Nouvelles de Rome et d’ailleurs |
Jérôme Bourbon - Rivarol - 31 mars 2006 |
Nouvelles de Rome et d’ailleursJoaquin Navarro-Valls, le directeur de la salle de presse du Vatican, l’a confirmé : à l’invitation du président Ahmet Necdet Sezer, Benoît XVI se rendra en visite officielle en Turquie du 28 au 30 novembre. Le jour de la fête de saint André, patron du patriarcat œcuménique de Constantinople, Josef Ratzinger rencontrera à Istanbul Bartholomé Ier, plus haute autorité de l’Eglise orthodoxe grecque, afin de « poursuivre le dialogue entre les Eglises chrétiennes engagé par son prédécesseur Jean Paul II ». Dans un long article intitulé « L’adhésion de la Turquie bénie par Benoît XVI ? », qui lui avait valu à l’époque un abondant courrier, Camille Galic avait, le 23 septembre dernier, critiqué ce qui n’était encore qu’un projet de Benoît XVI : « Certes, le patriarcat du Phanar est infiniment mieux disposé à son égard que celui de Moscou par exemple. Mais depuis ce que les Grecs appellent La Catastrophe (des années 1922-25), le siège d’Istanbul déserté des chrétiens ne représente plus rien. Si le voyage se concrétise, ce qu’à Dieu ne plaise, c’est donc moins avec l’orthodoxie qu’avec l’islam que Benoît XVI paraîtra prendre langue. (…) Or, remarquait notre directrice, Josef Ratzinger, alors cardinal, déclarait le 20 septembre 2004 au Giornale del Popolo que « l’intégration de la Turquie dans l’Europe serait une grande erreur » et même une aberration « anti-historique » allant « à l’encontre de l’âme européenne et des réalités ». Comment peut-il envisager un an plus tard un déplacement qui s’apparenterait aux yeux du monde entier à une reconnaissance de la Turquie comme pays « ouvert » et « tolérant » dont l’admission dans l’Union européenne serait donc normale et légitime ? »DIALOGUE POUSSE AVEC LES JUIFS ET LES MUSULMANS De fait, le dialogue avec les musulmans semble un axe essentiel du règne de Benoît XVI qui, malgré l’assassinat du Père Santoro le 5 février devant son église de Trébizonde par un « fou d’Allah », a encore appelé le 16 mars les chrétiens et les juifs à coopérer avec l'islam « pour le bien de l'humanité », en recevant au Vatican une délégation de l'American Jewish Committee : « Le judaïsme, le christianisme et l'islam croient en un Dieu unique, Créateur du paradis et de la Terre. Il en découle donc que les trois religions monothéistes sont appelées à coopérer les unes avec les autres pour le bien commun de l'humanité et à servir la cause de la justice et de la paix dans le monde », a ainsi déclaré Josef Ratzinger. Il y a un mois, le Vatican et le grand rabbinat d'Israël avaient déjà signé un communiqué commun sur l'importance de parvenir au dialogue avec l'islam : « Nous pensons qu'il est de notre devoir d'engager et d'impliquer le monde musulman et ses dirigeants au dialogue respectueux et à la coopération. » Plus encore qu’avec les mahométans qu’il avait reçus en marge des JMJ cet été, le successeur de Jean Paul II privilégie du reste les rapports avec la communauté juive. Après la visite de la synagogue de Cologne et avant la participation désormais imminente à un office dans la synagogue de Rome où son prédécesseur s’était rendu il y a tout juste vingt ans, Josef Ratzinger a encore célébré devant les membres de American Jewish Committee le « riche patrimoine commun entre les juifs et les chrétiens », ce qui « rend uniques nos relations parmi toutes celles entre les diverses religions du monde entier ». Et l’occupant du siège de Pierre d’évoquer devant ses hôtes « la récente célébration du 40e anniversaire de la Déclaration du concile Vatican II, Nostra Aetate, qui a renforcé notre volonté commune de mieux nous connaître et de promouvoir un dialogue caractérisé par l'amour et le