SOURCE - Abbé de Tanoüarn - Petrus - etc - débat au centre St Paul - Transcrit et présenté par Petrus - 17 mai 2005
L’intégrale du débat Tanoüarn-Petrus
« Le sédévacantisme, un sujet tabou ? »
Mardi 17 mai 2005.
Centre Saint-Paul à Paris.
Voici pour les personnes
que cela intéresse l’intégrale du débat du mardi 17 mai 2005 au centre
Saint-Paul sur le sédévacantisme entre l’abbé de Tanoüarn et votre
serviteur. Nous avons rendu compte fidèlement de l’enregistrement par souci
d’honnêteté, d’où parfois des répétitions, des redites, des approximations,
des imprécisions, des maladresses ou des impropriétés de langage, des
anacoluthes, un caractère parfois décousu dont on voudra bien nous pardonner
mais il n’est pas d’autre solution si l’on veut retranscrire scrupuleusement
et intégralement ce que contient la bande magnétique. Et au moins cela a le
mérite de conserver au débat son caractère oral et vivant. Ne manque à ce
compte rendu exhaustif que le mot de bienvenue de l’abbé de Tanoüarn puisque
je n’ai malheureusement pas pensé à sortir assez vite mon appareil
enregistreur mais ces quelques mots initiaux n’avaient de toute façon pas de
lien direct avec le sujet traité ce mardi 17 mai 2005 au centre Saint-Paul.
Que Monsieur l’abbé veuille toutefois bien m’en excuser. J’ajoute que j’ai
rendu compte, le plus objectivement et le plus complètement possible, des
réactions de la salle, lorsqu’il y en avait, en les indiquant à chaque fois
entre crochets, qu’il s’agisse de rires, d’applaudissements, de bruits et
mouvements divers ou d’incidents de séance mettant en cause nommément des
tiers.
J’en profite pour remercier toutes les personnes qui sont venues assister à
ce débat, parfois d’ailleurs de très loin, en espérant qu’il les aura
intéressées, tout en ayant conscience qu’en deux heures on ne saurait faire
le tour de la question. J’espère, chers amis lecteurs qui n’avez pu assister
à ce débat que la lecture des débats ne vous sera pas trop fastidieuse même
si j’ai conscience que la retranscription par écrit fait perdre en vivacité
et en spontanéité.
Petrus.
Maxence H. :
Merci, Monsieur l’abbé, de ces quelques mots d’introduction qui résument
bien l’état d’esprit du centre Saint-Paul dont vous êtes le fondateur et qui
est un centre de réflexion pour tous les catholiques, où tous les
catholiques doivent se sentir chez eux.
Alors, comme vous l’avez dit, nous allons aborder un sujet qui est tabou.
Pourquoi est-il tabou ? Eh bien parce qu’il a des implications importantes,
des implications redoutables et donc en fonction des positions qui sont
adoptées sur ce sujet, il y a des conséquences. Et il est également tabou
parce que dans les faits c’est un sujet qui a été écarté d’une partie de la
tradition, enfin des catholiques qui se réclament de l’Eglise d’avant
Vatican II qui n’ont pas tellement réfléchi à ce sujet pendant de nombreuses
années. Et c’est la raison pour laquelle nous avons souhaité qu’un débat ait
lieu pour tout simplement démystifier cette question et voir quels sont les
fondements de ce problème.
Alors, nous avons réuni deux intervenants que je vous présente. Les deux ne
sont pas présentables d’ailleurs d’une part parce que tout le monde les
connaît mais une partie de l’assistance connaît peut-être l’un et l’autre
l’autre. Donc je vais faire des présentations croisées. Donc l’abbé de
Tanoüarn est un prêtre qui jusqu’il y a quelques mois était de la Fraternité
Saint-Pie X…
Abbé Guillaume de Tanoüarn : … qui l’est toujours au regard du droit !
Maxence H. : … qui l’est toujours au regard du droit et qui est
journaliste, qui a écrit plusieurs ouvrages et qui a été professeur de
philosophie pendant de longues années.
Petrus est un publiciste qui s’est fait connaître, spécialement sur le Forum
catholique, en défendant des positions, pas uniquement sur le sédévacantisme
d’ailleurs, mais sur beaucoup de questions concernant le catholicisme, sur
les sacrements, sur beaucoup de questions et qui s’est fait remarquer par sa
verve et sa logique. Et donc il nous a semblé être un bon champion de cette
question sédévacantiste qui nous préoccupe ce soir.
Donc je leur ai demandé, à l’un et à l’autre, de présenter leur position sur
le sédévacantisme. Parce que qu’est-ce que c’est que le sédévacantisme ?
C’est un terme très bizarre, très complexe et qui recouvre une réalité
multiforme et je crois savoir qu’au sein même du mouvement sédévacantiste –
d’ailleurs, existe-t-il ce mouvement sédévacantiste ? -, il y a plusieurs
positions qui sont prises et qui sont parfois en discussion vive. Et je
comprends que c’est un petit peu compliqué. Donc je vais peut-être demander
à notre ami Petrus de nous éclairer un petit peu sur le thème : qu’est-ce
que c’est que le sédévacantisme et qu’est-ce que ça recouvre ?
Petrus : Bien. D’abord je remercie les organisateurs, je remercie
Monsieur l’abbé de Tanoüarn, je remercie Maxence H. d’avoir bien voulu
organiser ce débat. Et d’abord avant d’entrer dans le vif du sujet, si j’ose
dire, il me paraît essentiel de dire un mot sur le libellé. Un sujet tabou ?
Alors, un sujet tabou, je réponds : oui ! Parce que moi-même et, je pense,
beaucoup d’amis qui sont sédévacantistes et qui sont dans la salle, donc à
droite, enfin je ne sais pas, en tout cas à droite de la Fraternité [Rires],
eh bien souvent, on se heurte effectivement à des réactions de gens qui, dès
qu’on prononce le mot, sont saisis d’une forme de peur panique. Je me
rappelle d’une dame, très aimable, qui allait m’offrir le thé et de la tarte
aux pommes et quand elle a compris que j’étais sédévacantiste, là j’ai vu
que son visage se crispait, se décomposait. Je me suis dit : « je vais la
prendre, la tarte, mais pas forcément celle à laquelle j’aspirais ! »
[Rires]
C’est dire qu’il y a un véritable tabou. Donc vous avez deux réactions en
général face au sédévacantisme : la peur panique : on n’en parle pas. C’est
un peu comme si on avait le sida. On le sent chez les gens qui vous
regardent avec une grande commisération. Et puis alors il y a une deuxième
réaction : les gens qui s’en fichent complètement. Que Jean-Paul II soit
pape ou pas pape, que Paul VI soit pape ou pas pape, comme disait un prêtre
: « pape ! Pas pape ! Parlez-nous plutôt de soupape ! » Voilà, c’est de la
dérision. Comme m’avait dit un jour une amie proche de la Fraternité : « Et
le pape, quand il éternue, est-ce qu’il est pape ? » Donc, voyez, tout cela
ne fait pas avancer le débat mais c’est quelque chose que j’ai souvent
rencontré et qui me paraît important à signaler. Le sédévacantisme est donc
bien un tabou pour beaucoup de gens. Il serait intéressant de s’interroger
pour savoir pourquoi cette question est taboue mais je n’entrerai pas dans
ces considérations-là pour ne pas faire perdre du temps. Mais l’attitude la
plus désespérante, me semble-t-il, et qui est hélas très répandue dans la
galaxie traditionaliste, ce sont les gens qui se moquent totalement de la
question de l’autorité, de la question du pape dans l’Eglise. Et c’est quand
même, je crois, extrêmement fâcheux.
Maintenant sur la question de la définition du sédévacantisme, je crois que
peu de sédévacantistes aiment ce mot en général. Parce que c’est un mot qui
n’a pas été formé par eux mais plutôt par des ennemis ou des adversaires ;
néanmoins il est assez commode et il est passé dans les mœurs donc
utilisons-le. D’aucuns considéreraient qu’il vaudrait mieux parler de
sédéoccupantisme puisque somme toute le siège de Pierre est occupé, mais par
un imposteur, un intrus pour les sédévacantistes complets, un pape
materialiter pour les tenants de la thèse de Cassiciacum, en tous les cas
pas par un vrai pape, un vrai successeur de Pierre. Et puis même, d’une
certaine manière, on peut considérer que la question du pape, pour
essentielle qu’elle soit, n’est pas suffisante car c’est l’ensemble de
l’Eglise qui est mise en cause et donc l’on pourrait parler plutôt d’éclipse
de l’Eglise, de disparition apparente de l’Eglise hiérarchique et
monarchique puisque ce n’est pas seulement de la question du pape, qui est
évidemment centrale, première, mais c’est l’ensemble de l’épiscopat et
au-delà de l’ensemble du clergé qui ont défailli publiquement de la foi
catholique.
Alors, avant d’entrer dans de vastes considérations intellectuelles et
doctrinales, il faut partir des faits. D’ailleurs, je dois dire qu’il y a
beaucoup plus de gens qualifiés que moi pour traiter de ce sujet-là. Je vois
ici beaucoup de clercs sédévacantistes ; il y a même des laïcs qui sont
beaucoup plus compétents mais puisque l’on m’a choisi je vais essayer de
faire au mieux. De toute façon, il s’avère également que je suis
journaliste. Et à ce sujet j’avais lu un livre Les Petits soldats du
journalisme : il faut faire dans le superficiel, ai-je lu, pour réussir dans
le métier ! [Rires]. Mais on va quand même essayer d’aller à l’essentiel.
Donc les faits. Quels sont-ils ? Je crois qu’on ne peut pas ne pas partir de
Vatican II, qui est finalement l’origine et la source de tout, et des
conséquences de Vatican II. Il est clair que d’après les sectateurs de
Vatican II eux-mêmes, il y a une véritable révolution, une véritable
subversion qui est arrivée avec Vatican II. C’est le père Congar qui dit qu’
« avec Vatican II l’Eglise a fait pacifiquement sa révolution d’Octobre »,
c’est le cardinal Suenens qui dit que « Vatican II, c’est 1789 dans
l’Eglise
», ce n’est quand même pas rien comme déclaration. Mgr Benelli parle de «
l’Eglise conciliaire », Paul VI de « l’Eglise du concile » et Paul VI va
encore plus loin en parlant de « nouvelle Pentecôte ». Mais quand on sait
que c’est la Pentecôte dans laquelle s’origine l’Eglise catholique, qu’elle
est la naissance officielle de l’Eglise catholique, parler de nouvelle
Pentecôte, si les mots ont un sens, c’est donc bien dire que Vatican II,
c’est la fondation d’une nouvelle Eglise, d’une autre Eglise. Et d’ailleurs
il me souvient qu’il y a eu un colloque récent de la Fraternité sacerdotale
Saint-Pie X – à l’époque, vous étiez encore à l’intérieur, il n’y avait pas
encore la scission entre les laguéro-tanoüarniens et les
cacquerayso-fellaysiens [Rires], débat dans lequel je n’entrerai pas ce soir
encore qu’il me passionne [Rires] mais tel n’est pas le sujet -, et donc
dans ce fameux débat sur les quarante ans de Vatican II qui était intitulé
de façon tout à fait intéressante « la religion de Vatican II », les
intervenants coruscants disaient à juste titre que Vatican II inaugure une
nouvelle religion.
D’où une première question : comment l’Eglise catholique, assistée par le
Saint-Esprit, qui est infaillible, qui est indéfectible, comment peut-elle
fonder une nouvelle religion ? Déjà, c’est une question en pure logique qui
n’est pas négligeable. Il sera donc intéressant de savoir dans ce débat
comment l’Eglise catholique peut fonder une nouvelle religion.
Il est évident que l’on a eu droit en quelques années à une révolution
totale sous forme de destruction qui a touché tous les domaines, qui a
touché l’ensemble des constitutions religieuses. Toutes ont été
bouleversées, y compris celle des Chartreux qui n’avait jamais été remaniée
depuis son fondateur saint Bruno, le rituel, le Bréviaire, l’ensemble des
sept sacrements dont bien sûr la messe, le code de droit canon, le
catéchisme. On a eu droit à un nouveau catéchisme, à une nouvelle messe, à
un nouveau rituel des sacrements, à un nouveau code de droit canon. Rien n’a
été laissé debout, pas même l’intérieur des églises puisque aussi bien l’on
a retourné l’autel. Ce n’était plus l’homme qui se tournait vers Dieu mais
Dieu ou plutôt le prêtre qui se tournait vers l’assemblée. On n’était plus
dans le cadre d’une messe hiérarchique mais d’une messe démocratique, la
messe de Luther selon Mgr Lefebvre, « la synaxe sacrée » selon l’article 7
du novus ordo missae de Paul VI. Les confessionnaux ont souvent été
transformés en placards en balais, les bancs de communion et la chaire
supprimés, le tabernacle souvent mis de côté. On a véritablement changé la
religion.
D’ailleurs, le sédévacantisme, ce n’est pas ou cela ne devrait pas être
d’abord une question d’intellectuels ou de docteurs en théologie. C’est
l’ensemble des fidèles avec leur catéchisme de base, le catéchisme de Saint
Pie X, le catéchisme tel qu’ils l’ont appris pendant leur enfance qui
peuvent comprendre que cette église n’est pas l’Eglise catholique. Parce que
Paul VI et Jean-Paul II, pour ne parler que d’eux, ont fait des choses qu’un
vrai pape ne peut pas faire. Le pape, ce n’est pas René Coty dans l’Eglise,
ce n’est pas un décorum. C’est la règle vivante de la foi, la source de
toute juridiction, le principe d’unité des catholiques. Ce n’est pas rien.
Quand je prends la définition de l’Eglise catholique du catéchisme de saint
Pie X, je lis : « L’Eglise catholique est la société ou la réunion de tous
les baptisés qui, vivant sur la terre, professent la même foi et la même loi
de Jésus-Christ, participent aux mêmes sacrements et obéissent aux pasteurs
légitimes, principalement au Pontife Romain. » Or il est bien évident que
tous les traditionalistes, quelles que soient leurs divergences doctrinales,
n’obéissent pas à celui que beaucoup, à tort selon moi, reconnaissent comme
le Pontife Romain. Car pour conserver la foi, pour conserver l’intégralité
des sacrements, la pureté doctrinale, l’intégrité morale, il est évident que
l’on est obligé d’être en marge et même, disons-le, d’être en opposition, en
rupture ouverte avec cette nouvelle église et avec celui qui la dirige.
