31 octobre 2011

[Ch. St Placide] La grandeur du rite grégorien selon le cardinal Castrillon Hoyos

SOURCE - Ch. St Placide - 31 octobre 2011

Les 22 et 23 octobre derniers se sont tenues à Silvi en Italie les journées de la première conférence des Abruzzes sur le thème de « La sacrée liturgie pour le renouvellement de la vie chrétienne ». Ces journées se sont achevées par la célébration de la messe pontificale selon la forme extraordinaire du rite romain par son Eminence le cardinal Dario Castrillon Hoyos, président émérite de la Commission pontificale Ecclesia Dei et préfet émérite de la Congrégation pour le clergé. Le cérémoniaire était don Marco Cueno, jeune prêtre, actuellement en résidence à Rome et l’un des desservants de la paroisse personnelle de la Fraternité Saint-Pierre dans la Ville éternelle.

Dans son homélie, comme nous l’apprend le blog Messainlatino, le cardinal Hoyos a souligné la grandeur du rite grégorien qui ne se limite pas à ses aspects extérieurs mais offre à l’âme en prière d’avoir la conscience d’être en présence de la Sainte Trinité. 

Messainlatino publie plusieurs photographies de la cérémonie qui montre la splendeur de cette messe pontificale. On se reportera donc à cet excellent blog pour en voir plus.

On notera au passage que pendant des années l’Italie n’a pas été à la pointe du combat traditionnaliste, plutôt l’apanage des Français. La proximité de Rome et la situation globale de l’Église en Italie expliquent peut-être cet état de fait. Depuis 2007, on assiste, en revanche, à une sorte de réveil de l’Italie pour défendre l’application du motu proprio Summorum Pontificum, ou, plus largement, pour poser les questions concernant le Concile Vatican II (Roberto de Mattei ou Mgr Gherardini, par exemple). Les colloques sur la messe traditionnelle y sont de plus en nombreux, la célébration de la messe traditionnelle semble se répandre doucement (jusqu’à y compris la basilique Saint-Pierre…), des colloques sur le Concile Vatican ou des débats dans la presse sur ce sujet ont lieu régulièrement. Il semble que le catholicisme italien soit appelé dans l’avenir à jouer un rôle important dans ce sens.

[Europe1] Boutin désavoue les intégristes catholiques

SOURCE - Europe1 - 31 octobre 2011

Christine Boutin,présidente du Parti chrétien-démocrate et candidate à la présidentielle, a estimé lundi que la pièce de théâtre jouée actuellement à Paris et que des catholiques intégristes jugent "blasphématoire" porte un "message sur la compassion", "loin de la provocation sacrilège".

Depuis  le 20 octobre, des catholiques traditionalistes, dont des membres de  Civitas, proche de la Fraternité Saint-Pie X fondée en 1970 par Mgr  Marcel Lefebvre, et des jeunes catholiques du Renouveau français,  protestent chaque jour devant le Théâtre de la Ville pour perturber le  spectacle de l'Italien Romeo Castellucci intitulé "Sur le concept du  visage du fils de Dieu".µ

Selon Mme Boutin, connue pour ses combats  contre le Pacs et l'avortement, cette pièce "s'avère être, de l'avis de  certains qui ont pris la peine de la voir, loin de la provocation  sacrilège. Bien au contraire, elle porte un message sur la compassion".  "Les jeunes chrétiens qui ont rejoint la place de l'Hôtel de ville  pendant la semaine pour manifester ont été trompés. On leur a vendu un  combat qui n'en était pas un. Ils ont fait le jeu des mouvements  activistes d'inspiration maurrassienne et de certains commentateurs trop  heureux de dénoncer les +catholiques fondamentalistes+", ajoute la  présidente du PCD, un mouvement allié à l'UMP.

30 octobre 2011

[Bruno Bouvet - La Croix] Une manifestation « anti-christianophobie » aux multiples visages

SOURCE - Bruno Bouvet - La Croix - 30 octobre 2011

2000 personnes environ ont participé samedi 29 octobre à Paris à une manifestation « anti-christianophobie » organisée par l’Institut intégriste Civitas pour protester contre deux spectacles jugés blasphématoires.

Au-delà du cercle lefebvriste, des familles nombreuses, beaucoup de jeunes issus du catholicisme traditionnel et même des chrétiens d’Orient s’étaient joints au cortège.

Elle a hésité. Devait-elle participer ce samedi à Paris à la manifestation « anti-christianophobie » organisée par l’Institut Civitas, lié à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X ? Élisabeth, la soixantaine, assistante de direction et paroissienne de Notre Dame des Champs, dans le 6e  arrondissement, n’est pas proche du mouvement lefebvriste. Pas plus que des jeunes d’extrême droite du Groupe union défense (GUD) qui ferment la marche.
C’est un article paru dans «   Le Figaro   » sur le spectacle de Romeo Castellucci donné depuis le 20 octobre au Théâtre de la Ville à Paris, qui l’a convaincue de se mêler aux manifestants qui crient à forte voix « La France est chrétienne et doit le rester ! », « Christ humilié ! Défendons notre foi, le Christ est notre Roi » , sous une forêt de drapeaux tricolores.

Élisabeth aurait aimé une condamnation plus forte des propos du metteur en scène qui a déclaré au sujet des manifestants qui ont perturbé, parfois avec violence, chacune des représentations de « Sur le concept du visage du fils de Dieu » : « Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » . Elle n’a pas assisté au spectacle incriminé et n’ira sans doute pas davantage au «  104 », où il sera représenté du 2 au 6 novembre, dans l’est de la capitale. Intellectuellement, cela la dérange.

Amalgame


Difficile dans le cortège de trouver des témoins directs, notamment parmi les nombreux jeunes, du « blasphème » reproché au spectacle de Castellucci, à l’origine de l’intense campagne menée par l’Institut Civitas. « Quand je croise une merde de chien dans la rue, je n’ai pas besoin de mettre le pied dedans pour savoir qu’elle est néfaste, »  tranche un prêtre en soutane de la Fraternité sacerdotale saint Pie X.
À l’avant du cortège qui a rassemblé 1 500 manifestants selon la police, 5 000 selon les organisateurs, le mouvement lefebvriste et ses clercs est particulièrement présent. Créant l’amalgame entre le spectacle de Romeo Castellucci et « Golgota Picnic » de Rodrigo Garcia, joué du 8 au 17 décembre au Théâtre du Rond-Point, l’institut Civitas a réussi à mobiliser au-delà de son cercle traditionnel.

C’est sans doute le cas de Marie-Louise, 76 ans, de Seine-et-Marne, qui confie : « Ce qui se passe me rend malade. On devrait tous être là. » Ou de Philippe, ancien cadre dans l’informatique et paroissien dans le 17e arrondissement, dont le drapeau orné du « Christ roi couronné » aux multiples épines, attire caméras et photographes. « Aujourd’hui, le Christ est persécuté de toutes parts     » , assène-t-il, en faisant remarquer que la manifestation rassemble aussi des chrétiens d’Orient et « même des juifs et des musulmans     ». Dans les rangs, le soutien apporté par Mgr Raymond Centène, évêque de Vannes, est largement relayé.

Chapelet à genoux sous la pluie

Fort de cette audience inattendue, Alain Escada, le secrétaire général de l’Institut Civitas, prend les accents du tribun. Promettant une « mobilisation qui surprendra     » , partout où les spectacles seront joués, il annonce un « automne chrétien »  avant que les participants ne disent un chapelet, à genoux et sous la pluie, devant la Comédie-Française…

Le matin même, sur Radio Notre-Dame, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France, avait condamné fermement les violences commises au Théâtre de la Ville et rappelé que les manifestants ne disposaient d’aucun mandat pour défendre l’Église.

BRUNO BOUVET

[La Porte Latine] Après l'Affaire d'Outreau, l'affaire d'outrés ?

SOURCE - La Porte Latine - Me Souchon - 30 octobre 2011

Communiqué de M° François Souchon, avocat des jeunes manifestants interpelés

"Mais surtout, j’ai pu constater que tout était mis en œuvre pour priver intégralement mes clients des droits de la défense les plus essentiels et les plus fondamentaux."

En ma qualité d’avocat, j’ai été appelé à assumer la défense de ces catholiques de toutes générations et de tous milieux, qui depuis quelques jours ont manifesté par un courage sans précédent leur indignation face à une des injures publiques la plus grave faite à l’image au combien sacrée et chère au cœur de tout chrétien.

En effet, depuis quelques jours, se joue au théâtre de la ville à Paris une pièce dont le thème est un vieillard déféquant sur scène pendant plus d’une heure, un second acteur jouant son fils venant lui essuyer les fesses à intervalles réguliers. Les excréments sont ensuite utilisés pour recouvrir et badigeonner un portrait géant du Christ.

Cette « œuvre » destinée à une caste bourgeoise d’initiés privilégiés est subventionnée par les fonds publics, en pleine période de crise, lorsque tant de gens, auxquels nos hommes politiques ventripotents imposent une politique d’austérité, peinent à joindre les deux bouts, y compris ces catholiques dont les impôts sont utilisés pour les injurier gravement dans ce qu’ils ont de plus cher, pour la seule et unique satisfaction des quelques amis du multimilliardaire Pierre BERGE, mécène du « festival d’automne » organisé conjointement par la mairie de Paris et le Ministère de l’inculture.

Pour avoir simplement et sans violence osé s’en indigner, ces catholiques ont fait l’objet d’une véritable rafle généralisée, par cars entiers de police, avant de subir un acharnement judiciaire particulièrement aberrant.

Dans les faits, si quelques jets d’œufs ou d’huile ont agrémenté les premières représentations, la très large majorité de mes clients n’a en réalité strictement rien fait d’autre que de se lever de leur siège dans le théâtre pour siffler ou manifester leur désapprobation par des mots simples, sans injures ni grossièretés. Certains autres se sont contentés d’une prière.

Un tarif de groupe leur a été appliqué à tous, sans distinguer les simples « siffleurs » des lanceurs d’oeufs : atteinte à la liberté d’expression, violence avec arme et dégradation de biens… !

Pire encore, de simples spectateurs non catholiques et sans aucun rapport avec cette action contestataire, des personnes qui venaient au théâtre pour se détendre ont été arrêtés pour avoir quitté leur fauteuil, souhaitant rentrer chez eux parce que la pièce les ennuyait.

Ainsi tous ceux qui ne partagent pas le goût de Monsieur le Maire de Paris et de Monsieur le Ministre pour les matières fécales sont passibles de poursuites pénales et de détention !!!

Mais surtout, j’ai pu constater que tout était mis en œuvre pour priver intégralement mes clients des droits de la défense les plus essentiels et les plus fondamentaux.

Le Code pénal et le Code de Procédure Pénale ont tout simplement fait l’objet d’une suppression spéciale pour ces catholiques.

Deux nuits de suite, je suis passé de commissariat en commissariat pour assister mes clients placés en garde à vue. Alors que je me présentais au poste du Vème arrondissement de Paris, muni de ma carte professionnelle, il m’a tout simplement été interdit de voir mes clients et de leur parler après que le policier de l’accueil ait passé un coup de téléphone… !

Il a été signifié à mes clients qu’ayant été arrêtés à Paris, ils n’avaient pas le droit de désigner pour leur défense un avocat du barreau de Chartres : premier mensonge.

Il leur a ensuite été signifié que le même avocat ne pouvait défendre à la fois plusieurs des personnes impliquées dans l’affaire : second mensonge.

L’on a tenté faire signer à mes clients un procès-verbal signifiant la fin de leur garde à vue de 24 H, alors qu’ils en étaient déjà à leur 32ème heure de garde à vue !

Et des telles manœuvres se sont répétées et multipliées durant toute la procédure.

Si dans les autres commissariats les entretiens se sont mieux passées, les officiers de police judiciaire, censés être maîtres de la décision de placer ou non un citoyen en garde à vue, m’ont confié que ce pouvoir leur avait été ôté dans cette affaire précise et qu’ils avaient subi eux-mêmes d’extraordinaires pressions venant « de très haut ».

D’autres policiers se sont dits révoltés que les maigres moyens dont ils disposent soient mobilisés dans une affaire aussi absurde et ont même déclaré ouvertement aux personnes placées en garde à vue leur sympathie à l’égard de leur cause.

Alors qu’on me laissait entendre que mes clients seraient libérés sous peu après leur arrestation, les policiers me confiaient qu’ils avaient finalement reçu de « nouvelles instructions » pour que la garde à vue soit prolongée au maximum !

Il semble donc que la mairie de Paris et le Ministère de l’ inculture aient donné leurs « instructions » et leurs ordres à tous les intervenants de la chaîne judiciaire, interférant ainsi pour leur propre compte dans l’enquête, ce qui est parfaitement illégal et constitue un remarquable abus de pouvoir.

Certains ont été placés en garde à vue au milieu d’individus retenus pour une agression au couteau. Ces individus étaient libérés quelques heures après leur arrestation, alors que l’on signifiait à mes clients une prolongation de leur détention, soit de nouveau 24 heures en cellule, à raison d’ « instructions spéciales »...

48 heures de garde à vue pour avoir sifflé dans un théâtre !!!

J’ai vu de jeunes filles à peine sorties de l’adolescence, menottées et le regard brisé…pour avoir dit une prière.

Ces catholiques ont ensuite été déférés devant « le Juge des Libertés et de la Détention ».

Je me suis présenté à l’audience pour 19 d’entre eux avec l’intention de plaider l’absence de mesures contraignantes.

Le juge a commencé l’audience en énonçant la décision…qu’il avait déjà prise sans même avoir jugé. Il m’a été purement et simplement interdit de plaider ! Le juge me signifiant que sa décision – déjà prise avant l’audience - ne saurait être contestée tant sur le principe que sur le fondement.