respect mutuels » et qui a mis fin à « l'enseignement du mépris » envers les juifs accusés pendant près de 2.000 ans d'avoir "tué" le Christ. Par ailleurs, Benoît XVI, au cours de son voyage en Pologne en mai prochain, se rendra comme Jean Paul II à Auschwitz où il stigmatisera une nouvelle fois l’ « Holocauste » et le national-socialisme. Nul doute que les origines allemandes de Josef Ratzinger et son bref engagement (obligatoire, rappelons-le) dans les Jeunesses hitlériennes le conduisent à donner encore davantage de gages que son prédécesseur, et plus rapidement encore comme le souligne la revue Sodalitium (1) dans son éditorial du n° 58 en rappelant la nouvelle « doctrine sur la « saine laïcité de l’Etat », la révocation de la décision de Jean Paul II ( !) de béatifier le père Dehon, accusé par les juifs d’antisémitisme (…), la communion sacrilège donnée Place Saint-Pierre au pasteur protestant de Taizé, Roger Schutz (…), la rencontre scandaleuse (…) avec le vieux camarade Hans Küng, hérétique formel avoué ». CREATION DE QUINZE NOUVEAUX CARDINAUX ET REFORME DE LA CURIE Les quinze nouveaux cardinaux qu’a créés Benoît XVI le 24 mars, veille de l’Annonciation, s’inscrivent clairement dans la continuité de Jean Paul II. Douze font partie du collège électoral, les trois autres ayant plus de 80 ans. Soucieux de respecter le plafond des 120 électeurs fixé par Paul VI, Josef Ratzinger a élevé au cardinalat trois chefs de dicastères : l’Américain Joseph Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le Slovène Mgr Franc Rode, préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique et l’Italien Mgr Agostino Vallini, préfet du Tribunal suprême de la signature apostolique. Un nouveau cardinal parmi les électeurs est français, l’archevêque de Bordeaux Jean-Pierre Ricard, président de la conférence des évêques de France et membre de la commission Ecclesia Dei chargée des fidèles attachés au rite tridentin. En revanche, l’archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois, n’a pas reçu la barrette pourpre. D’aucuns y ont vu un désaveu voire un camouflet, tel Henri Tincq, le chroniqueur religieux du Monde. En fait, Mgr Aaron Jean-Marie Lustiger étant encore en âge de voter, le chef de l’église conciliaire a dû juger plus sage de ne pas doter Paris de deux électeurs. A noter également la promotion du Chinois Mgr Joseph Zen Ze-Kiun, évêque d’Hongkong, Benoît XVI souhaitant un rapprochement et, à terme, une fusion, entre l’Eglise patriotique chinoise entièrement contrôlée par le régime communiste et l’Eglise clandestine. Le nouveau collège cardinalice compte 193 membres dont 120 électeurs : 100 cardinaux sont européens, 32 issus de l’Amérique latine, 20 états-uniens, 20 asiatiques, 17 africains et 4 océaniens. Par ailleurs, Benoît XVI, qui a fêté le 3 mars les 75 ans de Radio Vatican créée par Pie XI en 1931 au lendemain des accords du Latran signés avec Mussolini, entend réformer profondément la curie. C’était d’ailleurs le 23 mars l’objet de la réunion consultative des cardinaux et des chefs de dicastère romains qui s’est déroulée à huis-clos. Benoît XVI, qui a abandonné son titre de patriarche de l’Occident, souhaite aller encore plus loin que Jean Paul II dans la collégialité mise en œuvre depuis Vatican II. Paul VI avait abandonné la tiare. Benoît XVI l’a carrément retirée des armes pontificales, la remplaçant par le pallium archiépiscopal. Simple détail héraldique ? Non pas. « Le Pape n’est pas un souverain absolu » a ainsi déclaré Josef Ratzinger en prenant possession de la basilique du Latran. Le vaticaniste A Tornielli écrivait dans Il Giornale du 8 mai 2005 à propos de « ce Pape qui ne parle jamais de pontificat mais toujours de « ministère pétrinien » que, justement, « le monde orthodoxe