C’est Mgr Lefebvre lui-même qui, le 2 septembre 1977, disait : « L’Eglise
conciliaire n’a pas la même foi, elle n’a pas les mêmes sacrements que
l’Eglise catholique ». Et comment oublier les déclarations de Mgr Lefebvre –
même si je conviens tout à fait qu’il n’était pas sédévacantiste, je ne
l’annexe pas au sédévacantisme -qui sont plus que troublantes ? Dans Le
Figaro du 4 août 1976, alors qu’on l’interroge sur Paul VI et qu’il vient de
subir une suspense a divinis, il déclare : « Comment un pape, vrai
successeur de Pierre, assuré de l’assistance du Saint-Esprit, peut-il
présider à la destruction de l’Eglise, la plus profonde et la plus étendue
de son histoire en l’espace de si peu de temps, ce que, ajoutait-il, aucun
hérésiarque n’a jamais réussi à faire ? »
Dix ans plus tard, lors des fêtes de Pâques à Ecône en 1986, alors que
Jean-Paul II s’apprêtait à faire Assise, Mgr Lefebvre déclare : « Nous nous
trouvons vraiment devant un dilemme grave, et excessivement grave qui, je
crois, n’a jamais existé dans l’Eglise : que celui qui est assis sur le
siège de Pierre participe à des cultes de faux dieux. » Et Mgr de Castro
Mayer ira encore plus loin puisque, la veille des sacres à Ecône, le 29 juin
1988, il dira : « Laissez le monde dire que ces consécrations sont faites en
désaccord avec la Tête visible de l’Eglise. Mais laissez-moi poser cette
question : où est la Tête visible de l’Eglise ? Pouvons-nous accepter comme
Tête visible de l’Eglise un évêque qui place des divinités païennes sur
l’autel à côté de Notre-Seigneur Jésus-Christ ? »
A ces questions, en pure logique, la réponse tombe d’elle-même.
Effectivement ces pontifes conciliaires ne peuvent pas être les vicaires du
Christ, l’église conciliaire ne peut pas être l’Eglise de Jésus-Christ.
Et Le Sel de la Terre, je ne sais s’il est ici en odeur de sainteté, mais la
revue des dominicains d’Avrillé en son numéro un du printemps 1992 disait
que l’église conciliaire n’avait pas les notes de l’Eglise catholique. Elle
n’est ni une, ni sainte, ni catholique, ni apostolique. Elle n’est pas une
parce qu’elle est œcuménique ou oecuméniste. Elle n’est pas sainte d’abord
parce que l’on a altéré tous les rituels des sacrements obstruant ainsi tous
les canaux de la grâce et aussi parce qu’elle n’enseigne plus la doctrine de
Jésus-Christ. Elle n’est pas apostolique puisqu’elle n’a plus la foi des
Apôtres. Et elle n’est pas catholique puisqu’elle rompt avec l’enseignement
bimillénaire de l’Eglise catholique.
Donc, même à travers un catéchisme élémentaire, en déclinant ce qu’est
l’Eglise, ce qu’est la sainteté de l’Eglise, parce qu’on dit souvent la
sainteté de l’Eglise, eh bien c’est simplement parce que Notre-Seigneur son
fondateur était saint. Si l’on reprend la définition complète du catéchisme
de saint Pie X, que dit le saint pape ? Il dit : « La véritable Eglise est
sainte parce que Jésus-Christ, son chef invisible, est saint, que beaucoup
de ses membres sont saints, que sa foi, sa loi, ses sacrements sont saints
et qu’en dehors d’elle il n’y a pas et il ne peut y avoir de véritable
sainteté. » Or, il est évident que la nouvelle messe ne sanctifie pas. Il
suffit d’y assister pour s’en convaincre. D’ailleurs, quand je vois parfois
des gens qui ont des doutes, je leurs dis : retournez in vivo, retournez en
direct, si j’ose dire, dans les offices conciliaires et vous verrez très
bien ce qu’il en est, sans compter toutes les hérésies et tous les scandales
dans les homélies, etc.
Cette église conciliaire n’est pas l’Eglise catholique. Elle n’en a pas les
notes. Elle n’en a pas l’enseignement. J’aborderai tout à l’heure la
question de Dignitatis humanae mais avant même d’entrer dans les textes, il
me semble qu’il y a une question de simple bon sens : lorsque Jean-Paul II
baise publiquement le Coran, comme il l’a fait le 14 mai 1999 au Vatican,
est-ce que vous pensez qu’un seul vrai pape jusqu’ à Pie XII inclusivement
aurait pu baiser le Coran ? Qui devant le crucifix en conscience peut
répondre autre chose que non à cette question–là ?
Autre question : est-ce que vous pensez qu’un seul martyr qui est mort dans
des souffrances atroces pour refuser de donner son grain d’encens aux
idoles, pour refuser de les saluer, aurait considéré que cet homme en blanc
qui faisait cette chose-là pouvait être la Tête visible de l’Eglise, la
source de toute juridiction, la règle prochaine et vivante de la foi, le
doux Christ sur la terre ? Est-ce que vraiment, lorsque l’on est honnête
intellectuellement, l’on peut répondre autrement que non à cette question ?
D’autant que ce n’est pas une exception chez Jean-Paul II dont les obsèques
ont donné lieu, comme vous l’avez constaté, à une forme inouïe d’unanimisme
soviétoïde puisque somme toute des juifs aux musulmans, des athées aux
différents croyants, de Cuba communiste jusqu’à l’Italie en passant par
Moscou, ça a été une forme de déluge médiatique considérable, le déluge des
pleureuses qui se mettaient à sangloter tel le gargouillis pathétique d’un
sanitaire libéré [Rires]. Alors qu’en réalité, quand on sait ce qu’est
Jean-Paul II et ce qu’il a fait, car non seulement il a baisé le Coran mais
il a reçu le signe de Shiva sur le front le 2 février 1986, il a participé
activement à un culte vaudou en 1993 disant que les adorateurs du dieu
Python avait la foi. Et comment ne pas évoquer ses différentes repentances
qui condamnent vingt siècles d’Eglise catholique, sa septuple repentance
devant un chandelier à sept branches le 12 mars 2000 au Vatican qui est une
négation de l’être historique de l’Eglise, un mépris pour tous les vrais
papes jusqu’à Pie XII inclusivement, qu’il s’agisse du fait qu’il ait visité
des mosquées, des synagogues, qu’il ait récité dans une synagogue des
psaumes qui exprimaient l’attente du Messie. C’est dire que les actes
scandaleux sont multiples. Et là ce n’est pas seulement de l’hérésie, c’est
carrément de l’apostasie à ce niveau-là. Il me semble donc que…
Maxence H. (à voix basse) : … Il vous reste cinq minutes.
Petrus : Comment ? Je vous prie de m’excuser. Je suis volubile, y
compris sur le Forum catholique et également en-dehors.
Bien. Donc là ce sont les faits sur lesquels je me suis peut-être un peu
trop attardé. Mais il est évident que l’Eglise, le catéchisme le dit, est
infaillible. Dans la doctrine qu’elle enseigne. Dans les vérités de foi.
Mais l’infaillibilité de l’Eglise va beaucoup plus loin. Il y a ce que l’on
appelle l’objet secondaire ou indirect de l’infaillibilité et qui concerne
notamment la promulgation de lois universelles, tant liturgiques que
doctrinales. C’est une certitude théologique. Or, il est évident que la
nouvelle messe a été promulguée par Paul VI, l’ensemble des rituels
sacramentels, ils ont été promulgués tout à fait régulièrement par Paul
VI.
Le code de droit canon le 25 janvier 1983 a été promulgué officiellement par
Jean-Paul II. Or, ce nouveau code de droit canon, comme le disaient Mgr
Lefebvre et Mgr de Castro Mayer dans leur manifeste épiscopal du 21 novembre
1983, « contient des erreurs pour ne pas dire des hérésies ». Puisque dans
ce code de droit canon il y a l’inversion des fins du mariage, la levée de
l’excommunication pour les francs-maçons, l’hospitalité eucharistique
c’est-à-dire la communicatio in sacris. Et puis il y a le cas du nouveau
catéchisme promulgué par Jean-Paul II en 1992.
Or, encore une fois, tous les auteurs disent et l’Eglise enseigne, c’est une
certitude théologique, que Notre Mère la Sainte Eglise ne peut évidemment
pas donner du poison à ses fidèles. C’est d’ailleurs du simple bon sens.
C’est le concile de Trente qui dit bien que : « Si quelqu’un dit que les
rites reçus et approuvés de l’Eglise catholique, en usage dans
l’administration solennelle des sacrements, peuvent être méprisés ou omis
sans péché au gré des ministres, qu’il soit anathème ». C’est Pie VI qui
condamne la proposition 78 du synode de Pistoie dans la bulle Auctorem Fidei
de 1794, les jansénistes ayant dit au synode de Pistoie que l’Eglise pouvait
donner une discipline nocive, dangereuse, mauvaise, pour les fidèles. Et Pie
VI répond très bien : « comme si l’Eglise, qui est régie par l’Esprit de
Dieu, pouvait constituer une discipline, non seulement inutile et trop
lourde à porter pour la liberté chrétienne, mais encore dangereuse, nuisible
et conduisant à la superstition et au matérialisme ».
Il n’était donc pas possible qu’un vrai pape pût promulguer le novus ordo
missae, l’ensemble des rituels des sacrements, le nouveau code de droit
canon. Parce que l’Eglise est infaillible et qu’elle ne peut pas donner du
poison à ses enfants. Elle ne peut donner que des sacrements saints, des
sacrements qui sanctifient et des lois universelles qui ne contiennent ni
erreur ni hérésie. C’est d’ailleurs du simple bon sens car, lorsque l’on
récite son acte de foi tous les matins et tous les soirs, « Mon Dieu, je
crois fermement toutes les vérités que vous avez révélées et que vous nous
enseignez par votre Eglise parce que vous ne pouvez ni vous tromper ni nous
tromper. » Et d’ailleurs le catéchisme de saint Pie X dit : « Est-ce que
l’Eglise peut se tromper? Non ! Est-ce que le pape est infaillible ? Oui !
Est-ce que l’Eglise est infaillible ? Oui. »
[A Maxence H.] J’ai encore deux minutes ? [Rires]. C’est terrible ! Je
vais donc, comme sur le FC, violer le règlement ! [Rires]. Non, je vais
terminer rapidement. Donc j’ai parlé des hérésies et apostasies de Jean-Paul
II, du fait que l’Eglise catholique, que le pape, s’il est vrai pape, ne
peut pas promulguer un rite qui soit dangereux et nocif pour la foi, un code
de droit canon qui contienne des erreurs et des hérésies, ou un catéchisme
qui contienne des erreurs ou des hérésies mais je dirais qu’il y a une forme
de preuve par neuf, si j’ose dire, c’est la question de l’obéissance au
pape.
C’est que souvent dans le milieu traditionaliste j’entends dire : il ne faut
obéir au pape que dans les cas où il est infaillible. D’abord l’on réduit
souvent l’infaillibilité à peu de choses puisque, comme je l’ai déjà dit, il
ne faut pas oublier l’objet secondaire ou indirect de l’infaillibilité qui
concerne donc la promulgation de lois universelles tant liturgiques que
disciplinaires, la canonisation des saints. Or, quand Jean-Paul II canonise
Escriva de Balaguer, fondateur de l’Opus Dei, défenseur de la liberté
religieuse, cela pose un grave problème car il est évident que tous les
auteurs disent que lorsque le pape canonise un saint, c’est infaillible.
C’est une certitude théologique. D’ailleurs, c’est logique. L’Eglise ne nous
ferait pas prier pour des gens qui sont en enfer ou dont on n’est pas sûr
qu’ils soient au Ciel. D’ailleurs, le culte des saints, c’est déjà une
profession de foi. Donc là aussi c’est une question de bon sens, me
semble-t-il.
Pour en revenir à la question de l’obéissance au pape, Boniface VIII dans la
bulle Unam sanctam du 18 novembre 1302 est très clair : « Nous déclarons,
disons, définissons et prononçons qu’il est absolument nécessaire au salut
pour toute créature humaine d’être soumise au Pontife romain ». Il y a
beaucoup d’autres citations que l’on pourrait faire : Vatican I qui, dans
Pastor aeternus, dit que « Les pasteurs de tous rites et de tous rangs,
ainsi que les fidèles, tant chacun séparément que tous ensemble, sont tenus
au devoir de subordination hiérarchique et de vraie obéissance au Pontife
romain, non seulement dans les questions qui concernent la foi et les mœurs,
mais aussi dans celles qui touchent à la discipline et au gouvernement de
l’Eglise répandue dans le monde entier ». C’est bien dire que si l’on est
obligé d’obéir au pape pour faire son salut, comme le dit Boniface VIII et
comme le disent tous les papes, se pose un grave problème car l’on est
obligé de désobéir à Paul VI, à Jean-Paul II et à Benoît XVI maintenant pour
garder la foi catholique dans toute son intégrité. D’ailleurs, qui dans
cette salle obéit à Jean-Paul II et à Benoît XVI aujourd’hui qui va des
messes qui ne sont pas autorisées, qui n’a pas la messe même que le « pape
», qui fait appel à des prêtres qui ne sont pas incardinés, etc. Enfin, il
faut regarder les choses telles qu’elles sont en face, me semble-t-il !
Donc, si l’on est obligé pour garder la foi de désobéir en matière grave, en
matière de foi, de mœurs, de discipline et de gouvernement au pape, c’est
bien la preuve qu’il n’est pas pape, si j’ose dire, par syllogisme.
Et puis, deuxième syllogisme, c’est le syllogisme par l’infaillibilité de
l’Eglise. L’Eglise est infaillible dans les vérités de foi qu’elle enseigne,
dans la morale qu’elle enseigne, dans les sacrements qu’elle dispense, dans
les lois universelles tant liturgiques que disciplinaires qu’elle promulgue.
Or, avec cette nouvelle église, on voit très bien que rien n’est infaillible
puisque ce que l’on nous propose est plein d’erreurs, plein d’hérésies. Cela
fait perdre la foi.
C’est un véritable poison. C’est donc bien la preuve que cette église
conciliaire n’est pas l’Eglise de Jésus-Christ. Alors, je répondrai peut-être après à la question de la visibilité et de
l’indéfectibilité de l’Eglise car sinon…
Maxence H. : Oui, je crois que là on va…[Rires]. Merci beaucoup pour
cet exposé extrêmement riche [Applaudissements] qui contient beaucoup
d’éléments de réflexion que nous allons réaborder tout à l’heure
certainement. Je passe maintenant la parole à monsieur l’abbé.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Merci. Je ne suis pas sûr de parvenir par les
mêmes moyens que vous, cher Petrus, à captiver cet auditoire…
Petrus : Je me bats avec mes armes !
Abbé Guillaume de Tanoüarn : … car vous avez des moyens rhétoriques tout à
fait hors du commun et que je tiens à saluer. Mais ce torrent rhétorique
tient, quand on y regarde un tout petit peu plus près, avec une certaine
distance, à des raisonnements extrêmement simples que je vais me permettre,
si vous voulez, de mettre sur la table pour que nous puissions tous en
juger.
Le premier de ces raisonnements, c’est : l’Eglise ne peut pas se tromper.