Avec le plus grand sérieux, ce magistrat invoquait « une conspiration contre la liberté d’expression », seul instant de cette tragique histoire où il m’a fallu retenir un fou rire.

Accusant mes clients d’entrée en force dans le théâtre (alors qu’ils avaient acheté leur place), ce juge les accusait d’atteinte à la liberté d’expression avant de leur expliquer, toujours avec le plus grand sérieux, que « la liberté ne doit pas nuire à autrui »… !

Sauf aux catholiques apparemment.

En une seule et même audience, ce juge a rendu une sentence générale applicable à toutes ces fournées de malheureux, sans se pencher à aucun moment sur les faits ni les actes, exerçant sa fonction de la manière des plus industrielles, visiblement très empressé de satisfaire un ministre ou un maire pour le bon avancement de sa carrière.

Mes clients ont donc tous été placés sous contrôle judiciaire, le magistrat leur expliquant que s’ils s’avisaient de rencontrer de nouveau leurs compagnons d’infortune ou de s’approcher du théâtre, ils seraient placés en détention jusqu’au procès… !

Enfin il leur rappelait que leur comportement – dont il ignorait tout – pouvait être sanctionné par trois ans de prison. Rien que ça. Heureusement le ridicule ne tue pas, sans quoi un magistrat nous aurait déjà quitté.

Après l’Affaire d’OUTREAU, l’affaire d’outrés ?

En résumé, pour avoir simplement sifflé ou prié dans un théâtre exposant des excréments sur le visage de leur Père, dans une mise en scène payée avec leurs impôts en période de crise, ces catholiques ont été arrêtés, maintenus en garde à vue durant 48 h, menottés, condamnés sans jugement, traités comme des chiens, des trafiquants de drogue ou des terroristes, privés de leur droit à une défense, isolés de leur avocat et placés sous contrôle judiciaire.

En toute humilité je dois avouer que je ne m’attendais pas à une telle ampleur dans la violation des droits de la défense les plus élémentaires, sans parler de la justice sur le fond.

La nausée m’est montée.

Malgré tout je garde l’espoir que devant le Tribunal Correctionnel devant lequel ces malheureux sont convoqués, la justice sera rendue par de véritables magistrats, droits, intègres, impartiaux et indépendants.

François SOUCHON

Avocat au barreau de CHARTRES

[Ennemond - Fecit] Myriam Picard et l’abbé Grosjean tombent dans le panneau

SOURCE - Ennemond - Fecit - 30 octobre 2011
Dans les récentes productions « d’œuvre d’art » malmenant l’image du Christ, il est évident que les artistes se sont gardé une porte de sortie : c’est l’interprétation de l’œuvre. Complètement minimalisée, elle permet d’une certaine manière de considérer que le mélange de ce qu’il y a de plus sacré et de ce qu’il y a de plus profane est en réalité un hymne à la déchéance du Christ pendant la Passion. Ainsi, dans la pièce de Castellucci, je me rappelle que le dialogue du père et du fils se termine sur la répétition par trois reprises du « Pardonne-moi ». Comment ne pas y voir une belle manière de se pardonner les uns les autres, diront certains ?

Mais, ce n’est qu’une interprétation accidentelle et les commentateurs des médias anticléricaux n'ont pas l'air de la partager. Castellucci l’a avoué : « On peut même voir le spectacle comme un chant d’amour pour le Christ, ce qui est le cas de certains spectateurs. » Visiblement, il n’a pas l’air de dire que cette interprétation est la sienne ni celle de la majorité des participants à cette pièce… Il a plutôt l’air de dire qu’elle est accidentelle et minoritaire, peut-être même inattendue ?

Car la réalité qui reste, c’est l’image du Christ galvaudée et profanée. Je pense que c’est le terme à utiliser. Profaner, c’est violer le caractère sacré. C’est ce que fait Castelluci en mélangeant ce qu’il y a de plus saint et ce qu’il y a de plus vil. C’est comme si un artiste prenait une photo d’un homme tout nu et remplaçait sa tête par celle du pape afin de présenter la solitude et le dépouillement d’un Benoît XVI attaqué par tous les journalistes. Myriam Picard, M. l’abbé Grosjean, y verriez-vous une belle œuvre au motif que l’homme Joseph Ratzinger a également un corps d’homme ? Non, il y a des choses qui ne se montrent pas. De même qu’il est de notre devoir de prononcer le nom de Dieu qu’avec respect (2e commandement) ; de même, nous ne pouvons pas laisser désacraliser son image.

C’était exactement la même chose dans le Piss Christ de Serrano. Une religieuse avait affirmé qu’elle voyait dans le crucifix plongé dans l’urine une manière de concevoir la déchéance du Christ souffrant. La minuscule porte de sortie de l’artiste devient un panneau dans lequel tombent les catholiques craintifs de dénoncer la christianophobie montante.

De grâce, Myriam Picard ; de grâce, M. l’abbé Grosjean, ne tombez pas dans le panneau de ces artistes qui introduisent des scènes qui profanent Notre Seigneur. Castellucci dit jouer sur l’ambigüité. C’est bien le problème. Ses défenseurs disent ne pas avoir à respecter le sacré. Tout le problème est là. Ce seront les mêmes qui demain défendront Golgota Picnic qui présente un Christ de la plaie duquel sortent des billets de banque et, autour de lui, des hamburgers jonchant le sol pour ridiculiser la multiplication des pains. A l’heure où tous les anticléricaux se gaussent de cette pièce, y verrez-vous encore une manière de voir la déchéance humaine du Fils de Dieu ?

De notre côté, nous continuerons fermement à défendre le Christ et à demander que son image ne soit pas désacralisée, ne soit pas profanée.

29 octobre 2011

[ITEM] Allocution de M. Philippe Courtois prononcée pour le 40ème anniversaire de M l’abbé Paul Aulagnier

SOURCE - Philippe Courtois - 29 octobre 2011

Allocution de M. Philippe Courtois prononcée pour le 40ème anniversaire de M l’abbé Paul Aulagnier, célébré dans la Collégiale de Mantes la Jolie, le 29 octobre 2011
Nous sommes en 1943, la France est occupée depuis 3 ans par les troupes allemandes qui réquisitionnent une grande partie de la production du Pays. C’est vous dire que pour la population française de l’époque, la vie n’est pas drôle du tout, car il est très difficile de se procurer du ravitaillement.

C’est dans ce contexte, cher Monsieur l’Abbé, que vous arrivez en ce monde, le 25 mai 1943. Votre père est notaire à Ambert. S’il est l’autorité du foyer, votre mère en est l’âme profonde. Ce sont d’excellents chrétiens pratiquants qui s’efforceront de vous donner la meilleure éducation possible – éducation qui ne sera d’ailleurs pas étrangère à votre future vocation.

A la fin de vos études secondaires, en juin 1963, vous entrez à l’Université de Droit de Clermont-Ferrand. Mais 1 an après, en septembre 1964 : changement total d’orientation. Vous décidez d’entrer au Séminaire Français de Rome pour 3 années de Philosophie et une année de Théologie.

En juin 1967, vous décrochez votre licence de Philosophie.

Nous arrivons à la fameuse année1968 : vous avez 25 ans. Vous êtes sursitaire et vous êtes appelé au service militaire. Tout de suite vous vous faites remarquer en arrivant à votre régiment en soutane !

Mais, grâce à votre caractère jovial, vous serez apprécié de tous.

Octobre 1969 : votre service militaire est terminé.

Durant votre séjour au séminaire de Rome, vous aviez rencontré de nombreuses fois Mgr Lefebvre et, très rapidement, un excellent contact s’était établi entre vous. Aussi, c’est tout naturellement que vous le rejoignez en Suisse, à Fribourg et vous participez avec lui à la toute première fondation de ce qui deviendra la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X.

Après avoir terminé vos études de Théologie, vous êtes ordonné Prêtre par Mgr Lefebvre en la fête de Ste Marguerite- Marie Alacoque, la messagère du Sacré-Cœur. Ce fut pour vous le signe de la Miséricorde Divine sur votre Sacerdoce. C’est à ce moment-là, malheureusement, que votre père décède et Mgr Lefebvre, dans sa grande bonté, vous permettra de rester pendant 1 an auprès de votre Mère.

De retour en Suisse en septembre 1973 vous êtes nommé professeur d’Ecriture Sainte et vice-recteur du séminaire d’Ecône.

A cette même période, vous êtes élu Premier Assistant de Mgr Lefebvre.

Le 15 août 1976, vous êtes élevé à la fonction de Supérieur du District de France de la Fraternité. Vous avez 33 ans. Poste que vous conserverez jusqu’en 1994.

Et c’est au cours de ces 18 années que l’on pourra mesurer l’ampleur de vos capacités d’action, grâce en particulier à vos qualités humaines qui font que vous pouvez obtenir beaucoup de vos subordonnés.

- La fameuse revue FIDELITER, c’est vous qui l’avez créée.
- Le quadrillage de la France, pour l’implantation de plus de 30 prieurés, c’est vous.
- De 2 instituts universitaires à Paris et à Lyon, c’est vous.
- L’ouverture de 8 établissements pour l’enseignement du second degré, hors contrat, c’est vous.
- De 17 écoles primaires, réparties sur l’ensemble de la France, c’est toujours vous.

Bref, si nous les fidèles, nous devons beaucoup à la Fraternité, mais surtout à Mgr Lefebvre, elle aussi vous doit beaucoup.

Durant les années 70, alors que les réformes conciliaires vont bon train bouleversant l’Eglise, déboussolant complètement les Catholiques, comme par exemple, dans nos belles églises, la suppression, quand ce n’est pas la destruction des beaux autels, remplacés par des tables de cuisine, cassant du même coup l’incitation au recueillement.

Il aura fallut l’intervention des Architectes des Bâtiments de France pour que soit mis fin à ce scandale, et c’est dans cette ambiance que vous organisez le 23 septembre 1979, le Jubilé de Mgr Lefebvre pour ses 50 années de Sacerdoce, dans le grand hall du Parc des Expositions dela Portede Versailles, à Paris.

Une Messe pontificale grandiose, un orgue tout spécialement transporté, la chorale polyphonique de Saint Nicolas du Chardonnet, dirigée de façon magnifique par M. Sissung. 15.000 personnes entendront le fameux sermon de Monseigneur, au cours duquel il prononcera avec cet accent que nous ne pourrons jamais oublier :

«NOVI ET AETERNI TESTAMENTI»

Alors que nous étions arrivés le matin, encore désabusés par les innovations conciliaires, nous sommes rentrés chez nous ce soir-là en nous disant : » Et bien, tout n’est pas fichu ! »

Les retombées de cette journée furent vraiment bénéfiques.

Le 15 août 1989 : les pouvoirs publics célèbrent à grand bruit le bicentenaire de la Révolution Française de 1789 – Révolution durant laquelle les Conventionnels mettront en œuvre le plan d’extermination et de d’anéantissement de la Vendée, allant jusqu’à jeter des hommes et des femmes dans des fours !

- Sans parler de ce monstre de Carrier, promoteur des noyades de Nantes.

-La Vendée fut le théâtre du premier génocide de l’Histoire Contemporaine.

- L’horrible mise à mort du Bon Roi Louis XVI le 21 janvier 1793.

- Les privilèges devaient être supprimés, ils sont revenus de façon scandaleuse, mais profitent à d’autres.

Voilà ce qu’était la Révolution.

Vous vous élevez, cher Monsieur l’Abbé, contre le tapage de ce bicentenaire, en organisant à votre manière une Contre-Révolution. C’est un défi inimaginable, alors que les parisiens sont en congé en plein mois d’août.

Et bien ce sont 30.000 personnes qui se pressent Place du Louvre ;la Préfecture de Paris vous ayant refusé, et pour cause,la Place de la Concorde.

Résonne encore dans nos têtes l’inoubliable discours de Brigneau !

Nous voyons encore, dressé au Centre dela Place, cette horrible guillotine, symbolisant l’horreur dela Révolution.

Mais, quelques mois plus tard, le 19 novembre 1989, c’est tout autre chose.

C’est la très grande fête de Mgr Lefebvre, pour ses 60 années de sacerdoce. Vous avez tout fait, cher Monsieur l’Abbé, pour qu’elle soit magnifique. Et bien elle le fut!

Mais ce sera malheureusement la dernière.

C’est au Bourget. Une Messe splendide, dans un décorum comme seulela Traditionsait le faire. Après la cérémonie, un repas fut servi par un excellent traiteur, sur une multitude de tables rondes fleuries. Journée gravée dans nos mémoires, marquant le renouveau et le plein essor dela Traditioncatholique en France.

Hélas ! hélas le 25 mars 1991 c’est la mort de Mgr Lefebvre. Elle va marquer malheureusement pour vous, cher Monsieur l’Abbé, le commencement d’une période pénible. Nous allons le voir.

Dès le mois d’août 1994, par ordre du nouveau supérieur , vous êtes remplacé à la tête du District de France par l’Abbé de Jorna. Lui-même sera remplacé peu de temps après. Et, sans affectation particulière, il vous sera demandé d’apprendre l’anglais.

Mais, lassé d’être sans affectation, vous apprenez qu’un poste est vaquant à Gavrus

dans le Calvados. Vous proposez votre candidature, elle sera acceptée au mois d’août 1995. C’est dans un ancien et joli corps de ferme qu’est installé le prieuré de Gavrus. Vous y resterez 5 ans.

- Vous fondez le cours primaire St Jean Eude de la 10ème à la 7ème.

- Vous entreprenez la restauration des bâtiments.

- Vous éditez le bulletin « St Jean Eude ».

