaque individu et le nouveau bien commun de l'humanité.
Les marchands de rêve seuls ont droit de cité
Ainsi, dira Nietzsche, un peu plus tard mais dans la même ligne de pensée, c'est en se créant lui-même que l'homme devient ce qu'il est. Cette perspective n'est pas aussi éloignée qu'elle en a l'air de celle de Marx, lui aussi prophète d'une humanité nouvelle. Différence ? Tandis que Nietzsche croit au Surhomme, Marx se confie dans l'Humanité, et en particulier dans la force révolutionnaire des prolétaires. Mais pour Nietzsche, la morale individuelle apparaît comme l'art de l'impossible ; quant à Marx, il envisage la politique comme une technique visant à réaliser l'utopie. Ceux qui ne seraient pas marchands de rêve sont priés de s'abstenir...

Et la religion direz-vous ? Ni Marx, ni Nietzsche n'envisagent qu'elle puisse avoir un avenir dans le monde que laissent entrevoir leurs prophéties pourtant contrastées. Mais, selon certains spécialistes de l'intériorité, de même qu'il y a une morale de l'Age nouveau, de même qu'il y a des politiques qui apprivoisent l'utopie, il doit y avoir de nouvelles religions. Ou plutôt de nouvelles religiosités, de nouvelles manières de vivre les vieilles religions. A l'image de l'état d'esprit qui prédomine désormais, la religiosité devient l'expression d'un vouloir qui se projette aux dimensions de la destinée que l'homme se donne à lui-même. Dans cette perspective, l'homme ne vit plus "au plaisir de Dieu", c'est Dieu qui doit se formuler au gré de l'homme. Dieu n'est rien d'autre que cette révélation prodigieuse de la liberté de l'homme qui se réalise lui-même en s'identifiant progressivement à son projet.

Je crois que toutes les difficultés que peut ressentir l'intellectuel aujourd'hui lorsqu'il doit rencontrer Dieu se trouve résumées dans ces formules.

Lorsque les sages d'autrefois, lorsque les philosophes tentaient de contempler le monde, ils voyaient une Intelligence à l'œuvre : « c'est l'Esprit qui a tout ordonné », disait Anaxagore en une intuition sublime, qui fonde toute la philosophie grecque. L'esprit divin, cette Intelligence unique, suprême et souveraine avait posé des lois régissant le monde physique et d'autres lois régissant le monde moral. La liberté de l'homme ne pouvait se penser elle-même comme bénéfique qu'à l'intérieur de cet ordre décrit par la sagesse divine. Elle apparaissait comme l'art de déterminer les moyens d'agir, « étant sauf l'ordre de la fin » comme disaient les scolastiques. Quel est donc cet « ordre de la fin »? Justement l'ordre de la sagesse divine, sur lequel l'homme n'a pas prise, car ce n'est pas lui qui peut décider du bien et du mal.
Faire du Moi le plus passionnant des mondes
Aujourd'hui, il n'en est pas de même ; l'homme se sent en droit de décider de tout, et ce n'est pas la faute des philosophes. « C’est au crépuscule que l'oiseau de Minerve prend son envol » aimait à répéter Hegel. Les philosophes n'ont fait qu'entériner cette nouvelle mentalité qui était le legs fait par l'élite du XVIIIème siècle au siècle suivant. Au lieu de concevoir un monde ordonné, dans lequel l'homme évolue en se conformant à une loi qui n'est pas arbitraire mais qui donne à l'existence vagabonde de ranimai humain sa consistance spirituelle, voilà qu'on envisage de mettre le monde et ses lois entre parenthèses, d'oublier l'ordre naturel, en considérant uniquement le sujet humain dans sa capacité à se donner à lui-même un univers selon son goût. Le romantisme n'est pas seulement un mouvement qui marque une étape dans l'histoire de l'art, c'est une nouvelle façon d'être, qui, même lorsqu'elle se tourne vers le culte de la Tradition et de ses ruines - Mourras ne s'y est pas trompé - présente plus d'une accointance avec la Révolution. Avant même les constructions spéculatives des philosophes qui ne font que prendre acte de ce qui se passe, il faut bien reconnaître que c'est la vie de l'homme qui a changé, en s'intériorisant jusqu'à faire du Moi le plus passionnant des mondes, un monde que l'on n'a jamais fini d'explorer (voir le célèbre journal d'Amiel) et en s'extériorisant dans des productions toujours plus sophistiquées, constituant comme l'horizon de son existence nouvelle. C’est sans doute cette extériorisation du vouloir humain qui produit le mirage de la technique, critiqué si violemment par Heidegger. Mais si la technique nous a donné un monde nouveau, n'est-elle pas capable de nous donner des dieux nouveaux?