et oriental attendait un retour à l’image de la papauté comme ministère de l’évêque de Rome. » Nul doute en tout cas que Benoît XVI souhaite un rapprochement avec les orthodoxes mais aussi avec les anglicans, la nomination de Mgr Levada à la congrégation pour la doctrine de la foi, allant clairement dans ce sens (RIV. du 15/7/05). VERS UNE REGULARISATION DE LA FRATERNITE SAINT-PIE X ? Ouvert à l’égard des autres religions, le successeur de Jean Paul II semble l’être également envers les traditionalistes. Après avoir reçu en audience et à sa demande Mgr Bernard Fellay le 29 août dernier à Castel Gandolfo (RIV. du 2/9/05), Benoît XVI paraît désireux de lever l’excommunication (par Jean Paul II) des quatre évêques sacrés par Mgr Marcel Lefebvre le 30 juin 1988. Par ailleurs, Josef Ratzinger, avec lequel le fondateur de la FSSPX avait signé un protocole d’accord le 5 mai de la même année (avant de se rétracter le lendemain), souhaite réintégrer pleinement la Fraternité Saint-Pie X dans le giron de l’église conciliaire comme l’a encore montré la réunion du 23 mars dont toute la matinée a été consacrée à l’avenir du dialogue avec la FSSPX. « Nos bras sont ouverts aux lefebvristes. Il s’agit d’étudier le meilleur moyen de les accueillir » a déclaré – selon Le Monde du 25 mars – le cardinal colombien Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation du clergé et président de la commission Ecclesia Dei. Après nous avoir confié en octobre (RIV. n°2735) qu’il y faudrait « plus d’un pontificat », Mgr Fellay, défendu par le site www.honneur.org, déclarait devant l’Association des journalistes d’information religieuse: « Je suis convaincu que nous aboutirons. Nous avons eu une discussion longue, la plus fructueuse de toutes, et abordé des questions de fond. Rome veut régler rapidement le problème et l'audience papale, que nous avons sollicitée en mai dernier, nous a vite été accordée. Le Magistère privilégie une approche pragmatique. Nous, nous freinons car nous ne voulons pas d'une solution en surface. Le pape a chargé le cardinal Castrillon Hoyos de dialoguer avec nous. Celui-ci, dans une interview à une télévision italienne, a expliqué que nous ne sommes pas hérétiques mais que nous devons les uns et les autres rechercher une communion plus parfaite. C'est un langage nouveau. » Et le supérieur général de la FSSPX de se « réjouir » du discours du 22 décembre à la curie de Benoît XVI à propos de Vatican II qui vaut « par sa clarté, sa précision et sa volonté de poser de vraies questions ». Quant à « la question sur l'ancienne et la nouvelle messe, sur laquelle les esprits se focalisent, (elle) est, au fond, seconde, la liturgie n'étant que l'expression de la foi. Ce qui est premier, c'est la vision de la foi. Avec Benoît XVI, ajoute Mgr Fellay, la discussion va se concentrer sur la question de l'acceptation du concile. Nous allons repartir de la formule proposée en 1988 par Mgr Lefebvre ‑ "Nous acceptons le concile examiné à la lumière de la Tradition." » Enfin, s’agissant du statut que Rome pourrait accorder à la FSSPX, son supérieur général évoque « celui de l’administration apostolique » :. « Concernant l'autorité de l'évêque, nous aurions un régime d'exemption, comme c'est le cas dans le diocèse de Campos au Brésil. Rome permettrait aux fidèles de la Fraternité Saint-Pie X de bénéficier d'une autorité parallèle sans se soustraire pour autant à l'évêque local. » Un accord à plus ou moins long terme n’est donc pas inenvisageable. Les disciples de Mgr Lefebvre l’accepteraient-ils dans leur majorité ? L’abbé Paul Aulagnier, exclu de la FSSPX en octobre 2003 pour sa défense vigoureuse des accords de Campos, et à qui l’on doit un historique sur La bataille de la messe 1969-2005 (2), est un chaud partisan