SOURCE - L'Avantage Gaspésien (Canada) - 30 novembre 2018
Alors que la Ville de Matane a officialisé, le 14 novembre, son refus d’acquérir l’église Saint-Jérôme pour en faire une salle de spectacle et que la fabrique de la paroisse Cœur-Immaculé-de-Marie a mis à exécution son projet de fermeture du bâtiment historique, clôturé le 22 octobre, il restait au troisième acteur principal du dossier, le comité de sauvegarde de l’église, de monter au front pour révéler publiquement ses propositions sur l’avenir de l’édifice.
Alors que la Ville de Matane a officialisé, le 14 novembre, son refus d’acquérir l’église Saint-Jérôme pour en faire une salle de spectacle et que la fabrique de la paroisse Cœur-Immaculé-de-Marie a mis à exécution son projet de fermeture du bâtiment historique, clôturé le 22 octobre, il restait au troisième acteur principal du dossier, le comité de sauvegarde de l’église, de monter au front pour révéler publiquement ses propositions sur l’avenir de l’édifice.
Parvenu à réunir près de 48 000 $ de promesses de don pour le chauffage de l’église patrimoniale de Matane, reconstruite en 1933 après un incendie selon le style de l’architecte Dom Bellot, loué par le Conseil du patrimoine religieux du Québec, le comité de sauvegarde de l’église Saint-Jérôme a prouvé l’attachement d’une partie des citoyens de Matane pour le bâtiment, fermé au culte depuis la messe du 7 octobre. Regrettant un manque de dialogue de la part de la fabrique et de l’archevêché, le comité a pointé du doigt plusieurs contraintes qui justifieraient, selon lui, un retour de la pratique religieuse au cœur de l’édifice. Les réflexions actuelles de la Ville autour d’une taxation éventuelle du bâtiment, au regard de la fermeture de l’église, l’obligation de préserver le caractère patrimonial de l’édifice historique, sous peine de devoir rembourser près de 600 000 $ au Conseil du patrimoine religieux du Québec, ayant subventionné diverses restaurations du lieu ces dernières années, la volonté d’un droit de regard de la fabrique sur l’usage futur du bâtiment après sa vente ou sa cession, sont autant d’épées de Damoclès que le comité de sauvegarde a voulu décrocher en annonçant plusieurs pistes de solutions.
Fraternité Saint-Pierre et bureau touristique
« Considérant toutes les conditions posées, il est clair que le projet de vente de l’église Saint-Jérôme est voué à l’échec. Pour conserver le congé de taxes municipales et éviter un remboursement des subventions au Conseil du patrimoine religieux du Québec, la seule solution logique serait le retour de la pratique religieuse dans l’église historique de la ville », a déclaré le président du comité de sauvegarde, Paul Gauthier, en déplorant le cul-de-sac actuel du dossier. L’une des propositions adressées par le comité à la Ville de Matane, à la fabrique et au diocèse, serait la prise en main de l’église par la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, une société de vie apostolique traditionnaliste soutenue par le pape François, pratiquant la messe en latin, selon la forme extraordinaire du rite romain. Deux églises sur le sol québécois, l’église Sainte-Irénée de Montréal et l’église Saint-Zéphirin-de-Stadacona de Québec, sont actuellement possédées par cette communauté de prêtres dont le district nord-américain a vu le jour en 1991 et qui possède 239 lieux de messes à travers le monde. Pour appuyer leur demande, des membres du comité de sauvegarde ont écrit aux cardinaux Sarah et Ouellet, respectivement préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements et préfet de la Congrégation pour les évêques au Vatican. Des rencontres ont déjà été effectuées auprès de la Fraternité, qui devra attendre l’aval de Mgr Grondin pour prendre en charge l’église.
Alors que les promesses de dons actuelles permettront de chauffer l’édifice cet hiver, pour que l’église bénéficie d’une source régulière de revenus, ce premier scénario suggéré à la fabrique supposerait l’installation, selon le comité, d’un bureau d’information touristique dans une partie des locaux, pour lesquels la Ville paierait un loyer. Des animations pourraient être organisées sur le parvis de l’église. Quant au sous-sol, il abriterait des activités sociales et communautaires. « C’est un projet dont on va parler au conseil. Le bureau d’accueil actuel, au niveau du phare, souffre d’une problématique de stationnement et d’éloignement du centre-ville qu’une installation dans l’église pourrait résoudre. On va prendre au sérieux cette proposition et se donner le temps de la réflexion », a réagi le maire de Matane, Jérôme Landry, en rappelant que, si la Ville refusait d’acquérir l’église Saint-Jérôme, elle n’en voulait pas moins faciliter des transferts éventuels d’organismes sur le site, pour en assurer la viabilité, comme ce fut le cas en 2016 avec l’installation de la Société d’histoire et de généalogie dans l’ancienne église Bon-Pasteur.