Or, elle s’est trompée. Donc elle n’est pas l’Eglise. Ou, ce n’est même pas
d’ailleurs votre conclusion, elle est une autre Eglise cette Eglise qui
s’est trompée. Et je crois qu’en disant cela, cher Petrus, vous manifestez,
sans le vouloir sans doute, votre croyance en la génération spontanée. Car
enfin une Eglise ne naît pas comme cela. Ce n’est pas parce que des actes
sont posés par la hiérarchie ecclésiastique qui nous paraissent
inacceptables que brutalement ceux qui les posent vont constituer une
nouvelle Eglise. Vous avez fait allusion au symposium que Maxence et moi
nous avions organisé, il y a déjà quelques années, et j’avais proposé au
cours de ces symposiums une approche, me semble-t-il, un peu plus subtile et
qui avait l’avantage surtout de ne pas reposer sur cette thèse controuvée de
la génération spontanée d’une nouvelle église et qui était que Vatican II,
le concile pastoral, reflétait dans l’ensemble de ces textes un message
cohérent que l’on pouvait formaliser comme une véritable nouvelle religion.
Et j’entendais par là une nouvelle relation entre Dieu et ses serviteurs.
Effectivement, je pense que cette nouvelle religion parasite le corps de
l’Eglise. Mais un parasite ne fait pas une Eglise. Je pense que c’est quand
même le premier problème, si vous voulez, de vos différents raisonnements
qui se cache derrière votre éloquence.
Le second me semble encore plus simple : vous nous dites, on ne peut pas
obéir à l’attitude de Jean-Paul II et par conséquent il n’est pas pape. Vous
voulez dire par là que toute autorité doit être obéie dans la mesure où elle
est l’autorité. Et vous mettez de côté ce thème tout à fait classique de la
théologie morale qui est le devoir de désobéissance. Les circonstances sont
telles d’ailleurs que ce devoir de désobéissance a une actualité tout à fait
concrète. Je me garderai bien quant à moi de l’oublier. Et je crois que la
tradition n’existerait tout simplement pas si ce devoir de désobéissance
n’avait pas été pris en compte par ses pères fondateurs en quelque sorte, si
vous voulez.
Donc je pense qu’effectivement il faudrait réfléchir sur les conditions dans
lesquelles on a le devoir d’obéir et dans lesquelles on a le devoir de
désobéir. Et ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain en disant : à partir du
moment où on a le devoir de désobéir, ce n’est plus l’autorité. Parce que
lorsqu’on dit, « ce n’est plus l’autorité », eh bien on fait disparaître
tout le corps social, et tout le corps social surnaturel en l’occurrence,
auquel on appartient. Et à partir d’une thèse sédévacantiste on aboutit à
une réalité ecclesiovacantiste. En mettant en cause l’autorité, au lieu
simplement de réfléchir sur le devoir de désobéissance, on se met hors
d’état de produire aucun pape et on crée le vide. Car la question n’est pas
tant de savoir si le pape est pape ou pas, la question est de savoir s’il
est licite, en tant que catholique, de dire qu’il n’y a plus de pape et de
prendre son parti de ce fait : il n’y a plus de pape, nous n’avons plus les
moyens d’en faire un autre de manière incontestable, c’est tout le problème
de ce que vous appelez, je crois, dans votre jargon les thèses conclavistes.
Comment faire pour remplacer finalement cette église d’imposteurs qui, par
génération spontanée, a pris la place de l’Eglise réelle et que vous
dénoncez, sinon en organisant un conclave ? [Incident de séance]
J’en viens donc, si vous voulez, à ce qui nous réunit véritablement. Non pas
cette thèse controuvée et basée sur des raisonnements simplistes. Mais un
vrai problème que vous avez fort bien décrit et je vous en remercie, et avec
quelle éloquence encore une fois, et qui est le problème de l’autorité dans
l’Eglise. Je pense qu’effectivement trop longtemps les traditionalistes se
sont voilés la face vis-à-vis de l’autorité et ils ont donné l’impression
d’agir comme des enfants désobéissants à qui, lorsqu’on faisait un reproche,
on avait l’impression qu’on les prenait en faute. Eh bien je crois au
contraire que le devoir de désobéissance est tout à fait moral et que
lorsqu’il y a devoir de désobéir et qu’on obéit, on, commet une faute
morale. Par conséquent, la faute morale n’est pas dans la désobéissance
matérielle mais au contraire dans le suivisme, dans la frilosité, dans la
lâcheté qui fait obéir. Il faut donc poser cette question de l’autorité et
je crois que là-dessus nous sommes absolument d’accord et qu’il est inutile
de revenir sur tous les faits que vous avez énoncés et qui effectivement
demandent une solution. Quelle peut être la solution ? Vous nous dites : «
C’est le bon sens ». Alors le bon sens repose déjà sur deux raisonnements
simplistes que je vous rappelle : le premier la génération spontanée d’une
Eglise et le deuxième l’oubli du devoir de désobéissance. Mais le bon sens
en fait n’est pas le bon sens. Il s’agit d’une thèse théologique qui a été
soutenue par toutes sortes de théologiens émérites et il faut pour en juger
se rendre dans l’histoire de la théologie et interroger ces théologiens et
voir effectivement dans quelle mesure papa haereticus est papa depositus,
dans quelle mesure un pape hérétique est un pape déposé, se poser le
problème.
Sur ce point, j’aurai une analyse qui est inspirée par Cajetan. D’abord,
parce que je le connais bien. Et ensuite parce que je crois que c’est
vraiment l’un des seuls théologiens qui ait une ecclésiologie fondée sur des
principes. Et qui ne se soit pas contenté ni du droit canonique, ni de la
théologie morale, ni de la théologie positive mais qui ait vraiment essayé
d’aller aux principes. Et je me rends immédiatement dans L’Apologie de
Cajetan qui propose de considérer que l’Eglise est tout entière fondée sur
le droit divin du pape. Le droit divin, nous Français, cela ne nous dit pas
grand-chose, sinon peut-être nous rappeler une idéologie monarchique qui en
valait bien une autre, je suis bien d’accord avec vous, qui était
certainement extrêmement respectable mais qui restait une idéologie. Car
formellement on ne peut pas dire que Louis XIV ait été un souverain de droit
divin. Il était comme tout souverain politique un souverain soumis au
consensus implicite de la multitude. Ce que l’on voulait dire par l’idée de
droit divin du roi, c’est que ce consensus de la multitude reposait en
France sur la foi catholique, ça c’est vrai ! Mais dès que ce consensus
reposant sur la foi catholique a disparu, eh bien, il n’a plus été question
de droit divin et il n’a plus été question très rapidement ensuite de
monarchie.
Alors j’essaye de vous expliquer ce qu’est le droit divin pour Cajetan. Le
droit divin, c’est un droit qui relève uniquement de Dieu et qui, par
conséquent, ne peut pas être fonction des circonstances, de l’attitude du
souverain ou des gestes qu’il aura posés ou qu’il n’aura pas posés. Au fond,
qu’est-ce qui fait un pape ? C’est son oui au Christ. Le pape dit oui au
Christ. Il est celui qui a dit oui et aucun homme ne peut remettre en cause
ce droit. Je pourrai vous citer Cajetan dans le texte : « Il est clair que
la communauté de l’Eglise considère selon sa nature propre qu’elle n’est pas
d’une telle nature qu’il lui revienne de pourvoir par elle-même à un prince
et qu’il ne lui revient pas par sa nature de punir, de déposer ou autres
choses semblables son prince. » J’ai traduit littéralement mais c’est la
forme de Cajetan. Donc le pape ne peut pas être déposé mais, dit Cajetan, il
y a des fois où il doit l’être. Papa non depositus sed deponendus est. Car
Cajetan n’est pas du tout de ceux qui pensent que le pape ne peut jamais se
tromper. Autrement dit il n’est pas tellement de votre chapelle, c’est vrai.
Pour Cajetan qui vit très proche des papes et de papes qui ne sont pas très
reluisants, Alexandre VI, Jules II, Léon X dont la grande idée était
l’œcuménisme humaniste avec Erasme, donc tous ces papes que Cajetan voit à
l’œuvre, qu’il juge, il ne leur accorde pas un placet a priori. Et il sait
bien qu’un pape peut être un mauvais pape et un tyran et d’autant plus de
tyran qu’il a plus de pouvoir note-t-il. Mais au moins se pose-t-il le
problème. Et, dit-il, dans certains cas, s’il y a vraiment évidence du bien
à faire pour toute l’Eglise un concile pourrait être réuni qui, après
plusieurs monitions, prononcerait, si c’est évident, si c’est clair, si
c’est pour le bien, la déposition du pape. Autrement dit il y a une toute
petite exception à la règle mais la règle s’exerce et, devant un mauvais
pape, dit Cajetan, le seul remède proportionné est la prière. Proportionné
parce que ce remède s’adresse à Dieu immédiatement qui est l’auteur
substantiel du droit du pape et l’auteur substantiel de l’Eglise qui procède
de la plénitude de pouvoir du pape, eh bien c’est Dieu que l’on prie.
Maintenant, vous me direz, il y a d’autres théologiens et là j’en veux
beaucoup à Xavier Arnaldo Da Silvera dans son livre La nouvelle messe. Qu’en
penser ? qui a commis des raccourcis tout à fait trompeurs sur la pensée de
différents théologiens. J’en prends deux : Bellarmin, nous dit Xavier
Arnaldo Da Silvera, est adepte de la thèse du papa depositus hereticus. Donc
il faut déposer un hérétique. Seulement Bellarmin, lu entièrement, ajoute
que de toute façon il est impossible qu’un pape soit hérétique. Autrement
dit il refuse la possibilité même de l’hérésie du pape. Par conséquent,
qu’il doive être déposé ou qu’il ne doive pas l’être, n’a finalement aucune
importance. Bellarmin est dans une hypothèse d’école qu’il ne voit pas comme
réalisée.
Autre exemple d’erreur de Da Silvera, c’est Bouix. Bouix qui nous dit, que
même si un pape était hérétique, Bouix lu dans le texte que je suis allé
lire, ce serait un plus grand mal de le déposer ce serait un plus grand mal
de le déposer, étant donné le désordre qui s’ensuivrait. Bouix a une vision
extrêmement romaine, politique, concrète du problème du pape hérétique.
Je termine donc en vous disant que la thèse selon laquelle un pape hérétique
doit être déposé est une thèse théologique abandonnée depuis le XVIe siècle
et qu’il ne faudrait pas l’adopter aujourd’hui comme la règle de notre
action, d’autant plus que cette thèse sédévacantiste est en réalité une
thèse qui produit l’ecclesiovacantisme, c’est-à-dire la disparition de
l’Eglise car lorsqu’on a fait disparaître la plénitude de pouvoir venue du
Christ, c’est-à-dire la source l’on fait aussi disparaître bien entendu le
fleuve qui tout naturellement devait suivre.
Il faut donc attendre et prier en sachant que l’obéissance n’est pas due aux
ordres ineptes et que l’obéissance n’est pas due aux ordres hérétiques.
[Applaudissements].
Maxence H. : Merci, Monsieur l’abbé, pour cet exposé très théologique.
Alors, peut-être avant de repasser la parole à Petrus pour qu’il nous donne
ses réactions face à cet exposé, moi qui ne suis qu’un fidèle de base, il y
a un point sur lequel j’aimerais vous entendre l’un et l’autre et qui me
paraît à la base sous-jacente de votre raisonnement. On parle de pape qu’il
faudrait déposer, de pape hérétique, est-ce que vous êtes d’accord l’un et
l’autre sur le fait qu’il y ait un hérésie formelle dans Vatican II ?
Petrus : Si je puis me permettre, si je pouvais avoir quelques minutes pour
répondre à l’exposé de l’abbé de Tanoüarn. Ne vous inquiétez pas, je
répondrai à votre question. Je ne fuis aucune question.
Maxence H. : Il faudra y répondre !
Petrus : Je prends point par point rapidement. Bon d’abord la question du
simplisme. Je prends acte de ce reproche. Mais le problème, c’est que
souvent j’entends dire tout et son contraire. Les sédévacantistes, on leur
dit, c’est trop simple, votre affaire, il est pape, il n’est pas pape, c’est
plus compliqué que ça. Il faut être d’un niveau intellectuel et mental d’une
faiblesse inouïe pour épouser de telles positions. Mais dès qu’on entre dans
le détail des explications, on nous dit : non, mais ça, vous comprenez, ça,
c’est pour des théologiens. Le fidèle de base, il ne peut pas comprendre
tout cela. Donc je dois dire qu’il y a là une contradiction qui n’implique
pas toujours forcément la bonne foi. Je ne dis pas que c’est votre cas
[Rires].
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Nous, on a invité les fidèles de base qui sont
venus en masse.
Petrus : Oui et c’est très bien. Donc c’était le premier point. Alors la
question de la génération spontanée, non ! Il est certain qu’à Vatican II
vous aviez une hiérarchie qui était catholique, du moins extérieurement. Il
est évident qu’ayant signé puis appliqué un concile, en fait un
conciliabule, -car il avait toutes les apparences d’un concile œcuménique
mais comme Paul VI n’était pas pape c’était donc un conciliabule contenant
des erreurs et des hérésies -, ces hiérarques qui étaient catholiques ont
apostasié. Ils ont défailli publiquement de la foi catholique. Mais je
rappelle que le canon 188-4 du code de 1917, pas le faux code de Wojtyla,
dit bien que « si un clerc défaillit publiquement de la foi catholique, tous
ses offices deviennent vacants par le fait même et sans aucune déclaration
officielle ». Alors je reconnais que Cajetan considère effectivement qu’il
faut une déclaration officielle d’un concile pour déposer un pape mais ce
n’est là qu’une opinion, d’ailleurs minoritaire. Vous avez parlé de
Bellarmin, ce que pour ma part j’en retiens c’est qu’il dit qu’un hérétique
n’étant pas membre de l’Eglise, il ne peut a fortiori en être la Tête et
que…
Abbé Guillaume de Tanoüarn : …Vous avez lu Bellarmin ?
Petrus : Partiellement. Je suis loin d’avoir tout lu. Je suis encore
dans le printemps de l’âge !
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui mais lisez-le complètement car Bellarmin
est un jésuite et pour un jésuite un pape ne peut pas être hérétique. Donc
il ne pourrait même pas être amené théoriquement à votre position [Second
incident de séance].
Petrus : Il y a des gens beaucoup plus qualifiés que moi qui vous répondront
tout à l’heure sur Bellarmin car j’avoue que je ne l’ai pas lu en totalité.
Je ne veux donc pas entrer dans cette controverse.