- Vous assurez l’aumônerie chez les Dominicaines enseignantes de St Manvieux-Norey qui possèdent une magnifique école secondaire, hors contrat, dans des bâtiments splendides du 13ème siècle.

- Vous organisez également le pèlerinage de Lisieux, avec départ de Firfol vers la basilique Ste Thérèse.

En septembre 1996, c’est le décès de l’Abbé Montgomery-Wright, un ancien anglican écossais converti au catholicisme, – mais au catholicisme d’avant le Concile.

Il est curé du petit village du Chamblac depuis 40 ans. Et lorsque l’évêque d’Evreux viendra avec ses gros souliers lui demander d’appliquer le Concile, l’abbé Montgomery lui répondra tout simplement : » Mais Monseigneur, ce n’était vraiment pas la peine que je me convertisse…. » A la suite de quoi, l’autorité diocésaine n’osera plus insister et ne viendra plus le déranger.

A près son décès, vous prenez tout naturellement sa place, puisqu’il avait exprimé nettement et officiellement qu’il ne voulait être remplacé que par un prêtre de la Tradition.

Pour ne pas être trop long nous passerons sur vos démêlés avec Mgr David et sur le combat que vous avez dû engager pendant 1 an pour essayer de maintenir ce que l’abbé Montgomery avait réalisé au Chamblac.

Enfin, grâce à vos bonnes relations avec ce cher abbé Francis Michel, curé de Thiberville (qui en a vu lui aussi avec l’évêque d’Evreux)la Fraternité pourra utiliser l’église du petit village du Planquay, en remplacement du Chamblac, repris par l’évêque d’Evreux au mépris des vœux exprimés par l’abbé Montgomery.

Le 15 août 2000,la Direction vous retire de Gavrus et vous nomme responsable de la Communication au sein de la Fraternité. Mais un an plus tard, en juillet 2001 vous êtes envoyé en Belgique, à Bruxelles, afin de desservir, en tant que prieur, l’église St Joseph, rue de la Concorde, propriété de la Fraternité.

Le 15 août 2002, voilà qu’une année sabatique vous est accordée, mais hors de France. C’est au Québec, à Levis, que l’on vous envoie. Mais très rapidement, vous êtes nommé prieur de la maison de Chavanigane, avec célébration de Messe à Montréal.

Le 24 mai 2003, vous apprenez qu’une messe tridentine solennelle est célébrée à Rome, en la basilique Ste Marie-Majeur. C’est la première depuis le Concile. Elle revêt à vos yeux un événement significatif, prouvant la bonne volonté de Rome. En véritable fils spirituel de Mgr Lefebvre, comme le prouve la confiance qu’il vous a toujours accordée, ainsi que les nombreuses lettres qu’il vous a adressées, vous vous permettez d’exprimer votre sentiment sur un accord que vous jugez possible entre le Saint-Siège et la Fraternité. Surtout après 30 années de séparation, ainsi qu’au regard de ce qui avait pu être réalisé en faveur dela Traditiondans le diocèse de Campos au Brésil. Ce qui malheureusement ne vous sera pas pardonné parla Directionde Menzingen.

Octobre 2003 : c’est l’épreuve qui vous tombe soudainement sur le dos. Vous êtes remercié et, du jour au lendemain, mon pauvre Monsieur l’Abbé, vous vous

retrouvez à la rue, seul, sans aucune ressource.

Vous en tomberez malade, car jamais vous n’auriez imaginé pouvoir être un jour mis à la porte de la Fraternité, à laquelle vous vous étiez consacré, corps et âme, depuis si longtemps. 32 ans !

Nous devons noter que peu de temps après vous, ce sont presqu’une douzaine de prêtres qui seront exclus à leur tour, ou qui partiront d’eux-mêmes.

Chez un grand nombre de fidèles, c’est la stupeur, l’incompréhension et le désarroi ; car précisément nous avions beaucoup d’estime pour ces prêtres, comme nous en

avions aussi d’ailleurs pour la Fraternité. Fort heureusement, grâce à votre Foi profonde, grâce aussi à votre solide constitution, peu à peu votre santé se rétablit.

En bon samaritains, monsieur et madame Dubujadoux, parents de l’abbé Guillaume Dubujadoux, vous accueillent généreusement à Vichy. Voilà un exemple de charité.

C’est l’occasion pour nous de leur rendre ici un vibrant hommage.

Vos bonnes relations avec le cardinal Castrillon-Hoyos, préfet de la Congrégation du Clergé au Vatican, vous permettent d’obtenir votre « celebret » auprès de votre diocèse d’origine, celui de Clermont-Ferrand, dans lequel vous êtes incardiné depuis 1971.

Aucun ministère ne vous est cependant proposé. Mais la Providence veille sur vous, comme nous allons le voir.

Entre 2004 et 2005 vos connaissances en informatique vous permettent la création d’une paroisse virtuelle sur internet. Ainsi vous est-il possible de prêcher l’Evangile de Jésus un peu partout dans le monde.

C’est aussi les premières éditions de votre revue « ITEM ».

Le 1er mai 2005, vous avez la grande joie de retrouver à Paris ce cher Abbé Guillaume de Tanoüarn, un exclu lui aussi de la Fraternité!

Mais qui a su très rapidement et brillamment se reconvertir d’une manière tout-à-fait exceptionnelle.

1. En fondant 12 rue St Joseph à Paris son Centre St Paul. Centre rayonnant de conférences prestigieuses.

2. C’est aussi le plus important centre de messes tridentines de l’IBP à Paris. Deux messes tous les jours de la semaine, 5 messes tous les dimanches.

3. En devenant un des principaux rédacteurs à l’excellente revue «Monde et Vie» pour toutes les questions religieuses, avec ses collègues Joël Prieur et madame Claire Thomas.

4. En devenant également patron d’émission à Radio Courtoisie, émissions toujours très écoutées.

Finalement, bienheureuse exclusion.

Grâce à lui, vous retrouverez, cher Monsieur l’Abbé, de nombreux amis et fidèles bienfaiteurs.

En date du 27 août 2005, le marquis de Gonteau-Biron, qui vous connait bien et qui connait surtout vos capacités, vous adresse une lettre au terme de laquelle il vous propose de faire revivre son domaine de Courtalain, dans l’Eure-et-Loir.

Vous visiterez les lieux le 3 septembre 2005. Proche de Paris, diocèse de Chartres, desservi par le train, un cadre délicieux, il n’en faut pas plus pour que soit décidé, avec vos confrères les abbés Philippe Laguérie, Guillaume de Tanoüarn, ChristophexHéry et Henri Forestier, la création d’un séminaire traditionaliste.

Et ce sera le succès, grâce en grande partie à vos lettres datées du 1er juin et 18 novembre 2006, auxquelles ont répondu rapidement et généreusement près de 300 fidèles et bienfaiteurs que vous avez su mobiliser et convaincre.

Ainsi les travaux de restauration indispensables ont pu être effectués avant l’arrivée des séminaristes.

Enfin le vendredi 8 septembre 2006, à Rome en la fête de la Nativité de la Sainte Vierge, le cardinal Castrillon-Hoyos, au nom du Saint-Siège, érige l’Institut du Bon Pasteur en Société de vie apostolique, regroupant sous la houlette de l’abbé Philippe Laguérie : vous, cher monsieur l’Abbé, ainsi que les anciens prêtres de la Fraternité.

Cette communauté nouvelle, entièrement vouée àla Tradition, marque la volonté du Pape Benoît XVI d’en finir avec le séparatisme traditionaliste.

- Reconnu de droit pontifical,

- relevant directement du Saint-Siège,

- avec pour son supérieur le pouvoir de juridiction sur tous ces membres,

- création réalisée en plein accord avec le Président dela Conférence épiscopale française de l’époque, le cardinal Ricard.

En 5 ans, nous assistons à un développement remarquable de cette œuvre :

- Ce sont de nombreux nouveaux lieux de Messe : Paris, Bordeaux, Marseille, Tournan-en-Brie, Presly, Manou, Ste Anne, Blois, Vendôme, Courtalain et de Courtalain 3 dessertes dominicales, écoutez-bien : à la demande de Mgr Michel Pansard, évêque de Chartres, venu visiter le nouveau séminaire le 12 mai 2010.

Diocèse victime de dépeuplement et du vieillissement sacerdotale, nous a dit Mgr Pansard.

- Et bien sûr Rolleboise, visité tout récemment par Mgr Eric Aumônier, évêque de Versailles ; ainsi qu’à Montmirail dans le diocèse du Mans.

Et dans toutes ces villes, nous devons constater que tout se passe très très bien.

- Mais également à l’étranger : en Pologne, en Colombie, au Chili et tout récemment à Monte San Vito en Italie, deux écoles primaires.

- Le séminaire St Vincent de Paul de Courtalain, dirigé actuellement avec beaucoup de zêle par monsieur l’abbé Roch Perrel. Il y avait l’an passé 32 séminaristes. Il y en a près de 40 cette année.

- Dernière fondation particulièrement précieuse, dans le Berry à Presly : « l’Angelus », magnifique œuvre de jeunesse, ouverte depuis le mois de septembre 2010 pour un collège de garçons, avec internat jusqu’à la 3ème et l’ouverture d’une classe de lycée chaque année, pour parvenir à la classe terminale. Pédagogie spécifique d’avant-garde, beaucoup de sport, le scoutisme y est pratiqué. Et pendant les grandes vacances d’été, une colonie de vacances y est organisée, encadrée par les séminaristes de l’Institut.

- Plusieurs projets sont en cours au Brésil, en Amérique du Nord.

- Enfin l’installation du Secrétariat Central de l’Institut dans le département de la Vienne aux environs de Poitiers, à Migné-Auxances, réalisé au mois d’août dernier, représente un progrès énorme pour la Direction de l’institution et son implantation dans le centre de la France. Et c’est encore un lieu de messe supplémentaire.

La formation sacerdotale demeurant la préoccupation principale du Supérieur, à laquelle il tient comme à la prunelle de ses yeux.

Oui, l’Institut du Bon Pasteur est véritablement une œuvre providentielle et unique que du haut du Ciel Mgr Lefebvre ne peut que bénir.

A nous maintenant les fidèles de la Tradition catholique, d’orienter notre soutien par nos dons et nos prières vers cette œuvre qui rempli tous nos espoirs.

Pour la rédaction de cette allocution, nous nous sommes inspirés, cher Monsieur l’Abbé, d’un de vos meilleurs ouvrages qui a pour titre «La Traditionsans peur » sorti en 2001 qui se lit d’autant plus facilement qu’il est composé sous la forme questions/réponses, joliment préfacé par Monsieur l’abbé Philippe Laguérie.

Les questions sont posées par l’abbé de Tanoüarn. Inutile de vous dire que le questionneur ajoute beaucoup de «piquant» à la lecture, car ses questions sont éminemment pertinentes. Et malgré les années qui passent, ce livre est toujours d’actualité, parce qu’il est au cœur de la crise de l’Eglise. Crise qui a commencé, alors que vous étiez au Séminaire Français de Rome de 1964 à 1968. Vous décrivez si bien et même avec beaucoup d’humour les clivages qui se formaient au sein même du séminaire à cette époque, non seulement chez les séminaristes, mais encore chez les professeurs. Il y avait d’un côté les «tradis» bien sûr et de l’autre les libéraux progressistes.

A la même époque, le docteur Dickès, qui avait séjourné au séminaire d’Issy-les-Moulineaux, décrivait comme vous l’ambiance délétère qui s’installait dans les séminaires à la suite de Vatican II.

Pour être honnêtes, nous devons reconnaître qu’actuellement il y a beaucoup plus de sérieux dans l’Eglise conciliaire, qui se traditionalise chaque jour un peu plus, comme l’ont montré les JMJ de Madrid du 16 au 21 août dernier.

Mais c’est aussi un livre prémonitoire, car lors de son élaboration, les trois prêtres en question faisaient encore partie intégrante de la Fraternité. Ils ignoraient, l’un comme l’autre, qu’ils seraient appelés tous les trois quelques années après, à fonder une autre institution religieuse. Comme quoi, les voies du Seigneur sont impénétrables.

A ceux de nos amis, qui nous taxent de ralliés, nous leur disons que nous n’avons rien cédé, tant sur le plan de la liturgie que sur celui de la doctrine. Ils n’ont qu’à venir àla Messele dimanche à Rolleboise. Ils s’en rendront compte. D’ailleurs, faut-il encore le rappeler, les prêtres du Bon Pasteur ne peuvent célébrerla Messeque dans le rite extraordinaire.

Et, rentré de Rome en septembre 2006 après la constitution de l’Institut du Bon Pasteur, ce cher abbé Guillaume de Tanoüarn pouvait nous écrire: «Rome nous accorde tout.»

Et, comme Mgr Lefebvre le désirait, les prêtres du Bon Pasteur se donnent aussi pour but de développer : séminaires, lieux de Messe, prieurés et surtout des écoles véritablement catholiques, comme l’Angélus, d’où sortirons les futurs parents, capables d’inculquerla Foichrétienne à leurs enfants, mais aussi des écoles où pourront éclore les futures vocations de prêtres et de religieux, dontla Francea terriblement besoin.

Le gros avantage d’être reconnus par Rome permet au Bon Pasteur de prétendre à la reconquête des églises délaissées, abandonnées. Certes, trop nombreux sont encore les évêques qui nous les refusent. Mais, petit à petit, les choses bougent et elles vont bouger de plus en plus par la force des événements, exemption juridique obtenue ou non.

