SOURCE - Romano Libero - Golias - 25 octobre 2011
Jeudi dernier 20 octobre une représentation théâtrale a été perturbée au théâtre de la Ville à Paris. Celle d’une pièce de Romeo Castellucci intitulée « sur le concept du visage du Fils de Dieu ». Et, en effet, divers mouvements intégristes commencent à se mettre en branle contre deux nouveaux spectacles qui suscitent de leur part une vive indignation. Déterminés à traquer un peu partout ce qui peut légitimement offenser leur propre sensibilité religieuse, ils entendent dicter à notre société les règles d’une nouvelle censure, faisant fi de la liberté de création et d’expression, aussi iconoclastes que puissent être certains spectacles.
En premier lieu, une création contemporaine de Romeo Castellucci, « Sur le concept du visage du Fils de Dieu », également en tournée en Province cette saison, à Paris, au Théâtre de la Villepuis au Cent-quatre, ensuite à Rennes et à Villeneuve d’Ascq. On peut y voir un gigantesque portrait du Christ, sous lequel un vieillard nu se fait torcher le derrière avant que des enfants ne lancent des pierres contre le visage du Christ. Provocateur, ce spectacle se veut en fait une critique radicale de la représentation du Christ et de Dieu, et, finalement, il nous invite ainsi à approfondir notre propre foi. Ce même visage du Christ sera ensuite, et enfin, tailladé. Mais n’est-ce pas une image de l’incohérence et de la folie des hommes ? Autant, sinon plus, qu’une interpellation lancée à Dieu ? Et nous voici au terme du spectacle, qui s’achève sur ce message, qu’il ne faut peut-être pas interpréter trop vite au sens propre et immédiat : « You are not my shepherd » ("Tu n’es pas mon berger").
En second lieu, un spectacle du même style que le premier - ce qui n’est pas forcément un compliment de notre part, mais qui les situe toutefois l’un et l’autre dans une perspective plus complexe que celle d’une pure volonté de choquer très fort - intitulé de façon aussi désinvolte que provocatrice « Golgotha Picnic », programmé pour le prestigieux Théâtre du Rond-Point à Paris, dirigé par Jean-Michel Ribes, entend nous faire redécouvrir les épisodes de la Bible et de l’Evangile, autant que l’iconographie chrétienne, sur un ton aussi jubilatoire que lascif et impertinent. Les allusions sexuelles, lourdes, abondent dans ce spectacle. Le metteur en scène, Rodrigo Garcia, est en effet bien connu pour son sens de la provocation et pour son goût du blasphème. Disons-le d’emblée, ces spectacles ne nous emballent pas forcément, en particulier le second. On est loin d’un film incisif mais reposant sur une connaissance érudite et pénétrante de la théologie comme « la voie lactée » de Luis Bunuel.
Pour autant, l’initiative d’un groupe intégriste - ou du moins intégraliste - comme « Civitas » de lancer une pétition de protestation, nous indispose et nous inquiète. A l’évidence, le but visé est l’interdiction de ces spectacles. On songe à la volonté du roi de France Charles X, en 1825, de réinstaurer la répression légale du blasphème ! Autant dire qu’une telle perspective nous fait tout simplement horreur. Comment ne pas songer aussi à ce cinéma parisien incendié en 1988 place Saint Michel, pour avoir projeté « la dernière tentation du Christ », un film de Martin Scorsese ? Civitas entend d’ailleurs mettre les bouchées doubles et exercer une très forte pression. Il appelle à une grande manifestation pour dénoncer un peu vite ce qu’il appelle la christianophobie, programmée samedi prochain 29 octobre.
Comment ne pas déplorer une telle intolérance ? Sans doute, on peut estimer que le catholicisme constitue bel et bien de nos jours une cible par trop facile. Mais à qui le faute ? Quelle image donnons-nous de la foi ? C’est à ce niveau qu’il faut peut-être couper l’herbe sous les pieds aux contempteurs les plus agressifs du christianisme et aux iconoclastes improvisés. Une déferlante d’une scatologie de potache et de blasphèmes faciles à lancer n’apporte certes grand chose, il faut le reconnaître, ni à l’émergence de nouvelles formes d’expression artistique, ni davantage à un approfondissement des grandes questions existentielles. Pour autant, ces spectacles nous donnent au moins l’occasion de réfléchir et de réagir, ce qui est déjà quelque chose. Et, plus fondamentalement, ils traduisent cette liberté de l’homme d’exprimer des sentiments qui peuvent déplaire à l’autre, et c’est tant mieux!
La pire des réponses critiques à opposer à ces deux spectacles demeure la mobilisation sectaire qui réveille les vieux démons du fanatisme et rogne sur la liberté de l’homme, qu’elle n’a en fait jamais acceptée.
Et, il faut bien le dire, quelque contestable que soit cette nouvelle vague d’un antichristianisme de bas étage, il ne faut certes pas en éluder les raisons d’être, ni se situer sur le terrain d’une intransigeante arrogante, fanatique et sectaire. Ce qui serait la meilleure façon de lui donner raison.
Pour le coup, le cardinal Vingt-Trois, Président de la conférence des évêques, se montrait mieux inspiré lorsqu’il déclarait récemment (au moment de l’affaire « Piss Christ » en Avignon) sur Radio Notre Dame : « Nous devons accepter de supporter avec le Christ l’incompréhension, l’hostilité et la violence des autres, sinon nous entrons dans une guerre culturelle qui n’est pas dans le sens de l’Évangile ». Bravo pour cette fois Eminence.