En revanche, je voudrais vous répondre quand vous dites que le
sédévacantisme met l’Eglise dans une situation inextricable. Mais la vraie
question n’est pas là. Le vrai drame, c’est avoir des antipapes, vous, vous
dites des papes, qui enseignent une doctrine hétérodoxe voire hérétique, qui
posent des actes publics absolument abominables, des actes qui conduisent
des millions d’âmes en enfer. Elle est là, la tragédie ! Car ce qu’il faut
bien voir, c’est que l’Eglise est un organisme surnaturel et ce que l’on
voit chaque jour depuis quatre décennies, depuis la mort de Pie XII, depuis
Vatican II, c’est un désastre total. Et un désastre, non seulement
relativement à la perte de la foi catholique, à l’effondrement des vocations
religieuses et sacerdotales mais un désastre qui s’étend également à
l’ensemble de la société. Car des gens plus âgés que moi me faisaient
remarquer, et sans forcément qu’ils fussent croyants, que c’est depuis 1960
que les vannes sont ouvertes et ce tout simplement à mon sens parce que l’on
n’a plus de pape. Ce sont Mgr Gaume et Mgr de Ségur qui expliquent bien que
le pouvoir des clés, le pape, c’est ce qui permet de tenir debout non
seulement bien sûr l’Eglise catholique mais même d’une certaine manière ce
qui permet que même des non-catholiques ou des non-pratiquants ne se
comportent au fond pas trop mal. J’observe que c’est depuis 1960 que l’on a
eu toutes les lois absolument abominables sur l’avortement, la
contraception, le déluge de la drogue, de la pornographie et d’une société
qui va véritablement à sa ruine. Je constate que toutes les lois de
destruction de la famille, de destruction de la société sont postérieures ou
concomitantes à Vatican II et aux années subséquentes. Ce qui est fort
troublant.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : On ne peut pas dire que post hoc et ergo
propter hoc. C’est quand même là un paralogisme très connu.
Petrus : Ce que je voudrais dire relativement au problème de désobéissance,
c’est que Vatican I enseigne infailliblement dans Pastor aeternus que « la
religion catholique a toujours été gardée sans tache auprès du Siège
apostolique, la doctrine catholique toujours professée dans sa sainteté »,
que « les saints docteurs orthodoxes savaient parfaitement que ce Siège de
Pierre demeurerait pur de toute erreur ». Ce qui rend définitivement
caduques, fausses et obsolètes toutes les positions gallicanes et
jansénistes qui disent que des papes ont erré dans la foi, que des papes se
sont trompés. Vatican I met un point final à toutes ces théories et c’est un
concile oecuménique et dogmatique qui s’impose à tous les catholiques. C’est
clair et cela répond à la question de la désobéissance au pape. Bien sûr,
que le pape soit infaillible, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas
commettre de péchés personnels, cela ne veut pas dire qu’il ne puisse pas se
damner, cela ne veut pas dire que dans sa vie privée il ne puisse pas
commettre d’erreurs. Que l’on ne nous fasse pas dire ce que l’on ne dit pas.
L’infaillibilité n’est pas l’impeccabilité mais il est évident que lorsque
le pape enseigne pour l’Eglise, il enseigne une doctrine qui est forcément
orthodoxe. Vatican I est très clair sur cette question.
Maintenant on peut discuter, et c’est une discussion de théologiens
passionnante, sur la question du pape hérétique. Faut-il le déposer ? Est-il
déposé par le fait même de l’hérésie ? De toute façon, en principe, personne
n’a le pouvoir de déposer un pape. On ne peut que constater le fait qu’il
est déposé, qu’il a perdu sa charge ou mieux qu’il ne l’a jamais eue
puisqu’il n’y a personne dans l’Eglise, pas même un concile général, qui est
au-dessus du pape, le conciliarisme ayant été condamné. La seule solution,
c’est de constater que le siège est vacant. On constate le fait. C’est un
procédé thomiste. Il faut partir du réel, il faut partir des faits. Est-ce
que cette église qui est une contre-Eglise enseigne la vérité, la doctrine
catholique ? Est-ce qu’elle dispense des sacrements catholiques ?
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Si je puis me permettre, vous constatez ce qui
est à prouver. C’est justement ce qui ne marche pas dans votre raisonnement.
Petrus : Qu’est-ce qui est à prouver ?
Abbé Guillaume de Tanoüarn : De la même manière que tout à l’heure vous nous
disiez post hoc égale propter hoc, la drogue, la pornographie, le concile
sont contemporains, donc c’est le concile qui a fait tout cela…
Petrus : Je dirais qu’il s’agit là d’un argument relativement secondaire…
Abbé Guillaume de Tanoüarn : … rhétorique, rhétorique. On peut dire :
rhétorique ?
Petrus : Non, je ne dirais pas rhétorique car il est quand même assez
frappant que c’est depuis les années soixante que l’on constate une
destruction de l’ensemble de la société, l’immigration massive, la drogue,
la prolifération des sectes et des mages, les suicides en masse, les
dépressions. Tous les chiffres concordent. J’ai interviewé des démographes,
des spécialistes. C’est dans toute l’Europe et dans toute l’Occident depuis
les années soixante. C’est peut-être un point de détail de l’histoire mais
disons qu’il a quand même son importance !
Revenons à l’essentiel : concernant le devoir de désobéissance, le problème,
c’est qu’en matière de foi, de mœurs, de discipline et de gouvernement, ce
n’est pas possible pour le pape. Puisqu’il faut lui obéir. Il y a un devoir
de vraie subordination hiérarchique, de vraie obéissance. Encore une fois le
pape n’est pas René Coty dans l’Eglise. Il est la source de toute
juridiction, le principe d’unité des catholiques et la Tête visible de
l’Eglise. Donc ce n’est quand même pas rien. Et Notre-Seigneur a promis à
Pierre l’assistance du Saint-Esprit. Il a dit à Pierre : « J’ai prié pour
que ta foi ne défaille pas. » Or, les prières du Christ sont évidemment
forcément exaucées. Et c’est la raison pour laquelle, lors des discussions
au moment de Vatican I, l’on considérait qu’on pouvait envisager dans
l’abstraction la possibilité d’un pape hérétique mais l’on pensait que très
probablement ce ne serait pas possible dans les faits, que le Bon Dieu ne le
permettrait pas.
Et il est vrai que ce que nous vivons depuis quarante ans, je le confesse
volontiers, est absolument inouï. Mais le problème, c’est que très souvent,
je crois que c’est la peur des conséquences, conséquences qui sont
terribles, qui sont effroyables, qui empêche les gens de poser le bon
diagnostic. Comme si un médecin pouvait soigner une maladie sans poser le
bon diagnostic. Comme cela fait peur de se dire que Paul VI et Jean-Paul II
ne sont pas papes, que le siège de Pierre est vacant, alors on…
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Mais j’ai quand même essayé tout à l’heure de
vous montrer que le diagnostic était imposable. Il n’est pas posable.
Petrus : C’est vous qui dites qu’il est imposable !
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, mais j’ai essayé de vous le prouver. Je
vous ai parlé du droit divin du pape. Ce sont des choses qui méritent
considération et je m’aperçois que vous n’y répondez pas du tout. Par
ailleurs, je me permets de faire encore intervenir Cajetan dans ce débat.
Cajetan distingue bien deux choses : il distingue la foi de Pierre et donc
Pierre comme personne qualifiée qui effectivement fonde l’Eglise. C’est la
foi de Pierre qui fonde l’Eglise. C’est tout à fait vrai ; vous avez raison.
Mais Cajetan ajoute : lorsque le Christ donne à Pierre les clés, « tibi dabo
claves caeli caelorum » : je te donnerai les clés du Royaume des cieux, là
le Christ s’adresse à Pierre en tant que nuda persona, comme dit Cajetan,
excusez ce jargon scolastique, en tant que personne nue quelle qu’elle soit,
personne pouvant errer, personne qui comme vous, comme moi, sont
susceptibles d’erreurs. Et les clés ont été données à une personne nue. Donc
autant le soutien de l’Eglise a été confié à la foi de Pierre « tu fonderas
mon Eglise, tu es cette Pierre parce que tu as reconnu ma divinité », c’est
tout à fait juste, autant les clés du royaume ont été données
inconditionnellement. Cela, c’est le mystère de la Providence et je crois
qu’il faut d’abord bien lire les quelques passages de l’Evangile qui nous
renseignent sur l’origine du pouvoir de Pierre, les lire vraiment à la
lettre et d’autre part adorer la Providence de Dieu et ne pas se précipiter
tel Gribouille pour prendre des décisions qui rendent la situation encore
pire qu’elle n’est. Car vous parlez de subversion de l’Eglise et vous avez
tout à fait raison, cette nouvelle religion conciliaire subvertit l’Eglise,
je le dis ici et je le dirai, je crois, jusqu’à mon dernier souffle, mais je
crois aussi que la position sédévacantiste, en tant qu’elle conduit à un
ecclesiovacantisme, est éminemment subversive. Car au fond il n’y a plus de
combat possible, hormis le combat pour avoir raison et ce n’est pas un
combat finalement très reluisant que ce combat-là.
Petrus : Un mot sur l’ecclesiovacantisme. Mais d’abord, j’ai l’impression
que vos distinctions sur Pierre, la foi de Pierre, le pape…
Abbé Guillaume de Tanoüarn : …ce ne sont pas les miennes.
Petrus : Non, mais enfin que vous reprenez, que vous faites vôtre, cela me
fait penser aux distinctions jansénistes entre le sedes et le sedens. Il
fallait obéir au sedes mais pas au sedens. Je trouve que l’argumentation est
assez voisine.
Sur l’ecclesiovacantisme, il est certain qu’il y a une défaillance publique
de la foi dans la quasi-totalité de la hiérarchie anciennement catholique.
Mais pas dans la totalité puisqu’il est fort possible qu’il y ait des
évêques de Pie XII, peu nombreux il est vrai, très âgés j’en conviens, qui
n’adhèrent pas du tout à Vatican II et à la nouvelle église. Il n’est pas à
exclure non plus que dans l’Eglise catholique chinoise clandestine, ou à
l’Est en Ukraine ou ailleurs il puisse y avoir des évêques qui aient
conservé la foi catholique.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Votre thèse est bien, là vous la dites
implicitement, votre thèse est bien est la destruction de l’Eglise qui, moi
personnellement, ne pourra jamais être la mienne. Je ne supporterai pas
qu’on dise que l’Eglise…
Petrus : La question n’est pas de supporter ou de ne pas supporter. La
question est de savoir si c’est vrai ou faux.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Je ne vois pas pourquoi vous empêchez un évêque
sacré aujourd’hui d’avoir la foi catholique et d’être un combattant de la
foi.
Petrus : Encore faut-il que les nouveaux sacres épiscopaux soient valides,
ce qui est encore un autre problème.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Je ne vois pas pourquoi vous considérez comme
un acquis définitif l’hérésie des papes qui est une question dont on doit
débattre, je vous le rappelle, et qui est en souffrance pour l’instant, dans
tous les sens du terme, alors que nous avons un nouveau pape et que nous
pouvons peut-être nous poser à nouveaux frais la question de son orthodoxie
ou de son hétérodoxie. Je suis toujours très frappé du fait que finalement
les sédévacantistes dans leur côté sombre – car il y a aussi des aspects
lumineux : la lucidité et le fait de poser la question de l’autorité qui est
la seule et vraie question – prennent une fois pour toutes leur parti d’une
sorte de destruction de l’Eglise et on va chercher des évêques dans l’Eglise
patriotique chinoise, ce qui est quand même fort de café.
Petrus : je n’ai pas parlé de l’Eglise patriotique chinoise, j’ai parlé de
l’Eglise clandestine. Mais ce n’est qu’une hypothèse.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : L’Eglise clandestine, elle est soumise à Rome,
vous savez, c’est pas forcément…
Petrus : … Je dis : c’est possible. Je n’en sais rien du tout. Mais quoi
qu’il en soit, la visibilité de l’Eglise, elle repose sur ses notes. La
visibilité de l’Eglise, ce n’est pas de voir Jean-Paul II à la télévision.
C’est plus compliqué que cela. La visibilité de l’Eglise, ce n’est pas le
visibilisme. Où était la visibilité de l’Eglise le jour de la Pentecôte ?
C’étaient les douze Apôtres au Cénacle. A l’heure actuelle la question de la
visibilité de l’Eglise pose un problème et d’ailleurs l’on peut essayer d’y
répondre de plusieurs façons. La thèse de Cassiciacum y répond d’une
manière, les sédévacantistes complets dont je suis d’une autre. C’est assez
normal. Nous sommes tous d’accord pour dire que nous n’avons plus affaire à
une véritable autorité, que les pontifes conciliaires ne peuvent être les
vicaires du Christ. Nous sommes des orphelins qui n’avons plus de père et
donc on essaye de cerner au mieux la situation et de survivre dans les moins
mauvaises conditions. Car il y a une forme de sauve-qui-peut général. Alors,
je sais bien, on me dit, vous me dites : « c’est une situation désespérée ».
Ce qui n’est pas vrai car l’espérance, il ne faut pas oublier qu’elle vise
le Ciel, que c’est une vertu surnaturelle.
Et puis, de toute façon, moi je ne suis pas Carrefour. « Avec Carrefour, je
positive » [Rires]. D’ailleurs, c’est surtout l’ancien PDG de Carrefour,
Daniel Bernard, qui peut positiver avec 38 millions d’euros d’indemnités.
Avec cette somme qu’est-ce qu’on pourrait faire comme centres de chapelles
non una cum pour concurrencer la Fraternité et casser son monopole
sacramentel ! [Rires]
Trêve de plaisanterie. Mais, que voulez-vous, moi, je ne suis pas là pour
positiver. Comme disait Bernanos, « l’optimisme, c’est l’espérance des
imbéciles ». Or, je constate que bien souvent on s’excite pour des
fariboles. Là par exemple je vois que depuis l’élection de Benoît XVI, parmi
les « tradis » autour de moi on s’enthousiasme, on s’excite, je leurs dis :
« Attention, vous allez vous péter une veine ! » C’est vrai, quoi,
l’excitation, c’est comme les moules pas fraîches, quand on en abuse, ça
fait mal au ventre ! [Rires]
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Ne vous excitez pas ! [Rires]
Petrus : Revenons-en à des choses claires car l’on peut se perdre dans des
conversations théologiques du plus grand intérêt, j’en conviens, mais il me
semble qu’il faut toujours en revenir aux faits, au réel. Or, je répète et
Mgr Lefebvre posait bien la question : on n’a jamais vu dans l’histoire de
l’Eglise un pape qui fasse Assise, qui baise le Coran, qui reçoive sur le
front le signe de Shiva, qui accueille triomphalement le B’nai B’rith au
Vatican en parlant de « rencontre entre frères », qui cède à tous les
ennemis de l’Eglise. D’ailleurs, tous les ennemis de l’Eglise étaient là le
jour de son enterrement, ce qui est assez révélateur. Donc c’est une réalité
aisément constatable tous les jours. Or, c’est le fait de dire : on ne peut
pas trancher, comme vous le dites, ainsi que beaucoup d’autres, j’en
conviens, qui…
Abbé Guillaume de Tanoüarn : … Moi je ne dis pas qu’on ne peut pas trancher.
Petrus : Vous dites, si on tranche, cela met l’Eglise dans une situation
inextricable. On ne peut pas vraiment savoir s’il est pape ou pas.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Ah non, non non, je n’ai pas dit ça !