Cher Monsieur l’Abbé, la générosité que Rome a montré en 2006 à l’égard du Bon Pasteur, tout ce que cette institution a déjà réalisé en cinq ans et les perspectives immenses qui s’ouvrent devant elle, prouvent que vos intuitions de 2003 sur un possible rapprochement étaient fondées. Vous aviez vu juste. D’ailleurs, depuis un certain temps, plusieurs indices nous permettaient de penser que les dirigeants de la Fraternité seraient disposés à envisager votre réintégration. Depuis une quinzaine de jours, nous en détenons une preuve écrite.

C’est sans aucun doute la réhabilitation implicite que nous souhaitions à votre égard.

Mais, l’éventualité de votre départ provoquerait certainement bien des déceptions chez vos confrères et chez les séminaristes du Bon Pasteur.

Sachez également, cher Monsieur l’Abbé, que tous vos fidèles de Rolleboise n’ont qu’un souhait : celui de vous garder le plus longtemps possible, car nous vous aimons. Oui, nous vous aimons beaucoup parce que vous avez su créer parmi nous un véritable esprit de famille.

Vous avez su nous « galvaniser » pour apporter à l’église de Rolleboise toutes les améliorations, toutes les restaurations et toutes les décorations possibles. L’achat de l’orgue, la chorale et surtout la polyphonie, le grégorien, la formation des enfants de chœur et des servants de Messe, tout concourt à ce que les cérémonies soient belles et poussent au recueillement et à la prière.

Peu à peu, l’église de Rolleboise se fait connaître. Chaque dimanche, des têtes nouvelles apparaissent. Que de changements depuis la grange de Madame Boissau !

Madame Boissau, ici présente, est la fondatrice de l’école primaire hors contrat dela Sablonnière, à Goussonville, tenue aujourd’hui par les religieuses Dominicaines enseignantes, – école qu’elle a dirigé pendant de longues années. Ah merci chère Madame ! Merci de nous avoir accueillis avec beaucoup de gentillesse, alors que nous n’avions pas encore d’église.

Il faut noter aussi que la paroisse St Michel de Rolleboise a son site internet particulièrement bien étoffé et régulièrement mis à jour par Mr Philippe OGEZ, ici présent, que nous remercions chaleureusement. Il y consacre beaucoup de temps.

Nous savons pouvoir compter sur vous, cher Monsieur l’Abbé, pour baptiser nos enfants, leur donner l’instruction religieuse traditionnelle. Avec vous nous savons que ce ne sera pas avec des « Pierres vivantes » ou autres fantaisies mais avec de bons catéchismes qui ont fait leurs preuves.

En plus des confessions, Communions, mariages et derniers sacrements, nous apprécions beaucoup les visites que vous faites dans nos familles. Vous n’avez peutêtre pour le moment qu’un seul clocher, peut-être bientôt deux, mais nous savons que vous exercez d’autres activités : en plus des visites aux malades et maisons de retraites, vous êtes aussi professeur au Séminaire St Vincent de Paul de Courtalain.

Vous y enseignez l’Histoire récente de l’Eglise de 1962 à nos jours, ainsi que les encycliques et les actes du Magistère, sans compter les nombreux contacts utiles que vous entretenez un peu partout en France.

Vous arrivez à l’âge où Mgr Lefebvre commençait seulement la partie la plus importante de sa vie. Et comme nous nous souvenons de son 50ème anniversaire sacerdotal àla Portede Versailles, nous nous souviendrons du vôtre à la collégiale Notre-Dame de Mantes-la-Jolie.

Nous supplions le Seigneur etla Vierge Mariede vous conserver encore longtemps la santé, afin que ce que vous avez si bien réalisé dans le passé pourla Fraternité, vous puissiez l’accomplir dorénavant en faveur du développement harmonieux de l’Institut du Bon Pasteur, en apportant tout votre soutien et votre expérience à son Supérieur Général, qui vous apprécie beaucoup. Nous pouvons vous l’assurer.

Nous voudrions terminer sur un vœu, car ce vœu est aussi exprimé par une très large majorité des fidèles de toutes les obédiences dela Tradition. C’est celui d’une entente meilleure entre toutes les communautés traditionalistes, dans un véritable esprit de charité, puisque toutes œuvrent dans le même sens, celui de nous faire gagner le Ciel, pardi !

C’est un appel pressant que nous lançons vers les communautés reconnues par Rome bien sûr, mais aussi et surtout vers celles qui ne le sont pas encore.

En cette époque de matérialisme et d’indifférentisme crasse, où les médias nous serinent avec le socialisme et la laïcité à toutes les sauces et sur toutes les chaînes de télévision. Alors que nos dirigeants de droite comme de gauche permettent à l’islam d’envahir peu à peu notre beau pays chrétien.

Nous vous sommes infiniment reconnaissants d’avoir voulu que cette journée toute orientée vers le Sacerdoce soit belle, grandiose, joyeuse aussi, car la vocation du prêtre a plus que jamais besoin d’être valorisée.

Un très grand merci, cher Monsieur l’Abbé !

[Mgr Williamson - Commentaire Eleison] Finance délinquante!

SOURCE - Mgr Williamson, fsspx - Commentaire Eleison - 29 octobre 2011

L´effondrement imminent de la finance globale, et/ou l'avènement de la finance globale en route vers le gouvernement global, grâce à cet effondrement programmé, devrait amener les esprits à réfléchir: Comment en sommes-nous arrivés à ce désastre?  Comment en sortir?  Si Dieu Tout-puissant na rien eu à voir dans une crise si grave, alors évidemment il n'est pas chose sérieuse, il n'est plus qu'une façon plus ou moins agréable de passer une partie de son dimanche. D'un autre côté si Dieu est aussi important que le pensaient de toute évidence les constructeurs des cathédrales médiévales, alors ne pas avoir tenu compte de ce Dieu aura eu un rôle central à jouer dans le triomphe actuel de la finance sur la réalité.

En effet, c'est bien au Moyen-Age que nous devons remonter si nous voulons comprendre doù vient le désastre actuel. Autant la Foi commençait à baisser après le haut Moyen-Age, autant les hommes devinrent de plus en plus intéressés par Mammon, lautre grand moteur de leur vie (Mt.VI, 24). De cette manière largent, dont la nature est dêtre le serviteur de léchange de biens et de services réels, fût décroché de la nature pour devenir la finance moderne, maîtresse de léconomie globale. Un pas décisif dans ce processus menant directement aux actuelles montagnes de dettes impossibles à rembourser, tous azimuths, et qui reduisent le monde en esclave des banquiers visibles, ou plutôt de leurs maîtres invisibles, fut lextension post-médiévale du système de réserves fractionnaires des banques.

Quand l'argent est au service de l'économie, un Etat prudent s'assure que sa quantité totale d'argent en circulation augmente ou diminue suivant la quantité totale de biens réels à être échangés dans cette économie, de telle manière que la valeur de l'argent reste stable. Trop d'argent poursuivant trop peu de biens se traduira dans une inflation qui fera baisser la valeur de l'argent. Trop peu d'argent poursuivi par trop de biens fera que la valeur de l'argent augmentera par déflation. Que l'argent voie sa valeur modifiée dans un sens ou l'autre, il sen suivra une déstabilisation dans tous les échanges de biens. Or si les banques, dans lesquelles les épargnants déposent leur argent réel ne sont obligées à conserver qu'une fraction de cet argent réel en réserve pour garantir une quantité beaucoup plus grande de papier-monnaie qu'ils peuvent mettre en circulation par les prêts, alors en mettant en circulation cette papier-monnaie en trop grande ou trop petite quantité, ils peuvent jouer sur la valeur de la monnaie et réaliser des fortunes en prêtant de l'argent bon marché et en demandant en retour de l'argent cher. Et de cette manière les financiers enlèvent le contrôle à l'Etat.

Pire, si le système de réserves fractionnaires des banques permet aux banques de déconnecter l'argent de la réalité et de le fabriquer à volonté, et si elles peuvent exiger ne serait-ce qu'un petit intérêt composé sur leur argent fabriqué, alors logiquement elles peuvent – et c'est bien ce qui se passe ! -- siphonner toute la valeur réelle dune économie, réduisant la plupart des épargnants en emprunteurs et la plupart des emprunteurs en esclaves désespérés de leur dette ou de leur hypothèque. Ils prendront soin seulement de ne pas tuer tout à fait les poules qui pondent les œufs d'or qui font leur bénéfice. La sagesse divinement inspirée du législateur Moïse mettait un frein au pouvoir de tout prêteur en supprimant toutes les dettes tous les sept ans (Deut.XV,1-2), et en faisant retourner toute propriété à son premier propriétaire tous les 50 ans (Levit. XV,10) !

Et pourquoi Moïse, grand homme de Dieu et pour cela homme dune profonde « spiritualité », s'occupait-il lui-même de questions tellement matérielles? Parce que comme un mauvais système économique peut mener l'homme au désespoir, vers l'Enfer, loin de Dieu – regarder autour de vous, aujourd'hui mais surtout demain -- ainsi un bon système économique rend possible une sage prospérité qui en aucune façon ne rend un culte a Mammon, mais rend plus facile de confier en la bonté de Dieu, de l'adorer et de l'aimer. L'homme est âme et corps.

Moïse aurait sûrement écrasé le système de réserves fractionnaires des banques, comme il a fait écraser le Veau d'Or!

Kyrie eleison.

27 octobre 2011

[Anne-Cécile Juillet - Le Parisien] Des traditionnalistes proches de Mgr Lefebvre

SOURCE - Anne-Cécile Juillet - Le Parisien - 27 octobre 2011

« Laver l’offense faite au Christ et restaurer son honneur » : tel est le mot d’ordre de l’Institut Civitas, l’un des mouvements qui a appelé ses troupes à manifester contre la pièce de théâtre de Romeo Castellucci. L’Institut Civitas, créé il y a dix ans mais qui, pour son porte-parole, Alain Escada, « tente de passer à la vitesse supérieure depuis deux ans », a un objectif clair : « restaurer le règne du Christ dans la société », en s’inspirant notamment de la doctrine sociale de l’Eglise, et en dénonçant systématiquement les actes « christianophobes » dans l’art ou la société.

Dans les faits, ce mouvement revendiquant un millier de membres, mais qui a mobilisé près de 92 000 signatures contre la photo « Piss Christ », est proche de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, la branche intégriste et schismatique de l’Eglise catholique, fondée par Mgr Lefebvre. Mardi soir, la Conférence des évêques de France a « condamné les violences perpétrées en marge de la pièce de théâtre ». Pourtant, plusieurs évêques, comme celui de Versailles (Yvelines) ou de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), avaient signifié qu’ils partageaient l’indignation de l’Institut Civitas. Qui, de son côté, a fait savoir qu’il continuera ses actions et a appelé à une manifestation nationale, ce samedi après-midi.

[Paix Liturgique] Le combat d'arrière-garde des liturgistes-professeurs

SOURCE - Paix Liturgique n°306 - 27 octobre 2011

La réforme de la liturgie romaine, qui a suivi le deuxième concile du Vatican, a été fabriquée dans les bureaux de liturgistes, certes savants pour leur époque, mais pétris d’idéologie. Au regard de l’histoire de la liturgie romaine, sur laquelle ils étaient censés s’appuyer, plus personne n’oserait aujourd’hui défendre la plupart des options qu’ils ont prises avec une superbe autorité : la suppression de l’offertoire remplacé par des prières imitées de prières juives, vraisemblablement contemporaines, voir plus récentes, des prières catholiques évacuées ; l’assemblage hâtif d’un nouveau lectionnaire créé de toutes pièces ; la multiplication de nouvelles prières eucharistiques (y compris l’utilisation pour la deuxième prière de la reconstitution plus qu’hasardeuse d’une anaphore dite de la Tradition apostolique ou Tradition d’Hippolyte, que plus aucun historien sérieux ne soutient aujourd’hui), etc. Sans parler du déficit théologique qui en résulte, l’appauvrissement culturel saute aux yeux : cette réforme sera sans doute un jour considérée, peut-être pas comme un des moments essentiels, mais en tout cas un des moments les plus significatifs, de l’effondrement culturel de l’Occident à l’époque contemporaine.
Outre une résistance à son application, qui s’est vue confirmée par le Motu Proprio Summorum Pontificum de 2007, de nombreux écrits et travaux, au premier rang desquels ceux du cardinal Ratzinger devenu Benoît XVI, se sont employés patiemment à la critiquer et à la relativiser, tout en tentant de la retraditionaliser. Sans véritable réponse de la part des auteurs. Après le décès du Père Gy, op, l’un des derniers fabricateurs encore vivants de cette entreprise, le silence s’est fait de leur côté (il avait attaqué le plus complet des ouvrages du cardinal Ratzinger sur le thème liturgique, L’Esprit de la liturgie, Ad Solem, 2001 dans La Maison-Dieu du 1er trimestre 2002, avant d’être rappelé dans la maison du Père).

Mais voici que deux professeurs de liturgie à Louvain et Louvain-la-Neuve, Joris Geldhof et Arnaud Join-Lambert, reprennent le flambeau, sur un ton modéré, mais avec une critique de la persistance du rite traditionnel qui se veut radicale, dans un article de La Croix, du 10 septembre 2010 : « L’ancien et l’actuel rite liturgique romain peuvent-ils coexister sans conséquence ? ». Nous publions intégralement leur article, que nous faisons suivre de la réponse enlevée et très juste que leur a fait Jean Madiran, dans Présent, le 16 septembre 2010. Nous ajoutons enfin quelques remarques.

I – L'ARTICLE DE LA CROIX
« L’ancien et l’actuel rite liturgique romain peuvent-ils coexister sans conséquence ? », par Joris Geldhof et Arnaud Join-Lambert, professeurs de liturgie (Katholieke Universiteit Leuven et Université catholique de Louvain), 10 septembre 2010.

