29 mai 2005

[Aletheia n°76] "Communisme" - un mot qui fait toujours peur au Vatican

Aletheia n°76 - 29 mai 2005
"COMMUNISME”  - UN MOT QUI FAIT TOUJOURS PEUR AU VATICAN
Au Vatican, certains ont encore peur du mot “ communisme ”. Plus de quinze ans après la chute du Mur de Berlin et de l’écroulement de l’URSS, dans certains milieux du Vatican on n’ose toujours pas désigner les régimes communistes par leur nom.
Jean-Paul II a été un des artisans de la chute du communisme institutionnel en Europe. Il a su en caractériser la nature et le dénoncer par son nom. Benoît XVI, depuis les quelques semaines où il est Pape, n’a pas peur, lui non plus, de nommer le communisme [1] .
Pourtant, dans les milieux du Vatican chargés de diffuser l’information officielle du Saint-Siège, le mot fait encore peur. On n’hésite pas à le censurer. C’est mon ami Stefano Gizzi, éminent biographe de son parent, le cardinal Gizzi, premier Secrétaire d’Etat du bienheureux Pie IX, qui m’a signalé la chose : les organes d’information du Saint-Siège ont travesti un texte, on ne peut plus solennel, consacré Jean-Paul II. Il s’agit du Rogito, la biographie du Pape défunt, qui est déposée avec sa dépouille mortelle dans le cercueil.
Le Rogito, résumé officiel de la vie de Jean-Paul II, a été rédigé en latin et signé par le cardinal Camerlingue, par le cardinal Doyen du Sacré-Collège, par les notaires apostoliques et par d’autres dignitaires ecclésiastiques. Il a été lu, en latin, le matin du 8 avril, dans la Basilique Saint-Pierre, avant que le corps de Jean-Paul II ne soit déposé dans le cercueil pour la messe des funérailles.
Le texte original, en latin, a été publié dans l’Osservatore romano du lendemain, 9 avril, et a été reproduit sur le site internet officiel du Vatican (www.vatican.va). Le Rogito a retenu comme un des faits saillants du pontificat :
Pontificatus Ioannis Pauli II unus ex longissimis in Ecclesiæ historia exstitit. Hoc temporis spatio multa sunt commutata variis in provinciis. In his communistarum quarundam nationum regiminum dissolutiones annumerantur, ad quam rem multum contulit ipse Summus pontifex.
Sans être un latiniste éminent, on comprend le sens des mots soulignés (par nous) : on attribue, entre autres à Jean-Paul II — “ le Souverain pontife contribua lui-même ” —, la “ désagrégation des régimes communistes dans plusieurs pays ”. C’est une vérité historique.
Comment se fait-il que ce passage ait fait l’objet de traductions, officielles, qui trahissent le texte original latin ? Le jour-même où il publiait la version latine authentique, l’Osservatore romano publiait une traduction italienne qui en déformait le sens du passage en question :
Si annovera la caduta di taluni regimi, alla quale egli stesso contribui.
La “ désagrégation des régimes communistes dans plusieurs pays ” devient “ la chute de certains régimes ”. “ Certains régimes ”…L’imprécision révèle une crainte de déplaire. A qui ? Pourquoi ?
La traduction/trahison de l’Osservatore romano a, dès lors, servi de référence. Le site officiel du Vatican l’a reprise et cette traduction/trahison italienne a servi de référence pour les traductions en d’autres langues qu’on trouve sur ce même site officiel : “ la chute de plusieurs régimes ” dit la traduction officielle française, “ the fall of several regimes ” dit l’anglaise, “ a queda de certos regimes ” dit la portugaise, et ainsi de suite pour les différentes versions linguistiques du site.
Bien évidemment, les traductions de ce solennel Rogito qui ont paru dans la presse mondiale se sont toutes référées à la traduction italienne déficiente, et personne ne s’est donné la peine de traduire d’après le texte authentique latin. Même la Documentation catholique (n° 2336, 15 mai 2005), qui a réalisé, dit-elle, sa propre traduction d’après le “ texte original latin ”, traduit/trahit non d’après le texte latin mais d’après la version italienne puisque pour le passage concerné on lit : “ On peut enregistrer la chute de certains régimes… ” . Est ainsi masqué le qualificatif de “ communistes ”.
Ce n’est pas la première fois que les traductions, officielles ou non, d’une version authentique en latin sont des trahisons. Il est vrai qu’on a vu aussi, avec Jean XXIII, des textes, prononcés en italien, être corrigés, dans leur version officielle latine, dans un sens jugé plus orthodoxe ou plus exact. Cette fois, c’est la vérité de l’histoire qui est travestie.
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À travers les revues
. Reconquête (Centre Charlier, 70 Bd. Saint-Germain, 75005 Paris), 4,50 ¤ le numéro.
Dans le n° 213 de la revue mensuelle du Centre Charlier, on lit un entretien de trois pages avec Jean Madiran. L’intérêt particulier de cet entretien est que, pour une rare fois, Madiran évoque son enfance et son milieu familial, avant d’évoquer la suite : Maurras, la francisque, Itinéraires, Présent.
. Liber canonum (C.E.R.H.M.I.R., 5 rue Albert Sorel, 31500 Toulouse), 25 ¤ le numéro + 5 ¤ de port.
Dans la controverse Fraternité Saint-Pie X/Abbé Laguérie, on a vu des partisans de l’abbé Laguérie contester les qualités du consultant canonique auquel avait fait appel la FSSPX, Bernard Callebat. On a nié, publiquement et sur internet, ses compétences. On a mis en doute qu’il soit un expert en droit canonique. On a même insinué que la revue de droit canon qu’il “ prétendait ” diriger n’existait pas. Or, cette revue, annuelle, existe bien. Elle en est à son IVe volume, qui vient de sortir. Dans ces 200 pages, on trouvera, dus à des universitaires canonistes ou historiens, d’intéressants articles de droit canonique (par exemple Jean-Louis Bahans : “ Le secret professionnel du ministre du culte en droit français ”) et des articles d’histoire du droit et des institutions canoniques (par exemple, Frédéric-Pierre Chanut : “ Clercs et laïcs dans l’Eglise médiévale : les enjeux du pouvoir ”).
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[1] Par exemple, le 23 mai dernier, recevant le président de Bulgarie, Benoît XVI a évoqué “ la longue et difficile période du régime communiste ”.

17 mai 2005

[Abbé de Tanoüarn - Petrus - etc] « Le sédévacantisme, un sujet tabou ? »

SOURCE - Abbé de Tanoüarn - Petrus - etc - débat au centre St Paul - Transcrit et présenté par Petrus - 17 mai 2005

L’intégrale du débat Tanoüarn-Petrus
« Le sédévacantisme, un sujet tabou ? »
Mardi 17 mai 2005.
Centre Saint-Paul à Paris.


Voici pour les personnes que cela intéresse l’intégrale du débat du mardi 17 mai 2005 au centre Saint-Paul sur le sédévacantisme entre l’abbé de Tanoüarn et votre serviteur. Nous avons rendu compte fidèlement de l’enregistrement par souci d’honnêteté, d’où parfois des répétitions, des redites, des approximations, des imprécisions, des maladresses ou des impropriétés de langage, des anacoluthes, un caractère parfois décousu dont on voudra bien nous pardonner mais il n’est pas d’autre solution si l’on veut retranscrire scrupuleusement et intégralement ce que contient la bande magnétique. Et au moins cela a le mérite de conserver au débat son caractère oral et vivant. Ne manque à ce compte rendu exhaustif que le mot de bienvenue de l’abbé de Tanoüarn puisque je n’ai malheureusement pas pensé à sortir assez vite mon appareil enregistreur mais ces quelques mots initiaux n’avaient de toute façon pas de lien direct avec le sujet traité ce mardi 17 mai 2005 au centre Saint-Paul. Que Monsieur l’abbé veuille toutefois bien m’en excuser. J’ajoute que j’ai rendu compte, le plus objectivement et le plus complètement possible, des réactions de la salle, lorsqu’il y en avait, en les indiquant à chaque fois entre crochets, qu’il s’agisse de rires, d’applaudissements, de bruits et mouvements divers ou d’incidents de séance mettant en cause nommément des tiers.
 J’en profite pour remercier toutes les personnes qui sont venues assister à ce débat, parfois d’ailleurs de très loin, en espérant qu’il les aura intéressées, tout en ayant conscience qu’en deux heures on ne saurait faire le tour de la question. J’espère, chers amis lecteurs qui n’avez pu assister à ce débat que la lecture des débats ne vous sera pas trop fastidieuse même si j’ai conscience que la retranscription par écrit fait perdre en vivacité et en spontanéité.
Petrus.

Maxence H. : Merci, Monsieur l’abbé, de ces quelques mots d’introduction qui résument bien l’état d’esprit du centre Saint-Paul dont vous êtes le fondateur et qui est un centre de réflexion pour tous les catholiques, où tous les catholiques doivent se sentir chez eux.

Alors, comme vous l’avez dit, nous allons aborder un sujet qui est tabou. Pourquoi est-il tabou ? Eh bien parce qu’il a des implications importantes, des implications redoutables et donc en fonction des positions qui sont adoptées sur ce sujet, il y a des conséquences. Et il est également tabou parce que dans les faits c’est un sujet qui a été écarté d’une partie de la tradition, enfin des catholiques qui se réclament de l’Eglise d’avant Vatican II qui n’ont pas tellement réfléchi à ce sujet pendant de nombreuses années. Et c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité qu’un débat ait lieu pour tout simplement démystifier cette question et voir quels sont les fondements de ce problème.

Alors, nous avons réuni deux intervenants que je vous présente. Les deux ne sont pas présentables d’ailleurs d’une part parce que tout le monde les connaît mais une partie de l’assistance connaît peut-être l’un et l’autre l’autre. Donc je vais faire des présentations croisées. Donc l’abbé de Tanoüarn est un prêtre qui jusqu’il y a quelques mois était de la Fraternité Saint-Pie X…

Abbé Guillaume de Tanoüarn : … qui l’est toujours au regard du droit !

Maxence H. : … qui l’est toujours au regard du droit et qui est journaliste, qui a écrit plusieurs ouvrages et qui a été professeur de philosophie pendant de longues années.

Petrus est un publiciste qui s’est fait connaître, spécialement sur le Forum catholique, en défendant des positions, pas uniquement sur le sédévacantisme d’ailleurs, mais sur beaucoup de questions concernant le catholicisme, sur les sacrements, sur beaucoup de questions et qui s’est fait remarquer par sa verve et sa logique. Et donc il nous a semblé être un bon champion de cette question sédévacantiste qui nous préoccupe ce soir.

Donc je leur ai demandé, à l’un et à l’autre, de présenter leur position sur le sédévacantisme. Parce que qu’est-ce que c’est que le sédévacantisme ? C’est un terme très bizarre, très complexe et qui recouvre une réalité multiforme et je crois savoir qu’au sein même du mouvement sédévacantiste – d’ailleurs, existe-t-il ce mouvement sédévacantiste ? -, il y a plusieurs positions qui sont prises et qui sont parfois en discussion vive. Et je comprends que c’est un petit peu compliqué. Donc je vais peut-être demander à notre ami Petrus de nous éclairer un petit peu sur le thème : qu’est-ce que c’est que le sédévacantisme et qu’est-ce que ça recouvre ?

Petrus : Bien. D’abord je remercie les organisateurs, je remercie Monsieur l’abbé de Tanoüarn, je remercie Maxence H. d’avoir bien voulu organiser ce débat. Et d’abord avant d’entrer dans le vif du sujet, si j’ose dire, il me paraît essentiel de dire un mot sur le libellé. Un sujet tabou ? Alors, un sujet tabou, je réponds : oui ! Parce que moi-même et, je pense, beaucoup d’amis qui sont sédévacantistes et qui sont dans la salle, donc à droite, enfin je ne sais pas, en tout cas à droite de la Fraternité [Rires], eh bien souvent, on se heurte effectivement à des réactions de gens qui, dès qu’on prononce le mot, sont saisis d’une forme de peur panique. Je me rappelle d’une dame, très aimable, qui allait m’offrir le thé et de la tarte aux pommes et quand elle a compris que j’étais sédévacantiste, là j’ai vu que son visage se crispait, se décomposait. Je me suis dit : « je vais la prendre, la tarte, mais pas forcément celle à laquelle j’aspirais ! » [Rires]

C’est dire qu’il y a un véritable tabou. Donc vous avez deux réactions en général face au sédévacantisme : la peur panique : on n’en parle pas. C’est un peu comme si on avait le sida. On le sent chez les gens qui vous regardent avec une grande commisération. Et puis alors il y a une deuxième réaction : les gens qui s’en fichent complètement. Que Jean-Paul II soit pape ou pas pape, que Paul VI soit pape ou pas pape, comme disait un prêtre : « pape ! Pas pape ! Parlez-nous plutôt de soupape ! » Voilà, c’est de la dérision. Comme m’avait dit un jour une amie proche de la Fraternité : « Et le pape, quand il éternue, est-ce qu’il est pape ? » Donc, voyez, tout cela ne fait pas avancer le débat mais c’est quelque chose que j’ai souvent rencontré et qui me paraît important à signaler. Le sédévacantisme est donc bien un tabou pour beaucoup de gens. Il serait intéressant de s’interroger pour savoir pourquoi cette question est taboue mais je n’entrerai pas dans ces considérations-là pour ne pas faire perdre du temps. Mais l’attitude la plus désespérante, me semble-t-il, et qui est hélas très répandue dans la galaxie traditionaliste, ce sont les gens qui se moquent totalement de la question de l’autorité, de la question du pape dans l’Eglise. Et c’est quand même, je crois, extrêmement fâcheux.

Maintenant sur la question de la définition du sédévacantisme, je crois que peu de sédévacantistes aiment ce mot en général. Parce que c’est un mot qui n’a pas été formé par eux mais plutôt par des ennemis ou des adversaires ; néanmoins il est assez commode et il est passé dans les mœurs donc utilisons-le. D’aucuns considéreraient qu’il vaudrait mieux parler de sédéoccupantisme puisque somme toute le siège de Pierre est occupé, mais par un imposteur, un intrus pour les sédévacantistes complets, un pape materialiter pour les tenants de la thèse de Cassiciacum, en tous les cas pas par un vrai pape, un vrai successeur de Pierre. Et puis même, d’une certaine manière, on peut considérer que la question du pape, pour essentielle qu’elle soit, n’est pas suffisante car c’est l’ensemble de l’Eglise qui est mise en cause et donc l’on pourrait parler plutôt d’éclipse de l’Eglise, de disparition apparente de l’Eglise hiérarchique et monarchique puisque ce n’est pas seulement de la question du pape, qui est évidemment centrale, première, mais c’est l’ensemble de l’épiscopat et au-delà de l’ensemble du clergé qui ont défailli publiquement de la foi catholique.

Alors, avant d’entrer dans de vastes considérations intellectuelles et doctrinales, il faut partir des faits. D’ailleurs, je dois dire qu’il y a beaucoup plus de gens qualifiés que moi pour traiter de ce sujet-là. Je vois ici beaucoup de clercs sédévacantistes ; il y a même des laïcs qui sont beaucoup plus compétents mais puisque l’on m’a choisi je vais essayer de faire au mieux. De toute façon, il s’avère également que je suis journaliste. Et à ce sujet j’avais lu un livre Les Petits soldats du journalisme : il faut faire dans le superficiel, ai-je lu, pour réussir dans le métier ! [Rires]. Mais on va quand même essayer d’aller à l’essentiel.