Petrus : Ah non, eh bien alors c’est encore pire !
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Je dis qu’il est pape de droit divin et que ce
ne sont pas de petits hommes comme vous et moi qui pourront jamais prétendre
le contraire.
Petrus : Oui, ça, je connais l’argument de l’humilité. On me l’a souvent
fait.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Non, non, ce n’est pas de l’humilité. C’est du
droit.
Petrus : Le problème, c’est que Vatican I dit que les pouvoirs très
importants du pape ne lui ont pas été promis pour fonder une nouvelle
doctrine, une nouvelle religion mais pour garder fidèlement le dépôt de la
foi. C’est saint Paul qui dit dans sa seconde Epître à Timothée qu’« un
temps viendra où les hommes ne supporteront plus la sainte doctrine » (IV,3)
et à Galates : « Si jamais quelqu’un , fût-ce nous-même, fût-ce un ange venu
du ciel vous prêchait un évangile autre que celui que nous avons prêché,
qu’il soit anathème » (I,8). Or, vous avez très bien montré dans votre livre
Vatican II et l’Evangile que l’on avait affaire avec Vatican II à une
nouvelle religion, et je vous rejoins sur ce point.
Maxence H. : Est-ce que l’on a un consensus, là, pour dire que c’est
une nouvelle religion et qu’elle est hérétique.
Petrus : D’abord, vous parlez de consensus mais sachez que je ne suis pas
tradi-œcuménique. Je suis à la rigueur sédévaco-œcuménique mais pas
tradi-œcuménique.
Maxence H. : Je pose une question. Vous dites : tout cela est évident.
Il baise le Coran, il reçoit le signe de Shiva. Ce sont des faits mais
est-ce que c’est une hérésie ?
Petrus : C’est pire. C’est même de l’apostasie.
Maxence H. : Non, mais il y a peut-être des catholiques conciliaires
dans cette salle.
Petrus : Eh bien tant mieux. Je les salue.
Maxence H. : Et pour eux je ne crois pas que ce soit une hérésie de
baiser le Coran. C’est très très mal mais est-ce que c’est une hérésie ?
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Pour moi non plus, ce n’est pas une hérésie. Je
voudrais qu’on en vienne enfin à la question que vous avez posée à l’issue
de notre débat. Je crois qu’elle est effectivement très importante : y
a-t-il une hérésie formelle des papes conciliaires de Jean XXIII à Jean-Paul
II ? Eh bien, je crois que pour qu’il y ait une hérésie il faut une erreur
en matière de foi, premier point ; il faut qu’il y ait une pertinacité
sentenciellement constatée, second point ; et là le deuxième point, vous
aurez du mal à l’obtenir et troisièmement il faut une désertion de la foi en
la révélation chrétienne. Bon. Le troisième point est difficile à établir
car il relève vraiment du sujet. Lorsque Savonarole disait d’Alexandre VI :
« De toute façon, cette homme-là ne croit ni en Dieu ni en diable », c’est
un jugement qu’il posait sur Alexandre VI qui n’est pas absolument sans
fondement, nous parlons du pape Borgia, mais qui est néanmoins difficilement
vérifiable. Donc ce troisième point est peut-être à mettre de côté. Mais la
pertinacité sentenciellement constatée que demande Cajetan dans sa thèse du
papa deponendus, on ne l’a pas. Qu’il faille travailler éventuellement à
l’avoir avec les bons moyens, je pense que c’est effectivement ce qu’il faut
faire. Non pas faire appel au bon sens mais faire appel à l’étude et au
travail. Il faut beaucoup travailler.
Je crois donc pour résumer quant à moi ma propre position sur ce point que
nous avons constaté un certain nombre de déviances plus ou moins graves de
l’église conciliaire dans sa hiérarchie jusqu’en sa tête. Nous avons
constaté ensuite que ces déviances pouvaient en quelque sorte faire système
et j’ai proposé dans mon livre Vatican II et l’Evangile un décryptage de ce
système que j’ai appelé une nouvelle religion, la religion humaniste. Si
vous voulez, c’est le vieux rêve de toute façon qui a été même celui de
Joseph de Maistre à un moment d’ailleurs, c’est une sorte de christianisme
universel à la sauce humaniste que l’on nous ressert. Cette nouvelle
religion, bien entendu nous luttons contre. Est-ce que pour autant le pape
est formellement hérétique au sens précis que les théologiens entendent
lorsqu’ils parlent d’hérésie dans ces trois conditions que je vous ai
posées, personnellement, très résolument, je réponds non pour Paul VI et
Jean-Paul II. Car l’une des trois conditions n’est pas réalisée en tous cas.
Et pour Benoît XVI, je me demande pourquoi les sédévacantistes ne font pas
un effort d’inventaire et de lecture car enfin ce Benoît XVI est tout de
même intéressant. Dans Les Principes de la théologie catholique, il dit que,
pour que Vatican II porte un jour des fruits s’il doit un jour en porter, il
faut un inventaire du bon grain et de l’ivraie. C’est quand même pas mal un
pape qui nous dit que il y a dans Vatican II un bon grain et de l’ivraie. Je
crois encore une fois qu’on aurait tort de jeter le bébé avec l’eau du vin
et qu’il faut essayer d’avancer, autant que nous le pouvons, pour la gloire,
pour le rayonnement de la sainte Eglise romaine qui n’a pas donné naissance
par je ne sais quelle génération spontanée à une nouvelle Eglise.
Maxence H. : On peut demander à Petrus de réagir sur ces questions
d’hérésie.
Petrus : Je crois que la question centrale, il en est d’autres, c’est quand
même la question de la liberté religieuse. Or, c’est le père Congar
lui-même, créé cardinal par Jean-Paul II, qui disait : « on ne peut nier
qu’un tel texte (la déclaration Dignitatis humane personae) ne disent
matériellement autre chose que le Syllabus (de Pie IX) et même à pu près le
contraire des propositions 15, 77, 79 de ce document ». Or, dans Dignitatis
humanae, il est bien dit que la liberté religieuse a son fondement dans la
Révélation, ce qui est absolument contraire à l’enseignement de l’Eglise
catholique et cela pose un problème considérable parce que Vatican II est
considéré comme un concile œcuménique. Alors on peut considérer que c’est
soit du magistère extraordinaire, soit du magistère ordinaire universel,
tout le monde n’est pas d’accord là-dessus mais que ce soit l’un ou l’autre
les deux sont infaillibles. Paul VI a parlé lui-même de magistère suprême
ordinaire. Et si l’on considère que Paul VI est pape, un concile œcuménique
promulgué par le pape est forcément infaillible. Il ne peut enseigner ni
l’erreur ni l’hérésie. Or, dire que la liberté religieuse est fondée dans la
Révélation, ce qui est évidemment un mensonge absolu, est contradictoire
avec ce que l’Eglise catholique a enseigné pendant près de vingt siècles, et
singulièrement dans Quanta cura et dans le Syllabus. Donc voilà déjà une
hérésie manifeste, l’hérésie de la liberté religieuse, pour ne parler que de
Dignitatis humanae. Car il faudrait parler également du substitit in dans
Lumen Gentium et de toute une série d’autres documents.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Le subsistit in a été repris par le cardinal
Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, dans un
texte qui s’appelle Dominus Iesus et qui a fait beaucoup parler de lui. Et
il y a tout de même là un exemple extraordinaire de relecture du concile qui
ferait sans doute réfléchir un instituteur parce que lorsque le concile dit
: « L’Eglise de Dieu subsiste dans l’Eglise catholique », eh bien le
cardinal Ratzinger, avec toute son autorité de préfet de la Congrégation
pour la Doctrine de la Foi nous dit : cela veut dire : l’Eglise de Dieu est
par excellence l’Eglise catholique. Je crois que n’importe quel instituteur
lui dira que ce n’est pas cela. Mais que fait le cardinal Ratzinger ici ?
une relecture au forceps de Vatican II en essayant d’en droitiser le sens.
Il faut reconnaître cet effort en torturant la lettre.
Sur la question de la liberté religieuse, je vais peut-être dire des choses
qui vont faire sauter au plafond une partie de l’assistance, mais c’est bien
car il y a de l’ambiance. Je crois qu’il ne faut pas confondre la liberté
religieuse et la liberté de conscience et je crois qu’on les confond trop
facilement. Autant la liberté de conscience est un délit au sens où Grégoire
XVI a raison de dire que si on met la liberté avant la vérité, il n’y a
aucun christianisme possible et donc il y a une subversion à la base du
christianisme qui est l’origine de cette nouvelle religion dont j’ai parlé
dans mon livre et dont nous parlons en ce moment, autant la question de la
liberté religieuse, c’est une stratégie politique suicidaire, et je dis bien
suicidaire, mais ce n’est pas forcément un problème qui relève immédiatement
de la foi chrétienne. Ce problème relève de la foi chrétienne médiatement en
tant qu’il met en œuvre la liberté de conscience.
Petrus : Le problème, c’est que la liberté religieuse telle qu’elle a été
enseignée à Vatican II, elle amène à Assise, au baiser du Coran, au signe de
Shiva. L’interprète authentique et autorisé de Vatican II, ce sont les
pontifes conciliaires qui se sont succédé.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, mais il ne faut pas confondre liberté de
conscience et liberté religieuse. Et il faut savoir que sur le point de la
liberté de conscience, il y a aussi dans les discours de Benoît XVI des
avancées significatives.
Petrus : Ce que vous appelez des avancées, c’est le propre du moderniste qui
est capable de dire tout et son contraire. Comme le disait saint Pie X dans
Pascendi vous lisez une page vous croyez lire un catholique, vous tournez la
page c’est un rationaliste. Et vous savez très bien que dans un système
révolutionnaire vous avez toujours une aile gauche et une aile droite, aussi
mauvaises l’une que l’autre. Après la Convention, il y eut le Directoire.
C’est aussi mauvais l’un que l’autre. Bon, eh bien, vous avez effectivement
un certain nombre de pontifes conciliaires qui alternent des positions
apparemment conservatrices et des positions tout à fait modernistes.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Voyez, c’est là que c’est quand même utile de
dire que l’Eglise est de droit divin et pas de droit humain et de ne pas la
comparer avec le Directoire par exemple qui était quand même le règne des
pourris parmi les pourris dans l’histoire de France.
Petrus : C’est le cas de l’église conciliaire ! Il me semble que la
comparaison est pertinente.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Non. Je crois qu’il ne faut quand même pas
exagérer. Les muscadins et les merveilleux, ce n’est quand même pas tout à
fait ça !
Petrus : Mais la destruction de la foi catholique, la destruction des Etats
chrétiens, elle est directement impliquée par la liberté religieuse puisque
c’est Paul VI qui a exigé de l’Espagne de Franco en 1967 qu’elle renonçât à
sa Constitution catholique. Idem pour la Colombie en 1973 et pour l’Italie
en 1984 sous Jean-Paul II. Donc on a systématiquement détruit les Etats
chrétiens, les écoles chrétiennes. Quand on va dans une école dite
catholique, il n’y a aucune différence avec l’école publique, sinon
l’hypocrisie en plus. Les syndicats et partis chrétiens ont eux aussi été
tous détruits. C’est donc toute la destruction de la catholicité qui a été
opérée.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Moi, j’avoue que les partis chrétiens, cela ne
m’inspire pas beaucoup.
Petrus : Non, moi non plus, mais ils ont existé dans l’histoire.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : surtout quand ces partis sont démocrates.
Petrus : Oui, mais justement, Vatican II, c’est la démocratie en œuvre si
j’ose dire.
Maxence H. : Il y a beaucoup de réactions dans la salle et c’est une
très bonne chose. On va accueillir quelques questions. Je rappelle la règle
du jeu : ce sont des questions aux orateurs qui répondront. Première
question !
John Daly : Je me présente. Je suis Monsieur John Daly. Je suis Anglais. Je
voudrais d’abord m’excuser d’avoir essayé de vous interrompre à un moment,
Monsieur l’abbé, alors que ce n’était pas l’heure des questions. C’est parce
que j’étais momentanément excédé par ce que je prends pour une erreur de
fait là où vous parliez de Cajetan et de saint Robert Bellarmin. Et vous
avez reproché à notre ami Petrus, il me semble, de façon assez hargneuse, de
ne pas avoir lu intégralement le texte de saint Robert Bellarmin. Eh bien
moi je l’ai lu, de nombreuses fois, je suis en train de réaliser la
traduction intégrale en anglais de tout le texte de De Romano Pontifice de
saint Robert Bellarmin et la dernière fois que j’ai lu son texte sur le pape
hérétique, c’est il y a trois jours. Et je peux vous dire que saint Robert
parle de cinq opinions concernant l’hypothèse du pape hérétique. Et la
première opinion qu’il présente, c’est l’opinion selon laquelle le pape ne
pourra jamais devenir hérétique, même en tant que particulier, en tant que
personne privée. Qu’en dit saint Robert Bellarmin ? Il dit : cette
opinion-ci est une opinion pieuse et probable mais qui n’est pas un dogme de
notre foi. Et donc il est très intéressant de poursuivre et d’en parler.
C’est pourquoi il continue de s’étendre sur plusieurs pages pour discuter de
cela et pour présenter sa propre thèse qu’il présente sous forme d’une
réfutation détaillée de Cajetan et qui est la thèse : papa hereticus à
condition que les données soient manifestes, je vous l’accorde, ce n’est pas
que je veux couper court à l’argument pour savoir si nous sommes devant un
pape manifestement hérétique. Mais il dit qu’en ce cas il est depositus et
pas deponendus. Il est déjà déposé pour cette simple raison qu’un hérétique,
celui de qui il est clair que le magistère de l’Eglise catholique n’est pas
sa règle de foi, il n’est plus membre de l’Eglise catholique pour la raison
que vous avez eu tant raison de souligner car cela relève de l’Eglise
elle-même, de la constitution de l’Eglise, de la loi divine. Dieu a fait une
Eglise où il y a des conditions pour être membre. Il faut être baptisé, il
faut professer la foi. Un hérétique est celui qui a abandonné la règle de la
foi qui est le magistère de l’Eglise catholique. Cajetan est un grand
théologien que j’admire beaucoup mais saint Robert Bellarmin est plus égal
car lui est docteur de l’Eglise et il a été suivi dans son enseignement sur
ce point par deux autres docteurs de l’Eglise, saint Alphonse de Liguori et
saint François de Sales. Etant donné que la majorité des théologiens depuis
ont suivi cette position, je pense que quand vous dites : « c’est un
jésuite, de toute façon, pour lui c’est impossible qu’un pape soit hérétique
», vous ne représentez pas correctement la pensée ni l’importance de la
pensée de saint Robert Bellarmin qui a soulevé cette grande question pour
nous : sommes-nous devant un pape hérétique ? Car pour lui ce n’était pas
une chose pour laquelle on avait besoin d’une sentence ; c’était une chose
qui par la constitution de l’Eglise arrivait : s’il n’est plus catholique,
il n’est plus membre de l’Eglise. De plus forte raison, il n’est pas le chef
de l’Eglise.
