SOURCE - Mgr Tissier de Mallerais, fsspx - 29 janvier 1992
Fraternité Saint Pie X, le 29 janvier 1992
Fraternité Saint Pie X, le 29 janvier 1992
Prieuré St Nicolas de Flüe
A Monsieur l'abbé Aulagnier
Bien cher Monsieur le Supérieur,
J'ai bien reçu votre lettre du 9 janvier me transmettant une étude sur l'ordinal sacerdotal de Paul VI, étude qui me parait sans fondement.
Les deux changements affectant la forme sont :
- un ET à la place d'un UT
- un ablatif "IN HIS FAMULIS" au lieu d'un accusatif "IN HOS FAMULOS".
C'est un peu léger comme critique, et cela se retourne contre les critiques, en faveur de la nouvelle formule. Voyons un peu :
1) Le ET est en soi bien meilleur, car il exprime que la potestas est effectivement donnée, et non pas seulement "l'esprit de sainteté POUR qu'ils puissent obtenir l'office du second mérite" ; le nouvel ordinal dit donc : "répandez dans leur âme l'esprit de sainteté" c'est à dire la grâce sacerdotale "ET qu'ils obtiennent de vous l'office du second mérite" c'est-à-dire la caractère sacerdotal. Il est théologiquement inexact que le caractère découle de la grâce, c'est plutôt le contraire. Le nouvel ordinal est donc bien plus conforme à l'orthodoxie doctrinale.
2) Il en est de même pour le IN HIS FAMULIS qui indique non pas seulement une grâce qui vient de l'extérieur, mais un changement profond qui se passe à l'intérieur ! Du reste, la grâce sanctifiante, comme le caractère, ne sont pas "versés" DE l'extérieur, mais plutôt "infusés" à l'intérieur.
Le père Garrigou-Lagrange, le plus fidèle interprète de saint Thomas, enseigne, vous le savez, que la grâce est "éduite de la puissance obédientielle de l'âme". Donc il ne fait aucun doute que la nouvelle forme de l'ordination sacerdotale est plus conforme à saint Thomas que l'ancienne.
Néanmoins, rassurez-vous, je n'aurai aucun scrupule de conscience à continuer à employer l'ancienne, et même exclusivement, car les progrès théologiques, même incontestables, de la nouvelle ne valaient pas le désordre causé par le changement ; comme l'enseigne encore le docteur angélique, le mieux est parfois l'ennemi du bien, et la variation des lois est un dommage en elle-même.
Ceci dit avec, vous l'aurez remarqué, une pointe de sel, je répudie la suppression, gravissime, de la porrection des instruments, et la suppression de la transmission du pouvoir des clefs ; deux cérémonies "secondaires", deux rites "accidentels" qui avaient pourtant l'irremplaçable rôle de forcer, je dis bien, de contraindre les évêques ordonneurs à avoir une intention catholique, à moins de simulation, quod Deus avertat!
Croyez, cher Monsieur le Supérieur, à mon fraternel dévouement en Notre Seigneur et Notre Dame.
+Bernard TISSIER de MALLERAIS