Donc les faits. Quels sont-ils ? Je crois qu’on ne peut pas ne pas partir de Vatican II, qui est finalement l’origine et la source de tout, et des conséquences de Vatican II. Il est clair que d’après les sectateurs de Vatican II eux-mêmes, il y a une véritable révolution, une véritable subversion qui est arrivée avec Vatican II. C’est le père Congar qui dit qu’ « avec Vatican II l’Eglise a fait pacifiquement sa révolution d’Octobre », c’est le cardinal Suenens qui dit que « Vatican II, c’est 1789 dans l’Eglise », ce n’est quand même pas rien comme déclaration. Mgr Benelli parle de « l’Eglise conciliaire », Paul VI de « l’Eglise du concile » et Paul VI va encore plus loin en parlant de « nouvelle Pentecôte ». Mais quand on sait que c’est la Pentecôte dans laquelle s’origine l’Eglise catholique, qu’elle est la naissance officielle de l’Eglise catholique, parler de nouvelle Pentecôte, si les mots ont un sens, c’est donc bien dire que Vatican II, c’est la fondation d’une nouvelle Eglise, d’une autre Eglise. Et d’ailleurs il me souvient qu’il y a eu un colloque récent de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X – à l’époque, vous étiez encore à l’intérieur, il n’y avait pas encore la scission entre les laguéro-tanoüarniens et les cacquerayso-fellaysiens [Rires], débat dans lequel je n’entrerai pas ce soir encore qu’il me passionne [Rires] mais tel n’est pas le sujet -, et donc dans ce fameux débat sur les quarante ans de Vatican II qui était intitulé de façon tout à fait intéressante « la religion de Vatican II », les intervenants coruscants disaient à juste titre que Vatican II inaugure une nouvelle religion.

D’où une première question : comment l’Eglise catholique, assistée par le Saint-Esprit, qui est infaillible, qui est indéfectible, comment peut-elle fonder une nouvelle religion ? Déjà, c’est une question en pure logique qui n’est pas négligeable. Il sera donc intéressant de savoir dans ce débat comment l’Eglise catholique peut fonder une nouvelle religion.

Il est évident que l’on a eu droit en quelques années à une révolution totale sous forme de destruction qui a touché tous les domaines, qui a touché l’ensemble des constitutions religieuses. Toutes ont été bouleversées, y compris celle des Chartreux qui n’avait jamais été remaniée depuis son fondateur saint Bruno, le rituel, le Bréviaire, l’ensemble des sept sacrements dont bien sûr la messe, le code de droit canon, le catéchisme. On a eu droit à un nouveau catéchisme, à une nouvelle messe, à un nouveau rituel des sacrements, à un nouveau code de droit canon. Rien n’a été laissé debout, pas même l’intérieur des églises puisque aussi bien l’on a retourné l’autel. Ce n’était plus l’homme qui se tournait vers Dieu mais Dieu ou plutôt le prêtre qui se tournait vers l’assemblée. On n’était plus dans le cadre d’une messe hiérarchique mais d’une messe démocratique, la messe de Luther selon Mgr Lefebvre, « la synaxe sacrée » selon l’article 7 du novus ordo missae de Paul VI. Les confessionnaux ont souvent été transformés en placards en balais, les bancs de communion et la chaire supprimés, le tabernacle souvent mis de côté. On a véritablement changé la religion.

D’ailleurs, le sédévacantisme, ce n’est pas ou cela ne devrait pas être d’abord une question d’intellectuels ou de docteurs en théologie. C’est l’ensemble des fidèles avec leur catéchisme de base, le catéchisme de Saint Pie X, le catéchisme tel qu’ils l’ont appris pendant leur enfance qui peuvent comprendre que cette église n’est pas l’Eglise catholique. Parce que Paul VI et Jean-Paul II, pour ne parler que d’eux, ont fait des choses qu’un vrai pape ne peut pas faire. Le pape, ce n’est pas René Coty dans l’Eglise, ce n’est pas un décorum. C’est la règle vivante de la foi, la source de toute juridiction, le principe d’unité des catholiques. Ce n’est pas rien.

Quand je prends la définition de l’Eglise catholique du catéchisme de saint Pie X, je lis : « L’Eglise catholique est la société ou la réunion de tous les baptisés qui, vivant sur la terre, professent la même foi et la même loi de Jésus-Christ, participent aux mêmes sacrements et obéissent aux pasteurs légitimes, principalement au Pontife Romain. » Or il est bien évident que tous les traditionalistes, quelles que soient leurs divergences doctrinales, n’obéissent pas à celui que beaucoup, à tort selon moi, reconnaissent comme le Pontife Romain. Car pour conserver la foi, pour conserver l’intégralité des sacrements, la pureté doctrinale, l’intégrité morale, il est évident que l’on est obligé d’être en marge et même, disons-le, d’être en opposition, en rupture ouverte avec cette nouvelle église et avec celui qui la dirige.

C’est Mgr Lefebvre lui-même qui, le 2 septembre 1977, disait : « L’Eglise conciliaire n’a pas la même foi, elle n’a pas les mêmes sacrements que l’Eglise catholique ». Et comment oublier les déclarations de Mgr Lefebvre – même si je conviens tout à fait qu’il n’était pas sédévacantiste, je ne l’annexe pas au sédévacantisme -qui sont plus que troublantes ? Dans Le Figaro du 4 août 1976, alors qu’on l’interroge sur Paul VI et qu’il vient de subir une suspense a divinis, il déclare : « Comment un pape, vrai successeur de Pierre, assuré de l’assistance du Saint-Esprit, peut-il présider à la destruction de l’Eglise, la plus profonde et la plus étendue de son histoire en l’espace de si peu de temps, ce que, ajoutait-il, aucun hérésiarque n’a jamais réussi à faire ? »

Dix ans plus tard, lors des fêtes de Pâques à Ecône en 1986, alors que Jean-Paul II s’apprêtait à faire Assise, Mgr Lefebvre déclare : « Nous nous trouvons vraiment devant un dilemme grave, et excessivement grave qui, je crois, n’a jamais existé dans l’Eglise : que celui qui est assis sur le siège de Pierre participe à des cultes de faux dieux. » Et Mgr de Castro Mayer ira encore plus loin puisque, la veille des sacres à Ecône, le 29 juin 1988, il dira : « Laissez le monde dire que ces consécrations sont faites en désaccord avec la Tête visible de l’Eglise. Mais laissez-moi poser cette question : où est la Tête visible de l’Eglise ? Pouvons-nous accepter comme Tête visible de l’Eglise un évêque qui place des divinités païennes sur l’autel à côté de Notre-Seigneur Jésus-Christ ? »

A ces questions, en pure logique, la réponse tombe d’elle-même. Effectivement ces pontifes conciliaires ne peuvent pas être les vicaires du Christ, l’église conciliaire ne peut pas être l’Eglise de Jésus-Christ.

Et Le Sel de la Terre, je ne sais s’il est ici en odeur de sainteté, mais la revue des dominicains d’Avrillé en son numéro un du printemps 1992 disait que l’église conciliaire n’avait pas les notes de l’Eglise catholique. Elle n’est ni une, ni sainte, ni catholique, ni apostolique. Elle n’est pas une parce qu’elle est œcuménique ou oecuméniste. Elle n’est pas sainte d’abord parce que l’on a altéré tous les rituels des sacrements obstruant ainsi tous les canaux de la grâce et aussi parce qu’elle n’enseigne plus la doctrine de Jésus-Christ. Elle n’est pas apostolique puisqu’elle n’a plus la foi des Apôtres. Et elle n’est pas catholique puisqu’elle rompt avec l’enseignement bimillénaire de l’Eglise catholique.

Donc, même à travers un catéchisme élémentaire, en déclinant ce qu’est l’Eglise, ce qu’est la sainteté de l’Eglise, parce qu’on dit souvent la sainteté de l’Eglise, eh bien c’est simplement parce que Notre-Seigneur son fondateur était saint. Si l’on reprend la définition complète du catéchisme de saint Pie X, que dit le saint pape ? Il dit : « La véritable Eglise est sainte parce que Jésus-Christ, son chef invisible, est saint, que beaucoup de ses membres sont saints, que sa foi, sa loi, ses sacrements sont saints et qu’en dehors d’elle il n’y a pas et il ne peut y avoir de véritable sainteté. » Or, il est évident que la nouvelle messe ne sanctifie pas. Il suffit d’y assister pour s’en convaincre. D’ailleurs, quand je vois parfois des gens qui ont des doutes, je leurs dis : retournez in vivo, retournez en direct, si j’ose dire, dans les offices conciliaires et vous verrez très bien ce qu’il en est, sans compter toutes les hérésies et tous les scandales dans les homélies, etc.

Cette église conciliaire n’est pas l’Eglise catholique. Elle n’en a pas les notes. Elle n’en a pas l’enseignement. J’aborderai tout à l’heure la question de Dignitatis humanae mais avant même d’entrer dans les textes, il me semble qu’il y a une question de simple bon sens : lorsque Jean-Paul II baise publiquement le Coran, comme il l’a fait le 14 mai 1999 au Vatican, est-ce que vous pensez qu’un seul vrai pape jusqu’ à Pie XII inclusivement aurait pu baiser le Coran ? Qui devant le crucifix en conscience peut répondre autre chose que non à cette question–là ?

Autre question : est-ce que vous pensez qu’un seul martyr qui est mort dans des souffrances atroces pour refuser de donner son grain d’encens aux idoles, pour refuser de les saluer, aurait considéré que cet homme en blanc qui faisait cette chose-là pouvait être la Tête visible de l’Eglise, la source de toute juridiction, la règle prochaine et vivante de la foi, le doux Christ sur la terre ? Est-ce que vraiment, lorsque l’on est honnête intellectuellement, l’on peut répondre autrement que non à cette question ?

D’autant que ce n’est pas une exception chez Jean-Paul II dont les obsèques ont donné lieu, comme vous l’avez constaté, à une forme inouïe d’unanimisme soviétoïde puisque somme toute des juifs aux musulmans, des athées aux différents croyants, de Cuba communiste jusqu’à l’Italie en passant par Moscou, ça a été une forme de déluge médiatique considérable, le déluge des pleureuses qui se mettaient à sangloter tel le gargouillis pathétique d’un sanitaire libéré [Rires]. Alors qu’en réalité, quand on sait ce qu’est Jean-Paul II et ce qu’il a fait, car non seulement il a baisé le Coran mais il a reçu le signe de Shiva sur le front le 2 février 1986, il a participé activement à un culte vaudou en 1993 disant que les adorateurs du dieu Python avait la foi. Et comment ne pas évoquer ses différentes repentances qui condamnent vingt siècles d’Eglise catholique, sa septuple repentance devant un chandelier à sept branches le 12 mars 2000 au Vatican qui est une négation de l’être historique de l’Eglise, un mépris pour tous les vrais papes jusqu’à Pie XII inclusivement, qu’il s’agisse du fait qu’il ait visité des mosquées, des synagogues, qu’il ait récité dans une synagogue des psaumes qui exprimaient l’attente du Messie. C’est dire que les actes scandaleux sont multiples. Et là ce n’est pas seulement de l’hérésie, c’est carrément de l’apostasie à ce niveau-là. Il me semble donc que…

Maxence H. (à voix basse) : … Il vous reste cinq minutes.

Petrus : Comment ? Je vous prie de m’excuser. Je suis volubile, y compris sur le Forum catholique et également en-dehors.

Bien. Donc là ce sont les faits sur lesquels je me suis peut-être un peu trop attardé. Mais il est évident que l’Eglise, le catéchisme le dit, est infaillible. Dans la doctrine qu’elle enseigne. Dans les vérités de foi. Mais l’infaillibilité de l’Eglise va beaucoup plus loin. Il y a ce que l’on appelle l’objet secondaire ou indirect de l’infaillibilité et qui concerne notamment la promulgation de lois universelles, tant liturgiques que doctrinales. C’est une certitude théologique. Or, il est évident que la nouvelle messe a été promulguée par Paul VI, l’ensemble des rituels sacramentels, ils ont été promulgués tout à fait régulièrement par Paul VI. Le code de droit canon le 25 janvier 1983 a été promulgué officiellement par Jean-Paul II. Or, ce nouveau code de droit canon, comme le disaient Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer dans leur manifeste épiscopal du 21 novembre 1983, « contient des erreurs pour ne pas dire des hérésies ». Puisque dans ce code de droit canon il y a l’inversion des fins du mariage, la levée de l’excommunication pour les francs-maçons, l’hospitalité eucharistique c’est-à-dire la communicatio in sacris. Et puis il y a le cas du nouveau catéchisme promulgué par Jean-Paul II en 1992.

Or, encore une fois, tous les auteurs disent et l’Eglise enseigne, c’est une certitude théologique, que Notre Mère la Sainte Eglise ne peut évidemment pas donner du poison à ses fidèles. C’est d’ailleurs du simple bon sens. C’est le concile de Trente qui dit bien que : « Si quelqu’un dit que les rites reçus et approuvés de l’Eglise catholique, en usage dans l’administration solennelle des sacrements, peuvent être méprisés ou omis sans péché au gré des ministres, qu’il soit anathème ». C’est Pie VI qui condamne la proposition 78 du synode de Pistoie dans la bulle Auctorem Fidei de 1794, les jansénistes ayant dit au synode de Pistoie que l’Eglise pouvait donner une discipline nocive, dangereuse, mauvaise, pour les fidèles. Et Pie VI répond très bien : « comme si l’Eglise, qui est régie par l’Esprit de Dieu, pouvait constituer une discipline, non seulement inutile et trop lourde à porter pour la liberté chrétienne, mais encore dangereuse, nuisible et conduisant à la superstition et au matérialisme ».

Il n’était donc pas possible qu’un vrai pape pût promulguer le novus ordo missae, l’ensemble des rituels des sacrements, le nouveau code de droit canon. Parce que l’Eglise est infaillible et qu’elle ne peut pas donner du poison à ses enfants. Elle ne peut donner que des sacrements saints, des sacrements qui sanctifient et des lois universelles qui ne contiennent ni erreur ni hérésie. C’est d’ailleurs du simple bon sens car, lorsque l’on récite son acte de foi tous les matins et tous les soirs, « Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que vous avez révélées et que vous nous enseignez par votre Eglise parce que vous ne pouvez ni vous tromper ni nous tromper. » Et d’ailleurs le catéchisme de saint Pie X dit : « Est-ce que l’Eglise peut se tromper? Non ! Est-ce que le pape est infaillible ? Oui ! Est-ce que l’Eglise est infaillible ? Oui. »

[A Maxence H.] J’ai encore deux minutes ? [Rires]. C’est terrible ! Je vais donc, comme sur le FC, violer le règlement ! [Rires]. Non, je vais terminer rapidement. Donc j’ai parlé des hérésies et apostasies de Jean-Paul II, du fait que l’Eglise catholique, que le pape, s’il est vrai pape, ne peut pas promulguer un rite qui soit dangereux et nocif pour la foi, un code de droit canon qui contienne des erreurs et des hérésies, ou un catéchisme qui contienne des erreurs ou des hérésies mais je dirais qu’il y a une forme de preuve par neuf, si j’ose dire, c’est la question de l’obéissance au pape.