n faut en tout cas que les religions réalisent, toutes, leur aggiornamento, qu'elles s'adaptent à ce new deal spirituel, qu'elles aillent à la rencontre des préoccupations des sujets libres et égaux en droit qui peuplent la société moderne, qu'elles épousent ce double mouvement du vouloir humain : l'intériorisation, puisqu'une religion doit être au service de la spiritualité humaine ; l'extériorisation, parce qu'une religion doit aujourd'hui se présenter elle-même dans un contexte mondial et donc relativiser ses prétentions à la vérité. Cultivant cet intimisme international, les religions seront vraiment au service de l'homme, selon l'intuition génialement moderne et vraiment révolutionnaire de Sa Sainteté le pape Paul VI. Ce n'est plus l'homme qui sert Dieu, c'est Dieu qui sert l'homme. Ce renversement a une portée incalculable.

Le grand Pan est mort, disait paraît-il Symmaque, le dernier des païens, en déplorant la disparition du vieux Panthéon et de ses dieux. On pourrait en dire autant aujourd'hui, si l'on inscrit les religions dans ce courant d'irrépressible liberté qui emporte non seulement les penseurs, plutôt retardataires, mais l'ensemble de l'humanité, allègrement invitée à la fête de la liberté. L'attitude religieuse traditionnelle, faite de soumission à la justice divine et d'espérance dans la Bonté du Principe, disparaît de plus en plus face à la volonté humaine, qui ne supporte plus que ce qui est son oeuvre.
Maelström libertaire et homogénéisation planétaire
Le concile Vatican n a représenté l'effort de l'Eglise catholique pour anticiper la mondialisation religieuse, c'est-à-dire pour s'adapter à l'avance à cette nouvelle donne, que les intellectuels catholiques avaient appréhendée à travers la philosophie allemande et la pratique française de la laïcité, et qui aujourd'hui se généralise et devient obligatoire bien au-delà de ces deux pays. Les mal-pensants sont ceux qui refusent la nouvelle alliance réalisée sous le signe de la liberté humaine et s'imaginent encore qu'il existe un ordre transcendant, celui de la nature (je ne parle même pas de l'ordre de la grâce). 

Que reste-t-il de l'Eglise dans ce maelström libertaire ? Pas grand-chose. Pas grand-chose en tout cas de l'ancienne Eglise, celle qui jusqu'à Jean XXIII inclusivement osait se dire mère et maîtresse des peuples. Aujourd'hui, l'Eglise accepte de considérer que c'est le contraire qui est vrai, que le grand mouvement d'unification et d'homogénéisation planétaire doit la trouver à son service. Jusqu'à Pie XII, elle a osé répéter la vieille sentence du IVème concile de Latran : hors de l'Eglise, point de salut. Elle pouvait le répéter autrefois parce qu'elle savait bien qu'elle n'était pas seulement un organisme humain, une institution humaine, une organisation non gouvernementale par exemple. Ses limites réelles n'étaient pas celles que définissait son droit, le célèbre droit canon. Aujourd'hui, elle n'est pas sûre de ne pas avoir à partager le corps mystique du Christ avec d'autres Eglises et d'autres confessions chrétiennes. Elle ne peut plus répéter cette formule. Elle se sent réduite à son aspect juridique, limitée à son extérieur en quelque sorte. C'est pour cela qu'elle se fait désormais un devoir de ne pas répéter la formule : hors de l'Eglise point de salut.

Dans les dernières lignes du Contrat social, Jean-Jacques Rousseau avait pu déclarer : « Quiconque ose dire : Hors de l'Eglise point de salut doit être chassé de l'Etat. Un tel dogme n'est bon que dans un gouvernement théocratique, dans tout autre, il est pernicieux. » L'Eglise du Concile donnerait massivement raison à ce citoyen de Genève. C'est que Jean-Jacques avait merveilleusement compris comment l'homme moderne est essentiellement liberté et perfectibilité indéfinie. Aucune religion n'est en droit de fixer elle-même des limites à ce prodigieux développement de l'espèce que l'on nomme les Lumières, et, dans l'ordre religieux, aucune autorité ne doit s'imposer au libre exercice de la raison (pour Rousseau, le Genevois d'origine calviniste, surtout pas celle de l'Eglise catholique...)