L’instruction Universae Ecclesiae du 13 mai sur l’ancien rite romain tridentin a été parfois saluée comme une « pacification » en France, en fait le seul pays où c’est une question pastorale non marginale.
Les problèmes liés à la coexistence de deux formes d’un même rite sont-ils résolus ? Les liturgistes professeurs de facultés francophones, anglophones, germanophones, néerlandophones et italiennes ont tous relevé en 2007 les difficultés inédites posées par le motu proprio facilitant l’ancien rite. Aucun d’entre eux n’est pourtant un iconoclaste anticlérical, bien au contraire. Ils insistaient sur les conséquences d’une dissociation entre la lex orandi (la règle de la prière) et la lex credendi (la règle de la foi). La liturgie actuelle est l’expression d’une théologie en partie différente de l’ancienne. Cela ne touche évidemment pas au cœur de la foi chrétienne. Mais les déplacements théologiques ne sont pas négligeables pour autant. En ce sens, la lex orandi est différente.

Pour cerner les enjeux théologiques, commençons par trois contre-vérités présentes dans les milieux traditionalistes.

1) La réforme liturgique aurait été faite par une poignée d’intellectuels outrepassant le mandat confié par Paul VI.
N’importe quelle étude dépassionnée établit sans difficulté la continuité entre le mouvement liturgique né au début du XXe siècle, son amplification jusqu’au Concile, les travaux conciliaires et la mise en œuvre des décisions. En 1956, Pie XII qualifiait déjà le mouvement liturgique de « passage du Saint-Esprit dans son Église ». La réforme décidée en 1963 n’est pas surgie de nulle part. Et la composition des livres liturgiques actuels fut un travail gigantesque et minutieux réalisé par de nombreux évêques et théologiens de tous les continents.

2) La mise en œuvre de la réforme liturgique aurait été caractérisée par de multiples erreurs et abus.
Il n’existe à ce jour aucune étude scientifique sur cette période et ces abus. Et qu’est-ce qu’un abus dans ce domaine ? Autant de nombreux prêtres étaient désarmés pour mettre en œuvre cette réforme, autant il est infondé de présenter les années 1969-1975 comme une vaste période de gabegies. La crise sociétale à partir de 1968 a provoqué dans l’Église un profond séisme et une grave crise d’identité. En attribuer la responsabilité à la réforme liturgique est un raccourci simpliste.
Le renouveau liturgique a été et reste source de progrès pour la vie de la grande majorité des catholiques.

3) La restauration de la forme ancienne de la liturgie serait un ajustement liturgique et rien de plus.
Si certains ne contestent pas Vatican II en participant à des célébrations suivant l’ancien rite, on ne peut pourtant pas négliger les incidences théologiques, comme si l’enrichissement théologique du Missel actuel était dénié. C’est oublier l’accent mis par exemple sur la participation active et consciente de tous, la proclamation biblique enrichie, l’invocation de l’Esprit Saint dans la prière eucharistique, etc. Allons plus loin avec l’ancien Rituel romain, lui aussi autorisé. Y recourir équivaut à minimiser, voire à rejeter des progrès théologiques et pastoraux. Pour le mariage, on maintient une anthropologie médiévale à côté d’une compréhension moderne des relations homme-femme dans le nouveau rituel. Que dire alors de l’extrême-onction, qui revient dans la pratique des traditionalistes, alors que Vatican II l’avait modifiée en onction des malades pour élargir sa célébration aux malades hors de situation d’agonie ?
Beaucoup d’autres exemples montrent combien la réforme fut un projet systématique et théologique, porté par un aggiornamento aux besoins des hommes et femmes de notre temps.
Que faire alors ? Le plus urgent est la formation des prêtres et séminaristes. Être conscient de toutes les dimensions de la liturgie est essentiel pour acquérir un authentique ars celebrandi, un art de célébrer dévoilant la richesse des liturgies. Suggérer que les séminaristes soient formés au rite tridentin, comme l’évoque l’Instruction, relève d’une approche ritualiste. Il suffirait de savoir faire pour bien faire. Or, il faut d’abord entrer dans un rite, sa spiritualité, sa théologie, sa portée mystagogique. Il ne s’agit pas de deux formes interchangeables. Il est d’ailleurs aussi urgent de former à une théologie liturgique dans les instituts traditionalistes, sur la base de la Constitution conciliaire sur la sainte liturgie.
Jean-Paul II avait autorisé en 1984 la célébration avec l’ancien Missel pour des motifs uniquement pastoraux, permettant à des personnes de continuer à nourrir leur foi sans suivre Mgr Lefebvre.
L’Instruction poursuit l’élargissement commencé en 2007. Il est légitime de se demander si cela est vraiment opportun. Encourager une sorte de bi-ritualisme inédit dans l’histoire paraît risqué. Il serait irresponsable de ne pas examiner les questions théologiques liées à la liturgie dans toute leur complexité.

II – LA RÉPONSE DE JEAN MADIRAN
« L’offensive et la menace des liturgistes professeurs », Présent, 16 septembre 2011.

— Hep ! vous autres, vous là-bas, les nouveaux venus dans La Croix, vous êtes qui ?
— Nous sommes, répondent-ils en substance, nous sommes les « liturgistes professeurs », tous d’accord contre Benoît XVI, contre son Motu proprio Summorum pontificum du 07.07.07 et contre son Instruction Universae Ecclesiae du 15 mai dernier…
Ils sont « tous » contre, en effet, ils l’avaient déclaré en 2007, ils persévèrent en 2011, obstinés, tels que parlent, en leur nom à « tous », deux liturgistes professeurs, l’un qui se dit de l’Université catholique de Louvain, l’autre qui se dit de Leuven, mais c’est Louvain aussi. Ils s’affirment unanimes dans leur protestation. S’ils ne l’étaient pas, si cette unanimité affirmée était une imposture, on lirait dans La Croix rectifications et mises au point. Car voici leur message :
« Les liturgistes professeurs, proclament-ils, de facultés francophones, anglophones, germanophones, néerlandophones et italiennes ont tous (sic) relevé en 2007 les difficultés inédites posées par le Motu proprio facilitant l’ancien rite, etc. »
Ils insistaient, ils insistent toujours sur cette « dissociation entre la lex orandi (la règle de la prière) et la lex credendi (la règle de la foi) ». « La liturgie actuelle est l’expression d’une théologie en partie différente de l’ancienne. »
En partie différente de l’ancienne ? C’est donner raison, mais ils n’en savent rien, au cardinal Ottaviani qui, dans sa préface au Bref examen critique de 1969, a été le premier à dire que la nouvelle messe s’éloigne de la théologie du concile de Trente. Donc acte ; bienvenue au club.
Hélas, non, pas bienvenue : car ce qu’ils veulent dire, c’est que l’on a eu raison de faire une nouvelle liturgie s’éloignant de la théologie traditionnelle. Ils veulent changer la foi. « Évidemment pas le cœur de la foi chrétienne », croient-ils. Pas le cœur ? Mais en tout cas la tête. Et d’ailleurs, qu’appellent-ils le cœur, si ce n’est pas les trois vertus théologales ?
Nous savions déjà que la tendance aujourd’hui dominante dans l’exégèse catholique a perdu la foi, comme Benoît XVI a eu l’occasion de le dire à propos de l’Allemagne. Voici maintenant que « tous » les liturgistes professeurs veulent changer [quelque chose dans] la foi, c’est eux qui l’annoncent. Ainsi se vérifie l’étendue d’une faillite déjà constatée : celle des élites intellectuelles (ou du moins universitaires) du catholicisme contemporain.
Le ton sentencieux de docte et tranquille compétence sur lequel s’expriment les liturgistes professeurs ne doit pas faire illusion. Ce ton n’est nullement agressif dans la forme. C’est le fond qui est agressif, implacablement. Ils déclarent « urgent » que l’on aille « former à une théologie liturgique » (la leur) les « instituts traditionalistes ». C’est leur menace. Heureusement ces instituts sont protégés par la commission pontificale Ecclesia Dei. Mais cela n’empêchera pas forcément tels et tels évêques de prétendre n’accueillir qu’à cette condition de vassalité mentale les instituts traditionalistes dans leur diocèse.
Et l’on comprend que le sectarisme divaguant des universités catholiques ne rende pas facile la tâche de progressive réorientation intellectuelle (et liturgique !) entreprise par Benoît XVI.
N’allez pas imaginer que l’intervention des « liturgistes professeurs » était une sorte de « tribune libre ». Trois jours plus tard, c’est l’éditorial à la « une » de La Croix qui reprend à son compte la même agression avec les mêmes cibles : contre les « concessions unilatérales du Saint-Siège au sujet de l’usage de l’ancien rituel », l’éditorial déclare « inimaginable » que Benoît XVI ose consentir à la FSSPX un nouvel accord, car cela ne manquerait pas de « causer un grand trouble parmi les catholiques », – ce qui équivaut à la menace d’organiser, une fois de plus, cette sorte de grand trouble artificiel.
Pour bien marquer son camp et ses dispositions belliqueusement sectaires, La Croix invoque à nouveau sans réserve, comme une autorité morale incontestée, « l’émission de France 2 diffusée l’an passé, Les infiltrés », contre l’abbé Laguérie et l’IBP. Cette émission était une ignominie tellement évidente que finalement Le Journal du Dimanche s’était excusé de sa « très regrettable erreur » de l’avoir relayé comme l’avait fait La Croix.
La Croix, elle, n’a jamais consenti la moindre rectification. Elle récidive dans l’infamie. Elle fait la guerre. Par tous les moyens. Une guerre totale.

JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7434 de Présent, du Vendredi 16 septembre 2011
III – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1°/ Ces liturges belges ont notamment raison sur deux points…
A/ Il est exact que le lien entre lex orandi et lex credendi, pour complexe qu’il soit et difficile à bien préciser théologiquement (cf. Pie XII, dans Mediator Dei), est un des fondements de la compréhension du culte divin. Il est donc bien vrai, comme le disent Joris Geldhof et Arnaud Join-Lambert, que recourir à la forme traditionnelle du rite romain « revient à minimiser, voire à rejeter » ce que représente théologiquement, de facto, la modification du rite, et le « projet systématique et théologique » qu’il exprime, volens, nolens, en tout cas dans l’esprit de la plupart de ses auteurs
B/ Et, il est incontestable que le « bi-ritualisme », selon leur expression (alors que depuis Benoît XVI nous préférons parler de biformalisme) qui résulte de la reconnaissance que le rite ancien n’a jamais été aboli, est « inédit dans l’histoire ». Il est non moins vrai que cela « paraît risqué »… pour le rite nouveau. Sauf cas d’ampleur extrêmement réduite – le rite wisigothique, dit « mozarabe », conservé dans une poignée de chapelles d’Espagne, concurremment au rite romain qui l’avait remplacé –, jamais une réforme liturgique n’a laissé subsister la forme ancienne qu’elle réformait. Qui plus est, dire, comme l’a affirmé Benoît XVI, qu’il pouvait y avoir un « enrichissement réciproque » des deux formes – autrement dit, essentiellement, un enrichissement de la forme pauvre, la nouvelle, par la forme riche, l’ancienne – est aussi inédit que de dire que le concile Vatican II doit être compris « à la lumière de la tradition », c'est-à-dire à la lumière des conciles qui l’ont précédé, alors que, jusqu’à présent, c’est le dernier concile qui « enrichissait » la doctrine des précédents et jamais l’inverse, en tant qu’ultime expression de la tradition.

2°/ En revanche, en affirmant que la France est "le seul pays où (la question du rite romain tridentin) est une question pastorale non marginale", nos deux liturgistes profèrent une énorme contre-vérité :
- ils seraient inspirés de consulter les résultats des sondages internationaux que nous avons commandités depuis 2009 et qui démontrent qu'à l'étranger aussi, au moins un catholique pratiquant sur trois, en Allemagne comme au Portugal, en Espagne ou en Grande-Bretagne, est désireux de pouvoir assister à la forme extraordinaire du rite romain dans sa paroisse,
- ils feraient bien de considérer l'implantation internationale de la FSSPX comme des instituts Ecclesia Dei, de l'Argentine à la Pologne et des États-Unis à l'Australie,
- ils devraient sortir de leur vision étroite et découvrir que, du Paraguay aux Philippines ou à l'Indonésie, des pasteurs s'appuient sur le Motu Proprio pour refaire de la liturgie, et en particulier de la Sainte Messe, comme le souhaite le Saint Père, cet instant privilégié de rencontre avec Dieu qui constitue la source et le sommet de la vie de l'Église (Sacramentum Caritatis).

3°/ Non, le Motu Proprio n'est pas une question franco-française. D'ailleurs un grand nombre de mises en œuvre remarquables de ce Motu Proprio (séminaires diocésains offrant une filière Motu Proprio, communautés religieuses passant de la forme ordinaire à la forme extraordinaire...) ne se sont pas - pour l'heure - passés en France mais aux États-Unis, en Europe de l'Est ou encore en Italie... Le laisser entendre, c'est ignorer volontairement que le Motu Proprio est "une loi universelle pour l'Église" comme le dit explicitement l'instruction Universæ Ecclesiæ à son article 2. Venant de professeurs de liturgie, une telle assertion dénote soit une ignorance crasse soit une mauvaise foi nourrie par un profond mépris de la volonté et de la sagesse pontificales... Qui reflète bien ce que nos multiples sondages "étrangers" confirment... Partout, c’est-à-dire en Italie, en Allemagne, en Suisse , mais aussi en Espagne, au Portugal et en Grande-Bretagne ce sont toujours au moins 35% des catholiques pratiquants qui désirent vivre leur foi catholique au rythme de la forme extraordinaire du rite romain...