d’un arrangement avec Rome : « La Fraternité Saint-Pie X doit accepter la solution romaine : l’administration apostolique » écrit-il sur son site Internet Item. L’abbé Guillaume de Tanoüarn, exclu de la FSSPX en mars 2005 pour « laguérisme » et qui vient de signer un essai L’Evidence chrétienne (3) reprenant ses conférences de Carême de l’an dernier a obtenu de Rome, tout comme les abbés Claude Barthe et Marc Guelfucci, un rescrit les lavant de toute censure en échange de leur volonté de « préparer les conditions d’une réception authentique du concile». Ayant fondé l’Association cultuelle Saint-Marcel et le centre Saint-Paul, l’abbé de Tanoüarn est lui aussi favorable à une « régularisation canonique » de la Fraternité. Tel n’est pas du tout le point de vue de Mgr Richard Williamson qui, dans un tonitruant entretien publié par Minute le 8 mars, à moins de quatre mois d’un chapitre général qui doit renouveler les instances dirigeantes de la FSSPX, réaffirme son opposition à un accord avec « l’Eglise du concile qui n’a pas changé ». Le doyen des quatre évêques de la Fraternité épingle au passage Mgr Fellay auquel sont reprochés sa gestion des séminaires, son renvoi abusif de prêtres, son manque d’ardeur à défendre « le dogme de la foi », etc. Aussi sévère, le site sédévacantiste www.virgo-maria.org animé par l’abbé Marchiset accuse carrément (4) la direction de la FSSPX de trahison dans ses négociations actuelles avec « l’abbé Ratzinger ». Mgr Fellay précisait le 27 mars sur Une chose est sûre : la Fraternité Saint-Pie X est actuellement à la croisée des chemins et de son accord ou de son refus d’accord avec Benoît XVI dépend l’avenir d’une grande partie de la résistance traditionaliste à la nouvelle église née de Vatican II. Jérôme BOURBON, (1) Loc. Carbignano, 36. 10020 Verrua Savoia TO Italie. www.sodalitium.it. Une messe mensuelle qui n’est pas en communion (non una cum) avec Benoît XVI a lieu désormais à Paris. Rens. au : 06-81-68-78-14. (2) 159 pages, Editions de Paris, 19 euros. (3) 234 pages, Objections, 17 euros ou 23 euros fco. L’abbé de Tanoüarn dirige également la nouvelle revue Objections (12 rue Saint-Joseph, 75 002 Paris. 70 euros l’abonnement annuel). (4) Le Comité international de recherches scientifiques sur les origines et la validité de Pontificalis Romani tend à démontrer l’invalidité des nouveaux sacres d’évêques. Trois volumes très fouillés ont déjà paru : les tomes I, II et les Notitiae du ome III (Rore Sanctifica, 68 euros le tout. Editions Saint-Rémi, BP 80, 33410 Cadillac. Tél. et fax : 05-56-76-73-38). |
31 mars 2006
Les évêques invitent M. Borloo pour parler de la crise sociale à Lourdes |
31 mars 2006 (AFP) |
Les évêques de France discuteront de la crise sociale la semaine prochaine à Lourdes (Hautes-Pyrénées) durant leur assemblée plénière à laquelle ils ont invité Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi et de la Cohésion sociale, a annoncé vendredi la Conférence des évêques de France (CEF). Les évêques ont invité jeudi M. Borloo, ainsi que le sénateur-maire PS de Mulhouse Jean-Marie Bockel, pour discuter de la situation dans les banlieues et la crise sociale durant leur assemblée, qui se déroulera à huis clos, a précisé un communiqué. Vendredi en fin d'après-midi, la venue de M. Borloo n'était toutefois pas confirmée par son service de presse. L'assemblée doit également discuter de l'accueil dans les églises diocésaines des fidèles de groupes "traditionalistes", ainsi que de la réforme des structures de la Conférence des évêques de France. Les évêques se réunissent deux fois par an en assemblée plénière. |
30 mars 2006
Front pour le concile et contre les lefebvristes |
jeudi 30 mars 2006 - Golias - http://golias.ouvaton.org/ |