Et vous avez mentionné ici une question : y a-t-il un exemple concret d’une
hérésie ? Et puis la question de la pertinacité qui est très bienvenue comme
question pour le particulier mais qui n’est pas d’à-propos quand on parle
des hérésies de l’église conciliaire. Parce que l’Eglise ne peut pas tomber
en hérésie, même sans pertinacité parce que l’Eglise est infaillible dans
ses doctrines, dans ses lois et dans sa liturgie. Et nous avons devant nous
de nos jours un tas d’hérésies.
Mais pour parler de Jean-Paul II, en tant que particulier, vous avez dit :
est-ce une hérésie de baiser le Coran ? Eh bien les théologiens disant que
l’hérésie peut s’exprimer soit par des paroles, soit par des gestes, soit
même en certains cas par des silences au cas où c’est une expression non
équivoque du fait que l’on n’accepte plus le magistère de l’Eglise
catholique comme règle de foi, je me permets de vous rappeler que saint
Thomas d’Aquin donne un exemple concret pour dire que l’on peut s’éloigner
de l’Eglise catholique, sortir de l’Eglise catholique par un acte et non pas
seulement par des paroles. Saint Thomas donne un exemple : l’exemple d’aller
vénérer le tombeau de Mahomet. Alors ma question, puisque je dois poser une
question, est la suivante : quelle différence faites-vous donc entre le fait
de vénérer le tombeau de Mahomet et le fait de baiser le Coran puisque pour
moi je n’en vois pas ? [Applaudissements]
Abbé Guillaume de Tanoüarn : J’avoue que je ne pensais pas me trouver ce
soir devant le traducteur de saint Robert Bellarmin [Rires et
applaudissements]. C’est très bien. Personnellement, tout docteur de l’Eglise qu’il soit, je pense qu’il ne va pas aux principes comme je vous
l’ai expliqué tout à l’heure, que ce n’est pas un dogmaticien au sens strict
et que son approche est, comme vous le disiez vous-même d’ailleurs, plus
strictement canonique que fondamentalement théologique. Et il me semble
qu’il y a là une carence que son titre de docteur de l’Eglise ne parvient
pas à faire oublier.
Cela dit, sur le fond finalement, vous me donnez à peu près raison puisque
vous expliquez que saint Robert Bellarmin, pour pouvoir soutenir sa
disputatio scolastique, dit : l’opinion est pieuse et probable qu’il est
impossible qu’un pape soit hérétique, mais enfin on peut peut-être un jour
l’envisager dans l’abstrait et donc je vais me livrer à cette discussion.
C’est bien ce que vous avez dit et là je crois que fondamentalement nous
sommes d’accord sur l’interprétation de saint Robert Bellarmin tout en
sachant que mon exposé n’était pas du tout bellarminien mais, comme vous
l’avez tous compris, cajetanien et pour les raisons que je viens de vous
dire. On pourrait sans doute discuter jusqu’à demain matin de saint Robert
Bellarmin mais je pense qu’il faut savoir en rester à l’essentiel et que
l’essentiel est là.
Par ailleurs, sur la question de l’hérésie, bien entendu, un geste peut être
hérétique mais un geste est susceptible de plusieurs interprétations alors
qu’une parole est évidemment immédiatement compréhensible pour peu en tous
les cas que l’on se donne la peine de la formuler clairement. S’il n’y a pas
d’hérésie formulée clairement dans tout le magistère conciliaire, ce n’est
pas pour rien. C’est que nous avons quand même affaire à des gens qui ont
travaillé -je ne sais pas encore une fois quelle est leur religion pour un
certain nombre d’entre eux -, et qui connaissent parfaitement leurs
classiques et ils ne vont pas se donner le ridicule de déraper formellement.
Par conséquent, un geste pose la question de la désertion de la foi en la
Révélation chrétienne, c’est-à-dire pose la question de l’hérésie subjective
qui est, je crois, une question en soi insoluble s’il n’y a pas des paroles
pour soutenir le geste. Donc, je vous remercie d’avoir insisté sur ce point,
car c’est vraiment un point très important, c’est le fondement du livre que
j’ai écrit. J’ai écrit Vatican II et l’Evangile à partir du moment où j’ai
eu l’idée que, au lieu de se poser à l’infini le problème de l’hérésie alors
que l’on n’a pas de textes véritablement ou formellement hérétiques, au sens
très précis et juridique que j’ai énoncé, c’est-à-dire avec la pertinacité
sentenciellement constatée. Au lieu donc de se poser ce problème insoluble,
il fallait constater, et là, cher Petrus, je vous rejoins, qu’effectivement
phénoménologiquement les manifestations religieuses en provenance des
dignitaires catholiques n’étaient plus les mêmes que les manifestations
religieuses des dignitaires catholiques de tout temps. Donc il y a
effectivement une déviation religieuse que, je crois, il ne faut pas se
presser d’interpréter en termes d’hérésies. On pourra peut-être le faire un
jour, en tous cas je n’en ai pas l’autorité et je ne me sens pas capable de
juger d’une personne et de sa désertion de la foi en la Révélation
chrétienne comme je viens de vous le dire, a fortiori cette personne étant
pape.
Maxence H. : D’autres questions ?
Un jeune homme dans la salle : J’ai écouté très attentivement les
démonstrations de Petrus. L’implicite de vos déclarations, c’est que tout
simplement Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a menti dans l’Evangile. Et
portae inferi non paraevalebunt adversus eam. Vous accusez, cher Monsieur,
la sainteté de Notre-Seigneur d’avoir menti. Je crois que sous couvert de
défendre la tradition d’un certain purisme en matière de foi il y a une
négation de la parole de Notre-Seigneur dans l’Evangile. En vous écoutant,
on se dit : franchement, si c’est comme cela, vous parliez tout à l’heure de
dieux hindous, allons adorer Krishna, au moins c’est marrant ! [Rire de
l’abbé de Tanoüarn] D’autre part, quand je vous entends brocarder celui que
vous appelez Wojtyla, je me permettrai de vous rappeler que l’homme que vous
chargez de tous les maux de la planète est le grand pourfendeur du
communisme ! [Bruits de désapprobation dans la salle]
Petrus : Je vous laisse la responsabilité de vos propos !
Le jeune homme : Concernant Escriva de Balaguer, sachez, cher Monsieur, que
vos déclarations le concernant sont totalement gratuites. L’Opus Dei est la
seule institution qui maintient encore en Espagne, on va dire, un vernis de
catholicité. [Applaudissements]
Petrus : Le mot vernis est bien choisi !
Maxence H. : Petrus ?
Petrus : C’est bien qu’il y ait un peu d’ambiance, qu’il y ait un peu de
sport. Bien. Quelle était la question déjà ? [Rire de l’abbé de Tanoüarn].
Ah oui, les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre l’Eglise ! C’est une
question évidemment essentielle. Je vous remercie de l’avoir posée comme
disait Edgar Faure. Je vais y répondre.
Notre-Seigneur dit aussi autre chose dans l’Evangile. Il dit : « Lorsque le
Fils de l’Homme viendra sur terre, trouvera-t-Il encore la foi » (Luc XVIII,
8). Ce qui pourrait apparaître comme une contradiction.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : C’est finalement peut-être qu’il faut tenir les
deux. La foi a peut-être disparu mais l’Eglise est toujours là. [Rires]
Philippe Bourcier de Carbon : Prévaloir, c’est valoir à la fin. Ce n’est pas
valoir. C’est avoir le dernier mot. C’est la véritable traduction. Il aurait
pu dire : « Les portes de l’Enfer ne vaudront pas sur toi. » Non, Il a dit :
« ne prévaudront pas », c’est-à-dire n’auront pas le dernier mot. Nous n’en
sommes pas encore à la fin.
Petrus : Il y a deux façons de répondre à cette question sur les portes de
l’Enfer. Il faut d’abord dire que considérer que l’église conciliaire depuis
quarante ans c’est l’Eglise catholique, c’est un blasphème contre la
sainteté de l’Eglise, contre Notre-Seigneur. C’est une abomination. Il me
semble donc que c’est plutôt dans la position dite lefebvriste qu’il y a un
blasphème contre la sainte Eglise. C’est le premier point.
Mais je répondrai deuxièmement que la visibilité de l’Eglise n’étant pas le
visibilisme, on peut penser, même si ce n’est qu’une opinion et non un dogme
de foi, que l’Eglise qui est le Corps mystique du Christ reproduit
analogiquement la vie du Christ. Et c’est Dom Gaspar Lefebvre qui,
s’appuyant sur saint Augustin, explique dans son Exposé historique du temps
après la Pentecôte dans le missel quotidien pour les fidèles que l’Eglise a
connu plusieurs âges. L’âge de l’accouchement qui correspond aux
persécutions sanglantes des trois premiers siècles. Et cela correspond,
dit-il, aux massacres des saints Innocents, à la fuite en Egypte et à l’Evangile de l’enfance. Et puis
l’Eglise constantinienne se construit, se
développe. C’est l’Eglise des cathédrales, des monastères, de la chrétienté
médiévale. Et cette période correspond aux années où Notre-Seigneur
croissait en âge et en sagesse auprès de la sainte Vierge et de saint Joseph
à Nazareth. C’est la vie cachée de Notre-Seigneur.
Et puis, dit Dom Gaspar Lefebvre, arrive le moment de la prédication de
Notre-Seigneur, de son baptême, des trois années de son ministère où il
choisit ses Apôtres, instruit les foules, jette les fondements de son
Eglise. Et cela correspond pour l’histoire de l’Eglise à la période qui va
du XVIe siècle au XXe. L’Eglise se trouve confrontée à un certain nombre
d’hérésies, au paganisme renaissant, à l’humanisme du XVIe siècle, au
jansénisme au XVIIe, au naturalisme philosophique au XVIIIe, au libéralisme
politique et philosophique au XIXe , le modernisme au XXe. Mais finalement
ce qu’elle perd en Europe, puisque le protestantisme lui fait perdre la
moitié de l’Europe, elle le garde grâce à ses conquêtes dans le nouveau
monde, en Inde, tandis que de nouvelles congrégations religieuses et
d’autres instituts enseignants voient le jour.
Et puis, et j’en viens au fait, il arrivera un moment, à la fin des temps,
dit-il, où l’Eglise semblera avoir été vaincue. Saint Augustin dit que « le
corps du Christ qui est l’Eglise, à l’instar du corps humain, fut d’abord
jeune, et voilà qu’à la fin du monde il aura une apparence de caducité ». De
même que le Christ a été mis au tombeau, de même que le Christ est
réellement mort, de même que le Christ a été enseveli, eh bien l’Eglise
militante, l’Eglise hiérarchique et monarchique apparaîtra comme avoir
disparu. En apparence en effet les puissances de l’Enfer auront prévalu.
Mais ce n’est évidemment qu’une défaite apparente et temporaire qui est là à
la fois comme une épreuve pour notre foi, un châtiment pour nos péchés et
pour ceux de nos pères car dans la crise actuelle il y a un véritable
châtiment car la perte de la foi ne date pas d’aujourd’hui, c’est évident.
Je pense que cette position, qui n’est pas de foi, j’en conviens tout à
fait, peut être un essai d’explication parmi d’autres. Ceux qui adhèrent à
la thèse de Cassiciacum ont d’autres positions qu’ils pourront peut-être
développer tout à l’heure. Mais je crois que l’idée qui consiste à dire que
l’Eglise reproduit la vie du Christ et que, d’une certaine manière, à un
moment donné, il puisse y avoir une forme de défaite temporaire et
apparente, comme le Christ a été mis au tombeau, est convaincante. Je crois
que nous vivons actuellement le Vendredi saint ou le Samedi saint de l’Eglise militante. Il faut avoir le sens du mystère. Et en tous cas cela me
paraît beaucoup plus satisfaisant de penser cela que de penser que l’église
conciliaire, avec toutes ses hérésies, ses trahisons, ses reniements, son
apostasie est l’Eglise catholique et que les pontifes conciliaires sont les
vicaires du Christ.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Mais en quoi ces deux positions sont-elles
incompatibles ? Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que si le
Christ est en agonie jusqu’à la fin du monde comme le dit Pascal, il est
clair que l’Eglise, son Epouse mystique, peut connaître des moments dans
lesquels elle aura été reconnue capable de le suivre jusqu’à cette extrémité
de l’agonie. Quant à la mort et à la résurrection de l’Eglise, là, je ne
sais pas, je n’irai peut-être pas jusque-là parce que là ça me paraît du
surnaturel et l’on n’a pas le droit d’anticiper. Mais en tout cas l’agonie
de l’Eglise, oui, pourquoi pas ? Mais en quoi c’est contraire au fait que le
pape soit pape et que les évêques sont évêques ?
Petrus : Eh bien parce qu’il faut qu’ils aient la foi catholique. Or,
manifestement ils n’ont pas la foi catholique.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Mais ça, c’est Jean Hus ! Si vous faites tenir
la dignité uniquement de l’impeccabilité…
Petrus : Ce n’est pas l’impeccabilité. Je vous ai justement dit que l’on ne
parlait pas d’impeccabilité mais d’infaillibilité et de foi. Mais enfin
voyons les choses concrètement, si c’est l’Eglise catholique, écoutez, vous
avez des enfants, est-ce que vous allez les mettre au curé du coin, au
catéchisme du coin, à la messe du coin ? Vous savez qu’il y a au moins neuf
chances sur dix qu’il y ait des hérésies, qu’il y ait des erreurs, des
scandales.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Sur ce point je voudrais intervenir dans votre
sens et dire qu’il y a un problème d’autorité, c’est vrai.
Petrus : C’est un problème de foi, pas simplement d’autorité !
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Mais bien sûr qu’il y a un problème de foi !
[Bref incident de séance] Le problème, c’est celui de l’autorité de
l’Eglise. Et je me souviens d’une discussion avec l’abbé Belmont il y a très
très longtemps où nous discutions de la thèse materialiter-formaliter qui est
une manière de répondre à cette question de l’autorité. C’est-à-dire :
est-ce que quand le pape pose des actes qui sont contraires à la religion
chrétienne il doit être suivi comme pape ? Il est évident que non. Alors
comment peut-on expliquer cela ? Eh bien, j’espère ne pas déformer votre
pensée et celle de Mgr Guérard des Lauriers pour les écrits duquel j’ai une
grande admiration mais je crois que cette thèse est tout de même
problématique parce que enfin dans un être surnaturel on ne peut pas
distinguer la matière et la forme. On peut distinguer la matière et la forme
dans un être artificiel, c’est-à-dire quand on construit une table ou un
banc, on a du bois d’un côté et on a le banc de l’autre. Mais dans l’être
surnaturel, il n’y a pas cette distinction possible. Le devenir pape n’est
pas à strictement parler un fieri qui partirait d’une matière pour arriver à
une forme. Je pense donc que la distinction materialiter-formaliter est
intéressante mais que l’on pourrait avantageusement la remplacer par la
distinction scolastique entre l’acte premier et l’acte second. Le pape est
pape en acte premier ; il l’est de droit divin comme j’ai essayé de vous
l’expliquer tout à l’heure mais en acte second, c’est-à-dire dans son
activité, dans sa pratique, dans l’exercice de son autorité, il ne l’est pas
forcément, à commencer d’ailleurs par tous les cas où il fait de la
politique, où il fait de l’humanitaire, où il fait du dialogue. Dans tout
cela, il n’agit pas comme pape, donc on n’a pas ni à lui obéir, ni à le
suivre bien entendu.