Jeudi dernier 20 octobre une représentation théâtrale a été perturbée au théâtre de la Ville à Paris. Celle d’une pièce de Romeo Castellucci intitulée « sur le concept du visage du Fils de Dieu ». Et, en effet, divers mouvements intégristes commencent à se mettre en branle contre deux nouveaux spectacles qui suscitent de leur part une vive indignation. Déterminés à traquer un peu partout ce qui peut légitimement offenser leur propre sensibilité religieuse, ils entendent dicter à notre société les règles d’une nouvelle censure, faisant fi de la liberté de création et d’expression, aussi iconoclastes que puissent être certains spectacles.
En premier lieu, une création contemporaine de Romeo Castellucci, « Sur le concept du visage du Fils de Dieu », également en tournée en Province cette saison, à Paris, au Théâtre de la Villepuis au Cent-quatre, ensuite à Rennes et à Villeneuve d’Ascq. On peut y voir un gigantesque portrait du Christ, sous lequel un vieillard nu se fait torcher le derrière avant que des enfants ne lancent des pierres contre le visage du Christ. Provocateur, ce spectacle se veut en fait une critique radicale de la représentation du Christ et de Dieu, et, finalement, il nous invite ainsi à approfondir notre propre foi. Ce même visage du Christ sera ensuite, et enfin, tailladé. Mais n’est-ce pas une image de l’incohérence et de la folie des hommes ? Autant, sinon plus, qu’une interpellation lancée à Dieu ? Et nous voici au terme du spectacle, qui s’achève sur ce message, qu’il ne faut peut-être pas interpréter trop vite au sens propre et immédiat : « You are not my shepherd » ("Tu n’es pas mon berger").
En second lieu, un spectacle du même style que le premier - ce qui n’est pas forcément un compliment de notre part, mais qui les situe toutefois l’un et l’autre dans une perspective plus complexe que celle d’une pure volonté de choquer très fort - intitulé de façon aussi désinvolte que provocatrice « Golgotha Picnic », programmé pour le prestigieux Théâtre du Rond-Point à Paris, dirigé par Jean-Michel Ribes, entend nous faire redécouvrir les épisodes de la Bible et de l’Evangile, autant que l’iconographie chrétienne, sur un ton aussi jubilatoire que lascif et impertinent. Les allusions sexuelles, lourdes, abondent dans ce spectacle. Le metteur en scène, Rodrigo Garcia, est en effet bien connu pour son sens de la provocation et pour son goût du blasphème. Disons-le d’emblée, ces spectacles ne nous emballent pas forcément, en particulier le second. On est loin d’un film incisif mais reposant sur une connaissance érudite et pénétrante de la théologie comme « la voie lactée » de Luis Bunuel.
Pour autant, l’initiative d’un groupe intégriste - ou du moins intégraliste - comme « Civitas » de lancer une pétition de protestation, nous indispose et nous inquiète. A l’évidence, le but visé est l’interdiction de ces spectacles. On songe à la volonté du roi de France Charles X, en 1825, de réinstaurer la répression légale du blasphème ! Autant dire qu’une telle perspective nous fait tout simplement horreur. Comment ne pas songer aussi à ce cinéma parisien incendié en 1988 place Saint Michel, pour avoir projeté « la dernière tentation du Christ », un film de Martin Scorsese ? Civitas entend d’ailleurs mettre les bouchées doubles et exercer une très forte pression. Il appelle à une grande manifestation pour dénoncer un peu vite ce qu’il appelle la christianophobie, programmée samedi prochain 29 octobre.
Comment ne pas déplorer une telle intolérance ? Sans doute, on peut estimer que le catholicisme constitue bel et bien de nos jours une cible par trop facile. Mais à qui le faute ? Quelle image donnons-nous de la foi ? C’est à ce niveau qu’il faut peut-être couper l’herbe sous les pieds aux contempteurs les plus agressifs du christianisme et aux iconoclastes improvisés. Une déferlante d’une scatologie de potache et de blasphèmes faciles à lancer n’apporte certes grand chose, il faut le reconnaître, ni à l’émergence de nouvelles formes d’expression artistique, ni davantage à un approfondissement des grandes questions existentielles. Pour autant, ces spectacles nous donnent au moins l’occasion de réfléchir et de réagir, ce qui est déjà quelque chose. Et, plus fondamentalement, ils traduisent cette liberté de l’homme d’exprimer des sentiments qui peuvent déplaire à l’autre, et c’est tant mieux!
La pire des réponses critiques à opposer à ces deux spectacles demeure la mobilisation sectaire qui réveille les vieux démons du fanatisme et rogne sur la liberté de l’homme, qu’elle n’a en fait jamais acceptée.
Et, il faut bien le dire, quelque contestable que soit cette nouvelle vague d’un antichristianisme de bas étage, il ne faut certes pas en éluder les raisons d’être, ni se situer sur le terrain d’une intransigeante arrogante, fanatique et sectaire. Ce qui serait la meilleure façon de lui donner raison.
Pour le coup, le cardinal Vingt-Trois, Président de la conférence des évêques, se montrait mieux inspiré lorsqu’il déclarait récemment (au moment de l’affaire « Piss Christ » en Avignon) sur Radio Notre Dame : « Nous devons accepter de supporter avec le Christ l’incompréhension, l’hostilité et la violence des autres, sinon nous entrons dans une guerre culturelle qui n’est pas dans le sens de l’Évangile ». Bravo pour cette fois Eminence.