4°/ Inlassablement, nous répétons, au fil de nos lettres, que le Motu Proprio de Notre Saint-Père le Pape est une œuvre de pacification. Ce faisant, nous ne tombons pas dans un irénisme béat. Nous savons bien, parce que nous l'avons longtemps vécu et que nous l’expérimentons toujours, que l’obtention de la paix religieuse, c'est-à-dire de la vérité pacifiquement reconnue, nécessite une "virtus" parfois combative. Le développement progressif de ce que veut le Motu Proprio Summorum Pontificum, rendu en quelque sorte définitif par l’instruction Universae Ecclesiae, procure en effet, pour le bien de la foi du peuple chrétien, la remise à l'honneur de points occultés de la loi de la prière. Dans ses récents propos (voir notre lettre n°305), Monseigneur Pozzo, Secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, explique que le rite ancien procure une meilleure mise en évidence du mystère, du sacré et de l’essence sacrificielle de la messe.

Non seulement le but poursuivi – retrouver cette vérité – est intrinsèquement pacifique. Mais la manière employée par Benoît XVI – établir dans les paroisses une tranquille coexistence entre les deux formes par la diffusion la plus large de la forme ancienne, et retraditionaliser la forme nouvelle par touches successives – est éminemment pacifique. Joris Geldhof et Arnaud Join-Lambert sont parmi les derniers représentants des hommes d’Église qui ont pris la responsabilité d’avoir engagé une véritable guerre liturgique contre la majorité silencieuse des fidèles. Pour notre part, de la paix liturgique qu’annonce Summorum Pontificum, nous sommes les ardents partisans.

[Le Monde] La famille nationale-catholique donne à nouveau de la voix. Avec un terrain de prédilection : la protestation plus ou moins musclée contre des événements culturels jugés par elle christianophobes.

SOURCE - Le Monde - 27 octobre 2011

Ses militants manifestent quotidiennement, depuis une semaine, devant le Théâtre de la Ville, à Paris. Ils ont même réussi, à plusieurs reprises, à interrompre la représentation de la pièce de théâtre de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu (Le Monde du 27 octobre).

Aux avant-postes de cette mouvance contre-révolutionnaire, catholique intégriste, obnubilée par "la subversion" et dont les référents historiques sont les dictateurs espagnol Franco et portugais Salazar, se trouve un groupuscule, le Renouveau français (RF). Celui-ci a formellement revendiqué les actions menées au Théâtre de la Ville, pour lesquelles il était secondé par les maurrassiens de l'Action française. 

FAMILIER DES ACTIONS "COUPS DE POING"

Créé par Thibaut de Chassey et redynamisé aujourd'hui par Gaël de Crépy, ce groupe avait déjà été très en pointe au mois d'avril. Il s'agissait alors pour lui de dénoncer des photographies de l'Américain Andres Serrano exposées à Avignon. L'une d'elles, intitulée Immersion, Piss Christ, avait été détruite par une action commando.

Le RF est en outre familier des actions "coups de poing" contre les manifestations homosexuelles, "kiss-in" (embrassades sur la voie publique) et Gay Pride, qu'il qualifie d'"aberrations anthropologiques". Certains de ses militants ont aussi été mis en cause lors d'une agression raciste, dans le 2e arrondissement de Paris, début 2011.

Pour ses faits d'armes devant le Théâtre de la Ville, le Renouveau français a reçu le soutien de Bruno Gollnisch, sur le blog de ce dernier. Ce n'est pas un hasard. Lors de la campagne interne du Front national, en 2010, les nationaux-catholiques avaient fait la campagne de M. Gollnisch, qui incarnait cette ligne politique face à Marine Le Pen. La défaite de leur candidat à la présidence du FN, en janvier 2011, a douché leurs espoirs de sortir de leur marginalité politique. 

JEUNES ET BOURGEOIS

La thématique de la "christianophobie" arrive à point nommé. Elle a, pour cette mouvance, le double avantage de lui redonner une certaine visibilité – et, espère-t-elle, une dynamique – et de servir de ciment à cette famille éclatée, qui peine à se structurer. Plutôt issus de milieux bourgeois (et de l'Ouest parisien), les militants du RF sont jeunes.

Ils ont leurs entrées à l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet (Paris), dont ils assurent, de temps à autre, "la protection", avec la bénédiction de l'abbé Xavier Beauvais, prieur de ce lieu de culte accaparé depuis plus de trente ans par des militants intégristes proches de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, créée par l'évêque schismatique Marcel Lefebvre.

L'abbé Beauvais n'est pas un modéré. On a pu l'entendre, en mai 2009, lors d'une messe commémorative dans son église de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, faire appel à la figure du dirigeant de l'extrême droite belge Léon Degrelle, rallié aux nazis pendant la seconde guerre mondiale. Dans ce prêche adressé à un parterre de militants d'extrême droite radicale, sur fond de croix celtiques stylisées au-dessus de l'autel, l'abbé n'avait pas hésité à appeler au "martyre". 

"GROUPE CHOC"

Xavier Beauvais est une figure de l'Institut Civitas, qui rassemble des catholiques traditionalistes et intégristes proches de l'extrême droite et qui se présente comme "un mouvement dont le but est la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ".

Le RF joue volontiers le rôle de "groupe choc" pour l'Institut Civitas, aux manifestations duquel il s'associe, se réservant le soin d'actions plus rudes et ne dédaignant pas la violence. L'Institut Civitas a ainsi appelé à une manifestation nationale à Paris, samedi 29 octobre, contre la "christianophobie".

Cette manifestation devrait réunir toute la famille nationale-catholique. Le Renouveau français y sera bien entendu présent, tout comme l'Œuvre française, groupuscule antisémite et pétainiste. Après la pièce de Romeo Castellucci, la mouvance a un autre spectacle dans le viseur à Paris : Golgota Picnic de Rodrigo Garcia, à l'affiche à partir du 8 décembre au Théâtre du Rond-Point.

Abel Mestre et Caroline Monnot

26 octobre 2011

[Abbé Francesco Ricossa - Rivarol] “Josef Ratzinger est un pur moderniste”

SOURCE - Abbé Ricossa, imbc - Rivarol - 26 octobre 2011

Ces dix dernières années RIVAROL a interrogé différents clercs et prélats de la mouvance dite traditionaliste: l’abbé Guillaume de Tanoüarn pour son livre Vatican II et l’Evangile, l’abbé Alain Lorans, directeur de Dici et porte-parole de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, Mgr Bernard Tissier deMallerais pour sa biographie du fondateur d’Ecône, Mgr Marcel Lefebvre une Vie, et Mgr Richard Williamson.

Aujourd’hui, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’Institut Mater Boni Consilii (IMBC) qu’il dirige, nous donnons la parole à l’abbé Francesco Ricossa qui est également directeur du séminaire Saint-Pierre Martyr et de la revue Sodalitium. Ce périodique d’une grande tenue intellectuelle— même si l’on peut ne pas partager toutes ses positions — s’est fait connaître notamment pour ses articles documentés et érudits sur la question juive, sur la personnalité et l’œuvre de JeanXXIII, sur la pensée de Mgr Guérard desLauriers.

Cet entretien est l’occasion pour l’abbé Francesco Ricossa de nous préciser sa position doctrinale dans l’actuelle crise de l’Eglise et de donner son point de vue sur une actualité religieuse particulièrement riche.

RIVAROL: Monsieur l’abbé, vous fêtez à la fin de la semaine prochaine à Paris, les 5 et 6novembre (voir l’agenda à la page 4 de ce numéro), le vingt-cinquième anniversaire de l’Institut Mater Boni Consilii. Pouvez-vous brièvement nous rappeler les circonstances de sa fondation?
Abbé Francesco RICOSSA: Nous étions plusieurs prêtres du district d’Italie de la Fraternité Saint-PieX, ordonnés au début des années 1980 par Mgr Lefebvre, à camper sur des positions doctrinales fermes, notamment dans notre refus catégorique de la nouvelle messe et de toute compromission avec les modernistes. Nous avions d’ailleurs fondé en 1984, avec la bénédiction de Mgr Lefebvre, la revue Sodalitium en hommage à Mgr Umberto Benigni qui avait fondé au début du XXe siècle ce mouvement radicalement anti-moderniste à la demande du Pape saint PieX, soucieux de l’infiltration de clercs libéraux et modernistes dans l’Eglise catholique. Nous entretenions des rapports difficiles avec l’abbé Franz Schmidberger, supérieur général de la Fraternité sacerdotale Saint-PieX (Mgr Lefebvre ayant quitté cette fonction en 1983), car il avait des liens étroits avec des mouvements très modérés, acceptant le principe de l’assistance à la nouvelle messe, comme Una Voce. A cette époque dans la Fraternité l’on parlait déjà, soit d’un sacre d’évêque, soit d’un accord avec les modernistes à la suite du premier indult de Jean Paul II du 3octobre 1984. Les prêtres italiens de la FSSPX étaient non seulement tout à fait opposés à une hypothèse d’accord qui n’aurait pas été fondé sur la foi mais de plus étaient perplexes sur la possibilité d’un sacre, non sur le fait en lui-même, mais dans la mesure où cet acte ne leur semblait pas justifiable aussi longtemps que la Fraternité reconnaîtrait l’autorité de Jean Paul II.

S’ajoutait à cela le problème du code de droit canon “promulgué” par Jean Paul II en décembre 1983. Mgr Lefebvre avait déclaré ce nouveau code inacceptable, alors qu’aujourd’hui la Fraternité l’accepte. Or, nous avions lu dans les manuels de théologie que l’Eglise ne pouvait pas imposer un code de droit canonique mauvais à cause de son infaillibilité dans la promulgation de lois liturgiques et disciplinaires. Du fait de toutes ces questions que nous nous posions et à cause de la ligne pratique de l’abbé Schmidberger qui était tout à fait en faveur d’un accord avec les modernistes, notre situation devenait intenable au sein de la Fraternité. Dans un premier temps Mgr Lefebvre nous avait soutenus puis, lorsque les choses se sont envenimées, il nous a abandonnés en arguant que ce n’était plus lui le supérieur général et qu’il ne pouvait donc rien faire. A ce moment-là, nous avions compris que la position de la Fraternité ne tenait pas mais nous ne savions pas encore vraiment quelle était la bonne voie.

Nous avons pris un certain temps entre décembre 1985— où nous quittons la Fraternité et fondons l’Institut Mater Boni Consilii à Turin— et septembre 1986— où nous ouvrons le séminaire Saint-Pierre Martyr— pour réfléchir et étudier sereinement. Nous avons rencontré plusieurs prêtres se situant dans les tendances les plus fermes, nous avons examiné toutes les solutions possibles et finalement nous avons rencontré Mgr Guérard des Lauriers. Cette visite nous a convaincus de deux choses. L’une, spéculative: la thèse qu’il défendait, dite de Cassiciacum, nous est apparue être la bonne. L’autre, pratique: il fallait se décider à ouvrir un séminaire pour un clergé qui ne célèbre pas la messe en communion avec (una cum) Jean PaulII. Rappelons qu’à ce moment-là il n’y avait pas de séminaire traditionaliste autre que celui d’Ecône.
R.: Actuellement combien avez-vous de prêtres dans votre Institut? Combien de séminaristes? Quelles chapelles desservez-vous? Dans quels pays?
Abbé F. R. : Nous sommes un petit groupe d’une dizaine de prêtres. Nous avons un évêque flamand, Mgr Geert Stuyver, qui réside en Belgique, un prêtre en Argentine, en France l’abbé Cazalas, aumônier de l’école de Serre-Nerpol fondée par feu le père Vinson. Les autres prêtres sont en Italie, l’un est à Rimini et s’occupe de tout l’est de l’Italie, du côté de la mer Adriatique. Dans la maison-mère de Verrua Savoia près de Turin où se trouve aussi notre séminaire résident les autres prêtres: les abbés Herimpitia Andriantsarafara, Murro, Giugni, Jocelyn Le Gal qui s’occupe de Paris, moi-même, et un collaborateur qui appartient à l’association de Mgr Donald Sanborn, l’abbé Thomas Le Gal.

Actuellement nous avons trois séminaristes, dont un qui en est aux ordres majeurs. Pour l’heure nous comptons moins de séminaristes que naguère car presque chaque groupement non una cum dispose désormais de sa maison de formation. Nous exerçons notre ministère en Italie, du nord au sud (y compris à Rome), en France (à Lille, à Paris, à Lyon, à Annecy, à Cannes et en Isère), en Belgique, aux Pays-Bas et en Argentine. A Paris en particulier, nous exerçons notre ministère depuis presque six ans, en deux lieux, dans le neuvième arrondissement (17 rue Bleue) et dans le quinzième arrondissement (19 rue Théodore Deck).
R. : Pouvez-vous préciser pour les lecteurs qui ne la connaissent pas votre position doctrinale dans l’affreuse crise de l’Eglise que nous vivons depuis plus d’un demi-siècle?
Abbé F. R. : Nous embrassons tout ce que l’Eglise nous propose à croire, tout ce qu’elle enseigne. D’autre part, pour expliquer l’actuelle crise de l’Eglise, même s’il existe sur ce sujet plusieurs opinions divergentes, quant à nous, depuis septembre 1986, nous faisons publiquement nôtre la thèse théologique que Mgr Guérard des Lauriers a publiée en 1979 dans les Cahiers de Cassiciacum sur le Siège apostolique qui, au moins depuis décembre 1965 et la “promulgation” par Paul VI de Vatican II, est formellement vacant, mais pas matériellement.
R. : Quel jugement portez-vous sur les six premières années du règne de Benoît XVI? Pensez-vous, comme l’abbé Claude Barthe, que l’avènement du successeur de Jean PaulII marque un véritable «tournant restaurationniste» et qu’au fond Josef Ratzinger serait plus ou moins traditionaliste?
Abbé F. R. : Le programme de Joseph Ratzinger qui a été exprimé le 22décembre 2005 dans son discours à la “Curie” et où il est question d’«herméneutique de la réforme» doit être lu attentivement. Loin d’être un programme de restauration, c’est en réalité un programme moderniste. Ratzinger expose une idée évolutionniste à propos des dogmes qui reprend la pensée de Blondel. Pour Benoît XVI la doctrine de l’Eglise évolue, change, y compris sur le plan politique et social. Il donne comme modèle la Révolution française à ses débuts et surtout la Révolution américaine dont on connaît les origines maçonniques. C’est toute son idée de «laïcité positive». En cela, Benoît XVI est encore plus clair que Paul VI et Jean Paul II dans son acceptation des doctrines libérales. Pour Ratzinger la doctrine catholique peut devenir obsolète à un moment donné et, à ses yeux, la continuité avec la Tradition, c’est la continuité avec une Tradition qui serait soi-disant l’essence du christianisme et qui se retrouverait dans une Eglise primitive dont lui seul a la connaissance. C’est là l’application d’une méthode purement moderniste.