Pour rencontrer Dieu en vérité aujourd'hui, un homme simple a donc besoin de rien moins que d'un Chemin de Damas, ce qui ne coûte rien à la bonté inventive du Très-Haut. Je suis persuadé qu'il existe aujourd'hui, beaucoup plus de chemins de Damas qu'on ne le pense, tant il est vrai que l'essentiel reste toujours invisible pour les yeux.
Proposer au Très Haut une approche pluraliste
L'intellectuel est tout à fait défavorisé parce que son chemin de Damas à lui, il devra le médiatiser dans un bain de culture assez peu ragoûtant, qui est celui que nous avons essayé de décrire. Dans ces conditions, évidemment, il ferait beau voir que Dieu lui apportât sa grâce sur un plateau, l'intello (l'étudiant, le "jeune" inculte mais qui a déjà tout compris, le vieux qui se répète et qui ne s'en rend pas compte), tous ces raisonneurs seraient encore capables de mettre en discussion l'intervention divine et de proposer au Très-Haut une approche pluraliste et réellement respectueuse de la diversité des races et de l'égalité des sexes, au terme de laquelle il apparaîtrait que la non-ingérence du divin dans l'humain doit être reconnue dans tous les cas comme la meilleure solution.

Il ne faudrait peut-être pas oublier que, si Dieu est mort, c'est parce que la liberté de l'homme l'a tué. Au couteau, précise Nietzsche, qui ne prétend pas avoir perpétré lui-même ce meurtre, même si y acquiesce et s'en réjouit.

Ceux qui croient pouvoir retrouver Dieu, sans se préoccuper d'expier ce crime, sans chercher à sortir de ces miasmes, ne comprennent pas qu'ils sont souvent à la poursuite d'une image (rassurante, sécurisante, paternelle) et non de la réalité divine. C'est le drame de toutes les nouvelles religiosités, de tous les personnalismes religieux de n'avoir pas compris qu'on ne bâtit pas une démarche religieuse authentique, avec les prémices du nihilisme européen et de la mort de Dieu.

J'ose dire que, devant l'histoire, c'est cette responsabilité-là que le mouvement traditionaliste porte sur ses épaules : retrouver le culte d'avant la mort de Dieu, fermer la parenthèse subjectiviste et révolutionnaire, redécouvrir l'autorité sacrée devant laquelle chacun devra plier le genou, s'il ne veut pas crever de son délire libertaire.

10 mars 2002

[Aletheia n°26] Le “silence” de Pie XII - et autres textes - par Yves Chiron

Aletheia n°26 - 10 mars 2002

Le “silence” de Pie XII

Le film “ Amen ” relance une polémique qui revient et s’enfle depuis quarante ans. Elle s’est développée depuis la représentation et la publication de la pièce de théâtre de Rolf Hochhuth, Le Vicaire (Éditions du Seuil, 1963). Alexis Curvers répliqua à la pièce par un livre de défense historique : Pie XII, le pape outragé (Robert Laffont, 1964). L’ouvrage a été réédité en 1988, avec un supplément de vingt-cinq pages, par les Éditions DMM ( 53290 Bouère).

Deux autres études éclairent utilement la question :

- en 1963, Joseph L. Lichten a publié aux Etats-Unis, A Question of Judgement. Pius XII and the Jews, National Catholic Welfare Conference. Cette étude semble inconnue des historiens français. Elle a pourtant été traduite, non en français certes mais en italien, en 1988, sous le titre Pio XII et gli Ebrei (Edizioni Dehoniane, Bologne). L’ouvrage, qui défend la mémoire de Pie XII, vaut aussi par la personnalité de son auteur : historien d’origine polonaise, Joseph Lichten, de confession israélite, était membre de l’Anti Defamation League of B’nai B’rith depuis 1945. On sait quel rôle important joua cette association dans le “dialogue judéo-chrétien”, au moment du concile Vatican II pour l’élaboration de la déclaration Nostra Aetate, et ensuite. Joseph Lichten fut un des artisans les plus actifs de ce dialogue.

- en 2000, dans le volume collectif publié sous la direction de François-Georges Dreyfus, Le Patriotisme des Français sous l’Occupation (Éditions de Paris, 7 rue de la Comète, 75007 Paris, 357 pages), Emile Poulat a publié une étude très pertinente consacrée à “ L’Eglise ” (p. 153-175) durant cette période.