C’est que souvent dans le milieu traditionaliste j’entends dire : il ne faut obéir au pape que dans les cas où il est infaillible. D’abord l’on réduit souvent l’infaillibilité à peu de choses puisque, comme je l’ai déjà dit, il ne faut pas oublier l’objet secondaire ou indirect de l’infaillibilité qui concerne donc la promulgation de lois universelles tant liturgiques que disciplinaires, la canonisation des saints. Or, quand Jean-Paul II canonise Escriva de Balaguer, fondateur de l’Opus Dei, défenseur de la liberté religieuse, cela pose un grave problème car il est évident que tous les auteurs disent que lorsque le pape canonise un saint, c’est infaillible. C’est une certitude théologique. D’ailleurs, c’est logique. L’Eglise ne nous ferait pas prier pour des gens qui sont en enfer ou dont on n’est pas sûr qu’ils soient au Ciel. D’ailleurs, le culte des saints, c’est déjà une profession de foi. Donc là aussi c’est une question de bon sens, me semble-t-il.

Pour en revenir à la question de l’obéissance au pape, Boniface VIII dans la bulle Unam sanctam du 18 novembre 1302 est très clair : « Nous déclarons, disons, définissons et prononçons qu’il est absolument nécessaire au salut pour toute créature humaine d’être soumise au Pontife romain ». Il y a beaucoup d’autres citations que l’on pourrait faire : Vatican I qui, dans Pastor aeternus, dit que « Les pasteurs de tous rites et de tous rangs, ainsi que les fidèles, tant chacun séparément que tous ensemble, sont tenus au devoir de subordination hiérarchique et de vraie obéissance au Pontife romain, non seulement dans les questions qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui touchent à la discipline et au gouvernement de l’Eglise répandue dans le monde entier ». C’est bien dire que si l’on est obligé d’obéir au pape pour faire son salut, comme le dit Boniface VIII et comme le disent tous les papes, se pose un grave problème car l’on est obligé de désobéir à Paul VI, à Jean-Paul II et à Benoît XVI maintenant pour garder la foi catholique dans toute son intégrité. D’ailleurs, qui dans cette salle obéit à Jean-Paul II et à Benoît XVI aujourd’hui qui va des messes qui ne sont pas autorisées, qui n’a pas la messe même que le « pape », qui fait appel à des prêtres qui ne sont pas incardinés, etc. Enfin, il faut regarder les choses telles qu’elles sont en face, me semble-t-il !

Donc, si l’on est obligé pour garder la foi de désobéir en matière grave, en matière de foi, de mœurs, de discipline et de gouvernement au pape, c’est bien la preuve qu’il n’est pas pape, si j’ose dire, par syllogisme.
Et puis, deuxième syllogisme, c’est le syllogisme par l’infaillibilité de l’Eglise. L’Eglise est infaillible dans les vérités de foi qu’elle enseigne, dans la morale qu’elle enseigne, dans les sacrements qu’elle dispense, dans les lois universelles tant liturgiques que disciplinaires qu’elle promulgue. Or, avec cette nouvelle église, on voit très bien que rien n’est infaillible puisque ce que l’on nous propose est plein d’erreurs, plein d’hérésies. Cela fait perdre la foi.

C’est un véritable poison. C’est donc bien la preuve que cette église conciliaire n’est pas l’Eglise de Jésus-Christ. Alors, je répondrai peut-être après à la question de la visibilité et de l’indéfectibilité de l’Eglise car sinon…

Maxence H. : Oui, je crois que là on va…[Rires]. Merci beaucoup pour cet exposé extrêmement riche [Applaudissements] qui contient beaucoup d’éléments de réflexion que nous allons réaborder tout à l’heure certainement. Je passe maintenant la parole à monsieur l’abbé.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Merci. Je ne suis pas sûr de parvenir par les mêmes moyens que vous, cher Petrus, à captiver cet auditoire…

Petrus : Je me bats avec mes armes !

Abbé Guillaume de Tanoüarn : … car vous avez des moyens rhétoriques tout à fait hors du commun et que je tiens à saluer. Mais ce torrent rhétorique tient, quand on y regarde un tout petit peu plus près, avec une certaine distance, à des raisonnements extrêmement simples que je vais me permettre, si vous voulez, de mettre sur la table pour que nous puissions tous en juger.

Le premier de ces raisonnements, c’est : l’Eglise ne peut pas se tromper. Or, elle s’est trompée. Donc elle n’est pas l’Eglise. Ou, ce n’est même pas d’ailleurs votre conclusion, elle est une autre Eglise cette Eglise qui s’est trompée. Et je crois qu’en disant cela, cher Petrus, vous manifestez, sans le vouloir sans doute, votre croyance en la génération spontanée. Car enfin une Eglise ne naît pas comme cela. Ce n’est pas parce que des actes sont posés par la hiérarchie ecclésiastique qui nous paraissent inacceptables que brutalement ceux qui les posent vont constituer une nouvelle Eglise. Vous avez fait allusion au symposium que Maxence et moi nous avions organisé, il y a déjà quelques années, et j’avais proposé au cours de ces symposiums une approche, me semble-t-il, un peu plus subtile et qui avait l’avantage surtout de ne pas reposer sur cette thèse controuvée de la génération spontanée d’une nouvelle église et qui était que Vatican II, le concile pastoral, reflétait dans l’ensemble de ces textes un message cohérent que l’on pouvait formaliser comme une véritable nouvelle religion. Et j’entendais par là une nouvelle relation entre Dieu et ses serviteurs. Effectivement, je pense que cette nouvelle religion parasite le corps de l’Eglise. Mais un parasite ne fait pas une Eglise. Je pense que c’est quand même le premier problème, si vous voulez, de vos différents raisonnements qui se cache derrière votre éloquence.

Le second me semble encore plus simple : vous nous dites, on ne peut pas obéir à l’attitude de Jean-Paul II et par conséquent il n’est pas pape. Vous voulez dire par là que toute autorité doit être obéie dans la mesure où elle est l’autorité. Et vous mettez de côté ce thème tout à fait classique de la théologie morale qui est le devoir de désobéissance. Les circonstances sont telles d’ailleurs que ce devoir de désobéissance a une actualité tout à fait concrète. Je me garderai bien quant à moi de l’oublier. Et je crois que la tradition n’existerait tout simplement pas si ce devoir de désobéissance n’avait pas été pris en compte par ses pères fondateurs en quelque sorte, si vous voulez.

Donc je pense qu’effectivement il faudrait réfléchir sur les conditions dans lesquelles on a le devoir d’obéir et dans lesquelles on a le devoir de désobéir. Et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain en disant : à partir du moment où on a le devoir de désobéir, ce n’est plus l’autorité. Parce que lorsqu’on dit, « ce n’est plus l’autorité », eh bien on fait disparaître tout le corps social, et tout le corps social surnaturel en l’occurrence, auquel on appartient. Et à partir d’une thèse sédévacantiste on aboutit à une réalité ecclesiovacantiste. En mettant en cause l’autorité, au lieu simplement de réfléchir sur le devoir de désobéissance, on se met hors d’état de produire aucun pape et on crée le vide. Car la question n’est pas tant de savoir si le pape est pape ou pas, la question est de savoir s’il est licite, en tant que catholique, de dire qu’il n’y a plus de pape et de prendre son parti de ce fait : il n’y a plus de pape, nous n’avons plus les moyens d’en faire un autre de manière incontestable, c’est tout le problème de ce que vous appelez, je crois, dans votre jargon les thèses conclavistes. Comment faire pour remplacer finalement cette église d’imposteurs qui, par génération spontanée, a pris la place de l’Eglise réelle et que vous dénoncez, sinon en organisant un conclave ? [Incident de séance]

J’en viens donc, si vous voulez, à ce qui nous réunit véritablement. Non pas cette thèse controuvée et basée sur des raisonnements simplistes. Mais un vrai problème que vous avez fort bien décrit et je vous en remercie, et avec quelle éloquence encore une fois, et qui est le problème de l’autorité dans l’Eglise. Je pense qu’effectivement trop longtemps les traditionalistes se sont voilés la face vis-à-vis de l’autorité et ils ont donné l’impression d’agir comme des enfants désobéissants à qui, lorsqu’on faisait un reproche, on avait l’impression qu’on les prenait en faute. Eh bien je crois au contraire que le devoir de désobéissance est tout à fait moral et que lorsqu’il y a devoir de désobéir et qu’on obéit, on, commet une faute morale. Par conséquent, la faute morale n’est pas dans la désobéissance matérielle mais au contraire dans le suivisme, dans la frilosité, dans la lâcheté qui fait obéir. Il faut donc poser cette question de l’autorité et je crois que là-dessus nous sommes absolument d’accord et qu’il est inutile de revenir sur tous les faits que vous avez énoncés et qui effectivement demandent une solution. Quelle peut être la solution ? Vous nous dites : « C’est le bon sens ». Alors le bon sens repose déjà sur deux raisonnements simplistes que je vous rappelle : le premier la génération spontanée d’une Eglise et le deuxième l’oubli du devoir de désobéissance. Mais le bon sens en fait n’est pas le bon sens. Il s’agit d’une thèse théologique qui a été soutenue par toutes sortes de théologiens émérites et il faut pour en juger se rendre dans l’histoire de la théologie et interroger ces théologiens et voir effectivement dans quelle mesure papa haereticus est papa depositus, dans quelle mesure un pape hérétique est un pape déposé, se poser le problème.

Sur ce point, j’aurai une analyse qui est inspirée par Cajetan. D’abord, parce que je le connais bien. Et ensuite parce que je crois que c’est vraiment l’un des seuls théologiens qui ait une ecclésiologie fondée sur des principes. Et qui ne se soit pas contenté ni du droit canonique, ni de la théologie morale, ni de la théologie positive mais qui ait vraiment essayé d’aller aux principes. Et je me rends immédiatement dans L’Apologie de Cajetan qui propose de considérer que l’Eglise est tout entière fondée sur le droit divin du pape. Le droit divin, nous Français, cela ne nous dit pas grand-chose, sinon peut-être nous rappeler une idéologie monarchique qui en valait bien une autre, je suis bien d’accord avec vous, qui était certainement extrêmement respectable mais qui restait une idéologie. Car formellement on ne peut pas dire que Louis XIV ait été un souverain de droit divin. Il était comme tout souverain politique un souverain soumis au consensus implicite de la multitude. Ce que l’on voulait dire par l’idée de droit divin du roi, c’est que ce consensus de la multitude reposait en France sur la foi catholique, ça c’est vrai ! Mais dès que ce consensus reposant sur la foi catholique a disparu, eh bien, il n’a plus été question de droit divin et il n’a plus été question très rapidement ensuite de monarchie.

Alors j’essaye de vous expliquer ce qu’est le droit divin pour Cajetan. Le droit divin, c’est un droit qui relève uniquement de Dieu et qui, par conséquent, ne peut pas être fonction des circonstances, de l’attitude du souverain ou des gestes qu’il aura posés ou qu’il n’aura pas posés. Au fond, qu’est-ce qui fait un pape ? C’est son oui au Christ. Le pape dit oui au Christ. Il est celui qui a dit oui et aucun homme ne peut remettre en cause ce droit. Je pourrai vous citer Cajetan dans le texte : « Il est clair que la communauté de l’Eglise considère selon sa nature propre qu’elle n’est pas d’une telle nature qu’il lui revienne de pourvoir par elle-même à un prince et qu’il ne lui revient pas par sa nature de punir, de déposer ou autres choses semblables son prince. » J’ai traduit littéralement mais c’est la forme de Cajetan. Donc le pape ne peut pas être déposé mais, dit Cajetan, il y a des fois où il doit l’être. Papa non depositus sed deponendus est. Car Cajetan n’est pas du tout de ceux qui pensent que le pape ne peut jamais se tromper. Autrement dit il n’est pas tellement de votre chapelle, c’est vrai.

Pour Cajetan qui vit très proche des papes et de papes qui ne sont pas très reluisants, Alexandre VI, Jules II, Léon X dont la grande idée était l’œcuménisme humaniste avec Erasme, donc tous ces papes que Cajetan voit à l’œuvre, qu’il juge, il ne leur accorde pas un placet a priori. Et il sait bien qu’un pape peut être un mauvais pape et un tyran et d’autant plus de tyran qu’il a plus de pouvoir note-t-il. Mais au moins se pose-t-il le problème. Et, dit-il, dans certains cas, s’il y a vraiment évidence du bien à faire pour toute l’Eglise un concile pourrait être réuni qui, après plusieurs monitions, prononcerait, si c’est évident, si c’est clair, si c’est pour le bien, la déposition du pape. Autrement dit il y a une toute petite exception à la règle mais la règle s’exerce et, devant un mauvais pape, dit Cajetan, le seul remède proportionné est la prière. Proportionné parce que ce remède s’adresse à Dieu immédiatement qui est l’auteur substantiel du droit du pape et l’auteur substantiel de l’Eglise qui procède de la plénitude de pouvoir du pape, eh bien c’est Dieu que l’on prie.

Maintenant, vous me direz, il y a d’autres théologiens et là j’en veux beaucoup à Xavier Arnaldo Da Silvera dans son livre La nouvelle messe. Qu’en penser ? qui a commis des raccourcis tout à fait trompeurs sur la pensée de différents théologiens. J’en prends deux : Bellarmin, nous dit Xavier Arnaldo Da Silvera, est adepte de la thèse du papa depositus hereticus. Donc il faut déposer un hérétique. Seulement Bellarmin, lu entièrement, ajoute que de toute façon il est impossible qu’un pape soit hérétique. Autrement dit il refuse la possibilité même de l’hérésie du pape. Par conséquent, qu’il doive être déposé ou qu’il ne doive pas l’être, n’a finalement aucune importance. Bellarmin est dans une hypothèse d’école qu’il ne voit pas comme réalisée.

Autre exemple d’erreur de Da Silvera, c’est Bouix. Bouix qui nous dit, que même si un pape était hérétique, Bouix lu dans le texte que je suis allé lire, ce serait un plus grand mal de le déposer ce serait un plus grand mal de le déposer, étant donné le désordre qui s’ensuivrait. Bouix a une vision extrêmement romaine, politique, concrète du problème du pape hérétique.

Je termine donc en vous disant que la thèse selon laquelle un pape hérétique doit être déposé est une thèse théologique abandonnée depuis le XVIe siècle et qu’il ne faudrait pas l’adopter aujourd’hui comme la règle de notre action, d’autant plus que cette thèse sédévacantiste est en réalité une thèse qui produit l’ecclesiovacantisme, c’est-à-dire la disparition de l’Eglise car lorsqu’on a fait disparaître la plénitude de pouvoir venue du Christ, c’est-à-dire la source l’on fait aussi disparaître bien entendu le fleuve qui tout naturellement devait suivre.

Il faut donc attendre et prier en sachant que l’obéissance n’est pas due aux ordres ineptes et que l’obéissance n’est pas due aux ordres hérétiques. [Applaudissements].

