SOURCE - Abbé Philippe Laguérie, ibp - 26 septembre 2011
Inauguration, ce matin, (25 septembre) de notre modeste chapelle de la Rivardière, la chapelle Sainte-Marie, de la Maison Centrale du Bon-Pasteur. Une centaine de personnes (eh oui), ferventes, sympathiques, enthousiastes. Ah, quand la Foi est vivante, simple et communicative… Nous vous attendons tous les dimanches à 10h30, avec catéchismes pour les enfants comme pour les adultes, chorale, adoration du Saint-Sacrement (La première, programmée par mon secrétaire, le fervent abbé Billot, est pour notre futur Archevêque). Poitiers, c’est parti et bien parti…
Malgré la joie profonde de cette inauguration, qui dépasse en nombre et en qualité toutes nos espérances, ce n’est pas cette émotion que je viens partager avec vous. Mais bien celle de cette page d’Evangile, unique et plus émouvante qu’aucune autre… La résurrection du fils de la veuve.
Jésus ressuscite un mort. Soit. Il le fait trois fois dans l’Evangile, avec une autorité souveraine, sans compter les autres, sans doute bien plus nombreuses aux dires de Saint-Jean, qui ne sont pas rapportées....
Mais il y a quelque chose d’absolument unique dans cette scène. Jésus ne demande rien à celui pour lequel Il fait miséricorde et cela ne Lui ressemble pas du tout. A chaque fois (C’est la moindre des choses, non ?) Il demande et exige même un petit rien, une demande, une soif, une quête, une attente. C’est la nature même du Royaume des Cieux qui l’exige. Dieu donne tout en son Christ. Il exige simplement que nous mesurions cette chance, celle de demander (C’est tout !) pour être comblé. Le minimum vital, en quelque sorte…
Le plus cocasse, dans le genre, est quand même l’aveugle de Jéricho. Il hurle sur le bord du chemin : « Jésus, Fils de David, ayez pitié de moi ». Que veut-il ? Voir, évidemment ! Jésus, pour lui est le Messie, aucun doute. Fils de David est, en Israël, un synonyme de Messie. Sa Foi est donc déjà bien grande…Mais Jésus de lui demander : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ».
Là, j’avoue, qu’un autre m’aurait fait le coup, j’aurais pensé qu’il se moquait ouvertement de moi. Demander à un aveugle ce qu’il veut… Voir, bien sûr ! A un sourd : entendre, évidemment…A un paralytique : marcher, tiens ! Jésus exige toujours ce geste. Nous sommes tous des mendiants, il suffit de le reconnaître. La Sainte vierge le sait depuis le début : « Les affamés, il les comble de biens. Les repus, Il les renvoie les mains vides ». Le Royaume des Cieux est celui d’un roi très riche qui a décidé de combler les pauvres que nous sommes. Une seule condition : reconnaître cette indigence.
Alors cette veuve, qui ne demande rien, qui pleure toutes les larmes de son corps sur un mari aimé et qui n’est plus et sur cette Providence bizarre qui lui a enlevé jusqu’à cette trace de leur amour, le fruit chéri d’une passion sans plus d’objet et d’entrailles inutiles.
Elle devrait hurler ! Sa révolte, au moins. Sa Foi, peut-être ? Mais quelle Foi faut-il avoir pour réclamer une résurrection à un Rabbi qu’on croise sur le chemin ? Autant rêver que son fils n’est pas mort, et son mari tant qu’on y est, et qu’ils vont l’un et l’autre, revenir ce soir au foyer dont la flamme s’est éteinte…
Pourquoi Jésus ne demande rien ? Au contraire, il gère seul, avec une autorité stupéfiante et disproportionnée, le cas de cette petite veuve anonyme, qui ne demande rien, ne sait rien, ne veut rien savoir que son chagrin. Et qu’on ne lui parle pas de Dieu : ce n’est pas le moment ! Les pleureuses professionnelles (Et appointées) et les joueurs de flûte (Idem) sont là pour vous ôter toute réflexion métaphysique et toute idée de blasphème : c’est déjà ça.