Emile Poulat, dans ces pages où, comme à son habitude, les questions posées valent autant que les remarques faites, écrit :

“ On a tôt reproché au pape Pie XII et aux évêques français leur silence, et la controverse n’est pas close : preuve qu’elle excède le simple établissement des faits. (...) Ce silence tant reproché, quelle grande voix l’a alors rompu ? Quel homme d’Etat s’est fait entendre et quelles frontières se sont ouvertes pour accueillir les persécutés menacés dans leur vie ? Pourquoi cette inégalité de traitement, une mise en accusation obstinée de l’Eglise catholique, un voile pudique sur tant d’intérêts publics et privés engagés dans cette tragédie ?

“L’Eglise savait”, lit-on un peu partout. Mais que savait-elle exactement, avec la précision que requiert une intervention soit publique, soit diplomatique ? (...)

On ne rouvrira pas ici le dossier de Pie XII : c’est un fait que les Italiens n’ont pas de lui - ni des papes en général - la même image que les Français. Il suffira de rappeler que le grand rabbin de Rome, Italo Zolli, s’est converti au catholicisme après la guerre et qu’il a choisi comme nom de baptême Eugenio, le prénom du pape Pacelli. ”

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A travers la presse

. Dans Présent du 7 mars (5 rue d’Amboise, 75002 Paris), Jean Madiran s’interroge sur le surprenant “ Décalogue d’Assise pour la paix ”, rendu public tardivement. Jean Madiran fait remarquer que ce texte contredit, par son caractère a-religieux, divers discours prononcés en ces mêmes semaines par Jean-Paul II.

Jean Madiran écrit notamment : “ Il est difficile de ne pas redouter, non pour la première fois, d’apercevoir quelques contradictions anarchiques entre les différentes publications vaticanes. (...) si c’est le Vatican qui professe deux Décalogues, ça ne va plus, les gens ne savent plus à quel saint se vouer, ils continuent à silencieusement quitter une Église dont on n’arrive plus à savoir ce qu’elle dit vraiment. Et ceux qui restent demanderont - sans doute en vain, comme d’habitude depuis trente-cinq ans - demanderont, dis-je, si le nouveau Décalogue remplace l’ancien, ou le complète, ou le corrige, ou en est un aggiornamento. ”

. Des rumeurs circulaient qui charriaient, comme souvent, des extrapolations, des invraisemblances et des déformations. Alethèia s’est refusé à les colporter. Les faits sont plus simples, quoique non sans importance. C’est M. l’abbé Aulagnier lui-même qui a démissionné de sa charge de deuxième Assistant général de la Fraternité Saint-Pie X. D.I.C.I., qu’il avait fondé, a été repris en main par la Maison Générale de la FSSPX. M. l’abbé Arnaud Sélégny en est désormais le directeur de la publication et M. l’abbé Bernard Lorber le responsable de la rédaction. L’adresse pour s’abonner est maintenant celle-ci : Service de Presse DICI, Schloss Schwandegg, CH - 6113 Menzingen.

Le premier numéro de ce D.I.C.I. nouvelle formule (n°45) contient un long éditorial de Mgr Fellay, Supérieur Général de la FSSPX. Mgr Fellay explique sur un ton très direct, pourquoi, selon lui, les accords de Campos, “ ce n’est pas le retour de l’Eglise conciliaire à la Tradition ”. “ C’est, écrit-il, l’entrée dans le pluralisme sous apparence de reconnaissance de la part de Rome, qui est imposé ”.

. Sodalitium (Loc. Carbignano, 36 - 10020 Verrua Savoia - Italie) est la principale revue “ guérardienne ”. Dans son dernier numéro, n° 52, après avoir cité à plusieurs reprises avec bienveillance Alethèia, la revue croit utile de mettre en garde contre son unique rédacteur en ces termes : “ nous ne sommes pas d’accord avec les positions de Chiron, qui - entre autres - est l’un des plus intelligents et dangereux partisans de la nécessité d’un accord entre la Fraternité Saint-Pie X et Jean-Paul II, mais aussi défenseur de l’aile guénonienne de la même Fraternité. ”

Que d’épithètes inutiles ou erronées en si peu de lignes et combien d’erreurs de perspective.

Il y a trois manières d’être membre de la FSSPX : en étant prêtre de la dite-Fraternité sacerdotale, frère de la dite-Fraternité ou encore membre de son tiers-ordre. Je ne suis rien de tout cela. Et, à vrai dire, je ne compte pour rien. Je n’ai pas voix au chapitre dans cette Fraternité et je ne vois pas pourquoi et comment j’y aurais droit. Je ne le revendique ni ne le souhaite. Je suis un fidèle du dernier rang, dans les chapelles de la Fraternité ou ailleurs. Je n’ai pas à “ militer ” pour ceci ou cela.