Maxence H. : Merci, Monsieur l’abbé, pour cet exposé très théologique. Alors, peut-être avant de repasser la parole à Petrus pour qu’il nous donne ses réactions face à cet exposé, moi qui ne suis qu’un fidèle de base, il y a un point sur lequel j’aimerais vous entendre l’un et l’autre et qui me paraît à la base sous-jacente de votre raisonnement. On parle de pape qu’il faudrait déposer, de pape hérétique, est-ce que vous êtes d’accord l’un et l’autre sur le fait qu’il y ait un hérésie formelle dans Vatican II ?

Petrus : Si je puis me permettre, si je pouvais avoir quelques minutes pour répondre à l’exposé de l’abbé de Tanoüarn. Ne vous inquiétez pas, je répondrai à votre question. Je ne fuis aucune question.

Maxence H. : Il faudra y répondre !

Petrus : Je prends point par point rapidement. Bon d’abord la question du simplisme. Je prends acte de ce reproche. Mais le problème, c’est que souvent j’entends dire tout et son contraire. Les sédévacantistes, on leur dit, c’est trop simple, votre affaire, il est pape, il n’est pas pape, c’est plus compliqué que ça. Il faut être d’un niveau intellectuel et mental d’une faiblesse inouïe pour épouser de telles positions. Mais dès qu’on entre dans le détail des explications, on nous dit : non, mais ça, vous comprenez, ça, c’est pour des théologiens. Le fidèle de base, il ne peut pas comprendre tout cela. Donc je dois dire qu’il y a là une contradiction qui n’implique pas toujours forcément la bonne foi. Je ne dis pas que c’est votre cas [Rires].

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Nous, on a invité les fidèles de base qui sont venus en masse.

Petrus : Oui et c’est très bien. Donc c’était le premier point. Alors la question de la génération spontanée, non ! Il est certain qu’à Vatican II vous aviez une hiérarchie qui était catholique, du moins extérieurement. Il est évident qu’ayant signé puis appliqué un concile, en fait un conciliabule, -car il avait toutes les apparences d’un concile œcuménique mais comme Paul VI n’était pas pape c’était donc un conciliabule contenant des erreurs et des hérésies -, ces hiérarques qui étaient catholiques ont apostasié. Ils ont défailli publiquement de la foi catholique. Mais je rappelle que le canon 188-4 du code de 1917, pas le faux code de Wojtyla, dit bien que « si un clerc défaillit publiquement de la foi catholique, tous ses offices deviennent vacants par le fait même et sans aucune déclaration officielle ». Alors je reconnais que Cajetan considère effectivement qu’il faut une déclaration officielle d’un concile pour déposer un pape mais ce n’est là qu’une opinion, d’ailleurs minoritaire. Vous avez parlé de Bellarmin, ce que pour ma part j’en retiens c’est qu’il dit qu’un hérétique n’étant pas membre de l’Eglise, il ne peut a fortiori en être la Tête et que…

Abbé Guillaume de Tanoüarn : …Vous avez lu Bellarmin ?

Petrus : Partiellement. Je suis loin d’avoir tout lu. Je suis encore dans le printemps de l’âge !

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui mais lisez-le complètement car Bellarmin est un jésuite et pour un jésuite un pape ne peut pas être hérétique. Donc il ne pourrait même pas être amené théoriquement à votre position [Second incident de séance].

Petrus : Il y a des gens beaucoup plus qualifiés que moi qui vous répondront tout à l’heure sur Bellarmin car j’avoue que je ne l’ai pas lu en totalité. Je ne veux donc pas entrer dans cette controverse.
En revanche, je voudrais vous répondre quand vous dites que le sédévacantisme met l’Eglise dans une situation inextricable. Mais la vraie question n’est pas là. Le vrai drame, c’est avoir des antipapes, vous, vous dites des papes, qui enseignent une doctrine hétérodoxe voire hérétique, qui posent des actes publics absolument abominables, des actes qui conduisent des millions d’âmes en enfer. Elle est là, la tragédie ! Car ce qu’il faut bien voir, c’est que l’Eglise est un organisme surnaturel et ce que l’on voit chaque jour depuis quatre décennies, depuis la mort de Pie XII, depuis Vatican II, c’est un désastre total. Et un désastre, non seulement relativement à la perte de la foi catholique, à l’effondrement des vocations religieuses et sacerdotales mais un désastre qui s’étend également à l’ensemble de la société. Car des gens plus âgés que moi me faisaient remarquer, et sans forcément qu’ils fussent croyants, que c’est depuis 1960 que les vannes sont ouvertes et ce tout simplement à mon sens parce que l’on n’a plus de pape. Ce sont Mgr Gaume et Mgr de Ségur qui expliquent bien que le pouvoir des clés, le pape, c’est ce qui permet de tenir debout non seulement bien sûr l’Eglise catholique mais même d’une certaine manière ce qui permet que même des non-catholiques ou des non-pratiquants ne se comportent au fond pas trop mal. J’observe que c’est depuis 1960 que l’on a eu toutes les lois absolument abominables sur l’avortement, la contraception, le déluge de la drogue, de la pornographie et d’une société qui va véritablement à sa ruine. Je constate que toutes les lois de destruction de la famille, de destruction de la société sont postérieures ou concomitantes à Vatican II et aux années subséquentes. Ce qui est fort troublant.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : On ne peut pas dire que post hoc et ergo propter hoc. C’est quand même là un paralogisme très connu.

Petrus : Ce que je voudrais dire relativement au problème de désobéissance, c’est que Vatican I enseigne infailliblement dans Pastor aeternus que « la religion catholique a toujours été gardée sans tache auprès du Siège apostolique, la doctrine catholique toujours professée dans sa sainteté », que « les saints docteurs orthodoxes savaient parfaitement que ce Siège de Pierre demeurerait pur de toute erreur ». Ce qui rend définitivement caduques, fausses et obsolètes toutes les positions gallicanes et jansénistes qui disent que des papes ont erré dans la foi, que des papes se sont trompés. Vatican I met un point final à toutes ces théories et c’est un concile oecuménique et dogmatique qui s’impose à tous les catholiques. C’est clair et cela répond à la question de la désobéissance au pape. Bien sûr, que le pape soit infaillible, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas commettre de péchés personnels, cela ne veut pas dire qu’il ne puisse pas se damner, cela ne veut pas dire que dans sa vie privée il ne puisse pas commettre d’erreurs. Que l’on ne nous fasse pas dire ce que l’on ne dit pas. L’infaillibilité n’est pas l’impeccabilité mais il est évident que lorsque le pape enseigne pour l’Eglise, il enseigne une doctrine qui est forcément orthodoxe. Vatican I est très clair sur cette question.
Maintenant on peut discuter, et c’est une discussion de théologiens passionnante, sur la question du pape hérétique. Faut-il le déposer ? Est-il déposé par le fait même de l’hérésie ? De toute façon, en principe, personne n’a le pouvoir de déposer un pape. On ne peut que constater le fait qu’il est déposé, qu’il a perdu sa charge ou mieux qu’il ne l’a jamais eue puisqu’il n’y a personne dans l’Eglise, pas même un concile général, qui est au-dessus du pape, le conciliarisme ayant été condamné. La seule solution, c’est de constater que le siège est vacant. On constate le fait. C’est un procédé thomiste. Il faut partir du réel, il faut partir des faits. Est-ce que cette église qui est une contre-Eglise enseigne la vérité, la doctrine catholique ? Est-ce qu’elle dispense des sacrements catholiques ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Si je puis me permettre, vous constatez ce qui est à prouver. C’est justement ce qui ne marche pas dans votre raisonnement.

Petrus : Qu’est-ce qui est à prouver ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : De la même manière que tout à l’heure vous nous disiez post hoc égale propter hoc, la drogue, la pornographie, le concile sont contemporains, donc c’est le concile qui a fait tout cela…

Petrus : Je dirais qu’il s’agit là d’un argument relativement secondaire…

Abbé Guillaume de Tanoüarn : … rhétorique, rhétorique. On peut dire : rhétorique ?

Petrus : Non, je ne dirais pas rhétorique car il est quand même assez frappant que c’est depuis les années soixante que l’on constate une destruction de l’ensemble de la société, l’immigration massive, la drogue, la prolifération des sectes et des mages, les suicides en masse, les dépressions. Tous les chiffres concordent. J’ai interviewé des démographes, des spécialistes. C’est dans toute l’Europe et dans toute l’Occident depuis les années soixante. C’est peut-être un point de détail de l’histoire mais disons qu’il a quand même son importance !

Revenons à l’essentiel : concernant le devoir de désobéissance, le problème, c’est qu’en matière de foi, de mœurs, de discipline et de gouvernement, ce n’est pas possible pour le pape. Puisqu’il faut lui obéir. Il y a un devoir de vraie subordination hiérarchique, de vraie obéissance. Encore une fois le pape n’est pas René Coty dans l’Eglise. Il est la source de toute juridiction, le principe d’unité des catholiques et la Tête visible de l’Eglise. Donc ce n’est quand même pas rien. Et Notre-Seigneur a promis à Pierre l’assistance du Saint-Esprit. Il a dit à Pierre : « J’ai prié pour que ta foi ne défaille pas. » Or, les prières du Christ sont évidemment forcément exaucées. Et c’est la raison pour laquelle, lors des discussions au moment de Vatican I, l’on considérait qu’on pouvait envisager dans l’abstraction la possibilité d’un pape hérétique mais l’on pensait que très probablement ce ne serait pas possible dans les faits, que le Bon Dieu ne le permettrait pas.

Et il est vrai que ce que nous vivons depuis quarante ans, je le confesse volontiers, est absolument inouï. Mais le problème, c’est que très souvent, je crois que c’est la peur des conséquences, conséquences qui sont terribles, qui sont effroyables, qui empêche les gens de poser le bon diagnostic. Comme si un médecin pouvait soigner une maladie sans poser le bon diagnostic. Comme cela fait peur de se dire que Paul VI et Jean-Paul II ne sont pas papes, que le siège de Pierre est vacant, alors on…

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Mais j’ai quand même essayé tout à l’heure de vous montrer que le diagnostic était imposable. Il n’est pas posable.

Petrus : C’est vous qui dites qu’il est imposable !

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, mais j’ai essayé de vous le prouver. Je vous ai parlé du droit divin du pape. Ce sont des choses qui méritent considération et je m’aperçois que vous n’y répondez pas du tout. Par ailleurs, je me permets de faire encore intervenir Cajetan dans ce débat. Cajetan distingue bien deux choses : il distingue la foi de Pierre et donc Pierre comme personne qualifiée qui effectivement fonde l’Eglise. C’est la foi de Pierre qui fonde l’Eglise. C’est tout à fait vrai ; vous avez raison. Mais Cajetan ajoute : lorsque le Christ donne à Pierre les clés, « tibi dabo claves caeli caelorum » : je te donnerai les clés du Royaume des cieux, là le Christ s’adresse à Pierre en tant que nuda persona, comme dit Cajetan, excusez ce jargon scolastique, en tant que personne nue quelle qu’elle soit, personne pouvant errer, personne qui comme vous, comme moi, sont susceptibles d’erreurs. Et les clés ont été données à une personne nue. Donc autant le soutien de l’Eglise a été confié à la foi de Pierre « tu fonderas mon Eglise, tu es cette Pierre parce que tu as reconnu ma divinité », c’est tout à fait juste, autant les clés du royaume ont été données inconditionnellement. Cela, c’est le mystère de la Providence et je crois qu’il faut d’abord bien lire les quelques passages de l’Evangile qui nous renseignent sur l’origine du pouvoir de Pierre, les lire vraiment à la lettre et d’autre part adorer la Providence de Dieu et ne pas se précipiter tel Gribouille pour prendre des décisions qui rendent la situation encore pire qu’elle n’est. Car vous parlez de subversion de l’Eglise et vous avez tout à fait raison, cette nouvelle religion conciliaire subvertit l’Eglise, je le dis ici et je le dirai, je crois, jusqu’à mon dernier souffle, mais je crois aussi que la position sédévacantiste, en tant qu’elle conduit à un ecclesiovacantisme, est éminemment subversive. Car au fond il n’y a plus de combat possible, hormis le combat pour avoir raison et ce n’est pas un combat finalement très reluisant que ce combat-là.

Petrus : Un mot sur l’ecclesiovacantisme. Mais d’abord, j’ai l’impression que vos distinctions sur Pierre, la foi de Pierre, le pape…

Abbé Guillaume de Tanoüarn : …ce ne sont pas les miennes.

Petrus : Non, mais enfin que vous reprenez, que vous faites vôtre, cela me fait penser aux distinctions jansénistes entre le sedes et le sedens. Il fallait obéir au sedes mais pas au sedens. Je trouve que l’argumentation est assez voisine.

Sur l’ecclesiovacantisme, il est certain qu’il y a une défaillance publique de la foi dans la quasi-totalité de la hiérarchie anciennement catholique. Mais pas dans la totalité puisqu’il est fort possible qu’il y ait des évêques de Pie XII, peu nombreux il est vrai, très âgés j’en conviens, qui n’adhèrent pas du tout à Vatican II et à la nouvelle église. Il n’est pas à exclure non plus que dans l’Eglise catholique chinoise clandestine, ou à l’Est en Ukraine ou ailleurs il puisse y avoir des évêques qui aient conservé la foi catholique.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Votre thèse est bien, là vous la dites implicitement, votre thèse est bien est la destruction de l’Eglise qui, moi personnellement, ne pourra jamais être la mienne. Je ne supporterai pas qu’on dise que l’Eglise…

Petrus : La question n’est pas de supporter ou de ne pas supporter. La question est de savoir si c’est vrai ou faux.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Je ne vois pas pourquoi vous empêchez un évêque sacré aujourd’hui d’avoir la foi catholique et d’être un combattant de la foi.

Petrus : Encore faut-il que les nouveaux sacres épiscopaux soient valides, ce qui est encore un autre problème.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Je ne vois pas pourquoi vous considérez comme un acquis définitif l’hérésie des papes qui est une question dont on doit débattre, je vous le rappelle, et qui est en souffrance pour l’instant, dans tous les sens du terme, alors que nous avons un nouveau pape et que nous pouvons peut-être nous poser à nouveaux frais la question de son orthodoxie ou de son hétérodoxie. Je suis toujours très frappé du fait que finalement les sédévacantistes dans leur côté sombre – car il y a aussi des aspects lumineux : la lucidité et le fait de poser la question de l’autorité qui est la seule et vraie question – prennent une fois pour toutes leur parti d’une sorte de destruction de l’Eglise et on va chercher des évêques dans l’Eglise patriotique chinoise, ce qui est quand même fort de café.