Mais Jésus est ailleurs. Il pense à autre chose, à quelqu’un d’autre, à un tout autre scénario.
Fils unique ? Mais n’en est-il pas un, Lui, Jésus de Nazareth ? Et sa mère n’est-elle pas une veuve ? C’est tout comme ; elle n’a pas perdu son mari : elle n’en a jamais eu ! Et s’il arrivait qu’elle perde ce fils unique, ce trésor, que Dieu, sans concours d’un mari, lui a confié ? Quelle raison aurait-elle de supporter encore la vie ? « Mieux vaut la mort qu’une vie amère » dit l’Ecriture. Jésus se sent responsable. Ce jeune-homme est mort parce qu’il devait mourir… Il n’a rien demandé et n’a pas voulu faire souffrir sa mère. Jésus n’est-Il pas bien plus cruel, Qui va livrer sa vie et mettre la « veuve » qui lui a donné le jour au paroxysme de la douleur ? Ma vie, personne ne me la prend, c’est moi qui la donne. Au moins s’est-il juré de ne pas différer trop longtemps le terme du supplice qu’il infligera à sa mère. Ces trois jours, Il les ramènera à un et demi, le strict minimum, qu’on n’aille pas dire qu’Il n’est pas vraiment mort.
Jésus ne supporte pas la souffrance, eh oui ! La douleur de cette pauvre femme Lui fait monter au cœur l’injustice qu’Il va infliger, bien malgré-Lui, à cette autre femme, sa mère, le seul lien qui le rattache à la terre et qui fait de Lui le Sauveur des hommes…
Dès lors, Jésus pense à sa résurrection, à sa mère, à l’innocence qui souffre, à l’injustice de cette souffrance. Aucun miracle de Jésus ne sera aussi péremptoire, déterminé, solitaire et même sauvage. Bouleversé de compassion, Il stoppe les deux convois, commande aux pompes funèbres, ne demande ni ne dit rien à personne. Cette veuve, bien réelle et combien malheureuse est en ambassade de la plus belle des femmes au secours de laquelle se porte la souveraineté de Jésus.
« Jeune-homme, Je te l’ordonne, lève-toi » !
Jésus a-t-Il besoin de tant d’énergie pour faire un miracle, voire même pour ressusciter un mort ? Certes non ! Calmer une tempête ne Lui a pris qu’un geste, sans la moindre parole. Jésus a le miracle facile, Il en est même déconcertant. Saint-Jean les appellera des signes : leur valeur n’est pas tant dans la puissance qu’ils exigent que dans le sens qu’ils imposent. Pourquoi déployer ici une énergie farouche, donner un ordre à ce mort incapable de l’entendre ? Qu’ajoute ce « Je te l’ordonne » à ce « Jeune-homme, lève-toi » qui est déjà un ordre formidable ? Si vraiment Jésus n’a besoin d’aucune démonstration, c’est bien celle de l’Autorité. Dès son premier discours, le sermon sur la montagne, c’est la spontanéité qui jaillit dans les cœurs : aucun homme n’a jamais parlé avec semblable autorité !
Jésus pense évidemment à sa propre résurrection, à cet ordre formidable et gigantesque qu’Il va se donner à Lui-même, en un certain matin de Pâques et qui va changer la face du monde. J’ai le pouvoir de donner ma vie, mais j’ai aussi celui de la reprendre. Il va terrasser la mort et restituer la vie. A tous ceux que la mort afflige, tourmente et désespère, cette pauvre veuve, l’immaculée vierge-Marie et nous tous, pauvres pécheurs, Jésus anticipe avec une puissance inusitée (Je te l’ordonne !) la victoire facile de sa puissance mais combien lourde de sa charité.
Nul doute que cette pauvre veuve a déclenché en Jésus une compassion qui la dépasse complètement et préfigure l’abondance de la rédemption.
« Car il y a auprès du Seigneur une grande miséricorde et une très abondante rédemption ».