Selon nos sources, un nombre plus important que prévu de cardinaux camperait sur une position nettement hostile à une réintégration trop complaisante à l’endroit des anciens sectateurs du schisme lefebvriste. Cette "vieille garde" conciliaire aurait bien montré sa détermination à ne pas encourager une réconciliation de dupes avec la fraternité Saint Pie X, sur le dos de l’acceptation sincère du Concile. Parmi ces cardinaux, libéraux, progressistes et parfois conservateurs qui incitent à une vigilance extrême à l’endroit des intégristes, on cite (même si les débats étant à huis-clos nous n’en avons aucune trace directe) le nom des Cardinaux Walter Kasper, Godfreed Danneels, Stefan Hamao, Karl Lehmann, Friedrich Wetter, Bernard Panafieu, Jean-Louis Tauran, Paul Poupard, Mario Pompedda, Giovanni Battista Re, Giacomo Biffi, Severino Poletto, Cormac Murphy O’Connor, Julian Herranz, pour ne citer que les principaux. Selon des échos à accueillir avec prudence, cette forte réticence qui s’est exprimée ferait dire même à ceux qui, comme Castrillon Hoyos ou Medina, souhaitent un prompt rabibochage : "le decret de réintégration des lefebvristes n’est pas pour demain". |
29 mars 2006
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28 mars 2006
La Lettre de Paix liturgique |
N°52 – 28 mars 2006 - contact@paixliturgique92.com |
► Depuis son arrivée dans le diocèse de Reims, monseigneur Thierry Jordan a été régulièrement sollicité par de nombreuses familles en vue de mettre en place à Reims la célébration d’une messe traditionnelle régulière dans le cadre du motu proprio Ecclesia Dei. Pourtant, malgré la forte demande (plus de 70 familles ont notamment signé une lettre de demande entre novembre 2003 et janvier 2004, plusieurs dizaines d’autres familles manifestent également leur soutien à cette demande), monseigneur Thierry Jordan a toujours refusé de mettre fin à cet état de fait douloureux en autorisant une telle célébration dans son diocèse, laissant ainsi perdurer une situation d’exclusion. Face au refus catégorique de monseigneur Jordan de dialoguer avec les familles sollicitant de sa part l’application du motu proprio, nous avons voulu en savoir plus sur sa pensée en la matière. Faute de pouvoir le rencontrer, c’est dans ses propres écrits que nous avons tenté de trouver des réponses à l’incompréhensible.
Sylvie Mimpontel Au nom de tous les délégués du Mouvement pour la Paix liturgique |
25 mars 2006
[Abbé Anthony Cekada] Le Rite de la consécration épiscopale de 1968: Un bref résumé du Problème
SOURCE - Abbé Anthony Cekada - résumé paru en avril 2006 de la version longue parue le 25 mars 2006
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L’abbé ANTHONY CEKADA enseigne la Théologie morale et sacramentelle, le Droit canon et la Liturgie au séminaire de la Très Sainte Trinité à Brooksville en Floride. Il a été ordonné en 1977 par Mgr Marcel Lefebvre, et il a écrit de nombreux articles et études concernant la question traditionaliste. Il réside à côté de Cincinnati où il célèbre la messe latine traditionnelle.
EN 1975, APRÈS
avoir passé dix ans dans le
système des séminaires de la période qui suivit Vatican II, j’entrai au
séminaire de la Fraternité St. Pie X à Ecône.
Pendant que j’y
faisais ma première année je frappai un jour à la porte du bureau de Mgr
Lefebvre et je lui demandai si je pouvais avoir un court entretien avec lui.
Malgré mon audace
(typiquement américaine!) il était, comme d’habitude, accueillant.
Je demandai à
Monseigneur si des amis conservateurs du séminaire où j’étais auparavant
pourraient, une fois ordonnés prêtres, collaborer avec la Fraternité. Il me
répondit que, oui, en principe, mais qu’ils devraient d’abord être réordonnés
sous condition parce que Paul VI avait changé le rite du sacrement de l’Ordre.