Petrus : je n’ai pas parlé de l’Eglise patriotique chinoise, j’ai parlé de l’Eglise clandestine. Mais ce n’est qu’une hypothèse.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : L’Eglise clandestine, elle est soumise à Rome, vous savez, c’est pas forcément…

Petrus : … Je dis : c’est possible. Je n’en sais rien du tout. Mais quoi qu’il en soit, la visibilité de l’Eglise, elle repose sur ses notes. La visibilité de l’Eglise, ce n’est pas de voir Jean-Paul II à la télévision. C’est plus compliqué que cela. La visibilité de l’Eglise, ce n’est pas le visibilisme. Où était la visibilité de l’Eglise le jour de la Pentecôte ? C’étaient les douze Apôtres au Cénacle. A l’heure actuelle la question de la visibilité de l’Eglise pose un problème et d’ailleurs l’on peut essayer d’y répondre de plusieurs façons. La thèse de Cassiciacum y répond d’une manière, les sédévacantistes complets dont je suis d’une autre. C’est assez normal. Nous sommes tous d’accord pour dire que nous n’avons plus affaire à une véritable autorité, que les pontifes conciliaires ne peuvent être les vicaires du Christ. Nous sommes des orphelins qui n’avons plus de père et donc on essaye de cerner au mieux la situation et de survivre dans les moins mauvaises conditions. Car il y a une forme de sauve-qui-peut général. Alors, je sais bien, on me dit, vous me dites : « c’est une situation désespérée ». Ce qui n’est pas vrai car l’espérance, il ne faut pas oublier qu’elle vise le Ciel, que c’est une vertu surnaturelle.

Et puis, de toute façon, moi je ne suis pas Carrefour. « Avec Carrefour, je positive » [Rires]. D’ailleurs, c’est surtout l’ancien PDG de Carrefour, Daniel Bernard, qui peut positiver avec 38 millions d’euros d’indemnités. Avec cette somme qu’est-ce qu’on pourrait faire comme centres de chapelles non una cum pour concurrencer la Fraternité et casser son monopole sacramentel ! [Rires]

Trêve de plaisanterie. Mais, que voulez-vous, moi, je ne suis pas là pour positiver. Comme disait Bernanos, « l’optimisme, c’est l’espérance des imbéciles ». Or, je constate que bien souvent on s’excite pour des fariboles. Là par exemple je vois que depuis l’élection de Benoît XVI, parmi les « tradis » autour de moi on s’enthousiasme, on s’excite, je leurs dis : « Attention, vous allez vous péter une veine ! » C’est vrai, quoi, l’excitation, c’est comme les moules pas fraîches, quand on en abuse, ça fait mal au ventre ! [Rires]

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Ne vous excitez pas ! [Rires]

Petrus : Revenons-en à des choses claires car l’on peut se perdre dans des conversations théologiques du plus grand intérêt, j’en conviens, mais il me semble qu’il faut toujours en revenir aux faits, au réel. Or, je répète et Mgr Lefebvre posait bien la question : on n’a jamais vu dans l’histoire de l’Eglise un pape qui fasse Assise, qui baise le Coran, qui reçoive sur le front le signe de Shiva, qui accueille triomphalement le B’nai B’rith au Vatican en parlant de « rencontre entre frères », qui cède à tous les ennemis de l’Eglise. D’ailleurs, tous les ennemis de l’Eglise étaient là le jour de son enterrement, ce qui est assez révélateur. Donc c’est une réalité aisément constatable tous les jours. Or, c’est le fait de dire : on ne peut pas trancher, comme vous le dites, ainsi que beaucoup d’autres, j’en conviens, qui…

Abbé Guillaume de Tanoüarn : … Moi je ne dis pas qu’on ne peut pas trancher.

Petrus : Vous dites, si on tranche, cela met l’Eglise dans une situation inextricable. On ne peut pas vraiment savoir s’il est pape ou pas.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Ah non, non non, je n’ai pas dit ça !

Petrus : Ah non, eh bien alors c’est encore pire !

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Je dis qu’il est pape de droit divin et que ce ne sont pas de petits hommes comme vous et moi qui pourront jamais prétendre le contraire.

Petrus : Oui, ça, je connais l’argument de l’humilité. On me l’a souvent fait.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Non, non, ce n’est pas de l’humilité. C’est du droit.

Petrus : Le problème, c’est que Vatican I dit que les pouvoirs très importants du pape ne lui ont pas été promis pour fonder une nouvelle doctrine, une nouvelle religion mais pour garder fidèlement le dépôt de la foi. C’est saint Paul qui dit dans sa seconde Epître à Timothée qu’« un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la sainte doctrine » (IV,3) et à Galates : « Si jamais quelqu’un , fût-ce nous-même, fût-ce un ange venu du ciel vous prêchait un évangile autre que celui que nous avons prêché, qu’il soit anathème » (I,8). Or, vous avez très bien montré dans votre livre Vatican II et l’Evangile que l’on avait affaire avec Vatican II à une nouvelle religion, et je vous rejoins sur ce point.

Maxence H. : Est-ce que l’on a un consensus, là, pour dire que c’est une nouvelle religion et qu’elle est hérétique.

Petrus : D’abord, vous parlez de consensus mais sachez que je ne suis pas tradi-œcuménique. Je suis à la rigueur sédévaco-œcuménique mais pas tradi-œcuménique.

Maxence H. : Je pose une question. Vous dites : tout cela est évident. Il baise le Coran, il reçoit le signe de Shiva. Ce sont des faits mais est-ce que c’est une hérésie ?

Petrus : C’est pire. C’est même de l’apostasie.

Maxence H. : Non, mais il y a peut-être des catholiques conciliaires dans cette salle.

Petrus : Eh bien tant mieux. Je les salue.

Maxence H. : Et pour eux je ne crois pas que ce soit une hérésie de baiser le Coran. C’est très très mal mais est-ce que c’est une hérésie ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Pour moi non plus, ce n’est pas une hérésie. Je voudrais qu’on en vienne enfin à la question que vous avez posée à l’issue de notre débat. Je crois qu’elle est effectivement très importante : y a-t-il une hérésie formelle des papes conciliaires de Jean XXIII à Jean-Paul II ? Eh bien, je crois que pour qu’il y ait une hérésie il faut une erreur en matière de foi, premier point ; il faut qu’il y ait une pertinacité sentenciellement constatée, second point ; et là le deuxième point, vous aurez du mal à l’obtenir et troisièmement il faut une désertion de la foi en la révélation chrétienne. Bon. Le troisième point est difficile à établir car il relève vraiment du sujet. Lorsque Savonarole disait d’Alexandre VI : « De toute façon, cette homme-là ne croit ni en Dieu ni en diable », c’est un jugement qu’il posait sur Alexandre VI qui n’est pas absolument sans fondement, nous parlons du pape Borgia, mais qui est néanmoins difficilement vérifiable. Donc ce troisième point est peut-être à mettre de côté. Mais la pertinacité sentenciellement constatée que demande Cajetan dans sa thèse du papa deponendus, on ne l’a pas. Qu’il faille travailler éventuellement à l’avoir avec les bons moyens, je pense que c’est effectivement ce qu’il faut faire. Non pas faire appel au bon sens mais faire appel à l’étude et au travail. Il faut beaucoup travailler.

Je crois donc pour résumer quant à moi ma propre position sur ce point que nous avons constaté un certain nombre de déviances plus ou moins graves de l’église conciliaire dans sa hiérarchie jusqu’en sa tête. Nous avons constaté ensuite que ces déviances pouvaient en quelque sorte faire système et j’ai proposé dans mon livre Vatican II et l’Evangile un décryptage de ce système que j’ai appelé une nouvelle religion, la religion humaniste. Si vous voulez, c’est le vieux rêve de toute façon qui a été même celui de Joseph de Maistre à un moment d’ailleurs, c’est une sorte de christianisme universel à la sauce humaniste que l’on nous ressert. Cette nouvelle religion, bien entendu nous luttons contre. Est-ce que pour autant le pape est formellement hérétique au sens précis que les théologiens entendent lorsqu’ils parlent d’hérésie dans ces trois conditions que je vous ai posées, personnellement, très résolument, je réponds non pour Paul VI et Jean-Paul II. Car l’une des trois conditions n’est pas réalisée en tous cas. Et pour Benoît XVI, je me demande pourquoi les sédévacantistes ne font pas un effort d’inventaire et de lecture car enfin ce Benoît XVI est tout de même intéressant. Dans Les Principes de la théologie catholique, il dit que, pour que Vatican II porte un jour des fruits s’il doit un jour en porter, il faut un inventaire du bon grain et de l’ivraie. C’est quand même pas mal un pape qui nous dit que il y a dans Vatican II un bon grain et de l’ivraie. Je crois encore une fois qu’on aurait tort de jeter le bébé avec l’eau du vin et qu’il faut essayer d’avancer, autant que nous le pouvons, pour la gloire, pour le rayonnement de la sainte Eglise romaine qui n’a pas donné naissance par je ne sais quelle génération spontanée à une nouvelle Eglise.

Maxence H. : On peut demander à Petrus de réagir sur ces questions d’hérésie.

Petrus : Je crois que la question centrale, il en est d’autres, c’est quand même la question de la liberté religieuse. Or, c’est le père Congar lui-même, créé cardinal par Jean-Paul II, qui disait : « on ne peut nier qu’un tel texte (la déclaration Dignitatis humane personae) ne disent matériellement autre chose que le Syllabus (de Pie IX) et même à pu près le contraire des propositions 15, 77, 79 de ce document ». Or, dans Dignitatis humanae, il est bien dit que la liberté religieuse a son fondement dans la Révélation, ce qui est absolument contraire à l’enseignement de l’Eglise catholique et cela pose un problème considérable parce que Vatican II est considéré comme un concile œcuménique. Alors on peut considérer que c’est soit du magistère extraordinaire, soit du magistère ordinaire universel, tout le monde n’est pas d’accord là-dessus mais que ce soit l’un ou l’autre les deux sont infaillibles. Paul VI a parlé lui-même de magistère suprême ordinaire. Et si l’on considère que Paul VI est pape, un concile œcuménique promulgué par le pape est forcément infaillible. Il ne peut enseigner ni l’erreur ni l’hérésie. Or, dire que la liberté religieuse est fondée dans la Révélation, ce qui est évidemment un mensonge absolu, est contradictoire avec ce que l’Eglise catholique a enseigné pendant près de vingt siècles, et singulièrement dans Quanta cura et dans le Syllabus. Donc voilà déjà une hérésie manifeste, l’hérésie de la liberté religieuse, pour ne parler que de Dignitatis humanae. Car il faudrait parler également du substitit in dans Lumen Gentium et de toute une série d’autres documents.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Le subsistit in a été repris par le cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans un texte qui s’appelle Dominus Iesus et qui a fait beaucoup parler de lui. Et il y a tout de même là un exemple extraordinaire de relecture du concile qui ferait sans doute réfléchir un instituteur parce que lorsque le concile dit : « L’Eglise de Dieu subsiste dans l’Eglise catholique », eh bien le cardinal Ratzinger, avec toute son autorité de préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi nous dit : cela veut dire : l’Eglise de Dieu est par excellence l’Eglise catholique. Je crois que n’importe quel instituteur lui dira que ce n’est pas cela. Mais que fait le cardinal Ratzinger ici ? une relecture au forceps de Vatican II en essayant d’en droitiser le sens. Il faut reconnaître cet effort en torturant la lettre.

Sur la question de la liberté religieuse, je vais peut-être dire des choses qui vont faire sauter au plafond une partie de l’assistance, mais c’est bien car il y a de l’ambiance. Je crois qu’il ne faut pas confondre la liberté religieuse et la liberté de conscience et je crois qu’on les confond trop facilement. Autant la liberté de conscience est un délit au sens où Grégoire XVI a raison de dire que si on met la liberté avant la vérité, il n’y a aucun christianisme possible et donc il y a une subversion à la base du christianisme qui est l’origine de cette nouvelle religion dont j’ai parlé dans mon livre et dont nous parlons en ce moment, autant la question de la liberté religieuse, c’est une stratégie politique suicidaire, et je dis bien suicidaire, mais ce n’est pas forcément un problème qui relève immédiatement de la foi chrétienne. Ce problème relève de la foi chrétienne médiatement en tant qu’il met en œuvre la liberté de conscience.

Petrus : Le problème, c’est que la liberté religieuse telle qu’elle a été enseignée à Vatican II, elle amène à Assise, au baiser du Coran, au signe de Shiva. L’interprète authentique et autorisé de Vatican II, ce sont les pontifes conciliaires qui se sont succédé.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, mais il ne faut pas confondre liberté de conscience et liberté religieuse. Et il faut savoir que sur le point de la liberté de conscience, il y a aussi dans les discours de Benoît XVI des avancées significatives.

Petrus : Ce que vous appelez des avancées, c’est le propre du moderniste qui est capable de dire tout et son contraire. Comme le disait saint Pie X dans Pascendi vous lisez une page vous croyez lire un catholique, vous tournez la page c’est un rationaliste. Et vous savez très bien que dans un système révolutionnaire vous avez toujours une aile gauche et une aile droite, aussi mauvaises l’une que l’autre. Après la Convention, il y eut le Directoire. C’est aussi mauvais l’un que l’autre. Bon, eh bien, vous avez effectivement un certain nombre de pontifes conciliaires qui alternent des positions apparemment conservatrices et des positions tout à fait modernistes.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Voyez, c’est là que c’est quand même utile de dire que l’Eglise est de droit divin et pas de droit humain et de ne pas la comparer avec le Directoire par exemple qui était quand même le règne des pourris parmi les pourris dans l’histoire de France.

Petrus : C’est le cas de l’église conciliaire ! Il me semble que la comparaison est pertinente.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Non. Je crois qu’il ne faut quand même pas exagérer. Les muscadins et les merveilleux, ce n’est quand même pas tout à fait ça !

Petrus : Mais la destruction de la foi catholique, la destruction des Etats chrétiens, elle est directement impliquée par la liberté religieuse puisque c’est Paul VI qui a exigé de l’Espagne de Franco en 1967 qu’elle renonçât à sa Constitution catholique. Idem pour la Colombie en 1973 et pour l’Italie en 1984 sous Jean-Paul II. Donc on a systématiquement détruit les Etats chrétiens, les écoles chrétiennes. Quand on va dans une école dite catholique, il n’y a aucune différence avec l’école publique, sinon l’hypocrisie en plus. Les syndicats et partis chrétiens ont eux aussi été tous détruits. C’est donc toute la destruction de la catholicité qui a été opérée.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Moi, j’avoue que les partis chrétiens, cela ne m’inspire pas beaucoup.

Petrus : Non, moi non plus, mais ils ont existé dans l’histoire.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : surtout quand ces partis sont démocrates.

Petrus : Oui, mais justement, Vatican II, c’est la démocratie en œuvre si j’ose dire.

Maxence H. : Il y a beaucoup de réactions dans la salle et c’est une très bonne chose. On va accueillir quelques questions. Je rappelle la règle du jeu : ce sont des questions aux orateurs qui répondront. Première question !