Quant à défendre une “ aile guénonienne de la même Fraternité ”, il y a double méprise. A ma connaissance, il n’y aucune “ aile guénonienne ” dans la FSSPX - si cela était, ce serait très inquiétant. Et aussi, si vraiment elle existait, je ne chercherai certainement pas à la défendre, René Guénon n’ayant jamais été pour moi un maître ou un modèle. Il y a dans l’oeuvre de Guénon, malgré quelques vues justes sur la crise de la civilisation moderne, trop d’impasses, d’illusions et de dérives qui rendent le plus grand nombre de ses pages inacceptables pour un catholique. Je donnerai volontiers tous les livres de René Guénon pour une seule page lumineuse de Jean Madiran.

3 mars 2002

[Aletheia n°25] Les réactions à l’accord de Campos (suite) + Le bienheureux Escriva de Balaguer et la nouvelle messe (suite) + De nouvelles déclarations de soeur Lucie de Fatima

Aletheia n°25 - 3 mars 2002
Les réactions à l’accord de Campos (suite)
• La revue la Nef ( n° 125, mars 2002 - 6 euros -, B.P. 73, 78490 Montfort l’Amaury), publie un entretien avec Mgr Rangel et la longue note doctrinale par laquelle les prêtres de  l’Administration apostolique Saint-Jean-Marie Vianney expliquent leur position. La reconnaissance de l’autorité du Pape, expliquent-ils, n’a présenté pour eux aucune difficulté. “ Nous n’avons jamais ni adopté la position sédévacantiste ni voulu faire un diocèse parallèle, contestant l’unité de régime de l’Eglise. ” Pour expliciter leur reconnaissance et acceptation du concile Vatican II, ils font référence à des déclarations de Mgr Lefebvre (“ J’accepte le concile, interprété d’après la Tradition ”) et de Mgr Fellay et à un article de Jean Madiran paru dans Itinéraires  en novembre 1966. Quant à la reconnaissance de la validité du Novus Ordo Missae, ils se réfèrent, explicitement, à la déclaration similaire faite par Mgr Lefebvre, en mai 1988, dans l’ “ accord doctrinal ” signé avec le Saint-Siège puis retiré.
Fideliter, la revue du district de France de la FSSPX, ne publie aucun article ni commentaire sur les accords signés. Son dernier numéro (n° 146, mars-avril 2002 - 7,5 euros -, B.P. 88, 91152 Etampes cedex) publie, en revanche, le texte complet du communiqué publié le 16 janvier dernier par Mgr Bernard Fellay, Supérieur général de la FSSPX. Mgr Fellay regrette “ la précipitation et le caractère partiellement dissimulé des tractations qui ont conduit à la reconnaissance actuelle. ” Il reconnaît néanmoins “ qu’aucune concession substantielle au niveau doctrinal n’a été faite. ” Mgr Fellay estime enfin que “ la situation nouvelle créée servira de test pour le futur. La Fraternité reste très réservée et observe avec appréhension d’aussi près que possible le développement de l’oeuvre en attendant d’en voir les fruits. ”
• Dans l’éditorial du dernier numéro de  Pacte (n° 62, février 2002,  23 rue des Bernardins, 75005 Paris - 2,50 euros), l’abbé de Tanoüarn juge sévèrement la “ soumission a priori ” de Mgr Rangel et des traditionalistes de Campos. Dans le même numéro, Maxence Hecquard confirme qu’il y eut bien un visite de Mgr Fellay, supérieur général de la FSSPX, à Mgr Rangel, en octobre dernier, pour “ tenter de le convaincre de renoncer à cette funeste signature ”. Dans la suite des accusations de trahison portées par l’intermédiaire des Dominicains d’Avrillé, Maxence Hecquard estime que Mgr Rangel a rompu avec “ une alliance DE plusieurs décennies avec la FSSPX. ”
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Le bienheureux Escriva de Balaguer et la nouvelle messe (suite)
• Mgr Fernando Ocáriz, Vicaire général de l’Opus Dei, à Rome, a bien voulu nous donner des précisions sur la célébration du Novus Ordo Missae par le bienheureux Escriva de Balaguer, évoquée dans les deux précédents numéros d’Alètheia.