Inauguration, ce matin, (25 septembre) de notre modeste chapelle de la Rivardière, la chapelle Sainte-Marie, de la Maison Centrale du Bon-Pasteur. Une centaine de personnes (eh oui), ferventes, sympathiques, enthousiastes. Ah, quand la Foi est vivante, simple et communicative… Nous vous attendons tous les dimanches à 10h30, avec catéchismes pour les enfants comme pour les adultes, chorale, adoration du Saint-Sacrement (La première, programmée par mon secrétaire, le fervent abbé Billot, est pour notre futur Archevêque). Poitiers, c’est parti et bien parti…
Malgré la joie profonde de cette inauguration, qui dépasse en nombre et en qualité toutes nos espérances, ce n’est pas cette émotion que je viens partager avec vous. Mais bien celle de cette page d’Evangile, unique et plus émouvante qu’aucune autre… La résurrection du fils de la veuve.
Jésus ressuscite un mort. Soit. Il le fait trois fois dans l’Evangile, avec une autorité souveraine, sans compter les autres, sans doute bien plus nombreuses aux dires de Saint-Jean, qui ne sont pas rapportées....
Mais il y a quelque chose d’absolument unique dans cette scène. Jésus ne demande rien à celui pour lequel Il fait miséricorde et cela ne Lui ressemble pas du tout. A chaque fois (C’est la moindre des choses, non ?) Il demande et exige même un petit rien, une demande, une soif, une quête, une attente. C’est la nature même du Royaume des Cieux qui l’exige. Dieu donne tout en son Christ. Il exige simplement que nous mesurions cette chance, celle de demander (C’est tout !) pour être comblé. Le minimum vital, en quelque sorte…
Le plus cocasse, dans le genre, est quand même l’aveugle de Jéricho. Il hurle sur le bord du chemin : « Jésus, Fils de David, ayez pitié de moi ». Que veut-il ? Voir, évidemment ! Jésus, pour lui est le Messie, aucun doute. Fils de David est, en Israël, un synonyme de Messie. Sa Foi est donc déjà bien grande…Mais Jésus de lui demander : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ».
Là, j’avoue, qu’un autre m’aurait fait le coup, j’aurais pensé qu’il se moquait ouvertement de moi. Demander à un aveugle ce qu’il veut… Voir, bien sûr ! A un sourd : entendre, évidemment…A un paralytique : marcher, tiens ! Jésus exige toujours ce geste. Nous sommes tous des mendiants, il suffit de le reconnaître. La Sainte vierge le sait depuis le début : « Les affamés, il les comble de biens. Les repus, Il les renvoie les mains vides ». Le Royaume des Cieux est celui d’un roi très riche qui a décidé de combler les pauvres que nous sommes. Une seule condition : reconnaître cette indigence.
Alors cette veuve, qui ne demande rien, qui pleure toutes les larmes de son corps sur un mari aimé et qui n’est plus et sur cette Providence bizarre qui lui a enlevé jusqu’à cette trace de leur amour, le fruit chéri d’une passion sans plus d’objet et d’entrailles inutiles.
Elle devrait hurler ! Sa révolte, au moins. Sa Foi, peut-être ? Mais quelle Foi faut-il avoir pour réclamer une résurrection à un Rabbi qu’on croise sur le chemin ? Autant rêver que son fils n’est pas mort, et son mari tant qu’on y est, et qu’ils vont l’un et l’autre, revenir ce soir au foyer dont la flamme s’est éteinte…
Pourquoi Jésus ne demande rien ? Au contraire, il gère seul, avec une autorité stupéfiante et disproportionnée, le cas de cette petite veuve anonyme, qui ne demande rien, ne sait rien, ne veut rien savoir que son chagrin. Et qu’on ne lui parle pas de Dieu : ce n’est pas le moment ! Les pleureuses professionnelles (Et appointées) et les joueurs de flûte (Idem) sont là pour vous ôter toute réflexion métaphysique et toute idée de blasphème : c’est déjà ça.