John Daly : Je me présente. Je suis Monsieur John Daly. Je suis Anglais. Je voudrais d’abord m’excuser d’avoir essayé de vous interrompre à un moment, Monsieur l’abbé, alors que ce n’était pas l’heure des questions. C’est parce que j’étais momentanément excédé par ce que je prends pour une erreur de fait là où vous parliez de Cajetan et de saint Robert Bellarmin. Et vous avez reproché à notre ami Petrus, il me semble, de façon assez hargneuse, de ne pas avoir lu intégralement le texte de saint Robert Bellarmin. Eh bien moi je l’ai lu, de nombreuses fois, je suis en train de réaliser la traduction intégrale en anglais de tout le texte de De Romano Pontifice de saint Robert Bellarmin et la dernière fois que j’ai lu son texte sur le pape hérétique, c’est il y a trois jours. Et je peux vous dire que saint Robert parle de cinq opinions concernant l’hypothèse du pape hérétique. Et la première opinion qu’il présente, c’est l’opinion selon laquelle le pape ne pourra jamais devenir hérétique, même en tant que particulier, en tant que personne privée. Qu’en dit saint Robert Bellarmin ? Il dit : cette opinion-ci est une opinion pieuse et probable mais qui n’est pas un dogme de notre foi. Et donc il est très intéressant de poursuivre et d’en parler. C’est pourquoi il continue de s’étendre sur plusieurs pages pour discuter de cela et pour présenter sa propre thèse qu’il présente sous forme d’une réfutation détaillée de Cajetan et qui est la thèse : papa hereticus à condition que les données soient manifestes, je vous l’accorde, ce n’est pas que je veux couper court à l’argument pour savoir si nous sommes devant un pape manifestement hérétique. Mais il dit qu’en ce cas il est depositus et pas deponendus. Il est déjà déposé pour cette simple raison qu’un hérétique, celui de qui il est clair que le magistère de l’Eglise catholique n’est pas sa règle de foi, il n’est plus membre de l’Eglise catholique pour la raison que vous avez eu tant raison de souligner car cela relève de l’Eglise elle-même, de la constitution de l’Eglise, de la loi divine. Dieu a fait une Eglise où il y a des conditions pour être membre. Il faut être baptisé, il faut professer la foi. Un hérétique est celui qui a abandonné la règle de la foi qui est le magistère de l’Eglise catholique. Cajetan est un grand théologien que j’admire beaucoup mais saint Robert Bellarmin est plus égal car lui est docteur de l’Eglise et il a été suivi dans son enseignement sur ce point par deux autres docteurs de l’Eglise, saint Alphonse de Liguori et saint François de Sales. Etant donné que la majorité des théologiens depuis ont suivi cette position, je pense que quand vous dites : « c’est un jésuite, de toute façon, pour lui c’est impossible qu’un pape soit hérétique », vous ne représentez pas correctement la pensée ni l’importance de la pensée de saint Robert Bellarmin qui a soulevé cette grande question pour nous : sommes-nous devant un pape hérétique ? Car pour lui ce n’était pas une chose pour laquelle on avait besoin d’une sentence ; c’était une chose qui par la constitution de l’Eglise arrivait : s’il n’est plus catholique, il n’est plus membre de l’Eglise. De plus forte raison, il n’est pas le chef de l’Eglise.
 
Et vous avez mentionné ici une question : y a-t-il un exemple concret d’une hérésie ? Et puis la question de la pertinacité qui est très bienvenue comme question pour le particulier mais qui n’est pas d’à-propos quand on parle des hérésies de l’église conciliaire. Parce que l’Eglise ne peut pas tomber en hérésie, même sans pertinacité parce que l’Eglise est infaillible dans ses doctrines, dans ses lois et dans sa liturgie. Et nous avons devant nous de nos jours un tas d’hérésies.
 
Mais pour parler de Jean-Paul II, en tant que particulier, vous avez dit : est-ce une hérésie de baiser le Coran ? Eh bien les théologiens disant que l’hérésie peut s’exprimer soit par des paroles, soit par des gestes, soit même en certains cas par des silences au cas où c’est une expression non équivoque du fait que l’on n’accepte plus le magistère de l’Eglise catholique comme règle de foi, je me permets de vous rappeler que saint Thomas d’Aquin donne un exemple concret pour dire que l’on peut s’éloigner de l’Eglise catholique, sortir de l’Eglise catholique par un acte et non pas seulement par des paroles. Saint Thomas donne un exemple : l’exemple d’aller vénérer le tombeau de Mahomet. Alors ma question, puisque je dois poser une question, est la suivante : quelle différence faites-vous donc entre le fait de vénérer le tombeau de Mahomet et le fait de baiser le Coran puisque pour moi je n’en vois pas ? [Applaudissements]

Abbé Guillaume de Tanoüarn : J’avoue que je ne pensais pas me trouver ce soir devant le traducteur de saint Robert Bellarmin [Rires et applaudissements]. C’est très bien. Personnellement, tout docteur de l’Eglise qu’il soit, je pense qu’il ne va pas aux principes comme je vous l’ai expliqué tout à l’heure, que ce n’est pas un dogmaticien au sens strict et que son approche est, comme vous le disiez vous-même d’ailleurs, plus strictement canonique que fondamentalement théologique. Et il me semble qu’il y a là une carence que son titre de docteur de l’Eglise ne parvient pas à faire oublier.
 
Cela dit, sur le fond finalement, vous me donnez à peu près raison puisque vous expliquez que saint Robert Bellarmin, pour pouvoir soutenir sa disputatio scolastique, dit : l’opinion est pieuse et probable qu’il est impossible qu’un pape soit hérétique, mais enfin on peut peut-être un jour l’envisager dans l’abstrait et donc je vais me livrer à cette discussion. C’est bien ce que vous avez dit et là je crois que fondamentalement nous sommes d’accord sur l’interprétation de saint Robert Bellarmin tout en sachant que mon exposé n’était pas du tout bellarminien mais, comme vous l’avez tous compris, cajetanien et pour les raisons que je viens de vous dire. On pourrait sans doute discuter jusqu’à demain matin de saint Robert Bellarmin mais je pense qu’il faut savoir en rester à l’essentiel et que l’essentiel est là.
 
Par ailleurs, sur la question de l’hérésie, bien entendu, un geste peut être hérétique mais un geste est susceptible de plusieurs interprétations alors qu’une parole est évidemment immédiatement compréhensible pour peu en tous les cas que l’on se donne la peine de la formuler clairement. S’il n’y a pas d’hérésie formulée clairement dans tout le magistère conciliaire, ce n’est pas pour rien. C’est que nous avons quand même affaire à des gens qui ont travaillé -je ne sais pas encore une fois quelle est leur religion pour un certain nombre d’entre eux -, et qui connaissent parfaitement leurs classiques et ils ne vont pas se donner le ridicule de déraper formellement. Par conséquent, un geste pose la question de la désertion de la foi en la Révélation chrétienne, c’est-à-dire pose la question de l’hérésie subjective qui est, je crois, une question en soi insoluble s’il n’y a pas des paroles pour soutenir le geste. Donc, je vous remercie d’avoir insisté sur ce point, car c’est vraiment un point très important, c’est le fondement du livre que j’ai écrit. J’ai écrit Vatican II et l’Evangile à partir du moment où j’ai eu l’idée que, au lieu de se poser à l’infini le problème de l’hérésie alors que l’on n’a pas de textes véritablement ou formellement hérétiques, au sens très précis et juridique que j’ai énoncé, c’est-à-dire avec la pertinacité sentenciellement constatée. Au lieu donc de se poser ce problème insoluble, il fallait constater, et là, cher Petrus, je vous rejoins, qu’effectivement phénoménologiquement les manifestations religieuses en provenance des dignitaires catholiques n’étaient plus les mêmes que les manifestations religieuses des dignitaires catholiques de tout temps. Donc il y a effectivement une déviation religieuse que, je crois, il ne faut pas se presser d’interpréter en termes d’hérésies. On pourra peut-être le faire un jour, en tous cas je n’en ai pas l’autorité et je ne me sens pas capable de juger d’une personne et de sa désertion de la foi en la Révélation chrétienne comme je viens de vous le dire, a fortiori cette personne étant pape.

Maxence H. : D’autres questions ?

Un jeune homme dans la salle : J’ai écouté très attentivement les démonstrations de Petrus. L’implicite de vos déclarations, c’est que tout simplement Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a menti dans l’Evangile. Et portae inferi non paraevalebunt adversus eam. Vous accusez, cher Monsieur, la sainteté de Notre-Seigneur d’avoir menti. Je crois que sous couvert de défendre la tradition d’un certain purisme en matière de foi il y a une négation de la parole de Notre-Seigneur dans l’Evangile. En vous écoutant, on se dit : franchement, si c’est comme cela, vous parliez tout à l’heure de dieux hindous, allons adorer Krishna, au moins c’est marrant ! [Rire de l’abbé de Tanoüarn] D’autre part, quand je vous entends brocarder celui que vous appelez Wojtyla, je me permettrai de vous rappeler que l’homme que vous chargez de tous les maux de la planète est le grand pourfendeur du communisme ! [Bruits de désapprobation dans la salle]

Petrus : Je vous laisse la responsabilité de vos propos !

Le jeune homme : Concernant Escriva de Balaguer, sachez, cher Monsieur, que vos déclarations le concernant sont totalement gratuites. L’Opus Dei est la seule institution qui maintient encore en Espagne, on va dire, un vernis de catholicité. [Applaudissements]

Petrus : Le mot vernis est bien choisi !

Maxence H. : Petrus ?

Petrus : C’est bien qu’il y ait un peu d’ambiance, qu’il y ait un peu de sport. Bien. Quelle était la question déjà ? [Rire de l’abbé de Tanoüarn]. Ah oui, les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre l’Eglise ! C’est une question évidemment essentielle. Je vous remercie de l’avoir posée comme disait Edgar Faure. Je vais y répondre.
Notre-Seigneur dit aussi autre chose dans l’Evangile. Il dit : « Lorsque le Fils de l’Homme viendra sur terre, trouvera-t-Il encore la foi » (Luc XVIII, 8). Ce qui pourrait apparaître comme une contradiction.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : C’est finalement peut-être qu’il faut tenir les deux. La foi a peut-être disparu mais l’Eglise est toujours là. [Rires]

Philippe Bourcier de Carbon : Prévaloir, c’est valoir à la fin. Ce n’est pas valoir. C’est avoir le dernier mot. C’est la véritable traduction. Il aurait pu dire : « Les portes de l’Enfer ne vaudront pas sur toi. » Non, Il a dit : « ne prévaudront pas », c’est-à-dire n’auront pas le dernier mot. Nous n’en sommes pas encore à la fin.

Petrus : Il y a deux façons de répondre à cette question sur les portes de l’Enfer. Il faut d’abord dire que considérer que l’église conciliaire depuis quarante ans c’est l’Eglise catholique, c’est un blasphème contre la sainteté de l’Eglise, contre Notre-Seigneur. C’est une abomination. Il me semble donc que c’est plutôt dans la position dite lefebvriste qu’il y a un blasphème contre la sainte Eglise. C’est le premier point.
 
Mais je répondrai deuxièmement que la visibilité de l’Eglise n’étant pas le visibilisme, on peut penser, même si ce n’est qu’une opinion et non un dogme de foi, que l’Eglise qui est le Corps mystique du Christ reproduit analogiquement la vie du Christ. Et c’est Dom Gaspar Lefebvre qui, s’appuyant sur saint Augustin, explique dans son Exposé historique du temps après la Pentecôte dans le missel quotidien pour les fidèles que l’Eglise a connu plusieurs âges. L’âge de l’accouchement qui correspond aux persécutions sanglantes des trois premiers siècles. Et cela correspond, dit-il, aux massacres des saints Innocents, à la fuite en Egypte et à l’Evangile de l’enfance. Et puis l’Eglise constantinienne se construit, se développe. C’est l’Eglise des cathédrales, des monastères, de la chrétienté médiévale. Et cette période correspond aux années où Notre-Seigneur croissait en âge et en sagesse auprès de la sainte Vierge et de saint Joseph à Nazareth. C’est la vie cachée de Notre-Seigneur.
 
Et puis, dit Dom Gaspar Lefebvre, arrive le moment de la prédication de Notre-Seigneur, de son baptême, des trois années de son ministère où il choisit ses Apôtres, instruit les foules, jette les fondements de son Eglise. Et cela correspond pour l’histoire de l’Eglise à la période qui va du XVIe siècle au XXe. L’Eglise se trouve confrontée à un certain nombre d’hérésies, au paganisme renaissant, à l’humanisme du XVIe siècle, au jansénisme au XVIIe, au naturalisme philosophique au XVIIIe, au libéralisme politique et philosophique au XIXe , le modernisme au XXe. Mais finalement ce qu’elle perd en Europe, puisque le protestantisme lui fait perdre la moitié de l’Europe, elle le garde grâce à ses conquêtes dans le nouveau monde, en Inde, tandis que de nouvelles congrégations religieuses et d’autres instituts enseignants voient le jour.
 
Et puis, et j’en viens au fait, il arrivera un moment, à la fin des temps, dit-il, où l’Eglise semblera avoir été vaincue. Saint Augustin dit que « le corps du Christ qui est l’Eglise, à l’instar du corps humain, fut d’abord jeune, et voilà qu’à la fin du monde il aura une apparence de caducité ». De même que le Christ a été mis au tombeau, de même que le Christ est réellement mort, de même que le Christ a été enseveli, eh bien l’Eglise militante, l’Eglise hiérarchique et monarchique apparaîtra comme avoir disparu. En apparence en effet les puissances de l’Enfer auront prévalu. Mais ce n’est évidemment qu’une défaite apparente et temporaire qui est là à la fois comme une épreuve pour notre foi, un châtiment pour nos péchés et pour ceux de nos pères car dans la crise actuelle il y a un véritable châtiment car la perte de la foi ne date pas d’aujourd’hui, c’est évident. Je pense que cette position, qui n’est pas de foi, j’en conviens tout à fait, peut être un essai d’explication parmi d’autres. Ceux qui adhèrent à la thèse de Cassiciacum ont d’autres positions qu’ils pourront peut-être développer tout à l’heure. Mais je crois que l’idée qui consiste à dire que l’Eglise reproduit la vie du Christ et que, d’une certaine manière, à un moment donné, il puisse y avoir une forme de défaite temporaire et apparente, comme le Christ a été mis au tombeau, est convaincante. Je crois que nous vivons actuellement le Vendredi saint ou le Samedi saint de l’Eglise militante. Il faut avoir le sens du mystère. Et en tous cas cela me paraît beaucoup plus satisfaisant de penser cela que de penser que l’église conciliaire, avec toutes ses hérésies, ses trahisons, ses reniements, son apostasie est l’Eglise catholique et que les pontifes conciliaires sont les vicaires du Christ.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Mais en quoi ces deux positions sont-elles incompatibles ? Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que si le Christ est en agonie jusqu’à la fin du monde comme le dit Pascal, il est clair que l’Eglise, son Epouse mystique, peut connaître des moments dans lesquels elle aura été reconnue capable de le suivre jusqu’à cette extrémité de l’agonie. Quant à la mort et à la résurrection de l’Eglise, là, je ne sais pas, je n’irai peut-être pas jusque-là parce que là ça me paraît du surnaturel et l’on n’a pas le droit d’anticiper. Mais en tout cas l’agonie de l’Eglise, oui, pourquoi pas ? Mais en quoi c’est contraire au fait que le pape soit pape et que les évêques sont évêques ?

Petrus : Eh bien parce qu’il faut qu’ils aient la foi catholique. Or, manifestement ils n’ont pas la foi catholique.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Mais ça, c’est Jean Hus ! Si vous faites tenir la dignité uniquement de l’impeccabilité…

Petrus : Ce n’est pas l’impeccabilité. Je vous ai justement dit que l’on ne parlait pas d’impeccabilité mais d’infaillibilité et de foi. Mais enfin voyons les choses concrètement, si c’est l’Eglise catholique, écoutez, vous avez des enfants, est-ce que vous allez les mettre au curé du coin, au catéchisme du coin, à la messe du coin ? Vous savez qu’il y a au moins neuf chances sur dix qu’il y ait des hérésies, qu’il y ait des erreurs, des scandales.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Sur ce point je voudrais intervenir dans votre sens et dire qu’il y a un problème d’autorité, c’est vrai.