D’après les sources publiées et d’après ses propres souvenirs personnels, il confirme que Mgr Escriva a incité tous les prêtres de l’Opus Dei à adopter le nouveau rite. Le fondateur de l’Opus Dei      “ s’appliqua à apprendre le nouveau rite de la Messe ” et refusa qu’on sollicite, pour lui, une permission de conserver le rite traditionnel. Néanmoins, Mgr Alvaro del Portillo, rencontrant Mgr Bugnini, le secrétaire de la Congrégation du Culte divin, obtint, vers 1974, que le fondateur de l’Opus Dei puisse à nouveau célébrer selon le rite traditionnel.
Mgr Ocáriz précise que le futur saint Josémaria Escriva de Balaguer pratiqua en fait ce qu’on appelle le bi-ritualisme : “ au cours des dernières années de sa vie, le bienheureux Josémaria célébrait d’ordinaire la Messe sans peuple, et lorsque parfois il la célébrait en présence du peuple, il utilisait le Missel de Paul VI. ”
Hormis le cas du futur saint Josémaria, la sanctification dans le nouveau rite liturgique est manifeste pour Mère Teresa de Calcutta ou Marthe Robin. Quant au Padre Pio, s’il a conservé jusqu’à sa mort le rite traditionnel, on ne peut en déduire une hostilité au nouveau rite, puisqu’il est mort en 1968, avant que le Novus Ordo Missae soit promulgué. Certes, il a obtenu une dispense écrite de suivre les premières réformes introduites dès 1965, mais les documents rassemblés à l’occasion du procès de béatification montrent que seules des raisons de santé ont alors été évoquées.
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De nouvelles déclarations de soeur Lucie de Fatima
• Comme pour mettre un terme aux controverses qui n’ont pas manqué de surgir suite à la publication et au commentaire, par le Saint-Siège, du troisième secret de Fatima, Mgr Bertone, Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, a rendu visite à soeur Lucie, en son carmel de Coïmbra, le 17 novembre 2001, et l’a longuement interrogée (pendant plus de deux heures). A l’issue de cet entretien, un long communiqué a été publié, qui porte la signature conjointe de la voyante de Fatima et de Mgr Bertone. Le traduction intégrale de ce communiqué est parue dans le n° 2264, 17 février 2002, de la Documentation catholique  (4,12 euros - 3 rue Bayard, 75008 Paris).
Soeur Lucie conteste que le troisième secret n’ait pas été révélé intégralement : “ Tout a été publié, a-t-elle déclaré ; il n’y a plus rien de secret. ” Elle dit aussi, à deux reprises, son accord avec l’interprétation que le cardinal Ratzinger a donnée du texte. Enfin, elle réaffirme avec force : “ J’ai déjà dit que la consécration désirée par Notre-Dame a été faite en 1984, et elle a été acceptée par le Ciel. ”
• Ces nouvelles déclarations solennelles ne convaincront sans doute pas ceux qui jugent que la consécration demandée par la Sainte Vierge n’a pas été faite (le Père Gruner, la CRC, la FSSPX, et d’autres) et ceux qui estiment que le texte du troisième secret n’a pas été révélé complètement (FSSPX et site internet fatima.be, entre autres).
La pointe extrême de cette contestation est sans doute représentée par un ouvrage publié par une maison d’éditions millénariste (Le troisième Secret du 26 juin 2000 est un Faux..., Editions D.F.T., B.P. 28, 35370 Argentré-du-Plessis, 192 pages - 17,99 euros).
L’auteur, Laurent Morlier, estime :
“ après comparaison des déclarations anciennes et nouvelles de celle qu’on nous présente comme “Soeur Lucie”, il est aisé de conclure que quelque chose d’assez suspect se passe autour d’elle. Nous en sommes réduits aux hypothèses, mais deux seulement sont envisageables ; soit la vraie Lucie est atteinte de démence sénile ou a été droguée, mais si nous étions dans cette situation ses propos seraient plus ou moins incohérents, ce qui n’est pas vraiment le cas (...) Deuxième hypothèse donc : la vraie Lucie a été “mise au placard” et remplacée par une fausse “Soeur Lucie” tout acquise aux désirs du Vatican actuel, et que l’on met en scène dans certaines occasions importantes où elle doit apparaître en public. ”
Cette hypothèse, hautement rocambolesque, avait déjà été avancée jadis, par les mêmes milieux,  pour expliquer l’évolution du pontificat de Paul VI : le pape de l’application du concile Vatican II aurait été un imposteur, un sosie du vrai Paul VI qui, lui,  aurait été maintenu au secret ...