Une deuxième proposition du comité serait le retour de la pratique religieuse de la paroisse à l’église Saint-Jérôme, un scénario qui supposerait le rapatriement, dans l’église patrimoniale, des messes et des activités communautaires liées à la fabrique comme le bingo. Quant à l’église Saint-Rédempteur, le comité propose de la vendre ou de la céder pour permettre la relocalisation, à long terme, d’organismes sportifs et culturels. Si le maire de Matane a répondu que la Ville ne serait pas non plus intéressée à acquérir cette église plus moderne, datant de 1970, il n’a pas manqué de souligner la problématique du relogement des fermières et des écoles de danse et de musique de Matane, qui occupent présentement des locaux dans l’ancienne école Marie-Guyart, fermée en 2011. Selon la Commission scolaire des Monts-et-Marées, l’entente actuelle devrait en effet s’achever d’ici à un an et demi et son renouvellement n’est pas garanti.
« Il y a lieu de s’interroger sur le choix de l’église Très-Saint-Rédempteur comme église de la paroisse fusionnée de Matane plutôt que Saint-Jérôme, étant donné que c’est une église plus récente, beaucoup moins imposante et, de ce fait, beaucoup plus facile à convertir pour d’autres activités de nature culturelle, sportive et communautaire », a mentionné pour sa part la Fédération histoire Québec, qui regroupe les différentes sociétés d’histoire et de généalogie de la province et encourage à la préservation du patrimoine bâti, par respect à la devise québécoise.
De son côté, ayant retourné nos appels après plusieurs jours, le président de la fabrique Cœur-Immaculé-de-Marie, Michel Barriault, n’a pas voulu émettre de commentaires pour le moment, le conseil de fabrique n’ayant, selon lui, pas encore eu le temps de se réunir pour discuter de ces propositions. « Je veux laisser les membres libres de s’exprimer et je n’émettrai aucun commentaire sur le sujet pour ne pas les influencer », a-t-il déclaré. Rappelons qu’au cours des derniers mois, il avait insisté sur un état des finances inquiétant de la paroisse, lié à une baisse de fréquentation des messes, qui ne laissait pas d’autres alternatives, selon lui, que la fermeture et la mise en vente de Saint-Jérôme, où il excluait le retour d’une vocation religieuse.
Le comité de sauvegarde déterminé
Reconnaissant envers la population ayant répondu présente à l’appel des promesses de dons pour le chauffage de l’église Saint-Jérôme cet hiver, le comité de sauvegarde de l’édifice, composé notamment de l’ancien maire de la ville, Maurice Gauthier, et des anciens présidents de la fabrique Saint-Jérôme, Raymond Tremblay et Aldéa Sirois, a insisté sur sa détermination à se battre pour préserver l’édifice. Il regrette que M. Barriault n’ait pas donné de réponse positive au sujet de l’isolation de l’église cet hiver, certains de ses membres ayant proposé de venir calfeutrer le bâtiment pour réduire les coûts de chauffage et demandé de pouvoir entrer régulièrement, en présence d’un membre du conseil de fabrique, pour vérifier la température des lieux, où plusieurs livraisons de mazout ont déjà été financées grâce aux donateurs cet automne.
En charge du financement de l’électricité, le comité souhaiterait aussi une réponse positive au sujet du retour des cloches, qui ont cessé de sonner depuis la fermeture de l’église, et de son éclairage extérieur. Enfin, selon le comité, une entreprise de Matane, dont ils ont voulu garder l’anonymat, aurait même proposé d’installer au sous-sol de l’équipement informatique comme des serveurs, qui produiraient par eux-mêmes de la chaleur dont pourrait profiter l’église. « Il est maintenant impérieux que soit trouvée et adoptée une solution à plus long terme pour un bâtiment identitaire aussi important », a souligné la Fédération histoire Québec dans une lettre adressée le 27 novembre à la Ville, à la fabrique et à l’archevêché. « Nous voulons montrer à la population qu’il existe des solutions pour sauver l’église Saint-Jérôme et que nous ne lâcherons pas l’affaire », a conclu pour sa part le président du comité de sauvegarde, Paul Gauthier, en invitant les citoyens à manifester leur solidarité dans ce dossier.