Quant au programme œcuméniste qui est élargi aux traditionalistes, qu’ils soient anglicans ou catholiques, au dialogue interreligieux comme le prouvent la nouvelle réunion d’Assise le 27octobre, les visites dans les mosquées et les synagogues, ils montrent clairement que tout est comme avant et que même tout est pire qu’avant. Je ne vois vraiment pas comment l’on peut honnêtement soutenir qu’il y a là une restauration. En revanche, on assiste à une manœuvre intelligente: ce qui semble être une ouverture au monde catholique véritable est une ruse qui consiste à mettre à la tête des opposants à Vatican II des personnages en réalité tout à fait fidèles à Vatican II. L’Italien Mgr Bux est ainsi une vedette dans le monde des messes selon le «Motu Proprio» du 7juillet 2007; il participe à tous les congrès sur Vatican II; récemment il a été l’éminence grise d’un congrès, à Rome, pour préparer Assise et pour convaincre ceux qui suivent la Tradition de l’Eglise qu’Assise en est la réalisation. Ceux qui cherchent quelque chose de traditionnel, de catholique trouvent comme guides des ratzinguériens qui sont tout à fait modernistes. C’est un tour de passe-passe qui est très finement exécuté.
R.: Que pensez-vous de la publicité très élogieuse que font la Fraternité Saint-Pie X et le Courrier de Rome à propos des livres sur Vatican II de Mgr Gherardini?
Abbé F. R. : J’ai écrit un long article sur le premier ouvrage, le plus important, de Mgr Gherardini: Vatican II. Un débat à ouvrir. Il m’a d’ailleurs répondu. Dans sa démarche, on peut apprécier qu’un théologien, même s’il a attendu d’être à la retraite à un âge très avancé pour s’exprimer, ait changé de position, au moins officiellement, car peut-être pensait-il naguère sans l’écrire ce qu’il dit aujourd’hui. Il est louable qu’un théologien dise publiquement qu’il faille ouvrir un débat sur Vatican II mais malheureusement il y a beaucoup de contradictions dans ce qu’il dit. Il approuve Vatican II puis, quelques lignes plus bas, il dit que c’est inconciliable avec l’enseignement de l’Eglise. Le plus regrettable, c’est son opinion sur l’infaillibilité de l’Eglise et du Pape. Pour se permettre de critiquer Vatican II, il doit, à l’instar de la Fraternité Saint-Pie X, diminuer de beaucoup ce qui concerne l’infaillibilité de l’Eglise. Donc si Mgr Gherardini et d’autres font preuve d’un peu plus de courage qu’auparavant, c’est certes positif. Mais que les catholiques suivent les opinions de Mgr Gherardini, nous le désapprouvons.
R. : Précisément pouvez-vous nous expliquer votre position sur l’infaillibilité de l’Eglise et du Pape qui diffère sensiblement de celle de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X?
Abbé F. R. : C’est un phénomène étonnant et regrettable de réduire fortement l’infaillibilité de l’Eglise et du Pape. Mgr Lefebvre et les autres évêques qui ont défendu la doctrine traditionnelle de l’Eglise à VaticanII étaient évidemment favorables à la primauté du Pape, à l’infaillibilité, à l’obéissance au magistère authentique. Par la suite, puisqu’ils reconnaissaient, au moins officiellement, la légitimité de Paul VI qui a “promulgué” le concile et de ses successeurs et qu’en même temps ils ne pouvaient accepter les conclusions de Vatican II, ils se sont vus contraints de diminuer dans tous les domaines l’autorité de l’Eglise, du Pape, du magistère et l’infaillibilité de l’Eglise. Ils en arrivent à dire plus ou moins la même chose que les modernistes, mais en l’appliquant à des époques différentes. Pour les modernistes l’Eglise s’est trompée de Constantin à Vatican II et maintenant elle a retrouvé sa Tradition véritable. En revanche, pour ces traditionalistes, l’Eglise était dans la vérité jusqu’à Vatican II et depuis c’est toujours l’Eglise catholique mais elle se trompe. Le problème, c’est que l’Eglise ne peut se tromper. C’est ce que nous récitons dans l’acte de foi: «Mon Dieu je crois fermement toutes les vérités que Vous avez révélez et que Vous nous enseignez par Votre Eglise parce que Vous ne pouvez ni Vous tromper ni nous tromper.» On ne peut attribuer à l’Eglise et à un authentique vicaire de Jésus-Christ les errements que nous constatons chaque jour au niveau dogmatique, au niveau moral, au niveau pratique et disciplinaire. Car les attribuer à l’Eglise, c’est les attribuer à Jésus-Christ qui a dit dans l’Evangile: «Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps.»

Par ailleurs, l’Eglise ne peut pas devenir un danger pour la foi et les mœurs des fidèles; elle ne peut pas nous donner du poison. Même au-delà de l’infaillibilité du magistère qui s’exprime avec ses formes les plus solennelles, il ne faut pas oublier l’infaillibilité du magistère ordinaire: à chaque fois que l’Eglise ou le Pape seul nous disent que quelque chose est révélé par Dieu, par le fait même il faut le croire parce que la Révélation divine est l’objet de la foi et c’est à l’Eglise de nous dire ce qui est révélé. De plus, nous avons l’assurance (c’est une certitude théologique) que la liturgie, que les sacrements que l’Eglise nous donne, que la discipline que l’Eglise impose, sans être des dogmes de foi, ne peuvent pas nous conduire dans l’erreur ou dans le péché. Si nous constatons que la liturgie, les sacrements, la discipline depuis VaticanII ne sont pas conformes à ce que l’Eglise a toujours fait, toujours voulu, tout cela ne peut venir de l’Eglise catholique. L’Eglise ou le Pape seul ne peuvent se tromper dans la promulgation de lois liturgiques et disciplinaires (messe, sacrements, code de droit canon…), dans la canonisation d’un saint (ce qui pose le problème, par exemple, de la “canonisation” du fondateur de l’Opus Dei, Escrivá de Balaguer, par Jean PaulII et demain sans doute la “canonisation” du même Jean Paul II par son successeur qui l’a déjà “béatifié”), dans l’approbation définitive d’un ordre religieux. PieVI a d’ailleurs condamné les jansénistes qui, au conciliabule de Pistoie, enseignaient que le Pape pouvait promulguer pour l’Eglise universelle des lois liturgiques ou disciplinaires qui soient nocives pour la foi.

Ajoutons enfin que la soumission au Pape est un dogme de foi: «Aucune créature humaine ne peut se sauver si elle n’est soumise au Pontife romain» a enseigné Boniface VIII en 1300 dans sa Bulle Unam Sanctam. «L’Eglise catholique est la société ou la réunion de tous les baptisés qui, vivant sur la terre, professent la même foi et la même loi de Jésus-Christ, participent aux mêmes sacrements et obéissent aux pasteurs légitimes, principalement au Pontife Romain» enseigne pareillement le Catéchisme de Saint Pie X dans sa définition de l’Eglise catholique. Est-il possible d’être plus clair?

Reste que, et c’est là une constante dans l’histoire, les dissidents ont souvent voulu demeurer dans l’Eglise sans obéir au Pape. C’est le cas notamment des jansénistes qui se livraient à mille escamotages pour trouver des prétextes afin de ne pas embrasser ce que l’Eglise disait lorsqu’elle les condamnait. Le drame, c’est que beaucoup de ceux qui aujourd’hui veulent rester fidèles à la véritable foi, au lieu de se séparer d’une “autorité” qui ne peut pas être telle, préfèrent recourir à ces escamotages pour désobéir.
R.: Quels commentaires vous inspire le voyage du 22 au 25septembre en Allemagne de BenoîtXVI qui a dressé un vibrant hommage de Martin Luther, réaffirmé sa volonté de renforcer le dialogue et la collaboration avec le judaïsme talmudique, a renouvelé son adhésion à la religion de la Shoah, encouragé les mahométans à pratiquer leur religion outre-Rhin pourvu que ce soit dans le respect de la Constitution allemande?
Abbé F. R. : Ce n’est qu’un épisode parmi tant d’autres. Car dans tous les voyages et dans tout l’enseignement de ceux qui se sont succédé depuis Paul VI, l’œcuménisme est l’objet principal de leur “magistère”. Ils le disent d’ailleurs ouvertement. Il ne faut donc pas s’étonner qu’il y ait à chaque fois dans ces voyages des réunions œcuméniques qui comportent aussi une communication dans les choses sacrées (communicatio in sacris), dans le culte, des rencontres avec des religions non chrétiennes, même les plus hostiles au christianisme, des éloges appuyés des fondateurs des sectes hérétiques, des hérésiarques comme Martin Luther. C’est la pratique de l’œcuménisme qui avait été condamnée par Pie XI comme la voie vers l’athéisme et qui est considérée aujourd’hui comme l’objet principal de l’œuvre du (prétendu) successeur de Pierre. C’est évidemment une contradiction absolue.

Ce qui est relativement nouveau, même s’il en était déjà question dans Gaudium et Spes, c’est cette sorte d’éloge de l’athéisme dans son voyage en Allemagne, avec son idée du Parvis des Gentils. L’idée de fond, c’est que l’incroyant est en recherche et que celui qui est en recherche a déjà trouvé. On essaie donc de transformer les incroyants en croyants et l’on dit que les incroyants sont même meilleurs que les catholiques de routine car les premiers cherchent et les seconds ne cherchent pas. C’est quelque chose d’ahurissant.
R.: Pouvez-vous nous en dire plus sur ce Parvis des Gentils ?
Abbé F. R. : Ratzinger a souhaité que l’on établisse une sorte de «Parvis des Gentils». Vous savez que dans l’ancien temple de Jérusalem (ce qui peut indiquer des liens troublants avec d’autres qui rêvent de bâtir à nouveau, réellement à Jérusalem ou symboliquement en loge, le Temple!) il y avait le Saint des Saints, le Saint et une partie de l’édifice dans laquelle les Gentils (c’est-à-dire les non-juifs) pouvaient entrer, le Parvis des Gentils, mais sans avoir le droit d’aller plus loin. Ces gens n’étaient pas israélites mais fréquentaient le temple, à ses limites. Ratzinger a pris ce symbole— qui est peut-être plus qu’un symbole— pour dire que les croyants comme les incroyants sont dans le temple de Dieu, les uns dans le parvis des Gentils, les autres à l’intérieur. Le «président du Conseil pontifical de la Culture», le “cardinal” Ravasi, a ainsi organisé à Notre-Dame de Paris une réunion officielle avec les croyants et les incroyants, non pas pour prêcher la foi à ceux qui ne croient pas mais pour élargir le dialogue non seulement aux hérétiques, aux schismatiques, non seulement aux membres de toutes sortes de religions mais même aux incroyants.

C’est cette année le centenaire de la mort d’un écrivain Italien bien connu, Antonio Fogazzaro, qui est l’auteur du roman Il Santo, Le Saint. C’était à l’époque, sous la forme d’un roman, le programme des modernistes. C’est pourquoi Saint PieX avait mis à l’index cette œuvre. Eh bien voilà que Ravasi a rédigé la préface de la réédition de la biographie de cet auteur, écrite en 1920 par un moderniste, Tommaso Gallarati Scotti, La vita di Antonio Fogazzaro, ouvrage qui avait été également condamné par le Saint-Office. Dans sa préface “le cardinal” Ravasi écrit carrément que, dans les mea culpa à faire pour les «péchés de l’Eglise», il faut intégrer la condamnation des modernistes. Voilà qui a le mérite d’être clair: ils disent qui ils sont et ce qu’ils veulent!
R. : Le rapport à l’égard des juifs et du judaïsme est très différent de ce que l’on a connu jusqu’à VaticanII. BenoîtXVI, comme son prédécesseur, dit ainsi que l’Ancienne Alliance n’a pas été abrogée, que les juifs sont nos «frères aînés dans la foi», rejette l’accusation de peuple déicide. Josef Ratzinger dans son Jésus de Nazareth va même jusqu’à écrire que la parole de malédiction de la foule des juifs à l’égard du Christ lors de sa comparution devant Pilate: «Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants» doit s’interpréter comme un signe de bénédiction, faisant allusion au sang versé par les animaux dans l’Ancien Testament comme offrande à Yahvé. Que penser de tout cela?
Abbé F. R. : C’est un complet renversement qui a commencé officiellement avec la déclaration conciliaire Nostra Ætate. Celle-ci a été demandée par un historien français et socialiste, Jules Isaac (qui était aussi membre du B’nai B’rith), à Jean XXIII qui acquiesça et le document a été “promulgué” par PaulVI en 1965. Tout cela a renversé les rapports entre l’Eglise et le judaïsme actuel— à ne pas confondre avec celui de l’Ancien Testament— qui n’est rien d’autre que le pharisaïsme qui a triomphé depuis la destruction du temple en 70 (Abraham est bien le père des croyants, mais les pharisiens ne sont ni nos «frères aînés»— Jean-Paul II— ni nos «pères dans la foi»— BenoîtXVI—). Jean Paul II est allé encore plus loin, en déclarant que l’Ancienne Alliance n’a jamais été abrogée. Ce qui peut vouloir dire deux choses : soit qu’il n’y a qu’une seule Alliance, l’Ancienne, et que donc le Nouveau Testament est faux. Soit que les deux Alliances restent en vigueur, l’une avec les juifs, l’autre avec les Gentils, et que l’Ancienne demeure sans Jésus-Christ puisque ceux qui la suivent rejettent Notre-Seigneur. Cela est d’une extrême gravité. Quand le Christ consacre Son Précieux Sang, Il dit: «Ceci est le sang de la Nouvelle et Éternelle Alliance». Les modernistes préfèrent aujourd’hui parler de première et de seconde Alliance parce que un et deux ne s’excluent pas alors qu’ancien et nouveau s’excluent forcément. La Nouvelle Alliance arrive et l’Ancienne devient donc périmée. Non qu’elle fût mauvaise mais elle est remplacée par la Nouvelle.