Petrus : C’est un problème de foi, pas simplement d’autorité !

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Mais bien sûr qu’il y a un problème de foi ! [Bref incident de séance] Le problème, c’est celui de l’autorité de l’Eglise. Et je me souviens d’une discussion avec l’abbé Belmont il y a très très longtemps où nous discutions de la thèse materialiter-formaliter qui est une manière de répondre à cette question de l’autorité. C’est-à-dire : est-ce que quand le pape pose des actes qui sont contraires à la religion chrétienne il doit être suivi comme pape ? Il est évident que non. Alors comment peut-on expliquer cela ? Eh bien, j’espère ne pas déformer votre pensée et celle de Mgr Guérard des Lauriers pour les écrits duquel j’ai une grande admiration mais je crois que cette thèse est tout de même problématique parce que enfin dans un être surnaturel on ne peut pas distinguer la matière et la forme. On peut distinguer la matière et la forme dans un être artificiel, c’est-à-dire quand on construit une table ou un banc, on a du bois d’un côté et on a le banc de l’autre. Mais dans l’être surnaturel, il n’y a pas cette distinction possible. Le devenir pape n’est pas à strictement parler un fieri qui partirait d’une matière pour arriver à une forme. Je pense donc que la distinction materialiter-formaliter est intéressante mais que l’on pourrait avantageusement la remplacer par la distinction scolastique entre l’acte premier et l’acte second. Le pape est pape en acte premier ; il l’est de droit divin comme j’ai essayé de vous l’expliquer tout à l’heure mais en acte second, c’est-à-dire dans son activité, dans sa pratique, dans l’exercice de son autorité, il ne l’est pas forcément, à commencer d’ailleurs par tous les cas où il fait de la politique, où il fait de l’humanitaire, où il fait du dialogue. Dans tout cela, il n’agit pas comme pape, donc on n’a pas ni à lui obéir, ni à le suivre bien entendu.

Abbé Hervé Belmont : Je vais répondre à votre question mais puisque Monsieur Daly s’est présenté, je vais me présenter. Ici, je suis le doyen, le plus ancien exclu de la Fraternité Saint-Pie X [Rires et applaudissements]. Monsieur l’abbé, je ne vais pas entrer dans le débat materialiter-formaliter, parce que d’abord c’est un débat qui se situe dans l’analogie. [La bande magnétique de la première cassette audio s’étant achevée à ce moment-là, il manque hélas une petite partie de l’intervention de l’abbé Belmont].
 
Après Vatican II nous avons commencé à réagir en disant : il y a des choses qui sont contraires à la foi. On nous donne une liturgie qui n’est pas celle de la foi, on nous donne un enseignement qui n’est pas celui de la foi, on nous donne une religion qui n’est pas celle de la foi catholique et nous avons refusé cela sans nous poser la question de savoir si celui qui nous le disait était hérétique ou pas parce que vous disiez pour qu’il y ait une personne hérétique il faut une erreur dans la foi et il faut la pertinacité, et c’est tout à fait vrai, mais ce n’est pas vrai dans un texte qui est censé venir du magistère de l’Eglise. L’erreur dans la foi suffit. Elle est impossible. Et si elle est présente, il faut encore l’établir, mais si elle est présente elle ne peut pas venir du magistère de l’Eglise. De même qu’un rite protestant ne peut pas venir du magistère de l’Eglise et c’est le débat que Monsieur Petrus a mené en disant : c’est d’abord une question dans l’exercice de la foi. Je ne peux pas reconnaître, avec toute la meilleure volonté du monde, que cela vient de l’Eglise, que cela vient de l’autorité de l’Eglise, c’est impossible parce que l’Eglise elle-même m’enseigne le contraire. C’est le premier débat qu’il y a eu. Il y a eu un deuxième débat d’ordre théologique entre Cajetan, saint Robert Bellarmin, la nature de l’hérésie. C’est un autre débat qui est tout à fait nécessaire qui vient dans un second temps parce qu’il faut expliquer, qu’il faut justifier, qu’il faut vérifier si l’on n’est pas en train de contredire la doctrine de l’Eglise mais c’est un deuxième débat. Et je termine par une simple question à laquelle vous allez me répondre non. Mais je vous donne mon impression : j’ai l’impression que dans les deux débats vous avez perdu. [Rires].

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Qui ?

Abbé Hervé Belmont : Vous !

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Ah bien, merci ! [Rires]

Maxence H. : Chacun donnera sa réponse à cette question.

Abbé Hervé Belmont : Tant dans le débat théologique que dans le débat du point de vue de la foi en donnant évidemment la priorité au débat de la foi parce que personne n’est obligé d’être théologien mais tout le monde est obligé de confesser la foi catholique et en adhérant à Jean-Paul II, Paul VI et Benoît XVI dans la mesure où il prend la suite et qu’il y a une présomption de continuité…

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Il ne faut pas être trop présomptueux parfois !

Abbé Hervé Belmont : … Et il continue à donner avec autorité ce que ses prédécesseurs ont fait tant qu’il n’a pas rompu avec, eh bien dans ce débat de la foi tout le monde est obligé de confesser la foi catholique. Ce que nous donne l’église conciliaire, acceptez ou n’acceptez pas le mot, cela n’a pas beaucoup d’importance, n’est pas de la foi catholique, ne peut pas venir du magistère de l’Eglise, ne peut pas venir de l’autorité de l’Eglise et donc dans l’exercice même de la foi, sans porter de jugement sur les personnes, au moins dans un premier temps, je dis : non, il n’a pas l’autorité. Demain, je ne célèbre pas la messe una cum Benoît XVI parce que ce n’est pas sa messe, parce que ce n’est pas sa doctrine, parce que ce n’est pas sa foi que je proclame dans la sainte messe. Voilà. [Applaudissements].

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Cher Monsieur l’abbé, je vous remercie d’être aussi enthousiaste de ma perte [Rires] puisque vous l’annoncez urbi et orbi. J’avoue que personnellement j’ai eu l’impression, et c’est dommage, que le débat théologique n’a pas eu lieu. J’ai été à peu près le seul à le mener c’est peut-être pour cela d’ailleurs que j’ai perdu. En tous cas, j’en viens à ce qui fait le cœur de votre raisonnement et c’est toujours le même cœur finalement. On prend ses désirs pour des réalités. Il a perdu, je le dis et le pape n’est pas pape, d’ailleurs je l’avais bien dit. Le cœur de votre raisonnement est le suivant dans ce que vous venez de dire, je ne parle pas d’autre chose : vous me dites : je ne peux pas reconnaître que cela vient de l’Eglise et nous sommes tout à fait d’accord, personne ne le nie. Seulement vous sous-entendez : cela vient donc d’une autre Eglise et d’un pape qui n’est pas pape mais qui est autre chose et d’évêques qui ne sont pas évêques mais qui sont autre chose. Génération spontanée ? Je ne vois pas !

Petrus : Mais c’est la conclusion nécessaire de la foi catholique de dire que cette église n’est pas l’Eglise catholique !

Louis-Hubert Rémy : Je suis président des Amis du Christ Roi de France (ACRF) et j’ai surtout un site qui est très lu sur Internet. [Rires]. Cherchez dans Google à Louis-Hubert Rémy et vous trouverez. [Rires] Et en plus j’ai une lettre de diffusion qui paraît régulièrement.
 
On s’est lancé avec plusieurs amis sur le problème des sacres car on aurait voulu que cela soit les clercs et les théologiens qui abordent ce problème. Cela a été abordé dans le passé par l’abbé Mourreau, cela a été abordé plus profondément par Coomaraswamy et nous avons relancé l’affaire parce que l’on est devant une question nouvelle qui se présente. On est convaincu, nous, que le nouveau rituel -et l’abbé Ricossa a écrit la même chose il y a quelques semaines et on va le mettre sur Internet dimanche prochain – fait que ces nouveaux évêques ne sont pas évêques comme les anglicans.

Maxence H. : Quelle est la question ?

Louis-Hubert Rémy : D’après vous, les évêques sacrés d’après le rite montinien sont-ils vraiment évêques ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Eh bien écoutez, je pense que l’épiscopat est quelque chose de surnaturel et que l’on ne peut pas juger du surnaturel en tant que personne privée parce que le surnaturel ne se constate pas. De même que l’on ne peut pas constater des signes surnaturels de vocation ou l’absence de ces signes surnaturels de vocation contrairement à ce qu’enseigne un professeur d’ecclésiologie à Ecône, de même on ne peut pas constater la validité ou l’invalidité de tel ou tel sacrement. Mais ce que l’on peut dire, c’est que de toute façon l’Eglise n’est pas vacante. Il n’y a pas d’ecclesiovacantisme. Si nous déclarons invalides tous les sacres épiscopaux et toutes les ordinations épiscopales, comme l’on dit aujourd’hui, eh bien effectivement on anéantit l’Eglise, on la perd. Et je dirai que l’on fait le jeu de l’adversaire avec les meilleures intentions du monde. C’est admirable de dénoncer la subversion comme vous le faites et finalement avec cette pseudo-théorie de l’invalidité des sacrements de réduire l’Eglise à rien. [Applaudissements]

Philippe Bourcier de Carbon : Je suis Philippe Bourcier de Carbon, je suis démographe, donc je ne suis pas théologien mais je m’intéresse depuis très longtemps à ces questions-là.
 
Est-ce que vous considérez que les évêques anglicans ont la plénitude de l’ordre et ont les pouvoirs sacramentels vrais, c’est-à-dire par lesquels passe la grâce de la Rédemption ? Pensez-vous que ces évêques anglicans ont ces pouvoirs ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Moi j’admire votre manière de poser la question : « pensez-vous que », etc, parce que je ne suis personne pour vous répondre. Donc je n’ai pas compétence mais Léon XIII a dans un document officiel de l’Eglise catholique déclaré la nullité des ordinations anglicanes et je reconnais ce jugement autorisé du pontife romain. Et par conséquent la réponse est très simple mais elle n’est pas la mienne.

Philippe Bourcier de Carbon : Ma question est à double détente [Rires]. Avez-vous étudié les rituels que Montini a imposés en 1968 pour ce qui concerne le sacre des évêques conciliaires ? Les avez-vous étudiés, vous ? Vous pourrez si vous vous référez aux textes les plus officiels, à la version pontificale, observer la quasi-identité avec le rite presbytérien de 1967, c’est-à-dire un an avant, c’est-à-dire le rite anglican précisément.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, mais cela n’a rien à voir puisque les anglicans ne sont pas validement prêtres. Sauf à s’être fait réordonnés, ce qu’on fait un certain nombre d’entre eux. Vous êtes simplement en train de prouver devant tout le monde, et je suis très content que vous le prouviez, que vous êtes non seulement sédévacantiste mais farouchement ecclesiovacantiste.

Philippe Bourcier de Carbon : Non, j’essaie de constater les faits !

Maxence H. : Ecoutez, nous traitons du sédévacantisme, nous ne traitons pas des nouveaux sacrements. Cela fera peut-être l’objet d’un autre débat un jour mais ce n’est pas le débat de ce soir.

Philippe Bourcier de Carbon : C’est les faits qui m’intéressent, moi, pas les opinions !

Maxence H. : Il y avait une question dans le fond de la salle de Monsieur là qui…

Un monsieur dans la salle : Moi, je n’ai pas été élevé dans la religion catholique. Je voudrais y voir un peu plus clair. Et j’aurais voulu demander à Monsieur l’abbé une seule question d’abord. Est-ce que pour vous, -je sais que vous allez me dire : je suis personne, mais est-ce que pour la Fraternité, je ne sais si vous êtes dedans ou si vous avez été mis dehors -, l’Eglise qui est à Rome est l’Eglise catholique, oui ou non ? Je veux juste un oui ou un non. Est-ce que l’Eglise qui est à Rome à l’heure actuelle dont le chef est Benoît XVI est l’Eglise catholique ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : La question que vous posez est mal posée et quand une question est mal posée, elle entraîne forcément une absence de réponse. Non, le problème est de savoir si vraiment les erreurs des différents dignitaires de l’Eglise catholique ont donné naissance à une autre Eglise. Et là, parce que c’est la question que vous êtes en train de poser, mais je la pose autrement pour lui donner la réponse qu’elle mérite. Et là je dis carrément et clairement non comme je le dis à peu près depuis le début. Là on est toujours sur le même terrain. Il n’y a pas de génération spontanée d’une nouvelle église.

Philippe Bourcier de Carbon : Ce n’est pas une génération spontanée. On peut expliquer la génération de tout cela !

Joseph Quillard : Joseph Quillard, 40 ans, fidèle de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, ami de l’abbé de Tanoüarn. J’ai des enfants, donc j’essaie de leur donner le bon exemple. Quand je regarde le pape et que je l’observe, je suis censé suivre a priori son exemple, or j’ai des enfants et tous les enfants en général posent beaucoup de questions. Je suis un fidèle on ne peut plus de base car je n’ai guère plus de formation que ma foi du charbonnier, mon catéchisme et la question qui revient souvent : c’est sur ce qui est visible. Or, les enfants, comme nous adultes, les fidèles de base qui sont majoritaires, on se pose des questions sur ce que l’on voit. Tout à l’heure on a parlé du Coran qui est baisé. Les enfants posent beaucoup de questions de ce style-là.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : C’est la seule photo du pape que je possède !

Joseph Quillard : Et moi je pense que dans dix ans, dans quinze ans, si l’on est par exemple probable martyr de l’islam et que l’on me met sous le nez le Coran en me disant : « si tu baises le Coran, tu gardes la vie », est-ce que je pourrai baiser le Coran en disant le pape l’a fait, donc je vais sauver ma vie ? [Applaudissements]

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Alors, Joseph, vous posez de façon tout à fait claire le problème de l’autorité que la tradition honteuse n’a pas posé pendant des années et l’on a souffert beaucoup de ne pas avoir posé ce problème et j’avoue que j’ai pensé au moment où il l’a fait que Mgr Guérard des Lauriers était un véritable héros de l’esprit en le posant aussi clairement.

Louis-Hubert Rémy : Je suis passé à Radio-Courtoisie avec Serge de Beketch et l’abbé Celier qui a dit : « on fera ce débat ». Il y a déjà cinq ans. Il n’a jamais été fait. Il a fallu attendre qu’il y ait une crise dans la Fraternité pour qu’il y ait un débat.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : J’ai fait un débat avec l’abbé Paladino ici présent et l’abbé Guépin ici présent sur Radio Courtoisie sur ce sujet. Donc, moi, je n’ai jamais refusé le débat et je pense que si je l’organise ce soir c’est donc bien la preuve que je ne l’ai pas refusé. S’il y a une chose que vous ne pouvez pas me reprocher, Monsieur Rémy, c’est de refuser le débat. J’aimerais vraiment que ce soir on puisse se dire qu’un vrai débat a eu lieu, même si on ne peut pas tout dire bien entendu. Et donc, Joseph, vous avez raison de poser ce problème car un père de famille doit être irréprochable. Il ne l’est pas toujours.