Monseigneur
Lefebvre expliquait que la nouvelle forme (la forme essentielle) du rite de
l’ordination sacerdotale était douteuse à cause d’un seul mot qui avait été
supprimé. Et Monseigneur de continuer : pour ce qui est de la forme nouvelle de
la consécration épiscopale, elle est toute différente et donc invalide.
Je savais bien que
les traditionalistes mettaient en question la validité des rites des autres
sacrements post-conciliaires, pourtant Monseigneur fut le premier traditionaliste
dont j’apprenais qu’il mettait en doute la validité des nouveaux rites pour la
collation des Ordres sacrés.
Malgré la gravité
du problème seul un petit nombre d’auteurs traditionalistes avaient analysé les
rites d’ordinations d’après le concile Vatican II, même après que se fussent
multipliées, suite à un indult, les messes S. Pie V célébrées par des prêtres
ordonnés par des évêques sacrés dans le nouveau rite.
Après l’élection de Benoît XVI en 2005 et l’ouverture de la part de la Fraternité St. Pie X de
négociations avec lui, le problème revint à la surface : Joseph Cardinal
Ratzinger, nommé archevêque et cardinal par Paul VI, avait été consacré dans le
nouveau rite le 28 mai 1977. Etait-il donc un véritable évêque ?
Le Père
Pierre-Marie OP, dominicain d’Avrillé, a publié un long article en faveur de la
validité du nouveau rite dans Le Sel de la Terre n° 54 (automne 2005).
Enseignant la
théologie morale des sacrements et la liturgie aux séminaristes depuis 1995 et
ayant écrit un certain nombre d’articles sur le sujet, l’article du P.
Pierre-Marie ne manqua pas bien entendu de retenir mon attention. Il m’apparut
que l’auteur avait omis d’examiner deux sujets cruciaux pour cette question :
(1) Quels sont les
principes que la théologie catholique applique afin de déterminer si une forme
sacramentelle est valide ou invalide ?
(2) Comment ces
principes peuventils être appliqués au nouveau rite de la consécration
épiscopale ?
Ces deux points
présents à l’esprit, je rédigeais ma propre étude au sujet du nouveau rite.
Voici un bref résumé de cet article :
I. PRINCIPES GÉNÉRAUX
(1) Tout sacrement
comporte une forme (la formule essentielle) qui produit l’effet du sacrement.
Lorsqu’un changement substantiel de signification est introduit dans la
forme sacramentelle par la corruption ou par l’omission de paroles essentielles,
le sacrement est rendu invalide (= il ne “marche” pas : il ne
produit pas l’effet du sacrement).
(2) Les formes
sacramentelles approuvées dans les Rites orientaux de l’Eglise catholique
diffèrent parfois dans leur formulation des formes du rite latin, mais elles
restent les mêmes quant à leur substance, et sont donc valides.
(3) Pie XII a
déclaré que la forme des Saints Ordres (c. à d. du diaconat, de la
prêtrise et de l’épiscopat) doit signifier de manière univoque (= de
manière non ambiguë) les effets sacramentels — le pouvoir d’ordre et la
grâce du Saint-Esprit.
(4) Pour la
collation de l’épiscopat Pie XII a désigné pour forme sacramentelle une phrase
dans le rite traditionnel de la consécration épiscopale, qui exprime de manière
univoque (a) le pouvoir d’ordre qu’un évêque reçoit et (b) la grâce du
Saint-Esprit.
II. APPLICATION AU RITE
(1) La forme de la
consécration épiscopale de Paul VI apparaît dans la Préface spéciale du rite ;
le texte complet de la forme est le suivant :
«Et maintenant, Seigneur, répands sur celui que tu as choisi la force qui vient de toi, l’Esprit qui fait les chefs, que tu as donné à ton Fils bien-aimé, Jésus-Christ, qu’il a lui-même donné aux saints Apôtres qui établirent l’Eglise en chaque lieu comme ton sanctuaire, à la louange
incessante et à
la gloire de ton Nom.»
Alors que la forme
nouvelle semble mentionner la grâce de l’Esprit Saint, elle ne spécifie pas le
pouvoir d’ordre qui est supposé être conféré. Peut-elle conférer l’épiscopat ?