Mais Jésus est ailleurs. Il pense à autre chose, à quelqu’un d’autre, à un tout autre scénario.
Fils unique ? Mais n’en est-il pas un, Lui, Jésus de Nazareth ? Et sa mère n’est-elle pas une veuve ? C’est tout comme ; elle n’a pas perdu son mari : elle n’en a jamais eu ! Et s’il arrivait qu’elle perde ce fils unique, ce trésor, que Dieu, sans concours d’un mari, lui a confié ? Quelle raison aurait-elle de supporter encore la vie ? « Mieux vaut la mort qu’une vie amère » dit l’Ecriture. Jésus se sent responsable. Ce jeune-homme est mort parce qu’il devait mourir… Il n’a rien demandé et n’a pas voulu faire souffrir sa mère. Jésus n’est-Il pas bien plus cruel, Qui va livrer sa vie et mettre la « veuve » qui lui a donné le jour au paroxysme de la douleur ? Ma vie, personne ne me la prend, c’est moi qui la donne. Au moins s’est-il juré de ne pas différer trop longtemps le terme du supplice qu’il infligera à sa mère. Ces trois jours, Il les ramènera à un et demi, le strict minimum, qu’on n’aille pas dire qu’Il n’est pas vraiment mort.
Jésus ne supporte pas la souffrance, eh oui ! La douleur de cette pauvre femme Lui fait monter au cœur l’injustice qu’Il va infliger, bien malgré-Lui, à cette autre femme, sa mère, le seul lien qui le rattache à la terre et qui fait de Lui le Sauveur des hommes…
Dès lors, Jésus pense à sa résurrection, à sa mère, à l’innocence qui souffre, à l’injustice de cette souffrance. Aucun miracle de Jésus ne sera aussi péremptoire, déterminé, solitaire et même sauvage. Bouleversé de compassion, Il stoppe les deux convois, commande aux pompes funèbres, ne demande ni ne dit rien à personne. Cette veuve, bien réelle et combien malheureuse est en ambassade de la plus belle des femmes au secours de laquelle se porte la souveraineté de Jésus.
« Jeune-homme, Je te l’ordonne, lève-toi » !
Jésus a-t-Il besoin de tant d’énergie pour faire un miracle, voire même pour ressusciter un mort ? Certes non ! Calmer une tempête ne Lui a pris qu’un geste, sans la moindre parole. Jésus a le miracle facile, Il en est même déconcertant. Saint-Jean les appellera des signes : leur valeur n’est pas tant dans la puissance qu’ils exigent que dans le sens qu’ils imposent. Pourquoi déployer ici une énergie farouche, donner un ordre à ce mort incapable de l’entendre ? Qu’ajoute ce « Je te l’ordonne » à ce « Jeune-homme, lève-toi » qui est déjà un ordre formidable ? Si vraiment Jésus n’a besoin d’aucune démonstration, c’est bien celle de l’Autorité. Dès son premier discours, le sermon sur la montagne, c’est la spontanéité qui jaillit dans les cœurs : aucun homme n’a jamais parlé avec semblable autorité !
Jésus pense évidemment à sa propre résurrection, à cet ordre formidable et gigantesque qu’Il va se donner à Lui-même, en un certain matin de Pâques et qui va changer la face du monde. J’ai le pouvoir de donner ma vie, mais j’ai aussi celui de la reprendre. Il va terrasser la mort et restituer la vie. A tous ceux que la mort afflige, tourmente et désespère, cette pauvre veuve, l’immaculée vierge-Marie et nous tous, pauvres pécheurs, Jésus anticipe avec une puissance inusitée (Je te l’ordonne !) la victoire facile de sa puissance mais combien lourde de sa charité.
Nul doute que cette pauvre veuve a déclenché en Jésus une compassion qui la dépasse complètement et préfigure l’abondance de la rédemption.
« Car il y a auprès du Seigneur une grande miséricorde et une très abondante rédemption ».