Jules Isaac, pour en revenir à lui, écrivait dans ses ouvrages que les persécutions contre les juifs étaient imputables au christianisme à cause de son «enseignement du mépris» qui durait depuis deux mille ans. Et, selon lui, les sources de ces calomnies persécutrices contre le judaïsme se trouvent chez les Evangélistes. L’Evangile est donc lui-même mis en cause. Comment accepter l’idée de fond de cet écrivain israélite sans rejeter dans le même temps l’Evangile? Le seul moyen, trouvé par les modernistes, c’est de dire que les paroles du Christ et des Apôtres qui semblent faire partie de cet «enseignement du mépris» n’ont jamais été vraiment prononcées par Notre-Seigneur et Ses premiers disciples. Ce serait le fruit de cette communauté chrétienne primitive qui se disputait avec la synagogue. Cette idée que l’on trouve dans des documents officiels consiste à renier l’historicité de l’Evangile. Voyez que ce ne sont pas là des questions de détails!

Enfin, la responsabilité des juifs dans la mort du Christ est clairement affirmée dans l’Evangile. Il est vrai que Notre-Seigneur est mort pour tous, y compris pour ceux qui L’ont crucifié et c’est là la cause finale. Mais Il est bien mort de la main de quelqu’un et l’Evangile nous montre tous les coupables de ce temps-là avec les différents degrés de responsabilité que saint Thomas examine si bien. Si l’on refuse le Messie, si l’on affirme que Notre-Seigneur n’est pas Dieu, il faut en tirer toutes les conséquences. Les juifs ont dit à Pilate: «Nous avons une loi et, selon cette loi, il doit mourir car il a prétendu être le Fils de Dieu.» C’est ce que professe encore aujourd’hui le judaïsme.
R.: Quel regard portez-vous sur les discussions entre la Fraternité Saint-Pie X et ce que Mgr Lefebvre appelait la «Rome moderniste» ? Pensez-vous que Mgr Fellay va signer le «préambule doctrinal» qui lui a été remis et qui fort curieusement est confidentiel comme demeurent pour l’heure secrètes les conclusions des pourparlers doctrinaux qui ont eu lieu d’octobre 2009 à avril 2011 entre la Fraternité Saint-Pie X et la « Congrégation pour la doctrine de la foi » ?
Abbé F. R. : N’étant pas prophète, j’ignore si ces pourparlers vont aboutir. Mais l’on peut déjà en tirer des enseignements. Du point de vue des principes, ils sont déjà en soi une erreur. Car si l’on reconnaît l’autorité de Paul VI et de ses successeurs, il n’y a pas à discuter, il faut leur obéir, embrasser leur doctrine, éventuellement leur demander des explications mais en étant toujours prêt à reconnaître a priori leur enseignement. Si en revanche ils ne sont pas l’autorité, on ne peut pas les reconnaître pour ce qu’ils ne sont pas et avoir des relations de ce genre avec des personnes qui ne sont pas d’accord avec nous sur la foi. Du point de vue pratique, on a déjà pu voir que ces pourparlers, au lieu de favoriser notre camp, ont toujours entraîné des défections. On peut voir sur Internet Mgr Rifan, qui est à la tête des héritiers de Mgr deCastro-Mayer (mais bien différent de lui), concélébrer la nouvelle messe ou être présenté avec ravissement aux Journées mondiales de la jeunesse à Madrid par le fondateur du chemin néo-catéchuménal, Kiko Arguello, un laïc hérétique qui critique ouvertement le concile de Trente. Combien de clercs et de laïcs se sont ainsi ralliés aux modernistes à la suite de pourparlers qui n’ont jamais donné le moindre résultat positif?

Ce qu’il faut faire, pour y voir clair dans la crise de l’Eglise, c’est poser le problème des erreurs de VaticanII, garder la vraie doctrine, conserver la foi mais nullement chercher à trouver une solution pratique comme la direction de la Fraternité Saint-Pie X semble vouloir le faire. Dans la conférence qu’il a donnée à Villepreux, le 1eroctobre, Mgr Fellay soutient une position étonnante : les discussions doctrinales, dit-il, ont montré que nous n’étions pas d’accord mais ce que nous demandons, c’est que l’on tolère la Tradition, c’est-à-dire que l’on admette que l’on puisse penser comme nous pensons, tout en étant reconnus, réintégrés. Et le supérieur de la Fraternité de donner l’exemple de toutes les discussions qu’il y a toujours eu dans l’Eglise catholique entre différents courants théologiques, les uns pensant une chose, les autres pensant autrement et l’Eglise ne tranchant pas. Mais justement c’est cela toute la différence avec les doctrines de Vatican II. On ne discute pas sur des matières où l’Eglise n’aurait pas encore tranché, on se dispute sur des matières où l’Eglise a déjà tranché. L’œcuménisme, la liberté religieuse, la collégialité, les relations entre l’Eglise et le judaïsme, le dialogue interreligieux, ce sont des questions où le magistère s’est déjà prononcé, et sans aucune équivoque. Il n’y a donc pas de possibilité de tenir l’une et l’autre doctrine dans la même Eglise. On ne peut considérer les vérités de la foi et la négation de ces vérités comme deux opinions libres. C’est inadmissible.
R.: Mais cela ne semble pas gêner Benoît XVI qui étend l’œcuménisme aussi bien à gauche qu’à droite et qui admet qu’on puisse avoir des interprétations différentes d’un concept ou d’une doctrine. C’est cet état d’esprit qui avait présidé en 1999 à l’accord sur la justification entre les luthériens et la «Congrégation pour la doctrine de la foi» que présidait alors Josef Ratzinger. Mais ne dynamite-t-on pas ainsi toute notion de vérité, qu’elle soit intellectuelle, morale ou dogmatique, entraînant ainsi un effroyable indifférentisme et un non moins effrayant relativisme?
Abbé F. R.: L’œcuménisme de Ratzinger est cohérent. Il veut ouvrir l’œcuménisme à tout le monde, y compris à la Fraternité Saint-PieX, et c’est la meilleure façon de faire disparaître ceux qui défendent la Tradition: les laisser entrer dans le mouvement qu’ils affirment combattre. Dans la mesure où ils acceptent le mécanisme œcuménique, ils en font partie et donc ne s’y opposent plus. Et ce mouvement œcuménique, comme vous le dites, favorise l’apostasie des masses. Il suffit d’ouvrir les yeux.
R.: D’aucuns disent, à tort ou à raison, que l’actuelle politique de rapprochement de Mgr Fellay avec la «Rome moderniste» constitue une trahison du combat de Mgr Lefebvre. Etes-vous d’accord avec cette affirmation?
Abbé F. R.: Oui et non. Non, car Mgr Lefebvre a toujours reconnu, du moins en public, la légitimité de PaulVI et de ses successeurs et a même exclu de la Fraternité ceux qui ne la reconnaissaient pas. Par ailleurs, il a toujours voulu des pourparlers dans le but de trouver un accord pratique. Dans la Lettre aux amis et bienfaiteurs numéro16 datée du 19mars 1979, il demandait à Jean Paul II beaucoup moins que ce que demande aujourd’hui Mgr Fellay. Il est vrai aussi que la Fraternité est née en 1970 avec toutes les autorisations possibles et dans le but d’appliquer la méthode d’étude de VaticanII. C’est clairement écrit dans les statuts de la FSSPX. De ce point de vue là, il n’y a pas de trahison; il y a même continuité.

Mais oui, d’un autre point de vue, il y a changement en ce sens que Mgr Lefebvre, tantôt en public, tantôt en privé, et certainement dans son cœur, acceptait certes des discussions pour tenter de parvenir à un accord pratique mais il voulait un accord où il aurait été en position de force et sans nourrir aucune illusion sur ses interlocuteurs. C’est pourquoi de fait l’accord ne s’est jamais fait concrètement. Il a signé le protocole d’accord le 5mai 1988 avec Josef Ratzinger mais s’est rétracté dès le lendemain matin après, disait-il, avoir passé une nuit affreuse. Il a retiré sa signature, non hélas parce que quelque chose le souciait au niveau des principes, mais parce qu’il croyait que l’on allait le tromper. D’autre part, même s’il discutait avec les modernistes et cherchait un accord avec Ratzinger lorsqu’il était à la «Congrégation pour la doctrine de la foi», il pensait lui-même personnellement que Ratzinger n’avait pas la foi. C’est ce qu’il me disait lorsque j’étais prieur à Albano. Mgr Lefebvre n’avait aucune estime pour Ratzinger, il savait qu’il parlait avec un ennemi redoutable qu’il fallait vaincre dans des disputes diplomatiques. Ce qui n’est pas le cas d’un certain nombre de responsables de la Fraternité qui ont une véritable vénération pour Josef Ratzinger, se sont laissés envoûter par lui, convaincus qu’il veut vraiment le bien de l’Eglise. Et cela n’est pas nouveau : je me souviens que l’abbé Schmidberger, alors supérieur général de la Fraternité et aujourd’hui supérieur du district d’Allemagne, se vantait d’envoyer chaque année des bouquets de fleurs à Ratzinger pour la saint Joseph! C’est un état d’esprit qui est quand même sensiblement différent de celui de Mgr Lefebvre. Donc de ce point de vue là il y a changement.

Mais au fond je pense que les problèmes de la Fraternité Saint-Pie X dépendent des choix pragmatiques que Mgr Lefebvre a toujours faits. Ses successeurs le suivent dans ce chemin mais ils n’ont pas ses qualités et donc la situation dégénère plus encore.
R.: Si un accord se fait d’ici quelques semaines ou quelques mois, pensez-vous qu’il y aura une résistance interne à la Fraternité?
Abbé F. R. : Il faut bien sûr l’espérer mais je suis assez pessimiste. Je crains que la résistance ne soit pas très importante ni de la part du clergé, ni de la part des fidèles. Enfin et surtout, je redoute que ceux qui résistent ne le fassent avec de faux principes, ceux de la Fraternité. Ils risquent de refaire une petite Fraternité qui va continuer l’équivoque.

Deux tendances ont toujours coexisté dans la FSSPX: l’une qui veut trouver un point d’accord avec les modernistes, l’autre qui de facto veut faire de la Fraternité une petite Eglise avec ses tribunaux, ses juridictions de fait, avec presque tous les dicastères de la Curie romaine. Certains risquent donc d’aller dans le sens d’une Petite Eglise, les autres dans le sens de la confluence du petit torrent dans le fleuve de l’apostasie moderniste. Dans l’un et l’autre cas c’est profondément regrettable car des forces qui eussent pu être très utiles dans la lutte contre le modernisme pourraient se disperser à cause de faux principes. C’est un épouvantable gâchis.
R.: Pour finir que pensez-vous de ce qu’il est désormais convenu d’appeler l’affaire Williamson et de la façon dont ses supérieurs ont traité cet évêque britannique, sachant qu’une lettre récente et authentique de Mgr Fellay (en date du 23 septembre) reproduite en anglais sur le blog de Maurice Pinay, menace son confrère d’exclusion de la FSSPX s’il n’interrompt pas son blog Dinoscopus créé en 2003?
Abbé F. R. : J’ai bien connu au séminaire d’Ecône celui qui était alors l’abbé Williamson. Du point de vue doctrinal je ne suis pas d’accord avec lui car il a toujours été anti-infaillibiliste. Mais s’agissant de ce qui l’a rendu célèbre il y a bientôt trois ans et où il s’est prononcé non sur des questions de foi mais sur des questions d’ordre historique, je pense que la façon dont il est traité depuis par ses supérieurs est tout à fait scandaleuse et indigne. Il n’a pas été traité comme un frère par ses confrères, ce qui est curieux pour une Fraternité de prêtres!
Propos recueillis par Jérôme BOURBON

Pour joindre M. l’abbé Ricossa, on peut lui écrire par Internet info@sodalitium.eu, par voie postale: Istituto Mater Boni Consilii Loc. Carbignano, 36. 10020 Verrua Savoia (TO) Italie, ou lui téléphoner au 00-39-01-61-83-93-35. Fax : 0039-0161-839-334. Site Internet de l’IMBC : www.sodalitium.eu