Abbé Hervé Belmont : Je vais répondre à votre question mais puisque Monsieur
Daly s’est présenté, je vais me présenter. Ici, je suis le doyen, le plus
ancien exclu de la Fraternité Saint-Pie X [Rires et applaudissements].
Monsieur l’abbé, je ne vais pas entrer dans le débat
materialiter-formaliter,
parce que d’abord c’est un débat qui se situe dans l’analogie. [La bande
magnétique de la première cassette audio s’étant achevée à ce moment-là, il
manque hélas une petite partie de l’intervention de l’abbé Belmont].
Après Vatican II nous avons commencé à réagir en disant : il y a des choses
qui sont contraires à la foi. On nous donne une liturgie qui n’est pas celle
de la foi, on nous donne un enseignement qui n’est pas celui de la foi, on
nous donne une religion qui n’est pas celle de la foi catholique et nous
avons refusé cela sans nous poser la question de savoir si celui qui nous le
disait était hérétique ou pas parce que vous disiez pour qu’il y ait une
personne hérétique il faut une erreur dans la foi et il faut la pertinacité,
et c’est tout à fait vrai, mais ce n’est pas vrai dans un texte qui est
censé venir du magistère de l’Eglise. L’erreur dans la foi suffit. Elle est
impossible. Et si elle est présente, il faut encore l’établir, mais si elle
est présente elle ne peut pas venir du magistère de l’Eglise. De même qu’un
rite protestant ne peut pas venir du magistère de l’Eglise et c’est le débat
que Monsieur Petrus a mené en disant : c’est d’abord une question dans
l’exercice de la foi. Je ne peux pas reconnaître, avec toute la meilleure
volonté du monde, que cela vient de l’Eglise, que cela vient de l’autorité
de l’Eglise, c’est impossible parce que l’Eglise elle-même m’enseigne le
contraire. C’est le premier débat qu’il y a eu. Il y a eu un deuxième débat
d’ordre théologique entre Cajetan, saint Robert Bellarmin, la nature de
l’hérésie. C’est un autre débat qui est tout à fait nécessaire qui vient
dans un second temps parce qu’il faut expliquer, qu’il faut justifier, qu’il
faut vérifier si l’on n’est pas en train de contredire la doctrine de
l’Eglise mais c’est un deuxième débat. Et je termine par une simple question
à laquelle vous allez me répondre non. Mais je vous donne mon impression :
j’ai l’impression que dans les deux débats vous avez perdu. [Rires].
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Qui ?
Abbé Hervé Belmont : Vous !
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Ah bien, merci ! [Rires]
Maxence H. : Chacun donnera sa réponse à cette question.
Abbé Hervé Belmont : Tant dans le débat théologique que dans le débat du
point de vue de la foi en donnant évidemment la priorité au débat de la foi
parce que personne n’est obligé d’être théologien mais tout le monde est
obligé de confesser la foi catholique et en adhérant à Jean-Paul II, Paul VI
et Benoît XVI dans la mesure où il prend la suite et qu’il y a une
présomption de continuité…
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Il ne faut pas être trop présomptueux parfois !
Abbé Hervé Belmont : … Et il continue à donner avec autorité ce que ses
prédécesseurs ont fait tant qu’il n’a pas rompu avec, eh bien dans ce débat
de la foi tout le monde est obligé de confesser la foi catholique. Ce que
nous donne l’église conciliaire, acceptez ou n’acceptez pas le mot, cela n’a
pas beaucoup d’importance, n’est pas de la foi catholique, ne peut pas venir
du magistère de l’Eglise, ne peut pas venir de l’autorité de l’Eglise et
donc dans l’exercice même de la foi, sans porter de jugement sur les
personnes, au moins dans un premier temps, je dis : non, il n’a pas
l’autorité. Demain, je ne célèbre pas la messe una cum Benoît XVI parce que
ce n’est pas sa messe, parce que ce n’est pas sa doctrine, parce que ce
n’est pas sa foi que je proclame dans la sainte messe. Voilà.
[Applaudissements].
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Cher Monsieur l’abbé, je vous remercie d’être
aussi enthousiaste de ma perte [Rires] puisque vous l’annoncez urbi et orbi.
J’avoue que personnellement j’ai eu l’impression, et c’est dommage, que le
débat théologique n’a pas eu lieu. J’ai été à peu près le seul à le mener
c’est peut-être pour cela d’ailleurs que j’ai perdu. En tous cas, j’en viens
à ce qui fait le cœur de votre raisonnement et c’est toujours le même cœur
finalement. On prend ses désirs pour des réalités. Il a perdu, je le dis et
le pape n’est pas pape, d’ailleurs je l’avais bien dit. Le cœur de votre
raisonnement est le suivant dans ce que vous venez de dire, je ne parle pas
d’autre chose : vous me dites : je ne peux pas reconnaître que cela vient de
l’Eglise et nous sommes tout à fait d’accord, personne ne le nie. Seulement
vous sous-entendez : cela vient donc d’une autre Eglise et d’un pape qui
n’est pas pape mais qui est autre chose et d’évêques qui ne sont pas évêques
mais qui sont autre chose. Génération spontanée ? Je ne vois pas !
Petrus : Mais c’est la conclusion nécessaire de la foi catholique de dire
que cette église n’est pas l’Eglise catholique !
Louis-Hubert Rémy : Je suis président des Amis du Christ Roi de France
(ACRF) et j’ai surtout un site qui est très lu sur Internet. [Rires].
Cherchez dans Google à Louis-Hubert Rémy et vous trouverez. [Rires] Et en
plus j’ai une lettre de diffusion qui paraît régulièrement.
On s’est lancé avec plusieurs amis sur le problème des sacres car on aurait
voulu que cela soit les clercs et les théologiens qui abordent ce problème.
Cela a été abordé dans le passé par l’abbé Mourreau, cela a été abordé plus
profondément par Coomaraswamy et nous avons relancé l’affaire parce que l’on
est devant une question nouvelle qui se présente. On est convaincu, nous,
que le nouveau rituel -et l’abbé Ricossa a écrit la même chose il y a
quelques semaines et on va le mettre sur Internet dimanche prochain – fait
que ces nouveaux évêques ne sont pas évêques comme les anglicans.
Maxence H. : Quelle est la question ?
Louis-Hubert Rémy : D’après vous, les évêques sacrés d’après le rite montinien sont-ils vraiment évêques ?
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Eh bien écoutez, je pense que l’épiscopat est
quelque chose de surnaturel et que l’on ne peut pas juger du surnaturel en
tant que personne privée parce que le surnaturel ne se constate pas. De même
que l’on ne peut pas constater des signes surnaturels de vocation ou
l’absence de ces signes surnaturels de vocation contrairement à ce
qu’enseigne un professeur d’ecclésiologie à Ecône, de même on ne peut pas
constater la validité ou l’invalidité de tel ou tel sacrement. Mais ce que
l’on peut dire, c’est que de toute façon l’Eglise n’est pas vacante. Il n’y
a pas d’ecclesiovacantisme. Si nous déclarons invalides tous les sacres
épiscopaux et toutes les ordinations épiscopales, comme l’on dit
aujourd’hui, eh bien effectivement on anéantit l’Eglise, on la perd. Et je
dirai que l’on fait le jeu de l’adversaire avec les meilleures intentions du
monde. C’est admirable de dénoncer la subversion comme vous le faites et
finalement avec cette pseudo-théorie de l’invalidité des sacrements de
réduire l’Eglise à rien. [Applaudissements]
Philippe Bourcier de Carbon : Je suis Philippe Bourcier de Carbon, je suis
démographe, donc je ne suis pas théologien mais je m’intéresse depuis très
longtemps à ces questions-là.
Est-ce que vous considérez que les évêques anglicans ont la plénitude de
l’ordre et ont les pouvoirs sacramentels vrais, c’est-à-dire par lesquels
passe la grâce de la Rédemption ? Pensez-vous que ces évêques anglicans ont
ces pouvoirs ?
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Moi j’admire votre manière de poser la question
: « pensez-vous que », etc, parce que je ne suis personne pour vous
répondre. Donc je n’ai pas compétence mais Léon XIII a dans un document
officiel de l’Eglise catholique déclaré la nullité des ordinations
anglicanes et je reconnais ce jugement autorisé du pontife romain. Et par
conséquent la réponse est très simple mais elle n’est pas la mienne.
Philippe Bourcier de Carbon : Ma question est à double détente [Rires].
Avez-vous étudié les rituels que Montini a imposés en 1968 pour ce qui
concerne le sacre des évêques conciliaires ? Les avez-vous étudiés, vous ?
Vous pourrez si vous vous référez aux textes les plus officiels, à la
version pontificale, observer la quasi-identité avec le rite presbytérien de
1967, c’est-à-dire un an avant, c’est-à-dire le rite anglican précisément.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, mais cela n’a rien à voir puisque les
anglicans ne sont pas validement prêtres. Sauf à s’être fait réordonnés, ce
qu’on fait un certain nombre d’entre eux. Vous êtes simplement en train de
prouver devant tout le monde, et je suis très content que vous le prouviez,
que vous êtes non seulement sédévacantiste mais farouchement
ecclesiovacantiste.
Philippe Bourcier de Carbon : Non, j’essaie de constater les faits !
Maxence H. : Ecoutez, nous traitons du sédévacantisme, nous ne
traitons pas des nouveaux sacrements. Cela fera peut-être l’objet d’un autre
débat un jour mais ce n’est pas le débat de ce soir.
Philippe Bourcier de Carbon : C’est les faits qui m’intéressent, moi, pas
les opinions !
Maxence H. : Il y avait une question dans le fond de la salle de
Monsieur là qui…
Un monsieur dans la salle : Moi, je n’ai pas été élevé dans la religion
catholique. Je voudrais y voir un peu plus clair. Et j’aurais voulu demander
à Monsieur l’abbé une seule question d’abord. Est-ce que pour vous, -je sais
que vous allez me dire : je suis personne, mais est-ce que pour la
Fraternité, je ne sais si vous êtes dedans ou si vous avez été mis dehors -,
l’Eglise qui est à Rome est l’Eglise catholique, oui ou non ? Je veux juste
un oui ou un non. Est-ce que l’Eglise qui est à Rome à l’heure actuelle dont
le chef est Benoît XVI est l’Eglise catholique ?
Abbé Guillaume de Tanoüarn : La question que vous posez est mal posée et
quand une question est mal posée, elle entraîne forcément une absence de
réponse. Non, le problème est de savoir si vraiment les erreurs des
différents dignitaires de l’Eglise catholique ont donné naissance à une
autre Eglise. Et là, parce que c’est la question que vous êtes en train de
poser, mais je la pose autrement pour lui donner la réponse qu’elle mérite.
Et là je dis carrément et clairement non comme je le dis à peu près depuis
le début. Là on est toujours sur le même terrain. Il n’y a pas de génération
spontanée d’une nouvelle église.
Philippe Bourcier de Carbon : Ce n’est pas une génération spontanée. On peut
expliquer la génération de tout cela !
Joseph Quillard : Joseph Quillard, 40 ans, fidèle de
Saint-Nicolas-du-Chardonnet, ami de l’abbé de Tanoüarn. J’ai des enfants,
donc j’essaie de leur donner le bon exemple. Quand je regarde le pape et que
je l’observe, je suis censé suivre a priori son exemple, or j’ai des enfants
et tous les enfants en général posent beaucoup de questions. Je suis un
fidèle on ne peut plus de base car je n’ai guère plus de formation que ma
foi du charbonnier, mon catéchisme et la question qui revient souvent :
c’est sur ce qui est visible. Or, les enfants, comme nous adultes, les
fidèles de base qui sont majoritaires, on se pose des questions sur ce que
l’on voit. Tout à l’heure on a parlé du Coran qui est baisé. Les enfants
posent beaucoup de questions de ce style-là.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : C’est la seule photo du pape que je possède !
Joseph Quillard : Et moi je pense que dans dix ans, dans quinze ans, si l’on
est par exemple probable martyr de l’islam et que l’on me met sous le nez le
Coran en me disant : « si tu baises le Coran, tu gardes la vie », est-ce que
je pourrai baiser le Coran en disant le pape l’a fait, donc je vais sauver
ma vie ? [Applaudissements]
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Alors, Joseph, vous posez de façon tout à fait
claire le problème de l’autorité que la tradition honteuse n’a pas posé
pendant des années et l’on a souffert beaucoup de ne pas avoir posé ce
problème et j’avoue que j’ai pensé au moment où il l’a fait que Mgr Guérard
des Lauriers était un véritable héros de l’esprit en le posant aussi
clairement.
Louis-Hubert Rémy : Je suis passé à Radio-Courtoisie avec Serge de Beketch
et l’abbé Celier qui a dit : « on fera ce débat ». Il y a déjà cinq ans. Il
n’a jamais été fait. Il a fallu attendre qu’il y ait une crise dans la
Fraternité pour qu’il y ait un débat.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : J’ai fait un débat avec l’abbé Paladino ici
présent et l’abbé Guépin ici présent sur Radio Courtoisie sur ce sujet.
Donc, moi, je n’ai jamais refusé le débat et je pense que si je l’organise
ce soir c’est donc bien la preuve que je ne l’ai pas refusé. S’il y a une
chose que vous ne pouvez pas me reprocher, Monsieur Rémy, c’est de refuser
le débat. J’aimerais vraiment que ce soir on puisse se dire qu’un vrai débat
a eu lieu, même si on ne peut pas tout dire bien entendu. Et donc, Joseph,
vous avez raison de poser ce problème car un père de famille doit être
irréprochable. Il ne l’est pas toujours.
Maxence H. : Alors, l’abbé Ricossa ? On n’admet plus que des questions
du clergé, je suis désolé. Monsieur l’abbé, si vous pouvez vous présenter ?