Afin de répondre à cette question, nous allons appliquer les principes établis
dans la première partie.
(2) La forme assez brève de la consécration épiscopale de Paul VI n’est pas identique aux formes assez longues des rites orientaux ; elle ne mentionne pas comme c’est le cas dans celles-ci, les pouvoirs propres à l’évêque seul (p. ex. celui d’ordonner). Les prières des rites orientaux auxquelles la Préface de Paul VI qui enchâsse sa forme consécratoire, ressemble le plus, sont des prières nonsacramentelles pour l’intronisation des patriarches Maronite ou Syrien qui sont déjà évêques au moment de leur nomination. En somme, il n’est pas permis d’argumenter (comme le F. Pierre-Marie le fait) que la forme de Paul VI «est en usage dans deux rites orientaux certainement valides» et qu’elle serait par conséquent valide.
(2) La forme assez brève de la consécration épiscopale de Paul VI n’est pas identique aux formes assez longues des rites orientaux ; elle ne mentionne pas comme c’est le cas dans celles-ci, les pouvoirs propres à l’évêque seul (p. ex. celui d’ordonner). Les prières des rites orientaux auxquelles la Préface de Paul VI qui enchâsse sa forme consécratoire, ressemble le plus, sont des prières nonsacramentelles pour l’intronisation des patriarches Maronite ou Syrien qui sont déjà évêques au moment de leur nomination. En somme, il n’est pas permis d’argumenter (comme le F. Pierre-Marie le fait) que la forme de Paul VI «est en usage dans deux rites orientaux certainement valides» et qu’elle serait par conséquent valide.
(3) Divers
textes anciens (Hippolyte, les Constitutions apostoliques, et le
Testament de Notre-Seigneur) partagent quelques éléments avec la Préface
consécratoire de Paul VI qui enchâsse la forme nouvelle ; le F. Pierre-Marie
les invoque pour preuve de son affirmation de la validité de la nouvelle
consécration épiscopale. Mais tous ces textes ont été «reconstitués»,
sont d’origine douteuse, ne peuvent constituer un usage liturgique réel avéré,
ou soulèvent d’autres problèmes. Il n’existe aucune preuve qu’ils aient
constitué des formes sacramentelles «acceptées et utilisées par l’Eglise en
tant que telle» — critère établi par la Constitution Apostolique de Pie XII sur
les Saint Ordres. Ces textes ne fournissent donc aucune preuve fiable à l’appui
de la démonstration de la validité de la forme de Paul VI.
(4) Le problème-clé
de la forme nouvelle tourne autour de l’expression Spiritus principalis (traduite
en français par «l’Esprit qui fait les chefs»). Avant et après la promulgation
de la consécration épiscopale de 1968, le sens de cette expression suscita
des inquiétudes sur la question de savoir si cette expression signifiait
suffisamment le sacrement. Même un évêque de
la commission vaticane qui a créé ce rite, a soulevé cette interrogation.
(5) Dom Bernard Botte, le moderniste qui était l’auteur principal du nouveau rite, soutenait qu’au IIIe siècle chrétien, Spiritus principalis connotait l’épiscopat, parce les évêques possèdent «l’Esprit d’autorité» en tant qu’ils gouvernent l’Eglise. Spiritus principalis voulait dire «don de l’Esprit qui convient à un chef».
(5) Dom Bernard Botte, le moderniste qui était l’auteur principal du nouveau rite, soutenait qu’au IIIe siècle chrétien, Spiritus principalis connotait l’épiscopat, parce les évêques possèdent «l’Esprit d’autorité» en tant qu’ils gouvernent l’Eglise. Spiritus principalis voulait dire «don de l’Esprit qui convient à un chef».
(6) Cette
explication était fausse et trompeuse. Les références aux dictionnaires, à
un commentaire de l’Ecriture Sainte, aux Pères de l’Eglise, au traité de
dogmatique et aux cérémonies d’investiture non-sacramentelles des rites
orientaux, révèlent que, parmi une douzaine de significations différentes et
souvent contradictoires, Spiritus principalis ne signifie nullement
de manière spécifique, ni l’épiscopat en général, ni la plénitude des
Saints Ordres que l’évêque seul possède.