Maxence H. : Alors, l’abbé Ricossa ? On n’admet plus que des questions du clergé, je suis désolé. Monsieur l’abbé, si vous pouvez vous présenter ?

Abbé Francesco Ricossa : Je suis l’abbé Ricossa. Je suis aussi ancien de la Fraternité. C’est une réunion de famille. [Rires et applaudissements]. Je suis très heureux d’être ici même si je suis formellement d’accord avec Monsieur B…

Petrus : Petrus ! Petrus ! Attention, ne me vendez pas ! [Rires]

Abbé Francesco Ricossa : mais je ne suis pas en complet désaccord avec Monsieur l’abbé de Tanoüarn, je suis d’accord sur certaines choses. Je voudrais dire un mot sur lequel on pourrait être tous d’accord, non pas pour faire de l’œcuménisme, même parmi les traditionalistes, car nous avons des positions pour le moment qui ne se concilient point mais il me semble qu’il serait bien avec tous ceux qui ont parlé de faire le point sur quelque chose sur lequel on est d’accord, quitte à travailler mieux les points sur lesquels on n’est pas d’accord et qui sont pour moi essentiels.

Vous avez dit que ni la nouvelle messe ni, je pense, le concile Vatican II ne viennent de l’Eglise. C’est ce qu’a dit l’abbé Belmont. L’abbé Belmont a dit : cela ne peut pas venir de l’Eglise.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, c’est ce qu’a dit l’abbé Belmont, oui !

Abbé Francesco Ricossa : Et vous avez dit : je suis d’accord sur le fait que cela ne vient pas de l’Eglise mais je n’en tire pas de conclusion en plus…

Abbé Guillaume de Tanoüarn : … sur le fait que cela viendrait d’une autre Eglise.

Abbé Francesco Ricossa : Au moins cela est un point sur lequel, je pense, on pourrait être tous d’accord. Le concile Vatican II, le magistère postérieur de Jean-Paul II et Benoît XVI a dit qu’il continue Jean-Paul II, quitte à voir s’il va changer, pour l’instant il faut se fier à ce qu’il a dit.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Il a dit beaucoup de choses, vous savez. Vous l’avez lu un peu ?

Abbé Francesco Ricossa : Oui, je l’ai lu. Je lis tout ce qu’il écrit et j’ai même lu ce qu’il a écrit quand il était à Tübingen.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, à Tübingen mais il a écrit depuis. Parce qu’il n’a pas seulement dit : je continue Jean-Paul II. C’est un petit peu restrictif de le réduire à cela.

Abbé Francesco Ricossa : Je me rappelle que l’abbé Tissier s’était posé cette question lors d’une conférence à Ecône, il n’arrivait pas à sortir de cette difficulté : est-ce que la nouvelle messe vient de l’Eglise ? Il me semble que tout le monde parmi nous est d’accord pour dire que cela ne vient pas de l’Eglise.
Une autre question sur laquelle on peut être d’accord, tous, nous sommes de l’avis que les portes de l’Enfer ne prévaudront pas, que l’Eglise est indéfectible et donc que l’Eglise, telle que Notre-Seigneur Jésus-Christ l’a constituée et l’a voulue ne peut pas disparaître un seul moment jusqu’à la fin du monde. Je pense que sur cela tout le monde est d’accord aussi. Alors c’est déjà si difficile d’être d’accord sur deux points, je pense que ces deux points qui ont été mis en relief, tantôt par l’un, tantôt par l’autre sont quand même essentiels dans notre débat.

Et puis une question de théologie puisque vous avez parlé de Cajetan. Moi, je ne suis pas la thèse de Cajetan ni celle de Bellarmin. Je pense que c’est un faux problème, le problème du pape hérétique qui est intéressant car ce débat ancien décrit une situation qui ressemble à celle d’aujourd’hui mais ce n’est pas tout à fait celle d’aujourd’hui. Si on lit Cajetan, et comme vous l’avez lu, vous avez dit que la distinction materialiter-formaliter ne s’applique pas à un être surnaturel tel que l’Eglise. Mais justement le premier qui a appliqué la distinction materialiter-formaliter à la papauté est Cajetan, justement dans le livre que vous citez, et nous avons fait une brève traduction du passage dans lequel il parle de cela. Donc je pense que ce n’est pas exact mais ce serait peut-être aussi un point à travailler pour voir là où Cajetan traite de cette question et voir si cette distinction materialiter-formaliter ne pourrait pas concilier les deux points dont on a parlé : c’est-à-dire d’une part ces erreurs ne viennent pas de l’Eglise et d’autre part l’Eglise est indéfectible. Alors peut-être est-ce une solution à ce problème. J’ai posé des questions pour une poursuite du problème. J’aurais voulu parler de beaucoup d’autres questions capitales.

Monsieur Rémy vient de dire que j’ai parlé de la question des sacres dans le dernier numéro de Sodalitium. Mon point de vue, c’est que tous les rites liturgiques ne venant pas de l’Eglise ne sont pas garantis par l’Eglise. C’est-à-dire que tout ce qui nous est donné par l’Eglise est garanti par l’Eglise. Donc se poser la question de la licéité ou de la validité d’un rite qui vient de l’Eglise n’a pas de sens. Si par contre on admet que la nouvelle liturgie par exemple ne vient pas de l’Eglise, le problème se pose. Vous dites bien que ce n’est pas au simple fidèle de résoudre le problème mais du moins le doute se pose. Et dans la pratique le doute en matière de sacrements veut que l’on suive la partie la plus sûre. Mais que l’on ne soit pas certain de la validité des nouveaux rites des sacrements et donc des sacres, que donc dans la pratique il faille les considérer comme s’ils étaient nuls, cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de véritables évêques.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Ben si, cela veut dire. Il faut se mettre devant les conséquences des principes que l’on pose !

Abbé Francesco Ricossa : Du point de vue de l’ordre, il y a tous les évêques orientaux qui sont validement sacrés.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Donc il n’y a plus d’Eglise romaine.

Abbé Francesco Ricossa : Et aussi parce que dans L’Eglise il y a la juridiction et l’ordre. Donc à mon avis c’est faire fausse route qu’arguer du fait que parce que éventuellement on n’a pas le pouvoir d’ordre l’on ne pourrait pas recevoir le pouvoir de juridiction. C’est ce que je dis dans Sodalitium et je ne suis donc pas tout à fait certaines positions qui prétendent conclure là où il me semble que l’on ne peut pas conclure.

Pour finir de scandaliser [Rires], je suis de votre avis sur un point au moins , même si formellement je suis de l’avis de Monsieur B…

Petrus (strident) : Petrus ! Oh non ! Trop tard ! Le mal est fait ! [Rires]

Abbé Francesco Ricossa : C’est un pseudonyme !

Petrus : Je n’avais pas remarqué ! On n’est jamais trahi que par les siens !

Abbé Francesco Ricossa : L’église conciliaire existe bien mais en réalité, pour le droit, elle n’existe pas. Quand Luther a quitté l’Eglise, il l’a quittée visiblement, il a claqué la porte et il est sorti. Il a fait son église à lui alors que cela n’est pas arrivé au moment de Vatican II. Donc à mon avis on ne peut pas dite qu’il y a une église conciliaire et j’ajoute : hélas ! Car s’il y en avait une, c’est qu’ils auraient dit clairement qu’ils rompaient et qu’ils s’en allaient et même je pense qu’il faut souhaiter que les méchants entre eux le fassent, qu’ils soient mis dehors ou bien qu’ils s’en aillent.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Cela, ça n’ira pas sans douleurs !

Abbé Francesco Ricossa : Je pense que la question de l’Eglise conciliaire a été une question présente dans tout le milieu à la suite des déclarations du cardinal Benelli. Mgr Lefebvre en a parlé beaucoup et il en a même fait l’un des arguments les plus importants de sa polémique. D’un certain point de vue, c’est bien vrai puisqu’il y a une nouvelle messe, de nouveaux sacrements, une nouvelle doctrine et tout est nouveau mais il leur manque d’avoir juridiquement rompu les liens avec l’Eglise catholique et cela quand même compte. Cela, c’est mon avis personnel. Je ne sais pas si j’ai fini de confondre les idées aux gens.

Maxence H. : Monsieur l’abbé, un mot ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Je trouve admirable votre dernière expression : « confondre les idées aux gens » parce que vous avez effectivement l’art de confondre les idées. Et c’est un grand art. Je crois que vous êtes extrêmement précis dans ce que vous dites et dans la confusion que vous opérez parce qu’au fond la question de l’existence ou de l’inexistence de l’église conciliaire n’est pas une question de droit. L’absence de droit, oui, c’est l’absence d’une génération spontanée. Le problème, c’est que quand vous dites : « le nouveau rite ne vient pas de l’Eglise catholique », je le dis aussi mais je ne le dis pas dans le même sens que vous. Car pour vous, et c’est tout le problème de la polysémie du langage si l’on veut être un peu pédant, il y a effectivement un peu synonymie. C’est-à-dire que pour vous la non-Eglise est une réalité ; pour moi il n’y a pas de réalité de la non-Eglise.

Abbé Francesco Ricossa : Justement je suis d’accord avec vous.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Alors on va peut-être avancer. S’il n’y a pas de réalité de la non-Eglise et que vous en soyez d’accord, alors à ce moment-là il s’agit bien de l’Eglise catholique.

Abbé Francesco Ricossa : Ah non, moi, je dis comme l’a dit l’abbé Belmont : cela ne vient pas de l’autorité de l’Eglise.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Voilà. Il est là le sophisme.

Abbé Francesco Ricossa : Parce que quand on dit l’Eglise, on entend Eglise hiérarchique. Donc cela ne vient pas de l’autorité de l’Eglise. Je ne dis pas plus.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Là, on est d’accord et là on a précisé les formules et je pense que l’on est d’accord.

Abbé Francesco Ricossa : Eh bien alors vous êtes pour la thèse ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Non, non, pas du tout. Je pense simplement que quand l’Eglise veut nous obliger, nous prêtres, à dire la nouvelle messe, cette obligation qu’elle nous fait n’est pas un acte de son autorité. Et je ne suis pas pour autant pour la thèse materialiter-formaliter car je ne dis pas que cet ensemble qui nous oblige à cela est un non-Eglise.

Abbé Francesco Ricossa : Ce n’est pas l’Eglise qui nous oblige à dire la nouvelle messe ! Cela n’est pas possible.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : On est bien d’accord là-dessus. Mais cela ne signifie pas pour autant que de cette négation vous puissiez tirer : c’est un non-Eglise qui nous oblige. Là, il y a un paralogisme. Ce n’est pas l’Eglise qui nous y oblige mais vous ne pouvez pas tirer de « ce n’est pas l’Eglise qui nous y oblige », « c’est une non-Eglise qui nous y oblige ».C’est tout le problème. La négation ne porte pas sur les mêmes mots. Et c’est là où vous avez un art remarquable et que, j’avoue, je salue de grand cœur.

Abbé Francesco Ricossa : Mieux que Petrus dans la rhétorique ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Absolument.[Rires] Non, pas dans la rhétorique. Mieux que Petrus dans une dialectique extrêmement fine pour appeler les choses par leur nom.

Maxence H. : L’abbé Paladino ?

Abbé Francesco Maria Paladino : J’avais beaucoup de choses à dire. Je vais essayer d’être bref. On n’a pas du tout parlé du complot. Vous avez parlé de génération spontanée. Ce n’est pas du tout une génération spontanée. C’est programmé depuis des siècles et Mgr Lefebvre a dit pour résumer que Jean-Paul II est inspiré par le diable et qu’il est l’instrument de la franc-maçonnerie. C’est textuel.
 
Second point, vous avez parlé de la soumission. On peut comprendre que dans tel ou tel acte on désobéit au pape ou aux autorités. Mais il ne s’agit pas ici de cela justement. Pour être dans l’Eglise catholique, il faut être dans une paroisse, elle-même inscrite dans un diocèse qui est soumis au pape, c’est-à-dire dans une structure pyramidale. Donc pour rester catholiques, nous sommes obligés de rester en-dehors de cette structure de l’Eglise. Donc la conclusion s’impose.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : La conclusion, c’est que c’est nous qui faisons une nouvelle Eglise ?

Abbé Francesco Maria Paladino : Non.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Donc la conclusion ne s’impose pas si clairement que cela.

Abbé Francesco Maria Paladino : Le problème, c’est que : ou bien c’est eux l’Eglise, ou bien c’est nous.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : C’est un mauvais dilemme.

Philippe Bourcier de Carbon : C’est le principe de non-contradiction.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, mais le principe de non-contradiction doit être appliqué de manière fine. Ce n’est pas à vous que je l’apprendrai.

Abbé Francesco Maria Paladino : Une autre chose, vous avez dit que saint Robert Bellarmin dit que c’est impossible qu’un pape soit hérétique. Il n’a pas dit du tout cela. Je l’ai lu. Il a seulement dit que c’est peu probable que Dieu permette une chose pareille. Ce n’est pas du tout la même chose.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Cela, on l’avait déjà dit.

Abbé Francesco Maria Paladino : Oui, c’est déjà dit. Mais Monsieur John Daly avait parlé d’opinion pieuse. Mais saint Robert Bellarmin dit de lui-même, quand il donne son opinion sur le pape hérétique, « il est peu probable qu’un pape tombe dans l’hérésie ».
 
Et puis l’on a parlé de l’hérésie. Monsieur Daly a très bien dit, citant saint Thomas, qu’il y avait des actes équivalents au baiser du Coran comme vénérer le tombeau de Mahomet. Vous avez dit que pour constater l’hérésie formelle, il faut une sentence. Alors il n’y a aucun auteur que je connais qui dit qu’il faut une sentence, qu’il faut une monition. Il y en a au moins un, Vacant dans le DTC, qui dit explicitement qu’il ne faut pas de monition canonique.
 
Par ailleurs, vous avez parlé de l’acte premier et de l’acte second du pape. Si le pape est pape en acte premier, il est nécessairement assisté dans son action par le Saint-Esprit qui lui fait faire les choses selon son acte premier.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Quod est demonstrandum ?

Francesco Maria Paladino : Comment un pape peut ne pas faire dans son acte second ce qu’il est dans son acte premier puisqu’il est inspiré par le Saint-Esprit ?
 
Enfin, j’observe que l’on n’a presque pas parlé du modernisme. Je rappelle seulement ce que disait le père Calmel : « Le moderniste est quelqu’un qui comme les hérétiques nie toute révélation chrétienne. Mais, à la différence de ceux-là, il se dissimule. Ne l’oublions pas, le moderniste est un apostat doublé d’un traître. » Et moi je pense que l’on a affaire à des personnages-là [Applaudissements].

Maxence H. : Merci, Monsieur l’abbé. Merci à tout le monde. On va applaudir les intervenants. [Applaudissements]

Abbé Guillaume de Tanoüarn : Merci à Petrus d’avoir risqué son anonymat avec une telle désinvolture.

Maxence H. : Et donc nous vous invitons à poursuivre cette discussion dans le sous-sol autour d’un bon verre de vin. Il est tard et on ne peut pas accepter d’autres questions. Merci.

Fin du débat abbé Guillaume de Tanoüarn-Petrus sur le sédévacantisme.