Abbé Francesco Ricossa : Je suis l’abbé Ricossa. Je suis aussi ancien de la
Fraternité. C’est une réunion de famille. [Rires et applaudissements]. Je
suis très heureux d’être ici même si je suis formellement d’accord avec
Monsieur B…
Petrus : Petrus ! Petrus ! Attention, ne me vendez pas ! [Rires]
Abbé
Francesco Ricossa : mais je ne suis pas en complet désaccord avec Monsieur
l’abbé de Tanoüarn, je suis d’accord sur certaines choses. Je voudrais dire
un mot sur lequel on pourrait être tous d’accord, non pas pour faire de
l’œcuménisme, même parmi les traditionalistes, car nous avons des positions
pour le moment qui ne se concilient point mais il me semble qu’il serait
bien avec tous ceux qui ont parlé de faire le point sur quelque chose sur
lequel on est d’accord, quitte à travailler mieux les points sur lesquels on
n’est pas d’accord et qui sont pour moi essentiels.
Vous avez dit que ni la nouvelle messe ni, je pense, le concile Vatican II
ne viennent de l’Eglise. C’est ce qu’a dit l’abbé Belmont. L’abbé Belmont a
dit : cela ne peut pas venir de l’Eglise.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, c’est ce qu’a dit l’abbé
Belmont, oui !
Abbé Francesco Ricossa : Et vous avez dit : je suis d’accord sur le fait que
cela ne vient pas de l’Eglise mais je n’en tire pas de conclusion en plus…
Abbé Guillaume de Tanoüarn : … sur le fait que cela viendrait d’une autre
Eglise.
Abbé Francesco Ricossa : Au moins cela est un point sur lequel, je pense, on
pourrait être tous d’accord. Le concile Vatican II, le magistère postérieur
de Jean-Paul II et Benoît XVI a dit qu’il continue Jean-Paul II, quitte à
voir s’il va changer, pour l’instant il faut se fier à ce qu’il a dit.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Il a dit beaucoup de choses, vous savez. Vous
l’avez lu un peu ?
Abbé Francesco Ricossa : Oui, je l’ai lu. Je lis tout ce qu’il écrit et j’ai
même lu ce qu’il a écrit quand il était à Tübingen.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, à Tübingen mais il a écrit depuis. Parce
qu’il n’a pas seulement dit : je continue Jean-Paul II. C’est un petit peu
restrictif de le réduire à cela.
Abbé Francesco Ricossa : Je me rappelle que l’abbé Tissier s’était posé
cette question lors d’une conférence à Ecône, il n’arrivait pas à sortir de
cette difficulté : est-ce que la nouvelle messe vient de l’Eglise ? Il me
semble que tout le monde parmi nous est d’accord pour dire que cela ne vient
pas de l’Eglise.
Une autre question sur laquelle on peut être d’accord, tous, nous sommes de
l’avis que les portes de l’Enfer ne prévaudront pas, que l’Eglise est
indéfectible et donc que l’Eglise, telle que Notre-Seigneur Jésus-Christ l’a
constituée et l’a voulue ne peut pas disparaître un seul moment jusqu’à la
fin du monde. Je pense que sur cela tout le monde est d’accord aussi. Alors
c’est déjà si difficile d’être d’accord sur deux points, je pense que ces
deux points qui ont été mis en relief, tantôt par l’un, tantôt par l’autre
sont quand même essentiels dans notre débat.
Et puis une question de théologie puisque vous avez parlé de Cajetan. Moi,
je ne suis pas la thèse de Cajetan ni celle de Bellarmin. Je pense que c’est
un faux problème, le problème du pape hérétique qui est intéressant car ce
débat ancien décrit une situation qui ressemble à celle d’aujourd’hui mais
ce n’est pas tout à fait celle d’aujourd’hui. Si on lit Cajetan, et comme
vous l’avez lu, vous avez dit que la distinction materialiter-formaliter ne
s’applique pas à un être surnaturel tel que l’Eglise. Mais justement le
premier qui a appliqué la distinction materialiter-formaliter à la papauté
est Cajetan, justement dans le livre que vous citez, et nous avons fait une
brève traduction du passage dans lequel il parle de cela. Donc je pense que
ce n’est pas exact mais ce serait peut-être aussi un point à travailler pour
voir là où Cajetan traite de cette question et voir si cette distinction
materialiter-formaliter ne pourrait pas concilier les deux points dont on a
parlé : c’est-à-dire d’une part ces erreurs ne viennent pas de l’Eglise et
d’autre part l’Eglise est indéfectible. Alors peut-être est-ce une solution
à ce problème. J’ai posé des questions pour une poursuite du problème.
J’aurais voulu parler de beaucoup d’autres questions capitales.
Monsieur Rémy vient de dire que j’ai parlé de la question des sacres dans le
dernier numéro de Sodalitium. Mon point de vue, c’est que tous les rites
liturgiques ne venant pas de l’Eglise ne sont pas garantis par l’Eglise.
C’est-à-dire que tout ce qui nous est donné par l’Eglise est garanti par
l’Eglise. Donc se poser la question de la licéité ou de la validité d’un
rite qui vient de l’Eglise n’a pas de sens. Si par contre on admet que la
nouvelle liturgie par exemple ne vient pas de l’Eglise, le problème se pose.
Vous dites bien que ce n’est pas au simple fidèle de résoudre le problème
mais du moins le doute se pose. Et dans la pratique le doute en matière de
sacrements veut que l’on suive la partie la plus sûre. Mais que l’on ne soit
pas certain de la validité des nouveaux rites des sacrements et donc des
sacres, que donc dans la pratique il faille les considérer comme s’ils
étaient nuls, cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de véritables évêques.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Ben si, cela veut dire. Il faut se mettre
devant les conséquences des principes que l’on pose !
Abbé Francesco Ricossa : Du point de vue de l’ordre, il y a tous les évêques
orientaux qui sont validement sacrés.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Donc il n’y a plus d’Eglise romaine.
Abbé Francesco Ricossa : Et aussi parce que dans L’Eglise il y a la
juridiction et l’ordre. Donc à mon avis c’est faire fausse route qu’arguer
du fait que parce que éventuellement on n’a pas le pouvoir d’ordre l’on ne
pourrait pas recevoir le pouvoir de juridiction. C’est ce que je dis dans
Sodalitium et je ne suis donc pas tout à fait certaines positions qui
prétendent conclure là où il me semble que l’on ne peut pas conclure.
Pour finir de scandaliser [Rires], je suis de votre avis sur un point au
moins , même si formellement je suis de l’avis de Monsieur B…
Petrus (strident) : Petrus ! Oh non ! Trop tard ! Le mal est fait ! [Rires]
Abbé Francesco Ricossa : C’est un pseudonyme !
Petrus : Je n’avais pas remarqué ! On n’est jamais trahi que par les siens !
Abbé Francesco Ricossa : L’église conciliaire existe bien mais en réalité,
pour le droit, elle n’existe pas. Quand Luther a quitté l’Eglise, il l’a
quittée visiblement, il a claqué la porte et il est sorti. Il a fait son
église à lui alors que cela n’est pas arrivé au moment de Vatican II. Donc à
mon avis on ne peut pas dite qu’il y a une église conciliaire et j’ajoute :
hélas ! Car s’il y en avait une, c’est qu’ils auraient dit clairement qu’ils
rompaient et qu’ils s’en allaient et même je pense qu’il faut souhaiter que
les méchants entre eux le fassent, qu’ils soient mis dehors ou bien qu’ils
s’en aillent.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Cela, ça n’ira pas sans douleurs !
Abbé Francesco Ricossa : Je pense que la question de l’Eglise conciliaire a
été une question présente dans tout le milieu à la suite des déclarations du
cardinal Benelli. Mgr Lefebvre en a parlé beaucoup et il en a même fait l’un
des arguments les plus importants de sa polémique. D’un certain point de
vue, c’est bien vrai puisqu’il y a une nouvelle messe, de nouveaux
sacrements, une nouvelle doctrine et tout est nouveau mais il leur manque
d’avoir juridiquement rompu les liens avec l’Eglise catholique et cela
quand même compte. Cela, c’est mon avis personnel. Je ne sais pas si j’ai
fini de confondre les idées aux gens.
Maxence H. : Monsieur l’abbé, un mot ?
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Je trouve admirable votre dernière expression :
« confondre les idées aux gens » parce que vous avez effectivement l’art de
confondre les idées. Et c’est un grand art. Je crois que vous êtes
extrêmement précis dans ce que vous dites et dans la confusion que vous
opérez parce qu’au fond la question de l’existence ou de l’inexistence de
l’église conciliaire n’est pas une question de droit. L’absence de droit,
oui, c’est l’absence d’une génération spontanée. Le problème, c’est que
quand vous dites : « le nouveau rite ne vient pas de l’Eglise catholique »,
je le dis aussi mais je ne le dis pas dans le même sens que vous. Car pour
vous, et c’est tout le problème de la polysémie du langage si l’on veut être
un peu pédant, il y a effectivement un peu synonymie. C’est-à-dire que pour
vous la non-Eglise est une réalité ; pour moi il n’y a pas de réalité de la
non-Eglise.
Abbé Francesco Ricossa : Justement je suis d’accord avec vous.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Alors on va peut-être avancer. S’il n’y a pas
de réalité de la non-Eglise et que vous en soyez d’accord, alors à ce
moment-là il s’agit bien de l’Eglise catholique.
Abbé Francesco Ricossa : Ah non, moi, je dis comme l’a dit l’abbé Belmont :
cela ne vient pas de l’autorité de l’Eglise.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Voilà. Il est là le sophisme.
Abbé Francesco Ricossa : Parce que quand on dit l’Eglise, on entend Eglise
hiérarchique. Donc cela ne vient pas de l’autorité de l’Eglise. Je ne dis
pas plus.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Là, on est d’accord et là on a précisé les
formules et je pense que l’on est d’accord.
Abbé Francesco Ricossa : Eh bien alors vous êtes pour la thèse ?
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Non, non, pas du tout. Je pense simplement que
quand l’Eglise veut nous obliger, nous prêtres, à dire la nouvelle messe,
cette obligation qu’elle nous fait n’est pas un acte de son autorité. Et je
ne suis pas pour autant pour la thèse materialiter-formaliter car je ne dis
pas que cet ensemble qui nous oblige à cela est un non-Eglise.
Abbé Francesco Ricossa : Ce n’est pas l’Eglise qui nous oblige à dire la
nouvelle messe ! Cela n’est pas possible.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : On est bien d’accord là-dessus. Mais cela ne
signifie pas pour autant que de cette négation vous puissiez tirer : c’est
un non-Eglise qui nous oblige. Là, il y a un paralogisme. Ce n’est pas
l’Eglise qui nous y oblige mais vous ne pouvez pas tirer de « ce n’est pas
l’Eglise qui nous y oblige », « c’est une non-Eglise qui nous y oblige
».C’est tout le problème. La négation ne porte pas sur les mêmes mots. Et
c’est là où vous avez un art remarquable et que, j’avoue, je salue de grand
cœur.
Abbé Francesco Ricossa : Mieux que Petrus dans la rhétorique ?
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Absolument.[Rires] Non, pas dans la rhétorique.
Mieux que Petrus dans une dialectique extrêmement fine pour appeler les
choses par leur nom.
Maxence H. : L’abbé Paladino ?
Abbé Francesco Maria Paladino : J’avais beaucoup de choses à dire. Je vais
essayer d’être bref. On n’a pas du tout parlé du complot. Vous avez parlé de
génération spontanée. Ce n’est pas du tout une génération spontanée. C’est
programmé depuis des siècles et Mgr Lefebvre a dit pour résumer que
Jean-Paul II est inspiré par le diable et qu’il est l’instrument de la
franc-maçonnerie. C’est textuel.
Second point, vous avez parlé de la soumission. On peut comprendre que dans
tel ou tel acte on désobéit au pape ou aux autorités. Mais il ne s’agit pas
ici de cela justement. Pour être dans l’Eglise catholique, il faut être dans
une paroisse, elle-même inscrite dans un diocèse qui est soumis au pape,
c’est-à-dire dans une structure pyramidale. Donc pour rester catholiques,
nous sommes obligés de rester en-dehors de cette structure de l’Eglise. Donc
la conclusion s’impose.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : La conclusion, c’est que c’est nous qui faisons
une nouvelle Eglise ?
Abbé Francesco Maria Paladino : Non.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Donc la conclusion ne s’impose pas si
clairement que cela.
Abbé Francesco Maria Paladino : Le problème, c’est que : ou bien c’est eux
l’Eglise, ou bien c’est nous.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : C’est un mauvais dilemme.
Philippe Bourcier de Carbon : C’est le principe de non-contradiction.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Oui, mais le principe de non-contradiction doit
être appliqué de manière fine. Ce n’est pas à vous que je l’apprendrai.
Abbé Francesco Maria Paladino : Une autre chose, vous avez dit que saint
Robert Bellarmin dit que c’est impossible qu’un pape soit hérétique. Il n’a
pas dit du tout cela. Je l’ai lu. Il a seulement dit que c’est peu probable
que Dieu permette une chose pareille. Ce n’est pas du tout la même chose.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Cela, on l’avait déjà dit.
Abbé Francesco Maria Paladino : Oui, c’est déjà dit. Mais Monsieur John Daly
avait parlé d’opinion pieuse. Mais saint Robert Bellarmin dit de lui-même,
quand il donne son opinion sur le pape hérétique, « il est peu probable
qu’un pape tombe dans l’hérésie ».
Et puis l’on a parlé de l’hérésie. Monsieur Daly a très bien dit, citant
saint Thomas, qu’il y avait des actes équivalents au baiser du Coran comme
vénérer le tombeau de Mahomet. Vous avez dit que pour constater l’hérésie
formelle, il faut une sentence. Alors il n’y a aucun auteur que je connais
qui dit qu’il faut une sentence, qu’il faut une monition. Il y en a au moins
un, Vacant dans le DTC, qui dit explicitement qu’il ne faut pas de monition
canonique.
Par ailleurs, vous avez parlé de l’acte premier et de l’acte second du pape.
Si le pape est pape en acte premier, il est nécessairement assisté dans son
action par le Saint-Esprit qui lui fait faire les choses selon son acte
premier.
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Quod est demonstrandum ?
Francesco Maria Paladino : Comment un pape peut ne pas faire dans son acte
second ce qu’il est dans son acte premier puisqu’il est inspiré par le
Saint-Esprit ?
Enfin, j’observe que l’on n’a presque pas parlé du modernisme. Je rappelle
seulement ce que disait le père Calmel : « Le moderniste est quelqu’un qui
comme les hérétiques nie toute révélation chrétienne. Mais, à la différence
de ceux-là, il se dissimule. Ne l’oublions pas, le moderniste est un apostat
doublé d’un traître. » Et moi je pense que l’on a affaire à des
personnages-là [Applaudissements].
Maxence H. : Merci, Monsieur l’abbé. Merci à tout le monde. On va
applaudir les intervenants. [Applaudissements]
Abbé Guillaume de Tanoüarn : Merci à Petrus d’avoir risqué son anonymat avec
une telle désinvolture.
Maxence H. : Et donc nous vous invitons à poursuivre cette discussion
dans le sous-sol autour d’un bon verre de vin. Il est tard et on ne peut pas
accepter d’autres questions. Merci.
Fin du débat abbé Guillaume de Tanoüarn-Petrus sur le sédévacantisme.