(7) D’ailleurs,
avant même que la controverse à ce sujet ne se soit déclenchée, Dom Botte
lui-même avoua qu’il ne voyait pas comment l’omission de l’expression Spiritus
principalis pourrait affecter la validité du rite de la consécration.
(8) La forme
nouvelle échoue à satisfaire aux deux critères établis par Pie XII pour les
Saints Ordres (a) Du fait que l’expression Spiritus principalis peut
signifier beaucoup de choses ou personnes différentes, elle ne signifie pas de
manière univoque l’effet sacramentel. (b) Il manque à la forme nouvelle une
expression, quelle qu’elle soit, qui connoterait, même de manière équivoque,
le pouvoir d’ordre que l’évêque seul possède — la «plénitude du sacerdoce
du Christ dans la fonction et l’ordre de l’évêque» ou «la plénitude ou
l’entièreté du ministère sacerdotal.»
(9) Pour ces
raisons la forme nouvelle constitue un changement substantiel dans la
signification de la forme sacramentelle pour la collation de l’épiscopat.
(10) Or, un
changement substantiel de la signification de la forme sacramentelle,
conformément aux principes de la théologie morale des sacrements, rend un
sacrement invalide.
III. SACREMENT INVALIDE
Par conséquent,
une consécration épiscopale conférée dans la forme sacramentelle promulguée par
Paul VI en 1968 est invalide — cela veut dire qu’elle ne peut pas
instituer un véritable évêque.
Prêtres et
autres évêques dont les
ordres proviennent de tels évêques sont dès lors ordonnés invalidement et
invalidement consacrés. Par conséquent les sacrements qu’ils
administrent ou réalisent, lesquels dépendent du caractère sacerdotal ou
épiscopal (la Confirmation, l’Eucharistie, le sacrement de Pénitence, l’Extrême
Onction, les saints Ordres) sont eux aussi invalides.
IV. OBJECTIONS
(1) «Le
contexte rend les ordres valides». Réfutation : Les paroles situées
ailleurs dans le rite ne peuvent pas redresser ce défaut, parce qu’un
élément essentiel de la forme (le pouvoir d’ordre) n’est pas simplement
exprimé de manière ambiguë, mais parce qu’il est complètement manquant.
(2) «La forme a
été approuvée par le pape.» Réfutation : D’après le concile de Trente et
Pie XII l’Eglise n’a nullement le pouvoir de changer la substance d’un
sacrement. Or l’omission du pouvoir d’ordre dans la forme nouvelle en
change la substance. Aussi, même si Paul VI avait été un vrai pape, il
n’aurait eu nullement le pouvoir d’introduire un tel changement. Et si
c’était le cas, la simple tentative de le faire quand même, suffirait à
démontrer qu’il n’était pas un vrai pape.
*******
LA RAISON POUR laquelle le rite de Paul VI de la consécration épiscopale est invalide
peut être résumée en une seule phrase : Les modernistes ont changé les
paroles essentielles en supprimant la notion de la plénitude du sacerdoce.
Le texte intégral
de mon article «Absolument nul et entièrement vain» se trouve en version
française sur deux sites Internet : www.traditionalmass.org/articles/ “Sacraments” www.rore-sanctifica.org
Il est aussi
disponible sous la forme d’une brochure à l’adresse ci-dessous.
J’invite les
lecteurs à photocopier et à distribuer ce résumé de mon article à des
catholiques, amis de la Tradition, spécialement au clergé et aux laïcs qui sont
de la FSSPX, car il doit y en avoir déjà beaucoup, sait-on jamais, qui
nourrissent de sérieuses réserves au sujet de la validité du nouveau rite.
Etant donné que le mouvement traditionaliste en
France est fort et qu’il a une influence mondiale, il importe que la fille
aînée de l’Eglise ne soit pas entraînée dans un fausse résistance qui la
priverait de messes valides et de sacrements valides, alors que tant de
catholiques français ont mené si bien un combat si long!
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